M. Michel Billout. Votre amalgame est douteux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce qui est encore plus curieux, c’est que vous vous sentiez obligé de voler au secours du président tchèque, Václav Klaus,…

M. Michel Billout. Mais non !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …en reprenant à votre compte la référence aux Allemands des Sudètes, ce qui ne manque pas d’étonner, pour qui connaît un tout petit peu l’histoire. (M. Michel Billout s’exclame.) Je vous laisse la responsabilité de reprendre à votre compte ce qui constitue le fonds de commerce d’une partie de la droite extrême allemande !

Enfin, M. Pierre Hérisson, que je remercie de son soutien au nom de la commission de l’économie, s’est interrogé sur la manière d’aider les collectivités territoriales à « entrer » dans l’économie verte. Pour ma part, je leur suggérerai de mieux utiliser les fonds structurels européens et les autres aides budgétaires que l’Europe peut accorder.

La France peut bénéficier chaque année d’au moins 1,5 milliard d’euros d’aides de la part de l’Union européenne ; aussi, il serait souhaitable que les collectivités territoriales veillent à déposer le plus grand nombre possible de dossiers de financement. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même travaillons actuellement à une politique beaucoup plus active visant à améliorer la consommation par les collectivités des crédits auxquels elles peuvent prétendre. À cette fin, Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, et Sophie Briard-Auconie, eurodéputé, ont été nommés parlementaires en mission. Nous attendons les conclusions de leur travail, qui vous seront soumises.

Au terme de cette séance qui fut fort intéressante, j’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir répondu de manière aussi complète que possible à l’ensemble de vos questions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

immigration

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’immigration.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été récemment installés à la vue de tous.

La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous venez d’expulser par charter trois Afghans vers un pays en guerre. Au regard de l’engagement militaire de la France en Afghanistan, ces expulsions sont incohérentes et votre ligne de défense par le droit ne saurait tout justifier.

Nous avons su faire preuve d’humanité dans le passé en trouvant une solution européenne de protection temporaire pour les Kosovars.

Les expulsions auxquelles vous avez procédé, contrairement à vos attentes, n’ont pas rencontré l’adhésion de nos concitoyens. Les Français n’aiment pas qu’on ajoute du malheur au malheur.

Devant cette indignation, vous annoncez un grand débat sur l’identité nationale. Est-ce le signe de convictions profondes ou d’arrière-pensées électoralistes ? Je ne tranche pas. Mais, de toute évidence, il s’agit, devant les problèmes quotidiens de ceux qui font la France, de faire diversion.

Le « zapping politique » fait office de stratégie gouvernementale, surtout lorsque ce gouvernement est en difficulté. Vous affirmez que ces Afghans ont été renvoyés dans des zones sécurisées. Or je constate que, pour le ministère des affaires étrangères, aucune zone n’est sûre et que, sur son site, il est déconseillé aux Français de se rendre en Afghanistan. Ce qui vaut pour les Français ne vaudrait-il pas pour les Afghans ? Non seulement vous contredisez le ministère des affaires étrangères, mais vos services se substituent au Haut Commissariat pour les réfugiés qui, lui, a renoncé à établir une cartographie sécuritaire de l’Afghanistan selon les zones tant l’instabilité est forte dans ce pays.

La France va-t-elle, pour satisfaire les Britanniques, opérer un tri sélectif d’êtres humains en fonction de leur provenance de zones que vos services qualifient de sûres ? En quoi vos services sont-ils habilités à définir les zones sûres et celles qui ne le sont pas en Afghanistan et de quels moyens disposent-ils pour le décider ?

Monsieur le ministre, j’espère sincèrement qu’il n’arrivera rien aux personnes qui ont été reconduites à la frontière, pour elles, d’abord, pour notre conscience collective, ensuite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la sénatrice, je ne répondrai qu’au volet de votre question relatif à l’Afghanistan. Je reviendrai sur l’identité nationale si une autre question m’est posée à ce sujet.

Pour ce qui concerne les retours forcés en Afghanistan, la situation est simple.

D’abord, en matière d’asile, la France est, sinon le pays le plus généreux au monde, du moins le second après les États-Unis.

M. Bernard Piras. C’est faux !

M. Éric Besson, ministre. Nous sommes le pays le plus généreux en Europe !

Mme Nicole Bonnefoy. C’est du passé !

M. Éric Besson, ministre. Si les demandes d’asile augmentent, les octrois d’asile progressent également de manière importante. La France n’a donc pas de leçons de générosité à recevoir sur ce sujet !

Par ailleurs, les filières criminelles et mafieuses de l’immigration clandestine sont un fléau qui menace le monde, et l’Europe en particulier. Ces filières très structurées, très professionnalisées, font payer très cher – et pas seulement aux Afghans – la possibilité de venir jusqu’à Calais pour essayer de passer au Royaume-Uni.

J’ajoute que de nombreux autres pays procèdent à des reconduites à la frontière. C’est le cas de la Suède, du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas ou encore de l’Italie, et cette liste n’est pas exhaustive. Sauf à décider de devenir la cible privilégiée des passeurs, la France ne peut donc pas s’isoler dans un refus de procéder à des reconduites à la frontière.

Avant de décider de reconduire trois personnes à la frontière afghane, nous avons vérifié plusieurs points.

Premièrement, que leur demande d’asile avait été rejetée. Ces trois personnes avaient effectivement été déboutées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, par une juridiction civile, par une juridiction administrative et par la Cour européenne des droits de l’homme.

Deuxièmement, qu’elles avaient refusé un retour volontaire, que 180 autres Afghans ont, pour leur part, accepté depuis le début de l’année.

Troisièmement, qu’elles allaient retourner dans les zones les moins insécurisées ou les plus sûres, c’est-à-dire dans un périmètre de 200 kilomètres autour de Kaboul.

Voilà, madame la sénatrice, comment nous avons agi. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Daniel Raoul. C’est immoral !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, vous avez sans doute été surpris par le mauvais accueil que cette vilaine opération a eu dans l’opinion publique, une large majorité des Français ayant indiqué qu’elle y était tout à fait opposée.

Vous avez alors « botté en touche », comme on dit au rugby, et vous avez annoncé un grand débat sur l’identité nationale. Vous considérez sans doute qu’il s’agit d’une bonne petite opération politique parce que cela devrait gêner la gauche.

Monsieur le ministre, je vous réponds en toute tranquillité que nous ne sommes absolument pas gênés par ce débat. Vous n’avez pas le monopole de la fierté nationale !

M. Éric Besson, ministre. Tant mieux !

M. Richard Yung. Si ce débat permet d’évoquer les valeurs qui sont les nôtres, de sensibiliser les jeunes – en dépit de la suppression de 16 000 postes d’enseignants, dont la moitié en histoire –, bref, si ce débat permet de progresser, nous serons avec vous.

En revanche, si ce débat vise à fermer la France, à caresser dans le sens du poil la bête jamais endormie…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Yung. Vous disposez d’une minute : c’est le règlement !

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, si, par ce débat, c’est le nationalisme que vous chercherez à mettre en avant, alors, nous ne serons pas avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, le 22 septembre dernier, vous avez détruit les abris de fortune des migrants qui étaient installés à Calais, sur un site appelé « la jungle », et vous vous êtes empressé d’annoncer, avec le Royaume-Uni, l’organisation de retours forcés vers l’Afghanistan, ce pays en guerre qu’ils avaient fui.

Il semble que vous soyez le seul à ignorer que l’Afghanistan est un pays où la sécurité n’est pas assurée !

Je le dis avec force : ces retours sont indignes de notre pays et de ses valeurs, indignes de l’Europe. Je constate d’ailleurs qu’une bonne partie de l’opinion publique y est hostile.

La situation appelle, au contraire, des solutions humaines et durables, notamment en termes d’accès effectif au droit d’asile et de mise en place de structures d’hébergement offrant des conditions d’accueil conformes à la dignité des personnes.

Permettez-moi, à l’occasion de cette séance, de me faire le relais de l’appel européen lancé par France Terre d’asile, qui a déjà recueilli de très nombreuses signatures et dont l’objet est de demander aux États membres de l’Union européenne « la suspension temporaire des renvois forcés vers l’Afghanistan tant que règnent, dans ce pays, le chaos et l’insécurité généralisée, [et] la recherche de solutions immédiates de protection sans porter préjudice à la possibilité de demander l’asile ».

Votre politique est dangereuse, contre-productive, inhumaine, coûteuse et purement idéologique.

À cet égard, le fait de lancer, à la veille des élections régionales, un grand débat sur les valeurs de l’identité nationale masque mal l’échec de la politique du Gouvernement en matière économique et sociale.

J’ajoute qu’un tel débat a des connotations pétainistes (Protestations sur les travées de lUMP.) en ce qu’il prête à faire le tri entre ceux qui seraient de « bons Français » et ceux qui ne le seraient pas, selon une attitude qui bafoue les valeurs les plus fondamentales de notre République.

Ne considérez-vous pas que, en ces temps de crise économique, plutôt que d’exacerber les nationalismes, notamment pour flatter l’électorat d’extrême droite, la France et l’Europe auraient tout intérêt à changer de politique en matière d’asile et à instaurer un régime d’asile européen commun plus protecteur et solidaire entre les États membres et le reste du monde ?

Monsieur le ministre, allez-vous contribuer à la suspension de l’application du règlement de Dublin II ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Madame la sénatrice, « la jungle » est le nom que les migrants donnaient à un site où régnaient le racket, la violence et l’exploitation.

Je tiens à rappeler que tous les mineurs étrangers isolés – la France se distingue par le fait qu’elle ne reconduit jamais des mineurs étrangers isolés à la frontière – se sont vu proposer une solution d’hébergement dans des centres spécialisés, où ils ont été nourris et logés, c’est l’évidence, mais où, de plus, on leur apprend le français, on les aide à bâtir un projet professionnel. Nous n’avons pas à rougir de ce que nous avons fait.

Quant aux résultats, ils sont clairs. Voilà quelques mois, le Calaisis et la côte accueillaient à peu près 1 500 migrants en situation irrégulière. Selon les estimations des services de police et des associations, ils seraient aujourd’hui entre 150 et 200. De ce point de vue, l’opération qui a été menée a donc été un succès. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Nous avons scrupuleusement respecté les accords que nous avons passés avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Les critères auxquels j’ai fait référence dans ma réponse à Mme Khiari sont ceux que nous demande de respecter le HCR. N’ayez donc pas d’inquiétudes de ce point de vue.

J’entends votre demande de moratoire. Mais pourquoi le limitez-vous à l’Afghanistan ? Aujourd’hui, on compte plus de vingt pays en guerre à travers le monde. Est-ce que la Guinée Conakry, le Nigéria, le Pakistan méritent moins d’attention ?

M. Éric Besson, ministre. Voulez-vous dire qu’une personne qui entrerait illégalement sur notre territoire et dont la demande d’asile serait rejetée aurait systématiquement le droit de rester en France pour la seule raison qu’il vient d’un pays en guerre ? Si vous dites cela, vous dites que la France est prête à accueillir des dizaines de millions d’étrangers ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas les seuls pourvoyeurs d’asile !

M. Éric Besson, ministre. La France et l’Europe ! Cela ne me paraît raisonnable.

Enfin, la référence à 1940 et à Pétain est indigne, mais je comprends que le parti communiste n’ait pas totalement réglé cette question…

M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont vos propos qui sont indignes !

M. Daniel Raoul. C’est immoral !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la réplique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas appropriée, c’est le moins que l’on puisse dire.

En effet, si l’on fait le lien avec le débat que vous avez si « opportunément » lancé sur les valeurs de l’identité nationale, je ne saurais dire mieux que vous, en 2006, qui définissiez alors ainsi la stratégie du candidat Nicolas Sarkozy : « Trouver des boucs émissaires qui lui permettent, sur un coup médiatique, de capitaliser de futurs suffrages. »

Et vous ajoutiez : « Il se pose en défenseur du peuple face aux étrangers, tous assimilés hâtivement à des délinquants en situation irrégulière. »

Aujourd’hui – autres temps, autres mœurs ! –, comment allez-vous délivrer des « cartes d’identité nationale » en remplacement de la carte nationale d’identité ? Peut-être avec des points, comme le permis…

Ce matin, le Président de la République a honoré la « terre ». Qui d’autre sera honoré ? Les patrons qui mettent la clé sous la porte et placent leur argent dans les paradis fiscaux ? Ou les salariés immigrés qui travaillent sur nos chantiers, qui paient leurs impôts et leurs cotisations ? La réponse à cette question devrait être intéressante ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. On évoque régulièrement, et souvent pour la critiquer, la politique de la France dans le domaine de l’immigration et de l’asile. Mais ce ne sont plus des sujets que nous pouvons aborder à l’échelon strictement national. C’est pourquoi, monsieur le ministre, ma question portera sur le traitement de l’asile politique et de l’immigration au niveau communautaire.

Ces thèmes ont été au cœur de la présidence française de l’Union européenne. Ils ont donné naissance à un symbole fort : le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008, sur proposition de la France.

Voilà un texte sur lequel les chefs d’État et de Gouvernement se sont accordés et qui réaffirme la nécessité d’une gestion harmonieuse et efficace des questions liées aux migrations. Cette gestion doit être globale et donc traiter à la fois de l’organisation de la migration légale et de la lutte contre l’immigration illégale. D’ailleurs, je me réjouis que ces questions soient à l’ordre du jour du Conseil européen des 29 et 30 octobre.

Je souhaite donc vous poser les deux questions suivantes. Un an après l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, quelles sont les principales mesures qui ont pu être mises en œuvre ou dont l’application a au moins été amorcée ? Quelles dispositions concrètes ont été prises pour favoriser l’intégration dans les États d’accueil et pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ?

Pour conclure, je ferai une dernière remarque en réaction à votre initiative tendant à l’organisation d’un grand débat sur l’identité nationale : ne serait-il pas opportun de s’interroger plus largement sur les composantes d’une identité européenne ? Autrement dit, pour vous, qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Eric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d’aborder la dimension européenne de l’action que nous menons, dimension qui effectivement très importante en matière d’immigration et d’asile.

Vous avez également souligné à juste titre que mon prédécesseur, Brice Hortefeux, avait fait adopter par l’ensemble des pays de l’Union européenne, sous présidence française, un Pacte européen sur l’immigration et l’asile, lequel énonce des principes assez simples.

Nous nous trouvons dans un espace de libre circulation, l’espace Schengen. C’est un merveilleux acquis, peut-être l’un des plus beaux de la construction européenne. Mais cet acquis ne peut perdurer que s’il est assorti d’une vraie protection des frontières et d’une harmonisation progressive de nos politiques de l’asile.

Aujourd’hui, l’asile, en Europe, c’est un peu le supermarché : en fonction du pays auquel vous vous adressez, vous avez plus ou moins de chances d’obtenir l’asile. De ce point de vue, la France est, je le répète, particulièrement généreuse.

Il nous faut donc harmoniser cette politique de l’asile. Cela passe notamment – nous militons pour cela à Bruxelles – par la mise en œuvre du bureau d’appui dont le principe avait été arrêté lors de la signature du Pacte européen pour l’immigration et l’asile.

Pour le reste, il est vrai, monsieur le sénateur, que l’identité nationale française a une spécificité en ce que la France est une terre de paysans. Oui, madame Borvo, la France a un rapport à la terre qui est particulier ; il n’y a rien d’indécent à le rappeler ! Relisez Jaurès (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), relisez Péguy, relisez Braudel ! (Hourvari.)

Si ce sont là des noms qui vous font hurler, j’en suis navré pour vous ! En tout cas, ces hommes ont écrit sur le sujet des choses extrêmement intéressantes !

Un sénateur du groupe socialiste. Vous avez oublié Barrès !

M. Eric Besson, ministre. L’identité française ne s’oppose pas à l’identité européenne, mais elle n’est pas pour autant soluble dans cette dernière : il existe bien une spécificité française. Je prendrai un seul exemple pour illustrer mon propos : la laïcité. Nous avons des exigences particulièrement fortes pour ce qui touche à la laïcité, et je crois que tous les Français sont d’accord pour que nous persistions à cet égard. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour la réplique.

M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à l’heure, lorsque nous avons entamé le débat sur le tout prochain Conseil européen, nos collègues socialistes auraient souhaité que nous abordions plutôt le problème de la crise économique et financière.

Pour ma part, je me réjouis qu’une telle discussion ait lieu, car, derrière cette question, il y a en réalité beaucoup de souffrance. C’est pourquoi j’aimerais que, sur un tel sujet, on évite les cris et les invectives. Je regrette à cet égard l’attitude de certains de nos collègues, qui refusent d’écouter ce qui est dit. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises dans la presse mener la même politique de l’immigration que celle que j’avais moi-même conduite comme ministre de l’intérieur et que, à l’époque, il est vrai, vous approuviez. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste s’esclaffent.)

Conduire une politique de l’immigration est une tâche difficile, mais nécessaire, et il n’existe pas de solution idéale. Mais êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à régulariser les étrangers en situation irrégulière, non pas aveuglément, bien sûr, mais sur la base de critères d’intégration, comme je l’ai fait moi-même en 1997 en donnant une suite favorable à 80 000 demandes sur les 140 000 qui étaient présentées ? Vous noterez au passage que je n’ai pas fait preuve de laxisme puisque 60 000 demandes avaient été rejetées.

Si vous appliquez la même politique, monsieur le ministre, pourquoi les ministres de l’intérieur des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 ont-ils modifié à trois reprises la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, la loi RESEDA, que j’avais fait voter en avril 1998 ?

Pourquoi, en particulier, avoir supprimé la clause de régularisation au fil de l’eau, qui permettait d’éviter les régularisations massives ?

Par ailleurs, pourquoi vous fixez-vous des objectifs chiffrés, qui, vous le savez bien, interdisent aux préfets de procéder avec humanité ?

Pourquoi, enfin, vouloir jumeler l’immigration et l’identité nationale, mais pour les opposer, à la veille des élections régionales, alors que l’identité républicaine de la France se définit essentiellement non pas par rapport à l’étranger, mais à travers des valeurs positives de responsabilité, d’humanité et de droit ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Eric Besson, ministre. Cher Jean-Pierre Chevènement, c’est pour moi un plaisir de vous répondre… (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Pas pour nous, de vous entendre !

M. Eric Besson, ministre. C’est un plaisir de répondre : jusque-là, il n’y a pas matière à hurler !

En fait, la formule que j’ai employée a été raccourcie, car je ne pense pas que nous menions la même politique. J’ai dit que vous aviez fait du bon travail – j’espère que vous me pardonnerez ces propos ! – et que vous n’étiez pas suivi dans le groupe majoritaire auquel j’appartenais à l’époque, ce qui vous avait exposé à un certain nombre de difficultés.

La période dite des régularisations massives est terminée, d’abord parce que le Pacte européen que j’ai évoqué l’interdit désormais pour les vingt-sept pays de l’Union européenne et ensuite en raison du résultat des régularisations dont vous avez eu la responsabilité aussi bien que de celles auxquelles a procédé le Premier ministre espagnol, M. Zapatero. Celui-ci a d’ailleurs reconnu a posteriori que, si c’était à refaire, il ne le referait pas parce que cela avait créé un très grand appel d’air.

M. Jean-Pierre Chevènement. Évidemment, 600 000 régularisations !

M. Eric Besson, ministre. Autrement dit, nous n’avons désormais pas le droit de procéder à des régularisations massives et, de toute façon, la période actuelle ne s’y prêterait vraiment pas ; je crois même que c’est le contraire de ce qu’il faut faire aujourd’hui.

La France accueille chaque année sur son sol 200 000 étrangers au titre du long séjour, 2 millions au titre du court séjour, et elle accorde la nationalité française à 110 000 étrangers par an. J’ai déjà dit tout à l’heure qu’elle était en outre le pays le plus généreux en matière d’asile.

Cela n’empêche nullement, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, de procéder à des régularisations. Vous avez évoqué les régularisations au fil de l’eau. L’article 40 de la loi de 2007 permet d’y recourir suivant des critères comme le travail, par exemple.

Pour conclure, je vous poserai une question : pourquoi opposez-vous immigration et identité nationale ?

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est vous qui les opposez !

M. Eric Besson, ministre. Nul ne suggère une telle opposition. Le Président de la République a expliqué ce que l’immigration avait apporté à notre pays et affirmé qu’il était à la tête d’une France métissée. Mais il faut mieux intégrer ceux que nous accueillons, ce qui suppose de bien leur expliquer ce que sont nos valeurs communes. L’immigration peut continuer à nous apporter beaucoup à condition que ses acteurs adhèrent à nos valeurs. Je ne vois rien là, monsieur Chevènement, qui puisse choquer le grand républicain que vous êtes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, la politique que j’ai menée de 1997 à 2000 avait aussi pour objectif d’élargir les marges de manœuvre d’un gouvernement de gauche, ce qui n’est pas exactement votre ambition !

M. Daniel Raoul. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Pierre Chevènement. J’ajoute que, depuis 1789, l’identité de la France se définit comme une identité républicaine, fondée sur une communauté de citoyens partageant des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Il n’y a pas lieu de revenir constamment sur cette définition, surtout à propos des problèmes posés par l’immigration, sauf à vouloir rouvrir le débat, tranché depuis 1889 par Ernest Renan, sur les deux conceptions de la nation : la conception citoyenne et la conception ethnique.

Il faut essayer de soustraire cette question de l’immigration aux surenchères du débat gauche-droite. C’est ce que j’ai fait, alors que votre politique consiste à faire de la surenchère par rapport au Front national. Elle risque surtout d’aiguiser les faux débats qui peuvent exister entre la droite et la gauche, en favorisant tous les extrêmes : d’un côté, la xénophobie, de l’autre, le « sans-papierisme » aveugle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)