M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Comme je l’ai fait remarquer tout à l’heure, plus on avance dans le débat, et moins on comprend !

M. le rapporteur vient de nous expliquer que l’adoption de l’article 1er n’entraînerait pas fatalement la création des conseillers territoriaux, juste avant que M. le secrétaire d’État ne dise pratiquement le contraire… (M. le rapporteur proteste.)

Comprenne qui peut ! Nous voterons bien sûr ces amendements de suppression de l’article 1er, car nous entendons empêcher la suppression des conseillers généraux, qui remplissent pleinement leur rôle d’élus de proximité.

Parallèlement, nous nous interrogeons sur les modalités d’exercice du mandat de conseiller territorial, s’il venait à être créé. Cet exercice étant écartelé entre des lieux et des responsabilités différents, le conseiller territorial, faute d’avoir le don d’ubiquité, finira par n’être nulle part.

Nous voulons épargner à nos concitoyens une telle mésaventure. C’est pourquoi nous nous prononçons résolument en faveur de la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Beaucoup a déjà été dit, mais je voudrais insister sur le fait que cet article ne concerne que les conseillers généraux ; par conséquent, il n’y a pas d’urgence à l’adopter.

En outre, sa suppression ne préjugerait nullement de la suite : il resterait possible de mettre en œuvre les réformes annoncées. Cet article pourrait même être inséré dans le texte relatif à la création des conseillers territoriaux et être voté à l’occasion de l’examen de celui-ci, ce qui aurait la vertu de la cohérence.

Tout resterait donc encore possible si nous rejetions aujourd’hui cet article, y compris son adoption future. Un tel rejet aurait une forte portée symbolique, marquant nos inquiétudes et notre volonté politique de défendre nos départements et nos régions.

En ces temps incertains et troublés, après les critiques injustes subies par nos collectivités territoriales, après des mises en cause insupportables des élus locaux, la suppression de l’article 1er permettrait d’affirmer, avec force et dignité, le respect de notre assemblée pour ces collectivités et l’ensemble de leurs élus.

Pour conclure, je tiens à préciser que ce projet de loi est d’autant plus dangereux que les conseillers généraux qui seront élus en 2011 sauront pertinemment que ce mandat sera leur dernier. Ils se trouveront donc dans une situation plus que délicate, et nous risquons de voir des assemblées ne rien mettre en œuvre, compte tenu de leur disparition prochaine. Le Gouvernement prend aussi le risque de paralyser la vie des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le problème, chers collègues de la majorité, c’est que vous ne nous répondez pas !

M. Dominique Braye. Vous êtes hors sujet !

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela rallongerait encore les débats !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas idiots, monsieur le secrétaire d’État : il est logique que vous soyez pressé de réduire le mandat des conseillers régionaux qui seront élus en 2010, même si c’est pour de mauvaises raisons, car le scrutin approche.

La situation est tout à fait différente pour les conseillers généraux, qui sont particulièrement visés puisqu’ils vont, de fait, être supprimés à terme. Vous proposez, pour l’heure, de réduire de trois ans, donc de moitié, le mandat de ceux qui seront élus en 2011. Vous établissez des comparaisons avec de précédentes réductions de mandats, mais comparaison n’est pas raison : si depuis 1958 le législateur a effectivement modifié à neuf reprises la durée de certains mandats, cela se limitait, dans six cas, à un report de quelques mois de dates d’élections, dans deux à une prorogation d’un an de mandats, tandis que la loi du 11 décembre 1990 avait écourté de deux ans le mandat des futurs conseillers généraux, celui des conseillers en exercice ayant été prolongé d’un an.

Selon le rapport de la commission des lois, il incombe au Parlement de modifier la durée des mandats électoraux lorsque cela est rendu nécessaire par des considérations d’intérêt général. Où est l’intérêt général avec la création des conseillers territoriaux et la suppression des conseillers généraux, qui ne sont, l’une et l’autre, pas encore intervenues ? Il ne réside ni dans de prétendues économies, ni dans la réduction des compétences des régions ou des départements, ni dans une quelconque progression de la démocratie locale, bien au contraire !

La commission ajoute que le Parlement doit respecter les principes de sincérité du suffrage et d’égalité des citoyens et des candidats devant le suffrage, ainsi que celui de libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes d’accord sur ces points, bien entendu, mais la sincérité d’une élection ne se résume pas à une simple information des électeurs, vous en conviendrez. Où est l’égalité des citoyens lorsque la moitié d’un conseil général sera élue pour trois ans, l’autre moitié pour six ans ? Où est la libre administration des collectivités locales quand les actuels conseillers généraux et les candidats potentiels ne savent pas ce qu’il adviendra des départements, de la clause de compétence générale, des financements croisés, etc., toutes choses qui intéressent au plus haut point les élus ?

On voit donc bien que, tout particulièrement en ce qui concerne les conseillers généraux, les choses ne sont absolument pas claires. Qui plus est, vous n’êtes pas obligés de modifier maintenant la durée du mandat des conseillers généraux. S’il vous plaît, répondez à nos questions !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je voterai bien entendu ces amendements de suppression de l’article, en me fondant sur quelques principes qui battent en brèche certains arguments développés par la majorité.

Hier, j’ai indiqué qu’il ne me semblait pas y avoir une harmonie totale entre la position de M. le ministre Henri de Raincourt et celle de M. le rapporteur. Ils m’ont fait penser à ces attelages des hauts plateaux d’Afghanistan associant un cheval et un autre animal de trait : la terre est certes labourée, mais le sillon n’est jamais droit ! (Sourires.)

Où est la cohérence de cet article ? On nous dit que nous pouvons ne pas être d’accord, mais que cela ne doit pas nous empêcher de le voter, que fondre en quelque sorte les conseillers généraux et les conseillers régionaux permettra de supprimer les doublons.

Mais que se passera-t-il pour les métropoles, par exemple celle qui est constituée par Toulouse et sa proche banlieue ?

M. Dominique Braye. Hors sujet !

M. Pierre-Yves Collombat. Non, là est le problème !

M. François Fortassin. Il y aura, dans un même département, deux types de collèges et de lycées : ceux qui relèveront du département ou de la région, et ceux qui dépendront de la métropole. Où sera la cohérence ?

Enfin, un autre problème me gêne beaucoup : celui du respect du citoyen candidat. Être candidat à une élection, c’est un engagement personnel. Un citoyen peut très bien souhaiter s’engager dans un mandat de conseiller général tout en conservant sa profession, au motif que, au terme des six années de son mandat, il ne sera peut-être pas réélu ou n’aura pas envie de se représenter. Ce sera possible s’il est simplement conseiller général ou conseiller régional, mais s’il est les deux à la fois, il ne pourra, à l’évidence, exercer son mandat de façon satisfaisante que s’il abandonne sa profession. Il y sera obligé, faute de temps !

Enfin, avec cette proportionnelle que l’on a inventée, au rebours d’ailleurs des traditions républicaines de notre pays, on va fabriquer des élus qui n’auront aucun électeur. C’est tout de même assez extraordinaire ! À l’évidence, ces élus seront des apparatchiks, comme il s’en trouve d'ailleurs dans toutes les formations politiques, des sortes de commissaires politiques qui pollueront la vie des assemblées.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas sûr !

M. François Fortassin. C’est du moins mon sentiment, mon cher collègue ! De toute façon, l’opinion publique admettra très difficilement qu’il puisse y avoir des élus pour lesquels personne n’ait voté et qui risquent néanmoins de jouer un rôle important.

Voilà les raisons pour lesquelles j’estime que ce texte pose problème, même si nous pourrions être d’accord sur certains points. J’observe d’ailleurs que la majorité va certainement voter ce projet de loi, ce que je peux comprendre, mais en faisant preuve d’un enthousiasme que je qualifierai d’extrêmement mesuré…

M. Charles Pasqua. La vraie question est de savoir s’il y aura encore des candidats. Et la réponse est oui ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai suivi ce débat avec beaucoup d’attention, mais je persiste à penser que nous sommes dans la plus grande confusion. En effet, on y parle peu ou pas du tout du texte en discussion ; il est surtout question de textes à venir dont on ignore le contenu et le sort final.

Mes chers collègues, je rappellerai que la durée des mandats locaux en cours ne peut être réduite par la loi que pour un motif d’intérêt général – cela ressort de nombreuses décisions du Conseil constitutionnel –, mais ce n’est pas l’objet du texte qui nous est soumis.

M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !

M. Michel Charasse. La durée des mandats des futurs élus régionaux et départementaux est du domaine de la loi et le législateur fait ce qu’il veut sans aucune contrainte en la matière : c’est l’unique objet de ce projet de loi.

Reste à savoir quel est le motif de la loi, car c’est un élément essentiel. Je rappelle que, lors de la révision constitutionnelle de 2008, il a été beaucoup insisté sur les motivations de la loi, et en particulier sur ce que l’on a appelé les études d’impact, leur nécessité et désormais leur obligation. Or, ici, le motif de la loi, ce sont des textes à venir, dont on ignore ce qu’ils seront puisqu’ils ne sont pas encore votés.

Mes chers collègues, peut-on régler la durée d’un futur mandat en fonction de textes qui ne sont pas encore votés ? Cela peut être une question constitutionnelle, notamment au regard du statut d’autonomie des collectivités territoriales dans la Constitution et de l’élection de leurs assemblées au suffrage universel direct. Je ne suis pas certain que l’instabilité soit considérée comme une notion parfaitement conforme à la Constitution en ce qui concerne l’avenir des collectivités territoriales : la continuité de l’État, principe constitutionnel, s’applique à l’évidence aux collectivités locales, qui agissent dans de nombreux cas au nom de l’État.

Monsieur le secrétaire d’État, cher Alain Marleix, cher compatriote auvergnat – et j’éprouve une certaine tendresse de ce point de vue –, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes embarqué dans cette affaire. Il vaudrait mieux laisser les choses en l’état, quitte à tirer plus tard les conséquences des futures lois, en se fondant sur le motif d’intérêt général constitué par le vote d’un nouveau statut des collectivités territoriales et des élus départementaux et régionaux. Le Conseil constitutionnel n’y trouverait alors rien à redire, puisque le motif d’intérêt général serait évident : à partir du moment où le législateur a réformé le régime électoral des assemblées locales, il faut bien en tirer les conséquences sur les mandats et raccourcir s’il le faut les mandats en cours pour installer les nouvelles assemblées.

Mes chers collègues, nous sommes quand même dans une situation absolument incroyable. Je ne sais pas – monsieur le président, vous qui êtes un orfèvre en la matière, peut-être le savez-vous – s’il y a des précédents depuis 1870-1871, c'est-à-dire depuis que la République est la République, mais ce débat m’évoque la formule latine : Ave Caesar, morituri te salutant. (Sourires.) Nous organisons l’élection de futurs morts !

Certes, je le sais et tout le monde le sait, nous sommes tous de futurs morts,…

M. Dominique Braye. Personne n’y échappe !

M. Michel Charasse. … seulement, dans ce cas, nous connaissons la date de la mort, pouvoir dont la nature humaine a rêvé de disposer depuis l’origine de l’humanité, sans jamais y parvenir !

M. René-Pierre Signé. C’est la mort romaine !

M. Michel Charasse. Ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, préjuge un vote futur qui reste encore – et le rapporteur l’a souligné avec insistance – aléatoire, hypothétique, éventuel. Ce n’est pas une bonne façon de faire la loi, surtout lorsqu’elle touche à cette chose si essentielle et si fragile – et compte tenu des débats de société que nous avons aujourd’hui je me permets d’appeler l’attention du Sénat sur ce point – qu’est le suffrage universel, sur lequel reposent la France, la démocratie, la République depuis ses origines.

On ne joue pas, monsieur le secrétaire d’État, avec le vote des électeurs. Décidément, mettre la charrue avant les bœufs devient une règle, les ressources avant les compétences – c’était hier et cela sera demain avec le vote du projet de loi de finances –, les mandats avant la loi statutaire et électorale. Mes chers collègues, je considère que tout cela n’est pas du bon travail législatif. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. À ce stade du débat et après avoir entendu un grand nombre d’arguments avancés par nos collègues de l’opposition, je crois utile d’exposer quel est l’état d’esprit de la majorité.

Malgré de multiples redondances et répétitions, l’opposition a abordé des sujets fort intéressants, tels le mode de scrutin, la taille des circonscriptions, les compétences des collectivités locales, la parité : de tout cela, nous devons débattre, et ce n’est pas parce que nous réagissons peu aux propos de nos collègues que nous n’avons rien à dire.

Cependant, nous entendons respecter l’ordre du jour et nous en tenir au contenu du présent projet de loi. Or ce texte a trait à la concomitance des renouvellements des conseillers généraux et des conseillers régionaux et ne porte nullement sur les sujets évoqués au fil des multiples interventions des orateurs de l’opposition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.) Nous aurions beaucoup à dire sur ces sujets, mais nous ne voudrions pas nous répéter dans quelques semaines, lorsque nous les aborderons à l’occasion de l’examen des textes qui leur seront consacrés.

En effet, cela a déjà été dit, quand le texte que nous sommes en train d’examiner aura été adopté, rien n’aura changé pour les conseillers généraux et régionaux, ni pour le mode de scrutin, ni pour la parité, ni pour toutes les autres questions évoquées. Tout restera encore à faire au travers des textes à venir. On tente de nous culpabiliser, mais si nous ne participons pas au débat, c’est parce que nous estimons que c’est alors qu’il faudra intervenir ! Il n’y a pas lieu de dramatiser la situation et d’annoncer la destruction de la démocratie ou la mort des départements !

M. Yves Daudigny. Mais si, ce qui est en jeu, c’est la mort des départements !

M. Gérard Miquel. Vous en porterez la responsabilité !

M. Jean-Pierre Leleux. Je ferai une proposition extrêmement simple à nos collègues de l’opposition : que les amendements qu’ils auront présentés au cours de cette discussion ne soient pas redéposés dans quelques semaines, lorsque nous aborderons l’examen de la réforme de fond des collectivités territoriales. Il faut choisir ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les parlementaires sont libres !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 47 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 153
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par M. J.L. Dupont, Mmes Férat et N. Goulet et MM. Détraigne, Amoudry, Deneux et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Remplacer l'année :

2011

par l'année :

2004

La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Le présent amendement vise à prolonger jusqu'en mars 2014 le mandat des conseillers généraux renouvelables en 2011.

Une telle modification permettrait, dans un contexte de déficits publics croissants, d'épargner à l'État la charge financière importante que constitue l'organisation d'élections nationales, puisque celle-ci représente une dépense de près de 80 millions d'euros pour le budget général.

Par ailleurs, le renouvellement prévu en 2011 ne constitue pas une simplification au regard des évolutions fondamentales introduites par le projet de réforme des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la réduction du nombre des élus locaux.

En effet, les jeunes conseillers désignés pour la première fois en 2011 auront légitimement à l'esprit de continuer leur parcours d’élu. Ils seront en particulier confrontés aux difficultés liées à la réduction du nombre d'élus, résultant de la création des conseillers territoriaux, ainsi qu’à l’extrême concurrence à venir en 2014 entre les conseillers régionaux et les conseillers généraux sortants.

Ce constat dressé, nous pouvons en conclure que le calendrier découlant du présent projet de loi ne fera qu'accentuer les difficultés liées à la réduction annoncée du nombre d’élus siégeant au conseil général.

Par ailleurs, cette réforme, qui constitue non pas un simple aménagement, mais un véritable changement de paradigme électoral, justifie une telle mesure dérogatoire, qui ne serait pas plus illégitime qu'une réduction exceptionnelle du mandat à trois ans.

Rappelons que lors du passage à six ans de la durée du mandat sénatorial, une partie de nos collègues furent élus pour un mandat de « six ans plus trois ans » qui, au final, durera dix ans.

M. Dominique Braye. Pas du tout ! Et nous les avons tirés au sort !

M. Jean-Léonce Dupont. Comment pourrions-nous comprendre que ce que le Sénat a voté hier pour une partie de ses membres, il ne puisse le voter, aujourd'hui, pour une fraction des conseillers généraux ?

Le présent amendement vise donc à préparer au mieux la transition importante qui interviendra lors de l'entrée en vigueur du projet de réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à proroger les fonctions des conseillers généraux qui ont été élus en 2004, plutôt que de réduire les mandats de ceux qui seront désignés en 2011.

Si cet amendement était adopté, certains conseillers généraux bénéficieraient donc d’un mandat de dix ans, ce qui méconnaîtrait le principe constitutionnel selon lequel le législateur doit permettre au citoyen de s’exprimer avec une « périodicité raisonnable ».

Monsieur Dupont, je comprends tout à fait vos motivations. Toutefois, si nous vous suivions, nous augmenterions de plus de 50 % la durée du mandat de conseillers qui sont aujourd'hui en place. Le risque d’inconstitutionnalité d’une telle mesure serait extrêmement élevé…

Une telle prolongation ne me semble donc pas possible. Je rappelle d'ailleurs que le mandat des sénateurs que vous évoquiez à l’instant, mon cher collègue, a été augmenté d’une année seulement, puisqu’il a été porté de neuf ans à dix ans.

La commission des lois sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je comprends les préoccupations des auteurs de cet amendement.

Compte tenu de l’objectif à atteindre, la solution du prolongement jusqu’en 2014 du mandat des conseillers généraux élus en 2004 paraît a priori logique. Elle éviterait d’ailleurs, comme vous l’avez souligné, monsieur Dupont, une élection pour trois ans de la série des conseillers généraux renouvelables en 2011.

Toutefois, adopter cette solution reviendrait à porter à dix ans, au lieu de six ans, la durée du mandat des conseillers généraux de la série élue en 2004. Une telle prolongation, de plus de 60 %, serait inédite pour un mandat local et serait contraire aux décisions du Conseil constitutionnel qui ont été citées à plusieurs reprises au cours de nos débats. En 1990, notamment, le Conseil constitutionnel a jugé que la compétence du législateur pour fixer le régime électoral des assemblées locales ne lui permet pas de prolonger dans de telles proportions le mandat d’élus en place.

Le même raisonnement peut être appliqué aujourd'hui. Monsieur le sénateur, prolonger à ce point les fonctions de conseillers généraux serait d’autant plus contradictoire avec l’objectif visé que la durée normale du mandat dans une démocratie parlementaire moderne est précisément de quatre ans. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il en est ainsi, par exemple, au Canada, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, le mandat des représentants étant même encore plus court dans ce dernier pays !

La solution qui a été choisie dans le présent projet de loi afin d’atteindre l’objectif de renouvellement concomitant des conseils généraux et régionaux en 2014 n’encourt pas un tel reproche. Monsieur le sénateur, comme la commission, le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Jean-Léonce Dupont, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Léonce Dupont. Les arguments qui m’ont été opposés ne m’ont pas vraiment convaincu.

Naturellement, l’allongement dont il est ici question serait exceptionnel, mais la réduction du mandat à trois ans proposée par le Gouvernement l’est tout autant !

Par ailleurs, je souligne que le raccourcissement du mandat sénatorial peut donner lieu à deux interprétations. On peut en effet considérer soit que la durée du mandat est passée de neuf ans pour tous à neuf ans pour certains et à six ans pour d’autres, soit que nous avons ramené la durée du mandat de neuf ans à six ans, une partie de ceux qui étaient rééligibles bénéficiant cependant finalement d’un mandat de dix ans… (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !

M. Dominique Braye. C’est faux !

M. Jean-Léonce Dupont. Mes chers collègues, nous avons donc des interprétations différentes de cette réforme !

Je maintiens cet amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, nous avons prolongé le mandat des sénateurs d’un an seulement, que sa durée initiale, fixée auparavant par tirage au sort, ait été de neuf ans ou de six ans.

En effet, la réduction de neuf ans à six ans du mandat sénatorial devant s’appliquer ensuite à tous les membres de notre assemblée, nous devions passer d’un renouvellement par tiers à un renouvellement par moitié.

En outre, si nous n’avions pas prolongé le mandat d’un an, les élections municipales auraient été organisées juste après les élections sénatoriales, or il fallait logiquement que ce fût l’inverse.

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs donné raison au Sénat. Quoi qu’il en soit, la prolongation du mandat de sénateur n’a été que d’un an dans tous les cas, contrairement à ce que vous affirmez, mon cher collègue : le mandat n’a jamais été porté de six à dix ans !

M. Jean-Léonce Dupont. On peut interpréter cette réforme autrement !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, j’admire votre souplesse d’esprit, mais on ne peut pas dire que le mandat est passé de six à dix ans : il a été porté de neuf à dix ans ou de six à sept ans ! La prolongation n’a été que d’une année. La réalité est donc complètement différente de l’interprétation que vous en donnez. En outre, je le rappelle, cette réforme consistait à réduire globalement la durée de notre mandat ! N’en tirez donc pas argument ! La prolongation que vous proposez serait manifestement anticonstitutionnelle.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. M. le président de la commission des lois a exposé bien mieux que je ne saurais le faire les tenants et les aboutissants de la réduction à six ans du mandat sénatorial.

Je me souviens très bien de nos débats d’alors : pour permettre au Sénat de se renouveler par moitié tous les trois ans, il convenait d’aménager une période transitoire en prolongeant d’un an la durée initiale du mandat, maintenue pour certains à neuf ans avant que la réduction à six ans ne s’applique à tous. À l’époque, j’avais demandé si une prolongation d’un an était constitutionnelle : il m’avait été répondu qu’une telle durée étant faible par rapport à celle du mandat initial, cela ne posait pas de problème. Je vous invite à vous reporter au compte rendu de nos débats, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre débat ne porte pas sur le mandat sénatorial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous répondons aux arguments qu’on nous oppose !

Mme Éliane Assassi. À certains seulement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, je partage tout à fait l’analyse de la commission des lois sur ce sujet.

Cela étant, la question qui nous occupe est différente. Je ne préjugerai pas de la position du Conseil constitutionnel, mais je m’interroge : est-il normal de réduire de moitié un mandat ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est déjà arrivé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est rarissime !

M. Dominique Braye. Ils ne sont pas encore élus, leur mandat n’est donc pas réduit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La situation étant exceptionnelle, le Conseil constitutionnel pourrait en avoir une interprétation différente de celle que vous supposez. C’est pourquoi je pense que la proposition de notre collègue Jean-Léonce Dupont se défend.

Les conseillers généraux élus en 2011 exerceront leurs fonctions pendant trois ans, avant de disparaître. Il y a fort à parier, compte tenu de nos habitudes – je nous mets tous dans le même sac ! – en la matière, que ceux qui sont actuellement en place seront proposés pour une prolongation. Mais, en cas de renouvellement, les nouveaux conseillers généraux seront élus pour trois ans seulement sans avoir guère de chances d’être ensuite désignés conseillers territoriaux, compte tenu de la concurrence des anciens conseillers régionaux. La démarche est donc tout de même tirée par les cheveux !

Je le répète, la situation est exceptionnelle. Si la réforme est adoptée, les conseillers généraux disparaîtront. Dans ces conditions, autant prolonger de trois ans le mandat de ceux qui sont déjà en place.