M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je décrirai rapidement la situation de nos équipements, en partant de sept questions. Les objectifs de la loi de programmation militaire sont-ils atteints et ses engagements financiers sont-ils tenus ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Oui !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Quelles sont les ressources affectées à chaque catégorie d’équipement ? Quelles sont les incidences de la RGPP ?

M. Hervé Morin, ministre. Excellentes !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Comment sont pilotés les programmes d’équipement ? Quelles sont, à grands traits, les commandes passées au titre du budget de 2010 ? Quels seront les matériels livrés en 2010 ? Enfin, je conclurai par quelques observations.

La loi de programmation militaire, je le rappelle, repose sur quatre principes financiers, que j’évoquerai rapidement.

Premièrement, les économies résultant de la réduction du format des armées doivent être maintenues au sein du budget de la défense. Ce premier principe est pour l’instant difficile à identifier, et il est probablement trop tôt pour en connaître les conséquences réelles.

Deuxièmement, le dispositif du maintien en condition opérationnelle doit être optimisé. Il s'agit là d’un problème ô combien difficile à résoudre, les disponibilités des matériels variant d’une armée à l’autre.

Nous savons que, pour la marine, la situation n’est pas mauvaise, sauf que le parc de sous-marins nucléaires d’attaque vieillit ; l’état de notre porte-avions est plus ou moins bon, de même que celui de l’aéronautique navale. Pour l’armée de terre, la principale question est celle de l’ALAT, l’aviation légère de l’armée de terre. Dans l’armée de l’air, c’est la dégradation des disponibilités du Rafale qui est préoccupante.

Troisièmement, il convient de réaliser le volet « export » des programmes d’équipement.

À cet égard, nous avons noué des relations fortes avec les Émirats arabes unis autour de l’avion de patrouille maritime et du système de contrôle Atlas C2. Avec le Brésil, nous discutons des sous-marins Scorpène. Pour vendre le Rafale, nous nourrissons un certain nombre d’espérances au Brésil, aux Émirats arabes unis, en Libye, en Suisse et en Inde.

Quatrièmement, enfin, des recettes exceptionnelles abondent le budget de la défense. Vous ne serez pas surpris, à cet égard, monsieur le ministre, que je fasse écho aux propos de notre collègue François Trucy !

Le Gouvernement, on le sait, prévoyait 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles en 2009, à partir de deux sources bien identifiées, à savoir l’immobilier et les fréquences hertziennes. Or il n’a enregistré que 400 millions d’euros, ce qui fait une importante différence.

Les recettes de 1,3 milliard d'euros prévues pour 2010 paraissent par conséquent assez aléatoires. Si cette incertitude devait se vérifier, la gestion des crédits de la défense pour 2010 deviendrait relativement délicate.

J’en viens à mon deuxième point, à savoir la répartition des ressources budgétaires pour 2010.

Je le rappelle, près de 6 milliards d’euros sont affectés aux grands programmes hors dissuasion nucléaire, 3,5 milliards d'euros – la somme est encore importante – à la dissuasion nucléaire, 2,8 milliards d'euros à l’entretien des matériels, 2,3 milliards d'euros aux autres opérations d’armement et 1,6 milliard d'euros aux infrastructures. À ces montants, il faut ajouter les études hors dissuasion, soit 17 milliards d’euros de crédits.

Mon troisième point porte sur l’incidence de la RGPP. En ce qui concerne la déflation des effectifs, le budget pour 2010 fait état environ de la suppression de 7 000 à 8 000 emplois équivalents temps plein, qui concernent aussi bien les engagés militaires que les civils.

À ce stade de mon intervention, je signalerai, mes chers collègues, deux modifications relatives à la nomenclature budgétaire.

Tout d'abord, pour tenir compte du plan de relance, de nouvelles actions ont été créées dans le budget de 2009, qui seront reproduites en 2010. Ensuite, un audit réalisé par le contrôle général des armées a conduit à réduire le nombre d’indicateurs de façon à mieux mesurer la performance globale des programmes.

J’en viens à mon quatrième point, c'est-à-dire au pilotage des programmes d’équipement. La question essentielle est ici celle de la gouvernance. On le sait, le comité ministériel des investissements de défense a été créé, qui vise à vous aider, monsieur le ministre, dans des prises de décisions, tout en veillant à la maîtrise capacitaire, industrielle mais aussi technologique et financière des projets. Les crédits du programme 146, je le rappelle, sont cogérés à la fois par le chef d’état-major des armées, et par le délégué général à l’armement, qui s’appuient eux-mêmes sur deux structures : un comité de pilotage et un comité de direction.

Quelles commandes ont été passées au titre du budget de 2010 ? Comme il me faut me lancer dans un véritable inventaire à la Prévert, je serai bref : il s'agit de l’adaptation du Triomphant aux missiles M 51, de trois satellites d’observation MUSIS, du satellite de communication Athéna, de quatre hélicoptères Cougar rénovés, des missiles air-air Meteor d’interception, des Mistral rénovés, d’un bâtiment de projection et de commandement de 21 000 tonnes, des armements air-sol modulaires ; enfin, les trois dernières frégates multi-missions, les FREMM, sont commandées et la rénovation à mi-vie des Mirages 2000 D est lancée.

Quelles seront les principales livraisons en 2010 ? Il s’agira du Terrible, qui sera doté du missile M 51, de onze Rafale, de sept Tigre, de quatre NH-90 pour la marine, d’un certain nombre de véhicules blindés de combat d’infanterie, des équipements Felin.

Tous ces équipements, mes chers collègues, sont évoqués avec des détails suffisants dans les rapports relatifs à cette mission. Je formulerai seulement quelques remarques complémentaires.

La fonction stratégique « connaissance et anticipation » se trouve renforcée par des moyens d’observation importants, à savoir le premier Transall-C160 Gabriel, des avions AWACS rénovés, l’Hélios IIB, des stations d’exploitation de données géographiques numériques et le système Syracuse III, doté de 88 stations de communication par satellite.

Le système de forces « protection et sauvegarde » bénéficiera d’une enveloppe de près de 700 millions d’euros ; ces forces recevront 110 missiles air-air MICA, c'est-à-dire missiles d’interception de combat et d’autodéfense, et 80 missiles anti-aériens Aster 30.

Le système de forces de dissuasion, je le répète, recevra une enveloppe de plus de 3,5 milliards d’euros, permettant de poursuivre la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.

Des crédits sont maintenus pour préserver les équipes et les compétences nécessaires à la construction d’un second porte-avions, mais la date de cette décision reste indéterminée…

Le remplacement du missile terrestre à moyenne portée Milan constitue un sujet de préoccupation. L’avenir du groupe MBDA est en question, et le choix d’un missile « sur étagère » semble avoir été fait. Ces questions, je le suppose, seront évoquées au cours de nos débats.

J’en viens aux drones tactiques. Des achats ont été réalisés au Canada et auprès de Sagem. Les dysfonctionnements concernant le déploiement des DRAC, les drones de renseignement au contact, n’ont pas été résolus, et il me semble, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas encore tout à fait convaincu par le système UAV, c'est-à-dire, en anglais, véhicule aérien non piloté.

Quant au dossier de l’A400M, qui a déjà beaucoup occupé le Sénat, il sera sans doute évoqué par notre collègue Charles Gautier. Le premier vol de cet avion doit avoir lieu à Séville d’ici à une dizaine de jours, entre le 7, le 12 ou le 14 décembre, me semble-t-il, donc très bientôt.

En tout cas, nous sommes convaincus de la qualité de cet avion. Pour de multiples raisons, qui sont évoquées dans le rapport de la commission, le constructeur a pris du retard, ce qui lui est certes préjudiciable financièrement. Toutefois, ces délais sont relativement modestes comparés à ceux que nous constatons souvent pour ce type de réalisations.

Malgré, bien sûr, je le répète, les conséquences de cette situation sur le budget du groupe, l’annulation de sa commande par l’Afrique du Sud et le « trou capacitaire » qu’il faudra combler, cet avion, j’en suis convaincu, sera au rendez-vous des objectifs opérationnels et techniques qui lui ont été assignés.

M. Hervé Morin, ministre. Espérons-le !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Pour conclure, j’observerai que les lois de programmation militaire ne sont jamais parfaitement exécutées.

La loi de programmation 2009-2014 est soumise à d’importants aléas – il en sera question tout à l’heure, me semble-t-il, dans l’intervention de notre collègue Charles Guéné, qui sera peut-être remplacé par M. Trucy –, que nous estimons à environ 9 milliards d’euros.

Il s’agit là d’évaluations, qui sont donc discutables. Toutefois, dans cet hémicycle nous sommes suffisamment aguerris pour juger que nos estimations sont souvent sous-évaluées…

L’important, toutefois, est que la France puisse tenir son rôle dans l’organisation du monde du XXIe siècle. Une nation comme la nôtre doit disposer d’un ensemble de moyens assurant son autonomie stratégique. Elle doit avoir tous les outils possibles pour être reconnue et entendue et ne pas dépendre des autres. Aussi, dans notre débat d’aujourd’hui, nous devons accorder une part significative aux investissements relatifs à l’espace et à la question de la défense antimissiles.

Mes chers collègues, la commission s’est prononcée, à la majorité, en faveur des crédits de la mission « Défense », et notre débat permettra aux uns et aux autres d’apporter un éclairage personnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Trucy, en remplacement de M. Charles Guéné, rapporteur spécial.

M. François Trucy, en remplacement de M. Charles Guéné, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de M. Guéné, qui est donc, comme je l’ai dit précédemment, retenu à la commission des finances.

Notre collègue voulait concentrer son propos sur deux points : tout d’abord, étant plus particulièrement en charge des dépenses de fonctionnement, sur la réforme du ministère de la défense ; ensuite, pour conclure les considérations de la commission des finances en se plaçant dans une perspective de moyen terme, sur les principaux aléas susceptibles d’affecter la mise en œuvre de la loi de programmation militaire.

J’évoquerai donc, tout d'abord, la mise en œuvre de la RGPP au ministère de la défense. L’équilibre financier de la loi de programmation militaire repose, notamment, sur deux piliers : plus de 3,5 milliards d'euros de ressources exceptionnelles et 3 milliards d'euros d’économies nettes en cumulé sur la période résultant de la restructuration des armées.

Je le répète, il ne faut pas se focaliser sur les seules ressources exceptionnelles : la réforme du ministère de la défense correspond, en termes de masses financières, à un enjeu du même ordre de grandeur.

J’en viens aux principaux chiffres de la loi de programmation, sans m’attarder sur les principes de la réforme du ministère de la défense, qui a été largement débattue dans cet hémicycle voilà quelques mois.

Je rappellerai seulement qu’il s’agit, en particulier, de réduire de 54 000 le nombre des emplois entre 2008 et 2015. Seul un tiers de ces suppressions de postes découleraient du Livre blanc, avec, dans la plupart des cas, un effet sur les capacités opérationnelles ; les deux tiers restant résulteraient de la RGPP et concerneraient exclusivement le soutien. Il ne s’agit donc pas de « tailler dans les effectifs », mais bien de réaliser une véritable réforme de l’armée française.

Venons-en au projet de loi de finances.

Pour l’année 2010, les réductions d’effectifs envisagées sont rigoureusement égales, une fois prises en compte les modifications de périmètre, aux prévisions de la loi de programmation militaire.

Le Gouvernement évite donc, à ce stade – espérons que cette tendance se poursuivra –, la répétition de ce que nous avons connu avec la précédente loi de programmation militaire ; à l’issue de la période d’application de ce texte, en effet, l’armée comptait 30 000 emplois en moins par rapport aux prévisions.

Je serai bref en ce qui concerne l’accélération de la mise en place des bases de défense, car ce sujet passionnant ne constitue que l’un des aspects de la RGPP, même s’il en est peut-être le plus visible, le plus emblématique et, ajouterai-je, le plus difficile à mettre en œuvre.

Je me bornerai à rappeler que, contrairement à ce qui était initialement envisagé, les bases seront en place dès 2011, et non en 2014, et le nombre de bases sera bien moindre qu’initialement prévu : alors qu’on en prévoyait quatre-vingt-dix voilà quelques mois, vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’elles pourraient être au nombre de soixante à soixante-dix.

La réduction envisagée provient du fait que le Gouvernement s’est rendu compte que, parmi les onze bases de défense expérimentale, les plus petites ne permettaient pas de faire suffisamment d’économies ; mais vous nous en direz certainement davantage tout à l’heure, monsieur le ministre.

C’est important, parce qu’il ne faut pas laisser dire que cette réduction est un mauvais signe, alors qu’elle est, au contraire, une note positive.

J’en viens maintenant à un point de mon intervention moins descriptif et donc, par nature, plus contestable, mais qui est incontournable si l’on veut comprendre les enjeux : il s’agit des aléas relatifs à l’exécution de la loi de programmation militaire.

Voilà quelques mois, lors de l’examen de cette dernière, la commission des finances s’est efforcée, à titre indicatif, en fonction des informations dont elle disposait, de chiffrer les principaux aléas relatifs à la programmation. Le montant global semblait alors, comme aujourd’hui, légèrement inférieur à 10 milliards d’euros.

Dix milliards d’euros, c’est à peu près l’équivalent des sommes qui, chaque fois, ont manqué pour réaliser les deux programmations antérieures. Cela paraît beaucoup, mais c’est en réalité seulement 5 % des montants en jeu d’ici à 2014. Évidemment, le fait que le total des aléas soit de cet ordre de grandeur ne signifie pas qu’il manquera encore 10 milliards d’euros au terme de l’exercice. Les aléas n’ont en effet pas vocation à tous se réaliser – c’est une vision optimiste–, et ceux qui se réaliseront ne se réaliseront peut-être pas tous complètement – c’est très optimiste !

Cet exercice de chiffrage a pour objet de cerner les véritables facteurs de risque. La question des ressources exceptionnelles est certes un enjeu significatif, mais il serait dommage que, à force de se concentrer sur ce point, on passe à côté d’autres enjeux qui sont collectivement plus importants.

Je ne passerai donc pas ici en revue l’ensemble des aléas identifiés, qui figurent dans le rapport spécial. Je me contenterai d’en rappeler certains parmi les principaux, en commençant par celui qui est le plus marquant : les ressources exceptionnelles.

Si vous n’êtes pas fixé, monsieur le ministre, sur notre avis concernant les ressources exceptionnelles, il faudrait un quatrième rapport ! (Sourires.)

S’agissant des aléas déjà évoqués, je rappellerai que les ressources exceptionnelles prévues pour 2010 sont de 1,3 milliard d’euros, se décomposant en 600 millions d’euros pour les ressources hertziennes et 700 millions d’euros pour les ressources immobilières.

Comme vous le savez, les montants prévus pour 2009 étaient de 600 millions d’euros pour les ressources hertziennes et de 1 milliard d’euros pour les ressources immobilières. En 2009, aucune ressource hertzienne ne sera perçue, faute de ventes, et les ressources immobilières devraient être à peine supérieures à 400 millions d’euros.

Par ailleurs, si l’on considère l’ensemble de la période 2009-2014, on ne peut exclure a priori que le montant global des ressources exceptionnelles soit inférieur aux montants prévus.

Cependant, dans le pire des cas, sur les 3,5 milliards d’euros environ de ressources exceptionnelles prévues d’ici à 2014, combien pourraient manquer ? Personne n’en sait rien évidemment, mais une moins-value de 1 milliard d’euros serait déjà considérable. Pourtant, elle ne correspondrait qu’à 0,5 % de l’ensemble des ressources prévues sur la période. Il ne faut donc pas créer de vaine polémique sur ce chapitre.

Il convient de citer un autre aléa, la faible inflation et les modalités d’indexation de la loi de programmation militaire.

Notre collègue François Trucy… – évidemment, c’est M. Guéné qui parle ! C’est le renvoi de l’ascenseur d’un rapporteur à l’autre, ce qui témoigne de leur cohésion en quelque sorte ! (Sourires.) –…

M. Hervé Morin, ministre. Excellent !

M. Jean-Louis Carrère. Il est le violon et vous êtes l’archet ! (Nouveaux sourires.)

M. François Trucy, rapporteur spécial. Il y a également l’archet Masseret !

A donc déjà été soulevé le problème, plus abstrait, mais au moins aussi important, que constitue le fait que l’inflation est moindre que prévu, alors que les annuités de la loi de programmation sont définies en euros constants et que certaines charges, notamment salariales, évoluent indépendamment de l’inflation. Dans le rapport spécial, en retenant des hypothèses d’inflation réalistes, nous arrivons à une « perte de pouvoir d’achat » cumulée pour la mission « Défense » de l’ordre de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2014.

Jean-Pierre Masseret a évoqué un aléa du même ordre de grandeur à propos du surcoût du programme d’avion de transport tactique Airbus A400M, auquel, au début de cette année, il a consacré, avec notre collègue Jacques Gautier, un rapport d’information remarqué. On évoque actuellement des surcoûts de 25 % ou 30 %. Compte tenu du coût global pour la France du programme A400M, le surcoût serait de l’ordre de 2 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros d’ici à 2014. Évidemment, il s’agit là d’un scénario dans un cas de figure défavorable : ce n’est pas une prévision.

Un autre aléa important, récurrent celui-ci, est celui du financement des opérations extérieures, les OPEX.

La loi de programmation militaire contient à cet égard des avancées significatives : tout d’abord, la provision inscrite en loi de finances, de 460 millions d’euros en 2008, sera progressivement portée à 630 millions d’euros à compter de 2011.

Ensuite, la loi de programmation militaire prévoit que les éventuels dérapages par rapport à ces estimations seront financés par « prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

Comme nous le soulignions dans l’avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation militaire, ces avancées, aussi significatives qu’elles soient, ne règlent pas complètement le problème.

Une provision de 630 millions d’euros par an inscrite en loi de finances est certes préférable à une autre, mais cette année, le coût des OPEX devrait être de l’ordre de 873 millions d’euros, et il semble acquis que, sur la période de programmation, le coût moyen des OPEX sera supérieur à ce que prévoit la loi de programmation, comme toujours dirais-je !

M. Jean-Louis Carrère. Et l’on n’a pas tout vu !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Par ailleurs, la « réserve de précaution interministérielle » est constituée de crédits mis en réserve en début de gestion sur chaque mission, de sorte que la mission « Défense » contribue, au même titre que les autres missions, à cette « réserve ».

La lettre de la loi de programmation militaire n’exclut donc pas que l’enveloppe de la loi de programmation militaire, c’est-à-dire en particulier les crédits d’équipement, soit mise à contribution pour financer tout ou partie du supplément de surcoût des OPEX par rapport aux provisions inscrites en lois de finances initiales. Or, jusqu’à présent, ce que l’on observe ne se démarque guère des pratiques des années passées : pour financer les OPEX, le décret d’avance du 9 novembre 2009 a annulé 228 millions d’euros de crédits d’équipement.

Dans son avis du 29 octobre dernier sur le projet de décret d’avances, la commission des finances estime qu’il conviendra que la prochaine loi de finances rectificative rouvre les crédits d’équipement concernés, en « gageant » cette réouverture par l’annulation de crédits, qui devraient être prélevés sur d’autres missions. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que tel sera bien le cas ?

M. Guéné, comme moi-même et M. Masseret, a émis un avis favorable, au nom de la commission des finances, sur l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2010. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Environnement et soutien de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’effectuerai deux séries d’observations sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».

La première sera pour me féliciter du renforcement des effectifs et des moyens techniques des services de renseignement, en conformité avec les orientations du Livre blanc. Ce rattrapage était absolument indispensable au regard de notre environnement de sécurité et des évolutions technologiques, qui requièrent des moyens de recueil et d’analyse adaptés.

Cet effort devra se poursuivre dans la durée, car nous ne sommes qu’au début de la démarche. Je souhaite également insister sur la nécessité de respecter les échéances de programmes à venir, comme les satellites Musis et Ceres. Ils conditionnent le maintien de capacités cruciales pour notre appréciation de situation et notre efficacité opérationnelle.

La seconde série d’observations portera sur la recherche de défense. Même s’il reste très significatif, à environ 650 millions d’euros, le montant des crédits d’études « amont » diminuera en 2010. Certes, une majoration de 110 millions d’euros est intervenue en 2009 au titre du plan de relance, mais il s’agit d’une avance que le budget de la défense devra rembourser à compter de 2011.

Notre politique de recherche et technologie doit entretenir les compétences indispensables au renouvellement de nos équipements. Elle ambitionne également d’être présente dans les domaines d’avenir. Je crains que cette volonté de couvrir la quasi-totalité du spectre technologique ne se heurte au plafonnement des crédits de recherche dans le cadre de l’actuelle loi de programmation.

Enfin, je m’interroge sur la mise en pratique des orientations du Livre blanc qui avait préconisé une plus forte synergie entre recherche civile et recherche de défense. Les crédits destinés à la recherche duale sont inchangés. La Direction générale pour l’armement, la DGA, a lancé des initiatives, comme le programme Rapid, mais nous ne voyons pas d’impulsion majeure dans ce domaine.

S’agissant du programme 212 « Soutien de la politique de défense », je concentrerai mes remarques sur la politique immobilière.

Sur les trois années 2009-2011, la loi de programmation militaire a prévu 1,9 milliard d’euros de recettes tirées des cessions immobilières. Ces ressources sont nécessaires au financement des investissements du ministère. Or que constatons-nous ?

Les recettes s’annoncent, comme on pouvait le craindre, plus tardives et moins importantes que prévu.

Tel sera le cas, très vraisemblablement, pour l’opération de cession de l’immobilier parisien, initiée voilà un an et dont nous attendons toujours de connaître le résultat, et plus encore pour les cessions en province, dont certaines s’effectueront à l’euro symbolique et d’autres à des prix inférieurs aux estimations initiales.

Quant à l’hôtel de la Marine, la plus grande incertitude règne sur la façon dont pourront être conciliées les contraintes légitimes devant peser sur toute utilisation de cet immeuble historique et la valorisation financière escomptée par le ministère de la défense.

À titre personnel, monsieur le ministre, j’émets les plus extrêmes réserves quant à cette opération dont l’intérêt même ne me paraît pas attesté. Les recettes espérées, pour l’instant aléatoires, ne seront somme toute que mineures. Ne vaudrait-il pas mieux rechercher activement et rapidement d’autres solutions de réemploi, répondant à de réels besoins de l’État et susceptibles, elles, de dégager des économies tangibles ? Je pense, par exemple, aux besoins de la Cour des comptes ou à l’accueil des hôtes étrangers. L’État conservant cet élément exceptionnel du patrimoine national dans sa pleine propriété, l’héritage culturel et mémoriel de l’hôtel de la marine serait ainsi réellement préservé et garanti. En résumé, le jeu n’en vaut pas la chandelle et il est bien loin, croyez-moi, de faire consensus.

Pour conclure sur ce point, je dirai que, en 2009, diverses mesures de transfert et le plan de relance ont permis, en trésorerie, de compenser l’absence de cessions immobilières. Mais, sur la période de programmation, on doit s’attendre à un écart très significatif entre les recettes raisonnablement possibles à réaliser et les montants qui avaient été inscrits dans la loi.

Dans le même temps, les besoins financiers correspondant à la mise en œuvre du nouveau plan de stationnement ont dû être réévalués.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je nourris certaines inquiétudes sur le financement des opérations d’infrastructure, qui me semble avoir été programmé sur des hypothèses trop optimistes et je me demande s’il ne faudra pas revoir, sur ce point, le schéma présenté lors de la loi de programmation.

La commission a cependant émis un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes « Environnement » et « Soutien » de la politique de défense. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le programme 146 « Équipement des forces », il me revient tout d’abord d’évoquer les opérations liées à la dissuasion nucléaire.

Dans ce domaine, les programmes se déroulent selon les échéances prévues et une étape majeure est en passe d’être atteinte dans le renouvellement de nos deux composantes, avec, à quelques mois d’intervalle, d’une part, l’entrée en service du missile ASMP/A sur le Mirage 2000 N et sur le Rafale, et, d’autre part, celle du missile M51 sur le 4e SNLE-NG « Le Terrible ».

Les conditions dans lesquelles avance le programme de simulation constituent également un grand motif de satisfaction et la commission l’a constaté en visitant, voilà quelques mois, le chantier du Laser Mégajoule en Gironde.

Le Livre blanc a réaffirmé que la dissuasion demeurait un fondement essentiel de la stratégie de la France, dans un cadre de stricte suffisance qui a de nouveau été illustré avec la réduction de la composante aéroportée.

Notre commission estime que cette posture demeure pertinente dans le contexte stratégique actuel. Elle ne lui paraît en rien contradictoire avec les efforts en faveur du désarmement, que la France soutient, auxquels elle a déjà notablement contribué, et qui, pour être poursuivis, nécessiteront un engagement de tous les acteurs.

S’agissant de l’action « Commandement et maîtrise de l’information », qui relève également du périmètre de mon rapport, je souhaite, tout d’abord, mentionner la décision d’engager l’an prochain l’externalisation des télécommunications militaires par satellites, prévue à l’article 29 du projet de loi de finances.

Au-delà des rentrées financières à court terme qu’elle devrait générer, cette opération peut présenter l’intérêt de calibrer au juste besoin l’utilisation d’un équipement voué aux communications hautement protégées et, donc, de mettre en œuvre un mode d’exploitation plus économique. Il faut souhaiter, bien entendu, que les offres qui seront soumises par les opérateurs confirment cet intérêt potentiel.

D’après les informations qui nous ont été données, le produit attendu de la cession représente les deux tiers des ressources prévues en 2010 au compte d’affectation spéciale « Fréquences hertziennes ».

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous restions préoccupés par le retard du processus de vente des fréquences militaires.