compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. Jean-Noël Guérini.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Désignation d’un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 18 décembre 2009, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Isabelle Debré, sénateur des Hauts-de-Seine, en mission temporaire auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Cette mission portera sur les mineurs étrangers isolés.

Acte est donné de cette communication

3

Ratification des nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé la constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 17 décembre 2009 prennent effet.

4

Missions d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des demandes présentées par les six commissions permanentes tendant à obtenir du Sénat l’autorisation de désigner des missions d’information ayant pour objet de concourir à la mission de contrôle du Sénat.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du lundi 30 novembre 2009.

Je vais consulter sur ces demandes.

Il n’y a pas d’opposition ?...

En conséquence, les six commissions permanentes sont autorisées, en application de l’article 21 du règlement, à désigner ces missions d’information.

5

Conventions internationales

Adoption de dix projets de loi selon la procédure d’examen simplifié

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de dix projets de loi tendant à autoriser l’approbation ou la ratification de conventions internationales.

Pour ces dix projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

convention relative aux droits des personnes handicapées

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (ensemble un protocole), signée à New York le 30 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (projet n° 632 (2008-2009), texte de la commission n° 164, rapport n° 163).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec la république de maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (ensemble deux annexes), signé à Paris le 23 septembre 2008.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (projet n° 459 (2008-2009), texte de la commission n° 78, rapport n° 77).

(Le projet de loi est adopté.)

convention avec l’inde sur le transfèrement des personnes condamnées

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde sur le transfèrement des personnes condamnées, signée à New Delhi le 25 janvier 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde sur le transfèrement des personnes condamnées (projet n° 569 (2008-2009), texte de la commission n° 178, rapport n° 177).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 13 décembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (projet n° 405 (2008-2009), texte de la commission n° 152, rapport n° 151).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec la république de maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris le 13 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (projet n° 310 (2008-2009), texte de la commission n° 150, rapport n° 149).

(Le projet de loi est adopté.)

protocole avec bahreïn relatif aux services aériens

Article unique

Est autorisée l’approbation du protocole à l’accord du 3 juillet 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens, signé à Manama le 22 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole à l’accord du 3 juillet 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens (projet n° 409 (2008-2009), texte de la commission n° 80, rapport n° 79).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile, signé à Paris le 30 novembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile (projet n° 312 (2008-2009), texte de la commission n° 176, rapport n° 175).

(Le projet de loi est adopté.)

accord de coopération administrative avec les pays-bas pour la lutte contre le travail illégal

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, signé à Paris le 15 mai 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas (projet n° 408 (2008-2009), texte de la commission n° 154, rapport n° 153).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec l’organisation internationale pour l’énergie de fusion relatif au projet iter

Article unique

Est autorisée l’approbation du protocole additionnel, sous forme d’échange de lettres, à l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER relatif au rôle de l’inspection du travail sur le site de l’Organisation internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au travail, signées à Paris le 14 janvier 2009 et à Saint-Paul-lez-Durance le 29 janvier 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER relatif au rôle de l’inspection du travail sur le site de l’Organisation internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au travail (projet n° 15, texte de la commission n° 180, rapport n° 179).

(Le projet de loi est adopté.)

accord de coopération avec la slovénie en matière de sécurité intérieure

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie, signé à Paris le 10 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie (projet n° 349 (2008-2009), texte de la commission n° 450 (2008-2009), rapport n° 449 (2008-2009)).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

6

Démission d’un membre d’une commission spéciale et candidature

M. le président. Mes chers collègues, Je vous informe que M. Robert Badinter a démissionné de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris.

Le groupe socialiste a présenté la candidature de Mme Bariza Khiari pour le remplacer.

Conformément à l’article 10 de notre règlement, cette candidature a été affichée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

7

Application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

Adoption d’un projet de loi organique et d’un projet de loi

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 640 (2008-2009), texte de la commission n° 142, rapport n° 141) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 641 (2008-2009), texte de la commission n° 143, rapport n° 141).

La conférence des présidents a décidé que ce projet de loi organique et ce projet de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

 
 
 

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes soumis aujourd’hui à votre examen sont nécessaires à la mise en œuvre d’une innovation importante due à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : désormais, le Parlement pourra contrôler les nominations envisagées par le Président de la République aux fonctions les plus éminentes concernant la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays.

Le pouvoir de nomination du Président de la République fera préalablement l’objet, pour ces emplois ou fonctions, d’un avis public des commissions compétentes des deux assemblées du Parlement. Selon la volonté du constituant, le Parlement aura alors la possibilité de s’opposer à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs des commissions représentera au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés.

En encadrant ainsi la compétence du Président de la République, cette nouvelle prérogative donnée aux parlementaires participe au rééquilibrage des institutions de la Ve République voulu par président Sarkozy.

Cette nouvelle procédure est aussi une traduction concrète de la « République des compétences » qu’il a souhaitée, une République qui fait le choix des talents, au-delà des affinités et des sympathies.

La procédure prévue par l’article 13 de la Constitution garantira la transparence du choix des personnalités proposées à la nomination. Comme l’a fort justement souligné le président Jean-Jacques Hyest, le choix de l’exécutif s’appuiera désormais sur une délibération nourrie par l’expérience des parlementaires et leur diversité politique.

Il faut insister sur le fait que l’audition publique des candidats est, à elle seule, un gage déterminant de la dignité et de la qualité tant professionnelle que personnelle des personnes nommées. Les parlementaires qui auditionneront les candidats pourront, en effet, avant de se prononcer, évaluer non seulement leur compétence, mais aussi la pertinence de leurs projets.

Ce contrôle parlementaire permettra d’établir sans ambiguïté les aptitudes des personnes proposées et de garantir leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité, avant même l’adoption de la loi organique, que les candidats à la présidence d’Aéroports de Paris, d’Électricité de France et de la Française des jeux soient auditionnés par les commissions parlementaires compétentes, y compris lorsqu’il s’agissait d’une reconduction aux mêmes fonctions.

L’entrée en vigueur du nouvel article 13 de la Constitution est conditionnée par l’adoption d’une loi organique, qui doit arrêter la liste des emplois et fonctions soumis à la nouvelle procédure. Pour compléter le dispositif, il revient à une loi ordinaire de préciser quelle est la commission permanente compétente pour donner un avis sur chaque nomination.

Le projet de loi organique présenté par le Gouvernement a retenu, au sein d’un ensemble extrêmement hétérogène de nominations, une liste assez longue de quarante et un emplois ou fonctions. Il a ainsi ajouté une vingtaine d’emplois et fonctions à ceux dont le comité présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur avait estimé qu’ils méritaient d’être soumis à une procédure d’audition parlementaire préalable.

Il faut avant tout rappeler que la liste ne concerne que les nominations effectuées par le Président de la République, celles qui relèvent Premier ministre étant clairement exclues du champ de la loi organique.

La sélection opérée par le Gouvernement s’appuie sur les termes mêmes de l’article 13 de la Constitution. Celui-ci prévoit en effet que les emplois ou fonctions inscrits sur la liste doivent présenter une certaine importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation. Le contrôle des nominations vise donc les fonctions dirigeantes d’organismes à compétence nationale ou dont l’action peut avoir des répercussions à l’échelle nationale.

Par ailleurs, et afin de ne pas accroître démesurément le nombre de personnes dont la nomination est soumise à cette nouvelle procédure, le contrôle parlementaire ne devrait viser que la fonction de responsabilité effective, qu’il s’agisse de la présidence ou de la direction générale des organismes concernés.

Enfin, le Gouvernement a souhaité donner au contrôle parlementaire tout son sens et toute sa portée. II a donc pris le parti de ne pas inclure dans la liste les emplois et fonctions pour lesquels existe déjà un dispositif spécifique de nomination garantissant la compétence et l’indépendance des candidats. Il en va ainsi, notamment, lorsque la personne est choisie sur une liste de noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes.

Cette démarche raisonnable, à laquelle a souscrit l’Assemblée nationale, est également approuvée par votre commission des lois. Le Gouvernement ne peut que s’en féliciter.

Ces critères ont conduit à inclure dans la liste la plupart des autorités indépendantes de protection des droits et libertés, les principales autorités indépendantes de régulation, les grandes entreprises publiques et les institutions financières publiques – Banque de France et Caisse des dépôts et consignations –, ainsi que les grands établissements publics, notamment dans le domaine de la recherche, de la santé et de l’environnement.

L’étendue du contrôle parlementaire sur les nominations décidées par le Président de la République est donc indiscutable.

L’Assemblée nationale a souhaité ajouter à cette liste quatre fonctions : les présidences de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, de l’Autorité des normes comptables, ainsi que la direction générale de l’Office national des forêts.

Votre commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, le doyen Gélard, a également complété la liste avec trois autres fonctions : la présidence du conseil d’administration de Voies navigables de France, la présidence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et la présidence de la Commission de la sécurité des consommateurs. Le Gouvernement n’y voit pas d’objection.

Au passage, je tiens à saluer le travail très approfondi de votre commission des lois et, plus particulièrement, de son rapporteur.

L’Assemblée nationale a souhaité faire figurer dans la liste les emplois ou fonctions soumis à la même procédure de contrôle parlementaire en application de la Constitution elle-même ou de lois organiques antérieures. En effet, la Constitution prévoit l’application d’un régime identique pour trois membres du Conseil constitutionnel, pour deux personnalités qualifiées du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que pour le Défenseur des droits lorsqu’il sera effectivement institué.

Le législateur organique a prévu cette procédure d’avis préalable pour la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ainsi que pour celle du président de la Commission de contrôle du redécoupage des circonscriptions électorales.

La liste, désormais enrichie par les deux assemblées et exhaustive, permet de mesurer mieux encore l’importance de cette nouvelle prérogative constitutionnelle donnée aux parlementaires.

La répartition des emplois et fonctions entre les commissions permanentes paraît également arrêtée. Si le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi ordinaire, une répartition entre les commissions des emplois et fonctions, il appartient évidemment aux assemblées d’adapter cette ventilation aux compétences respectives de leurs différentes commissions. L’Assemblée nationale a modifié cette répartition proposée sur deux points.

Sur l’initiative de votre collègue Hugues Portelli, votre commission des lois a déterminé dans la loi ordinaire les commissions compétentes pour se prononcer sur les nominations du Défenseur des droits et des personnalités qualifiées du Conseil supérieur de la magistrature. Le Gouvernement considérait que de telles précisions relevaient davantage de la loi organique, mais il est vrai qu’elles permettent d’accroître, par une approche d’ensemble, la lisibilité du dispositif.

Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité préciser la procédure applicable devant les commissions permanentes. Elle a modifié, dans le projet de loi organique, l’ordonnance du 7 novembre 1958 pour interdire explicitement la délégation de vote lors du scrutin destiné à exprimer l’avis de la commission compétente. Le projet de loi ordinaire a, pour sa part, été complété pour prévoir que le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées.

Votre commission des lois a souhaité revenir sur l’interdiction des délégations de vote. Le Gouvernement ne peut, me semble-t-il, que prendre acte, au moins pour le moment, de cette divergence d’appréciation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et de la Constitution !

M. Henri de Raincourt, ministre. Mais il souhaite ardemment que les deux assemblées puissent, à la faveur de la navette, trouver un accord sur les modalités de vote applicables à cette procédure originale. II faudra trouver le moyen de conjuguer l’autonomie de fonctionnement de chaque assemblée…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans le respect de la Constitution !

M. Henri de Raincourt, ministre. … et la spécificité de ce dispositif, qui rassemble les votes exprimés dans les deux assemblées.

C’est ainsi, dans un esprit constructif et responsable, partagé avec vous, que le Gouvernement aborde ce débat. L’adoption de ces deux textes d’application de la révision constitutionnelle renforcera, à l’évidence, le rôle du Parlement et, par là même, notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis de deux projets de loi, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire, relatifs à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Cette modification, qui renforce de façon significative les pouvoirs du Parlement, va transformer considérablement notre vie démocratique en permettant au Parlement de donner son avis sur la nomination aux principaux postes à responsabilité, laquelle incombait jusqu’à maintenant au seul Président de la République, éventuellement assisté du conseil des ministres.

Je tiens à saluer le travail très important effectué par l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’établissement de la liste des quarante-neuf emplois ou fonctions pour lesquels l’avis des commissions compétentes de l’Assemblée nationale ou du Sénat sera requis.

À ces quarante-neuf emplois ou fonctions, nous avons jugé bon d’en ajouter trois, qui concernent l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, la Commission de la sécurité des consommateurs et Voies navigables de France. Il se trouve que ces trois cas font intervenir notre commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, c'est-à-dire celle de nos commissions permanentes qui sera d’ailleurs le plus souvent sollicitée pour donner son avis sur les nominations effectuées par le Président de la République.

Nous avons modifié un élément de la liste, vous proposant de retenir le président du CNRS, qui est l’autorité de décision, plutôt que le directeur général, qui est un organe d’exécution. C’est donc le président du CNRS qui devra être auditionné par la commission compétente, en l’occurrence la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Je tiens à saluer les deux amendements de notre collègue Portelli. Sur son initiative, nous proposons de combler une lacune en précisant que la commission compétente pour rendre l’avis, d’une part, sur la nomination du Défenseur des droits, en application du quatrième alinéa de l’article 71-1 de la Constitution, d’autre part, sur les personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature, en application de l’article 65 de la Constitution, est, dans chaque assemblée, la commission chargée des lois constitutionnelles. Cet oubli est réparé au sein de la loi ordinaire. Certes, comme l’a dit M. le ministre, il aurait pu l’être dans la loi organique. Nous avons préféré retenir le véhicule de la loi ordinaire, car cela pose sans doute moins de problèmes au regard d’un éventuel contrôle de constitutionnalité.

Une légère difficulté demeure à propos des membres du Conseil constitutionnel. La commission compétente de chaque chambre rendra un avis sur les candidats proposés par le Président de la République ; en outre, celle de l’Assemblée nationale se prononce sur les candidats présentés par le président de cette chambre, de même que celle du Sénat, sur les candidats présentés par le président de la Haute Assemblée. Or c’est le Président de la République qui choisit le président du Conseil constitutionnel et rien n’empêche que son choix se porte sur une personne nommée par le président de l’une des deux assemblées – je rappelle que ce fut le cas pour le président Yves Guéna –, laquelle n’aura, dès lors, été auditionnée que par une seule des commissions.

La Constitution pose clairement que les membres du Conseil constitutionnel sont auditionnés. En revanche, le président est choisi par le Président de la République sans qu’il soit précisé qu’il doit être auditionné par la commission compétente de chacune des chambres. Peut-être cela posera-t-il un problème à l’avenir… Je laisse le constituant futur se pencher sur cette question.

J’en arrive aux problèmes de procédure, qui concernent essentiellement les deux articles ajoutés par l’Assemblée nationale : l’article  3 du projet de loi organique et l’article 3 du projet de loi ordinaire.

L’article 3 du projet de loi organique interdit la délégation lors du vote sur l’avis rendu par une commission sur une nomination. Cette disposition appelle plusieurs remarques de ma part.

Je rappelle tout d’abord que le droit de délégation de vote des parlementaires est garanti par l’ordonnance du 7 novembre 1958, qui mentionne explicitement les motifs susceptibles de justifier la délégation, eu égard à la situation dans laquelle se trouve ponctuellement le délégant, mais sans prévoir, pour l’exercice de ce droit, de restriction fondée sur la nature du vote.

La pratique traditionnelle du Sénat est différente de celle de l’Assemblée nationale.

L’Assemblée nationale, par une instruction de son bureau contraire non seulement à son règlement, mais aussi à l’ordonnance du 7 novembre 1958,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Rien que ça !

M. Patrice Gélard, rapporteur. … a en effet décidé qu’il ne pouvait pas y avoir de droit de délégation, d’où une pratique constitutionnellement assez douteuse.

Il faut cependant aller plus loin. L’article 3 du projet de loi organique tel qu’il se présente apparaît comme une dérogation à une règle générale posée par l’ordonnance du 7 novembre 1958, laquelle, pour moi, a maintenant valeur constitutionnelle.

La Constitution ne prévoit en effet qu’un seul cas où il est interdit de procéder à des délégations : celui de la poursuite du Président de la République devant la Haute Cour,…