M. Hervé Morin, ministre. Ne le soyez pas trop !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Quand et combien ces fréquences pourront-elles être vendues ? Nous n’avons guère plus de précisions qu’il y a un an, et il a déjà fallu faire une croix sur les 600 millions d’euros prévus en 2009.

Je rappelle que, sur trois ans, c’est 1 400 millions d’euros, cession de Syracuse comprise, qui ont été inscrits à ce titre dans la loi de programmation.

Toujours dans le domaine spatial, deux opérations majeures doivent être lancées en fin d’année 2010 : la réalisation des satellites d’observation MUSIS et la conception du satellite d’écoute CERES.

Il nous paraît indispensable de ne prendre aucun retard, monsieur le ministre, sur ces deux programmes essentiels à nos capacités de renseignement, et donc de garantir, sur les prochaines années, les flux financiers nécessaires.

Le Livre blanc a prévu, à juste titre, une accentuation de l’effort sur le domaine spatial et un plus large éventail de capacités. Ce sera le cas avec l’alerte spatiale sur les tirs de missiles balistiques, pour laquelle nous réalisons déjà des programmes expérimentaux.

Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises ces dernières semaines sur la question de la défense antimissile. Nous comprenons votre position. Vous avez évoqué le coût de tels systèmes, le cadre nécessairement multinational dans lequel ils devraient être développés, et de nombreuses autres questions non résolues, comme la fiabilité technique ou les modalités de contrôle.

Vous avez raison d’être prudent, mais ne serait-il pas nécessaire d’investir peut-être davantage sur des programmes de recherche en amont, dans ce domaine ?

Avec la réorientation du programme américain, le débat va revenir au sein de l’OTAN avec des propositions de couverture contre les missiles de courte et moyenne portée.

Monsieur le ministre, il ne faudrait pas courir le risque de se trouver, le moment venu, totalement absents d’un domaine aux forts enjeux technologiques et sur lequel aucune contribution européenne ne pourrait être proposée si nous ne maintenions pas des compétences françaises.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Pour terminer, j’évoquerai très rapidement les drones. La France a pris du retard. La commission le souligne depuis plusieurs années. La loi de programmation prévoit de définir la stratégie d’acquisition en 2010, notamment sur le segment MALE, ou segment moyenne altitude longue endurance.

Monsieur le ministre, le niveau de ressources prévu à ce titre par la loi de programmation militaire est-il suffisant ? Quelles sont les options que vous entendez privilégier pour répondre à ce besoin opérationnel avéré ?

En conclusion, je soulignerai l’ampleur de l’effort réalisé en faveur de l’équipement militaire dans le projet de budget pour 2010, comme en 2009, d’ailleurs.

La commission des affaires étrangères et de la défense – je parle sous le contrôle de son président, M. Josselin de Rohan – a donc émis un avis favorable sur les crédits du programme « Équipement des forces », comme sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte donc l’avis de la commission sur le programme 146, en complément de notre collègue Xavier Pintat.

Je formulerai deux séries d’observations : l’une sur les données financières de l’ensemble du programme 146, l’autre sur les données physiques dans les équipements d’articles conventionnels.

S’agissant des données financières, je ferai une première observation : le projet de loi de finances prévoit une diminution des crédits affectés au programme 146, mais cette diminution n’est cependant pas très significative dans la mesure où l’année 2009 avait été une année un peu exceptionnelle, puisqu’elle comportait un plan de relance.

Deuxième observation : ce budget respecte la loi de programmation militaire et traduit un réel effort en faveur de l’équipement.

Troisième observation : cet effort en faveur des équipements est rendu possible année après année, par le recours à des ressources exceptionnelles ou bien à des recettes du plan de relance. Cela n’est pas de bonne méthode budgétaire, surtout si les recettes ne sont pas au rendez-vous, comme en 2009 !

La deuxième série de remarques concerne les données physiques, c’est-à-dire les programmes.

Dans une première catégorie, j’évoquerai les programmes qui vont bien, du moins certains d’entre eux. J’y rangerai, en particulier, les programmes Rafale et VBCI, ou véhicule blindé de combat d’infanterie, dont nous avons cette année, avec mon collègue Jacques Gautier, visité les chaînes de fabrication.

J’en viens, dans une seconde catégorie, aux programmes qui vont moins bien, parmi lesquels, bien sûr, l’Airbus A400M. Un premier vol devrait avoir lieu dans les prochains jours. Il reste à partager le surcoût de l’opération entre l’industriel et les États. C’est l’objet des négociations en cours. Ce programme est sorti des urgences, mais il est encore très convalescent.

Un autre sujet est préoccupant : le programme FREMM, ou frégates européennes multi-missions. Ce programme nous donne bien des soucis. Dès le départ, il a été sous-financé. On parlait à l’époque de financement innovant – faut-il se méfier de ce qui est innovant en matière de financement ?

Pour répondre à ces interrogations sur son financement, la cible a été ramenée de 17 frégates à 11. Cela s’est traduit mécaniquement par une augmentation du coût unitaire des frégates bien difficile à déterminer.

Dans le rapport, nous avions évalué ce surcoût, à partir des réponses aux questionnaires, à environ 50 %. La Direction générale de l’armement, la DGA l’évalue entre 11 et 32 %. Après de multiples calculs, ce surcoût semble s’établir autour de 25 %. En toute hypothèse, cette augmentation et cette situation sont peu satisfaisantes. Mais nous ne pensons pas que la Direction des constructions navales, la DCNS, en soit responsable.

J’en viens aux programmes pour lesquels nous avons quelques inquiétudes.

Le premier est celui de l’avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport, le programme MRTT. Compte tenu du retard de l’avion A400M, l’anticipation de ce programme aurait été une excellente chose. Cela n’a pas été possible, paraît-il, pour des raisons de désaccord sur les prix entre l’entreprise EADS, European Aeronautic Defense and Space Company, et la DGA. Le résultat de cette mésentente est regrettable. Quand sera réellement lancé le programme MRTT ?

M. Hervé Morin, ministre. Un peu de patience !

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. Le second sujet d’inquiétude, nous en avons déjà parlé, concerne le successeur du missile Milan.

Le retour d’expérience d’Afghanistan a conduit l’état-major des armées à faire évoluer le besoin opérationnel. Dont acte. Cela se traduira par la mise à l’écart du projet de Milan ER, ou Extended Response, de l’entreprise MBDA et par l’achat cette année, sur étagères, d’un missile israélien ou américain.

Indépendamment du besoin opérationnel des armées, qu’il ne nous appartient pas de juger, les délais et la procédure retenus pour choisir le successeur du Milan font débat. Ils risquent de provoquer la sortie de notre industriel de ce marché et une perte de souveraineté industrielle. Cela nous concerne et nous inquiète. Il s’agit en effet du premier échelon d’une trame de missiles de courte et moyenne portée dont le renouvellement est prévu.

En conclusion, permettez-moi de vous faire part de deux questions qui se posent clairement.

Premièrement, nous avons, d’un côté, le sentiment, alors que la loi de programmation militaire vient juste d’être votée, que l’effort consenti par la Nation en faveur de l’équipement est important, et nous avons, de l’autre, l’impression que nos armées manquent de moyens et que l’on doit sans cesse pallier, par l’imagination et dans l’urgence, le manque de ressources. Pourquoi cette impression ?

Deuxièmement, nous devons le reconnaître, l’Europe de la défense n’avance plus. Les coopérations paraissent difficiles et l’addition des différents intérêts nationaux ne suffit pas à dégager un intérêt général européen. J’y reviendrai dans la seconde partie du débat.

Au bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.

M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Préparation et emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais pour ma part évoquer les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.

Le projet de budget pour 2010 s’inscrit dans le cadre fixé par la LPM qui prévoit, comme vous le savez, la suppression de 54 000 postes.

La diminution du format d’ici à 2014 est sans précédent. La professionnalisation n’avait concerné que 18 000 cadres. Il s’agit là d’une réduction de plus de 20 % de nos effectifs.

Mais plus encore que la déflation des effectifs, c’est la réorganisation des méthodes qui constitue l’enjeu majeur de cette réforme : la mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le déploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation. Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour nos armées.

L’effort demandé est considérable.

Les opportunités que présente cette réforme tout à fait nécessaire sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel.

Tel est l’enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, c’est l’outil militaire dans sa globalité qui sera fragilisé.

La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.

En 2009, la déflation s’est poursuivie au même rythme qu’en 2008, mais compte tenu de l’avance prise, la réduction est de l’ordre de quelque 4 000 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.

En ces temps de baisse d’effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les maîtres mots. Si la déflation d’effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et vraisemblablement un gonflement des soutiens.

Ces évolutions, à l’opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles. Nous devons par conséquent être très vigilants sur le déroulement de la réforme, en particulier en matière d’effectifs.

Pour 2010, comme en 2009, les dépenses de personnels du programme 178 se sont stabilisées à 15,4 milliards d’euros.

Mais cette stabilité cache, d’un côté, les gains issus de la déflation des effectifs, soit 163 millions d’euros, ainsi qu’un solde du glissement vieillesse technicité ou GVT négatif de l’ordre de 88 millions d’euros, soit un total de 250 millions d’euros.

De l’autre, elle dissimule les nouvelles dépenses : les mesures catégorielles de l’ordre de 93,2 millions d’euros, les mesures indiciaires qui avoisinent les 46 millions d’euros et l’accompagnement social des restructurations de l’ordre de 25 millions, soit en tout 160 millions d’euros.

Le gain budgétaire net de la déflation est donc de l’ordre de 90 millions d’euros en 2010.

L’un des enjeux de cette manœuvre tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.

Des difficultés pourraient notamment résulter de la sous-évaluation des crédits du titre 2 et de l’insuffisance des instruments disponibles en matière de pilotage de la masse salariale et des ressources humaines, notamment des systèmes d’information.

En 2009, une sous-évaluation du titre 2 de 100 millions d’euros a conduit à une réduction des recrutements. Les tensions sur le titre 2 peuvent conduire à une accélération non souhaitée de la déflation des effectifs avec les conséquences que j’ai citées.

L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes.

Pour cela, il faut sans cesse ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, mettre en œuvre des formations adaptées aux spécialités et assurer un soutien spécifique aux mobilités géographiques inévitables.

Sur l’ensemble du programme 178, il faudra par ailleurs surveiller le coût de nos effectifs hors territoire métropolitain, en observant les conséquences de la moindre déflation des effectifs dans les territoires d’outre-mer. Compte tenu de la situation, il est vraisemblable que la diminution des effectifs sera moins importante que prévue.

Il faudra également surveiller le renforcement de notre présence à Abu-Dhabi. Les effectifs devraient atteindre 500 hommes.

Il faut enfin prendre en considération le coût de l’intégration dans I’OTAN.

La décision d’une pleine réintégration de notre pays dans les structures de l’alliance devrait porter notre présence de 161 militaires à environ 1 200 personnes dans les différents états-majors. La montée en puissance des effectifs s’étalera jusqu’à l’été 2012. Les militaires français seront alors présents sur 25 sites. Il s’agit d’un coût annuel en année pleine de plus de 100 millions d’euros.

Or le coût budgétaire de cette réintégration, je vous le rappelle, n’a pas été intégré dans la loi de programmation militaire.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que le surcoût de la réintégration n’excédera pas ces 100 millions d’euros annuels ? Pouvez-vous nous indiquer comment ils seront financés ? Pouvez-vous nous dire si les 1 200 militaires seront remplacés dans leur poste en France et si le coût de ce remplacement a été évalué ?

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que nous pouvons dire à propos de ce programme 178.

Je voudrais ici saluer le ministre et l’ensemble des responsables qui conduisent cette réforme, ainsi que le personnel des armées.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Préparation et emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la situation des personnels que vient d’évoquer M. Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, affectés au soutien de ces personnels, à leur entraînement, ainsi qu’au maintien en condition opérationnelle, MCO, des matériels.

Je terminerai par un point sur l’évolution des bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées.

Le projet de loi de finances pour 2010 attribue, à ce titre, 5,493 milliards d’euros de crédits de paiement, en baisse de 2,4 % par rapport à 2009. Cela traduit peut-être l’amorce de la réduction du format des armées en personnels, et donc de leur coût de fonctionnement.

J’évoquerai d’abord les capacités d’entraînement de nos armées, qui avaient été réduites, en 2008, du fait de la forte augmentation du prix des carburants, ce qui a imposé des mesures de précaution.

On constate en 2009, et surtout dans les prévisions pour 2010, un redressement des indicateurs d’activité pour chacune des armées. Vous en trouverez le détail dans mon rapport écrit.

Je relève que c’est incontestablement pour les pilotes de transport que la situation est la plus critique, le général Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, ayant même exprimé la crainte, devant notre commission, de pertes de compétence ponctuelles, comme en matière de largage de nuit, faute de pratique suffisante. Sans aller jusqu’à préconiser une pratique accrue pour conserver la pertinence, nous relevons néanmoins que cela pose certains problèmes.

Ces difficultés notées à l’entraînement reflètent les éléments de faiblesse des matériels, dont les avions militaires de transport sont les plus emblématiques, du fait des retards affectant l’A400M.

J’en viens aux difficultés financières et d’organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle de matériels de plus en plus vecteurs de technologies. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d’action des armées.

La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années quatre-vingt-dix, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés et de la croissance du « coût des facteurs », c’est-à-dire du coût de la main d’œuvre qualifiée et des composants.

L’actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter, mais que le nombre des personnels civils ou militaires relevant du ministère de la défense affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui pourrait conduire à une stabilité des coûts globaux.

Il faut souligner que les tensions financières engendrées par le MCO ne nuisent, en aucun cas, à nos soldats engagés sur des théâtres extérieurs, puisque le taux de disponibilité y est de 95 %, l’un des plus élevés parmi les nations occidentales, selon le général Georgelin, chef d’état-major des armées.

J’en viens maintenant aux bases de défense. Leur création vise à en faire des centres de compétences et de services, liés à leurs unités clientes par des contrats de services.

L’expérimentation menée en 2009 sur onze bases pilotes a permis de dégager des éléments d’adaptation du schéma initial. Ainsi, le nombre total de bases sera réduit à une soixantaine contre quatre-vingt-dix prévues, car il est apparu que les plus petites d’entre elles ne permettaient pas une réelle mutualisation des fonctions de soutien. Leur mise en œuvre sera généralisée sur tout le territoire dès 2011, soit trois ans plus tôt que prévu. Et, en 2010, sept nouvelles bases seront créées, ce qui portera l’expérimentation à dix-huit bases.

Ces bases visent à moderniser le soutien aux différentes unités qui leur sont rattachées, quelle que soit leur armée d’origine, par une mutualisation de toutes les opérations qui concourent à ce soutien, comme le calcul des soldes, la fourniture des tenues, ou l’alimentation des personnels. Ces éléments ne sont guère spectaculaires, mais ce rapprochement entre armées aux méthodes différentes représente un travail minutieux, considérable et qui réclame beaucoup de détermination.

Cette mutualisation sera appuyée par la création, en 2010, d’un service du commissariat des armées, regroupant les trois commissariats antérieurs. Le service sera placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées. Une nouvelle phase d’analyse de l’évolution de ces bases sera menée en juin 2010.

Cette nouvelle organisation est un défi de plus pour les armées, qui le mesurent à son juste niveau.

Au vu de mon rapport et de l’ensemble de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission «  Défense » pour 2010 à la majorité. Faites en le meilleur usage ! (M.  Charles Pasqua applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que ne commencent les interventions des orateurs, je voudrais poser une question à M. le ministre et lui faire part d’un vœu et d’une préoccupation.

D’abord, selon les informations qui nous ont été données, il semblerait que M. le ministre des affaires étrangères ait reçu une communication téléphonique de Mme Clinton lui annonçant que les États-Unis demanderaient l’envoi de troupes supplémentaires françaises en Afghanistan à hauteur de 1 500 unités. En effet, demain, le Président Obama devrait annoncer l’envoi de 30 000 hommes supplémentaires en Afghanistan.

Je voudrais vous demander, monsieur le ministre, quel accueil sera fait à cette demande, sachant que le M. le Président de la République a d’ores et déjà annoncé que nous n’enverrions pas de troupes supplémentaires. Pensez-vous que nous pourrons longtemps résister à une très forte pression de la part de nos amis américains, qui vont adresser la même demande à nos partenaires ? Si certains d’entre eux accordent ces renforts, pensez-vous que nous pourrons être les seuls à refuser cet effort ?

Ensuite, il se déroule actuellement un exercice important qui aura une incidence sur nos forces armées. Je veux parler de la révision du concept stratégique de l’OTAN. Les premières réunions sur ce thème ont déjà commencé. Le groupe d’experts présidé par Mme Madeleine Albright est au travail. Un certain nombre de séminaires ont eu lieu. Un rapport d’étapes doit être rendu au secrétaire général. C’est dans le courant de l’année 2010 que le Conseil Atlantique devra se prononcer sur ce concept stratégique.

De toute évidence, la révision à laquelle se livreront et les experts et les ministres sur ce concept stratégique aura une incidence probablement importante sur l’évolution de nos armées.

Je voudrais vous demander de bien vouloir, d’abord, faire participer le Parlement à l’information, puis l’associer au déroulement du processus pour que, le cas échéant, nous puissions faire connaître nos avis. En effet, l’enjeu est tout à fait important, qu’il s’agisse de l’avenir possible de la dissuasion, qui risque d’être remise en question par un certain nombre de nos partenaires, ou du choix entre une défense collective et une défense territoriale.

Enfin, je voudrais vous dire combien j’ai été attentif aux propos tenus ce matin par M. le Président de la République. Il a clairement indiqué que son objectif est la mise en œuvre le plus rapidement possible d’une Europe de la défense. Je tiens à insister sur l’importance que la France en fasse une priorité.

En effet, il est clair que les contraintes qui pèseront sur le budget de la défense seront extrêmement fortes dans les années de sortie de crise.

Il faut redouter que les budgets de la défense de nos partenaires, si ce n’est le nôtre, ne servent de variables d’ajustement en matière de rééquilibrage des finances publiques. J’espère que, comme M. le Président de la République l’a dit ce matin, nous arriverons à résister mais on peut quand même avoir des craintes dans ce domaine.

S’il faut aujourd’hui rechercher, dans le domaine des armements, une mutualisation toujours plus grande, c’est parce que l’avenir de nos industries de défense est en jeu.

Ou bien nous sommes capables, compte tenu du décalage qui existe entre la recherche technologique aux États-Unis et en Europe, de relever les défis, et nous aurons encore des industries de défense. Ou bien nous ne consacrerons pas, nous, les Européens, les sommes nécessaires et nous serons totalement tributaires, avant dix ans, des États-Unis dans le domaine de l’armement.

Il en va de même en ce qui concerne les capacités. Si nous ne sommes pas en mesure d’arriver à monter ensemble un certain nombre d’opérations et d’organiser nos forces de telle manière que nous puissions mutualiser nos efforts, là aussi, je crois que nous rencontrerons de grandes difficultés.

Monsieur le ministre, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous répondre. Nous sommes dans l’attente d’informations dans ces divers domaines. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs pour quinze minutes.

Puis, nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse, et, s’il le souhaite, l’auteur de cette question dispose d’une minute pour la réplique éventuelle.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget pour 2010 met en œuvre des conceptions et des décisions avec lesquelles nous sommes en profond désaccord. Il est donc, comme l’étaient les précédents, la traduction d’une politique à laquelle nous nous opposons. Il est l’application des grandes orientations stratégiques définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et représente déjà la deuxième annuité d’une loi de programmation militaire, votée en juillet dernier, dont nous avions contesté les décisions.

Tout le dispositif de votre projet de budget, monsieur le ministre, repose sur un postulat incertain : à travers celle du ministère, la réforme de nos armées, leur modernisation, doit permettre de dégager des économies qui seraient intégralement réinvesties dans les équipements, l’entraînement des forces et dans la revalorisation de la condition militaire.

L’utilisation que vous faites de ces économies est pourtant sujette à caution. C’est ainsi que vos dépenses d’équipement, par exemple, n’atteignent pas cette année les montants prévus par la loi de programmation militaire.

IL faut, en outre, noter que, pour des raisons financières et politiques, de graves incertitudes pèsent sur des programmes majeurs comme le Rafale ou l’A400M.

Moins dépenser, mais mieux dépenser : qui ne souscrirait à une telle ambition ? Mais derrière les bonnes intentions, il y a la réalité. La réalité, c’est la mise en œuvre de réformes qui découlent directement de la révision générale des politiques publiques et de la réduction du format des armées conformément au Livre blanc.

Très concrètement, ces réformes se traduiront cette année par la suppression de 8 250 postes, dont 2 000 personnels civils, pour atteindre l’objectif des 54 000 suppressions sur six ans fixé par la LPM.

La restructuration de nos implantations militaires se fait aussi au prix de la suppression d’une vingtaine d’entre elles l’an dernier, et de vingt-quatre cette année. La création de dix-sept bases de défense, au prétexte de mutualiser et rationaliser les fonctions d’administration et de soutien, est loin d’avoir fait la démonstration qu’elles permettront des synergies suffisantes pour induire de réelles économies.

À la marge de manœuvre très discutable qu’induisent ces économies s’ajoutent des recettes exceptionnelles tout à fait aléatoires : ces recettes, qui sont une des conditions de la réussite de votre réforme, proviennent de cessions d’actifs immobiliers et ne sont pas à la hauteur de ce que vous aviez prévu.

Quant aux cessions de fréquences hertziennes militaires, comme elles ne pourront être effectuées qu’au second semestre 2010, à l’évidence, leur produit ne peut être attendu avant 2011.

Je dois toutefois reconnaître que le renforcement des crédits opportunément inscrits cette année au titre du plan de relance vous permettra de « tenir » votre budget, mais comment ferez-vous l’année prochaine ?

Enfin, toutes les économies envisagées pour assurer la réforme risquent d’être aussi sérieusement entamées par l’application de décisions non prévues, comme celle de notre pleine réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN.

Cette décision, arrêtée, je le rappelle, par le seul Président de la République sans débat parlementaire, était une réorientation stratégique majeure, profondément révélatrice d’une vision atlantiste de l’ordre mondial. Prise sans qu’aucune contrepartie soit exigée, elle nous prive désormais de toute possibilité d’analyse stratégique autonome.

Elle visait, paraît-il, à rassurer nos partenaires européens, en leur démontrant que nous ne voulions pas concurrencer l’OTAN, et, dans le même temps, à leur faire partager l’idée qu’il est nécessaire de faire progresser l’Europe de la défense. On a pu constater que la défense européenne avait très peu progressé depuis, comme l’a dit M. de Rohan lors de notre débat consacré aux moyens de sortir de l’impasse en Afghanistan.

En tout état de cause, cette décision nous coûtera fort cher en moyens humains et financiers. Entre 2010 et 2015, elle représentera au moins 650 millions d’euros qui n’étaient pas inscrits dans la loi de programmation militaire, le surcoût étant essentiellement lié aux salaires des 1 250 personnels concernés. À cette somme s’ajouteront 30 millions d’euros de cotisations supplémentaires versées à l’OTAN, ainsi, ne l’oublions pas, que notre contribution financière annuelle de 170 millions d’euros.

Totalisées, ces sommes pèseront lourdement sur notre budget, et je m’associe à ce propos à l’interpellation que vient à l’instant de lancer M. de Rohan au Gouvernement au sujet des enjeux liés au nouveau concept de l’OTAN. Comme lui, je souhaite que les parlementaires soient davantage associés aux décisions.

Si l’on considère par ailleurs que la politique désastreuse menée en Afghanistan absorbe 95 % des sommes engagées par l’OTAN au titre de ses opérations extérieures et la moitié du budget total de nos propres OPEX, soit 450 millions d’euros par an, on mesure le caractère exorbitant de la décision du Président de la République.

Je doute à cet égard, comme je l’ai dit à cette même tribune le 16 novembre dernier, que le virage stratégique orchestré avec l’« afghanisation » des combats actuellement en cours d’élaboration soit le bon, mais nous n’en saurons véritablement plus que demain, après les annonces du Président Obama, sauf à se fier aux quelques « fuites » récentes.

Ainsi, comme vient de le dire M de Rohan, Le Monde en ligne de ce soir, citant des sources diplomatiques, affirme que les États-Unis auraient demandé à notre pays d’accroître son contingent militaire en Afghanistan de 1 500 soldats. Que pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apprendre à ce sujet ?

Plutôt que de nous enferrer de manière suiviste dans une politique coûteuse en moyens humains et financiers qui a fait la démonstration de son inadaptation et de son inefficacité, remplaçons une stratégie militaire vouée à l’échec pour résoudre ce conflit par, sous couvert d’un nouveau mandat de l’ONU, une stratégie politique et diplomatique faisant place à toutes les parties prenantes afghanes.

Les moyens ainsi économisés pourraient, par exemple, être plus utilement consacrés à l’équipement de nos forces et à leur maintien en condition opérationnelle.

Mais, au-delà de ces surcoûts occasionnés par des politiques que nous désapprouvons, nous contestons aussi la répartition de certains de vos crédits.

Ainsi en va-t-il des crédits consacrés aux armes nucléaires, qui représentent 10 % de votre budget total et 25 % des crédits consacrés à l’équipement de nos forces, soit 11 millions d’euros par jour !

Notre force de dissuasion nucléaire n’est pas seulement maintenue à un strict niveau de suffisance, pour reprendre les termes du traité de non-prolifération nucléaire, que la France a signé. Je sais que le président de la République aime se prévaloir de la suppression d’un escadron de bombardiers nucléaires ou encore de la fixation d’un plafond de 300 unités pour les têtes nucléaires comme preuve de sa volonté d’œuvrer au désarmement dans ce domaine. Mais, monsieur le ministre, dans le même temps, nous menons une prétendue politique de modernisation, en fait une politique de perfectionnement de nos armes nucléaires qui n’ose pas dire son nom.

C’est ainsi que, si nous avons supprimé un escadron de la force aérienne stratégique, nous avons aussi mis en service opérationnel, au début du mois d’octobre, un nouveau missile équipé d’une nouvelle ogive nucléaire au sein de cette même force.

Cela explique d’ailleurs l’importance des crédits qui sont consacrés aux armements nucléaires et qui, pour l’essentiel, concernent nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et portent sur la fabrication du nouveau missile intercontinental M51.

Pourtant, l’utilisation éventuelle des armes nucléaires ne correspond plus aux réalités des menaces et des conflits d’aujourd’hui : selon la doctrine du Livre blanc, notre stratégie de dissuasion a pour objet « d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays ». À l’heure ou la quasi-totalité des conflits sont des actions militaires conventionnelles ou provenant d’actes terroristes, on voit bien que la logique de la dissuasion nucléaire est de moins en moins adaptée.

Monsieur le ministre, je me sens contrainte de dire – et, si j’en crois les deux anciens Premiers ministres français qui viennent de s’exprimer sur ce sujet dans une tribune de presse, je ne suis pas la seule – que vos orientations budgétaires dans le domaine de la dissuasion nucléaire sont en contradiction avec la politique officielle que la France défend dans les instances internationales. Notre représentant au Conseil de sécurité des Nations unies a ainsi voté, tout récemment encore – le 24 septembre dernier –, la résolution 1887 présentée par les États-Unis en faveur d’un désarmement généralisé.

Je sais, monsieur le ministre, que j’entre là dans un domaine qui est moins directement de votre responsabilité, mais il s’agit cependant d’un élément important de la politique du Gouvernement.

Notre pays devrait donc mettre à profit les nouvelles orientations de la politique étrangère américaine pour contribuer, lui aussi, à rétablir la confiance internationale dans les processus de désarmement.

Les États-Unis et la Russie viennent de s’engager à conclure un accord pour remplacer le traité START de réduction des armements stratégiques reposant sur un véritable système de vérification de ces réductions. À quelques mois de la conférence de révision du traité de non-prolifération nucléaire, c’est un exemple à suivre sur la voie de la lutte contre la prolifération.

Soutenons donc toutes les initiatives de réductions effectives des arsenaux existants, non pas par des votes qui nous engagent peu, mais par des actes concrets de désarmement. Nous devrions ainsi participer plus activement aux efforts faits par d’autres pays en entrant pleinement dans un processus de négociation sur la réduction de notre armement nucléaire.