M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela n’a aucun rapport avec le texte !

M. Jean-Pierre Sueur. Ne pas prévoir de période transitoire suffisamment longue revient à prendre le risque de désorganiser durablement le fonctionnement des cours, et donc de pénaliser le justiciable.

Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi, en dépit de toutes les avancées qu’a réalisées la commission et que nous tenons de nouveau à souligner. Si ce texte devait néanmoins être adopté, et pour les raisons que j’ai énoncées, il serait sage, comme l’a expliqué M. Détraigne, d’en reporter la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2012 au lieu du 1er janvier 2011.

(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, il faut être réaliste : il ne s’agit tout de même pas de la prolongation d’un système comme celui des bouilleurs de cru, dont certains ont pu continuer à exercer pendant de très nombreuses années !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’était un viager !

M. Jacques Mézard. La proposition que nous faisons est de bon sens. Nous aurions même souhaité que la période transitoire puisse encore être étendue.

Quel est le risque de proroger la période transitoire ? Certains font valoir la concurrence avec les avocats. Cela ne me semble pas être un argument sérieux, comme l’a d’ailleurs très sagement rappelé à plusieurs reprises le rapporteur.

D’ailleurs, le nombre d’avoués ne représente que 1 % du nombre d’avocats. Nous le savons depuis très longtemps, la clientèle des avoués est essentiellement fournie par les avocats, qui sont leurs correspondants. Une prolongation de la période transitoire favorisera plus la collaboration entre les deux professions que les conflits : en effet, les avoués, en fin de carrière, apporteront un concours aux avocats, lesquels devront apprendre la procédure, en particulier avec la dématérialisation devant la cour. À mes yeux, loin d’accroître la concurrence, la période transitoire ne pourra qu’apporter cet avantage.

En ce qui concerne le fonctionnement des cours d’appel, il a été très justement rappelé cette évidence : la dématérialisation sera extrêmement difficile à mettre en place pour le début de l’année 2011.

La prolongation de la période transitoire facilitera la reconversion des avoués et de leurs salariés dans une période qui, tout le monde l’a reconnu, est extrêmement difficile pour eux.

Finalement, je ne vois vraiment pas les avantages d’enterrer plus vite la profession d’avoué alors que, manifestement, le renforcement de la durée de la période transitoire n’aurait aucune conséquence véritablement néfaste. Bien au contraire !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les trois amendements identiques vont à l’encontre de ce que la commission a voté dans ses délibérations précédentes. Nous avons auditionné plus de cinquante-sept personnes. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons constaté une évolution en ce qui concerne le délai d’application de la réforme.

Au départ, les avoués souhaitaient une période transitoire relativement longue. Mais les personnels en ont assez d’être laissés ainsi dans l’incertitude depuis juin 2008. La loi sera applicable aux alentours de juin 2010, soit deux ans après ! Par conséquent, cette période ne peut durer indéfiniment. À partir du moment où il a été décidé que la profession devait disparaître, nous devons fixer une date limite. Plus elle sera repoussée, plus ce sera compliqué.

Les auteurs des amendements ont soulevé un certain nombre d’arguments, notamment le risque de bouleversement du fonctionnement des cours d’appel. Mais c’est l’affaire du Gouvernement, singulièrement du garde des sceaux ! C’est à lui de s’arranger pour que tout fonctionne normalement, pour éviter les embouteillages dans les cours d’appel, et assurer la mise en œuvre de la numérisation – laquelle est d’ailleurs déjà en cours – dans les meilleures conditions possible.

Par conséquent, nous n’allons pas prolonger la période transitoire jusqu’au 1er janvier 2012, ce qui reviendrait à attendre encore deux années complètes. Comment fonctionneront les offices d’avoués, alors qu’ils ne pourront plus recruter personne et que leurs personnels partiront pendant cette période ?

Demander une prolongation de la période transitoire me rappelle les derniers mots prêtés à la Comtesse du Barry : « Encore un moment, monsieur le bourreau ! » Ici, il s’agit d’une année, mais je ne suis pas du tout convaincu que cela rende service à qui que ce soit. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Si la disposition est adoptée, nous verrons bien ce qu’il en adviendra dans la suite de la procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques. Nous avons longuement évoqué cette question lors de mon audition devant la commission. Comme je l’avais alors indiqué, nous avons abouti, me semble-t-il, à un point d’équilibre, souhaité par tous, de nature à satisfaire les intérêts des uns et des autres.

La période transitoire doit rester de courte durée pour ne pas laisser trop longtemps en concurrence des professionnels soumis à des statuts différents. C’est ce point qui peut poser problème.

Par ailleurs, les salariés ont également besoin d’être fixés rapidement sur leur sort. Je rappelle que les 380 postes qui leur sont proposés dans les services judiciaires sont à pourvoir en 2010 : les avoués quittant leurs emplois pour occuper ces postes ne seront pas remplacés, faute de perspectives, d’où un risque de désorganisation du système. Prolonger la période transitoire peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement des cours d’appel et le service rendu aux justiciables.

Dans ces conditions, une telle proposition ne me paraît pas raisonnable. Pour donner un ordre de grandeur, de 20 % à 25 % des salariés d’avoués partiront sans être remplacés.

En ce qui concerne l’aménagement du système qui a été prévu, il revient au ministère de le prendre en charge et de faire en sorte que tout se passe bien. Cela relève effectivement de ma responsabilité, et je l’assumerai.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié, 10 et 44 rectifié.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'Union centriste, l'autre, du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l’adoption 164
Contre 155

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l’article 34

Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement rend un rapport avant le 1er juin 2010 sur l'utilité pour le justiciable et le coût pour l'État de l'augmentation de l'aide juridictionnelle.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 22.

Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 22, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État rédige pendant cinq ans un rapport annuel sur la situation des avoués et des salariés concernant leur reconversion.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces deux amendements relèvent de la même philosophie. Ils visent à obtenir du Gouvernement la remise de deux rapports : le premier mesurerait le coût de la réforme, notamment pour le justiciable, ce qui nous permettrait de réajuster éventuellement l’aide juridictionnelle ; le second porterait sur la reconversion des avoués et de leurs salariés.

Madame la ministre d’État, vous l’avez évoqué, la reconversion des salariés de GIAT-Industrie, dans mon département, a été douloureuse économiquement et humainement.

En la matière, les situations individuelles ne sont pas toujours prises en compte. Il est donc temps aujourd'hui de reconnaître enfin la réalité du stress au travail, de mesurer l’ampleur des contraintes nées de la mise en œuvre d’un plan de reconversion et de s’assurer que, dans ce cadre, aucun salarié ne sera laissé sur le bord de la route. La revalorisation des acquis est, à cet égard, un élément primordial.

Il est nécessaire de mesurer l’impact réel de la réforme pour les salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission des lois est hostile, en règle générale, aux rapports demandés au Gouvernement, car soit ils ne sont jamais rédigés, soit ils s’entassent sur un coin de bureau et on n’y attache pas l’importance que l’on devrait.

En réalité, avec la réforme constitutionnelle, il revient au Parlement d’effectuer le suivi des lois que nous adoptons, sans que le Gouvernement ait à multiplier les rapports. Notre mission en ce domaine est maintenant très claire : non seulement nous faisons la loi, mais nous devons en contrôler l’exécution. C'est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur ces deux amendements. Quant à l’État – l’exposé des motifs des amendements précise en effet que « l’État doit prendre ses responsabilités » –, je rappelle que le Parlement en fait aussi partie !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, depuis la réforme constitutionnelle en particulier, le Gouvernement est à la disposition du Parlement pour lui fournir tous les éléments nécessaires en vue d’éclairer sa vision de l’application des lois, ce que je m’efforce de toujours faire de la manière la plus complète possible.

En outre, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prête, en plus du suivi du Parlement, à associer des parlementaires à un groupe de travail chargé du suivi de la mise en œuvre de cette réforme afin que votre information soit la plus transparente et la plus régulière possible.

Dès lors, il ne me paraît pas nécessaire que vous adoptiez une mesure législative spécifique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Pour les raisons exprimées par M. Gélard, nous ne voterons pas ces amendements.

Cela étant, une fois la loi promulguée, monsieur le président de la commission, peut-être pourriez-vous envisager de constituer un groupe de travail chargé du suivi de ce texte, qui est particulièrement délicat ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les arguments de la commission et du Gouvernement ne m’ont absolument pas convaincue, même si vous les partagez, monsieur Michel.

On sait ce qu’il en est de nos semaines de contrôle, monsieur le rapporteur. Je ne vais pas insister sur ce point, car ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Mais lorsque le Gouvernement propose une réforme, qui, à entendre les uns et les autres, n’est pas reçue avec enthousiasme par les parlementaires, du moins par la moitié d’entre eux dirons-nous, c’est le rôle du pouvoir législatif de demander au pouvoir exécutif de rendre des comptes un an après sa mise en œuvre.

Et que l’on ne me réponde pas que les rapports sont tous enterrés !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas tous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sinon, à ce compte, les rapports parlementaires le sont eux aussi !

Nous demandons par avance qu’il soit rendu compte de cette réforme. C’est très clair, et cela fait partie du rôle du législateur.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Lors de la révision constitutionnelle, j’avais beaucoup insisté sur le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques par le Parlement, et pas seulement en séance publique. En la matière, le rôle des commissions est fondamental. Plusieurs groupes de travail sont d’ailleurs chargés d’évaluer la mise en œuvre des lois après leur promulgation.

Si cette réforme devait rencontrer des difficultés majeures d’application, les nombreux interlocuteurs que nous avons auditionnés ne manqueraient pas de nous le faire savoir.

De plus, n’oublions pas que l’examen des missions dans le cadre du projet de loi de finances est l’occasion pour les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis de faire le point sur la mise en œuvre des lois.

Quoi qu’il en soit, monsieur Michel, vous pouvez compter sur la commission, surtout compte tenu de son implication, pour veiller à ce que cette réforme soit appliquée dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Articles additionnels après l’article 34
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le ministre d’État, comme nous l’avons vu tout au long des débats, hier soir et cet après-midi, cette réforme est inopportune, mal préparée et mal financée. Dès lors, des questions se posent. Fallait-il faire le vide, c’est-à-dire ne pas distinguer le statut d’officier public et ministériel des avoués, qui pouvait être supprimé, de leur mission de postulation auprès des cours d’appel, qui aurait pu subsister ?

Les conséquences de votre projet de loi présenté avec une certaine hâte seront donc graves, comme l’ont démontré les intervenants sur toutes les travées.

Tout d’abord, les conséquences seront graves pour les justiciables, qui verront leurs frais augmenter. En effet, d’une part, la taxe se transformera en honoraires librement fixés par l’avocat et, d’autre part, le financement de cette réforme se traduira par la création d’une taxe dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui sera à la charge des appelants.

Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la conformité constitutionnelle de cette taxe. D’abord, parce qu’elle crée une espèce d’octroi pour pouvoir faire appel ; ensuite, parce que la LOLF n’autorise la création de taxes nouvelles que pour financer des missions de service public. En quoi la suppression de la profession d’avoué est-elle une mission de service public ?

Ensuite, les conséquences seront graves pour la procédure elle-même. Cela a d’ailleurs été dit cet après-midi au moment du débat sur les mesures transitoires. Il n’est en effet pas certain que les cabinets d’avocats et les cours d’appel soient prêts et informatisés à temps. Les lettres qui ont été envoyées par les présidents de cours d’appel et les présidents de chambres civiles aux études d’avoués, notamment celles de province, et qui nous ont été communiquées, montrent l’inquiétude régnant au sein des cours d’appel.

En outre, les conséquences seront graves pour les avoués que l’on supprime d’un trait de plume. Le Gouvernement n’a pas totalement mesuré le préjudice causé à ces professionnels, puisqu’il se limite à envisager la suppression de leur charge sans prendre en compte leur préjudice économique, la perte de clientèle et le problème de la reconversion.

Enfin, les conséquences seront graves pour les salariés. Quoi que vous en disiez, ces 1 400 salariés, qui sont aujourd’hui très bien payés, ne retrouveront jamais un emploi équivalent. Du seul fait de la loi, la situation de ceux qui réussiront à rejoindre l’institution judiciaire ou un cabinet d’avocats sera fortement dégradée, quand ils ne seront pas au chômage. Mais peut-être le Gouvernement juge-t-il qu’il n’y a pas assez de chômeurs ! Dans la région Franche-Comté, par exemple, le chômage a augmenté de 40 % depuis le mois de septembre. C’est magnifique ! Quelle réussite de ce gouvernement et du Président de la République !

Pourquoi cette hâte à contraindre le Sénat à débattre, certes dans des conditions normales, mais à la veille des fêtes de fin d’année alors que vous auriez pu remettre l’ouvrage sur le métier ? Madame le ministre d’État, vous n’étiez pas obligée de suivre ce qui avait été fait à l’Assemblée nationale. Vous auriez pu vous inspirer d’un système qui existe déjà dans d’autres départements français. Que je sache, l’Alsace-Moselle est en France, même si, soit dit entre parenthèses, ses institutions sont encore plus différentes que celles des départements d’outre mer. Dans ces territoires, la charge d’avoué a été supprimée, mais la fonction est restée. Des avocats peuvent ainsi plaider et postuler devant le tribunal de grande instance et devant la cour d’appel ou être avocats aux Conseils. Voilà la bonne solution !

Nous tenons cependant à souligner le rôle de la commission des lois, en particulier de son rapporteur, M. Gélard, qui a effectué un très bon travail. Je me félicite en outre que plusieurs de nos amendements ainsi qu’un certain nombre d’autres amendements de nos collègues aient été adoptés, et ce dès l’examen en commission. Reste que ces améliorations sont marginales. C’est pourquoi nous ne pourrons voter que contre la réforme qui nous est proposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Au nom du groupe de l’UMP, je souhaite avant toute chose remercier le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, de sa qualité d’écoute, qui nous a permis de débattre dans d’excellentes conditions. Ces remerciements s’adressent naturellement aussi au rapporteur, Patrice Gélard, dont le travail de très grande qualité a permis d’enrichir sensiblement le projet de loi.

Nous sommes tous légitimement attachés à la modernisation de notre justice, qui constitue le fondement de notre État de droit et le socle de notre société démocratique. C’est pourquoi nous soutenons pleinement le triple objectif du projet de loi, à savoir simplifier, rendre plus lisible et moins coûteux le fonctionnement du procès en appel.

Les mesures proposées, ainsi que celles que nous avons modifiées, concilient les deux impératifs d’efficacité de la réforme et de protection d’une profession amenée à disparaître du fait de la loi. Ce double impératif a orienté tous nos votes, dans le sens d’une meilleure indemnisation et d’une aide à la reconversion, à la fois pour les avoués et leurs personnels salariés.

Nous nous félicitons ainsi que notre commission, soucieuse de cet équilibre, ait su compléter plusieurs des articles afin de limiter les préjudices causés aux avoués et à leurs personnels et de leur garantir de nouvelles opportunités professionnelles. À ce titre, nous tenons à saluer, madame le ministre d’État, votre engagement quant à la création de 380 postes dans les services judiciaires auxquels pourront postuler les salariés d’avoués dès le printemps de 2010.

La nécessité de la réforme ne saurait générer d’incertitudes pour les quelque 2 000 personnes dont la vie professionnelle va être bouleversée. Ainsi, nous nous réjouissons que, sur l’initiative de notre commission, la période transitoire ait été réduite de douze mois à neuf mois et que nous soyons ainsi arrivés à un point d’équilibre.

Nous soutenons en outre l’amélioration du système d’indemnisation des avoués présentée par la commission. Ainsi, la disposition confiant au juge le soin de déterminer l’indemnité spécifique allouée aux avoués va dans le bon sens.

Guidés par notre souci de justice et d’équité, nous avons été particulièrement sensibles à la situation des plus jeunes. C’est pourquoi nous avons souhaité que l’âge soit pris en compte dans la détermination de cette indemnité par le juge de l’expropriation.

Par ailleurs, on peut se réjouir que, sur mon initiative et celle de mon collègue Raymond Couderc, le texte prévoie la perception par les salariés, dès lors que ces derniers comptent un an d’ancienneté dans la profession, d’indemnités de licenciement calculées à hauteur d’un mois de salaire par année d’ancienneté.

Je tiens donc à vous indiquer, madame le ministre d’État, que nous soutenons tant ce texte que votre engagement à apporter une nouvelle pierre à la modernisation de notre justice. Les membres du groupe de l’UMP voteront donc ce projet de loi, tel que modifié par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La commission a œuvré pour améliorer le projet de loi initial. Cependant, madame le garde des sceaux, vous avez hérité d’un texte qu’il aurait à mon avis été préférable de jeter purement et simplement aux oubliettes, puis de retravailler autrement.

Vous nous parlez d’une réforme. Or, en ce qui concerne tant la procédure pénale que la procédure civile, on s’aperçoit qu’il s’agit vaille que vaille de se calquer sur le système anglo-saxon (Mme la ministre d’État fait un signe de dénégation.). Ce copier-coller est inadapté à notre système, auquel il faudra quand même un jour réfléchir pour savoir quelle justice et quelles réformes nous voulons.

Dès le départ, nous avons exprimé notre fort désaccord avec ce texte. Les avoués et leurs salariés eux-mêmes le rejettent. Ce projet de loi fait donc l’unanimité contre lui. C’est pourquoi il faut absolument le repousser. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Ainsi que cela a amplement été dit au cours de la discussion générale, cette réforme ne s’imposait pas. De plus, elle était totalement inacceptable pour les avoués et leurs personnels. Pour qu’une réforme puisse être acceptée par les personnes concernées, il faut qu’elle soit juste et équitable, ce qui n’était pas le cas.

Le travail accompli par la commission des lois sous l’égide de son rapporteur, dont je tiens à souligner la sagacité, a été largement suivi par notre assemblée. Le texte est désormais plus acceptable.

Certes, les raisons pour lesquelles on souhaite supprimer la profession d’avoué devant les cours d’appel ne sont pas plus justifiées. Cependant, le groupe de l’Union centriste considère qu’à partir du moment où la réforme se fait dans des conditions acceptables – en tout cas nettement plus acceptables, après l’examen par la commission des lois et par la Haute Assemblée, que celles qui nous étaient initialement proposées – il ne servirait à rien de la rejeter.

En effet, les craintes que pourraient avoir les avoués et les salariés pour leur avenir ne seraient pas pour autant dissipées. Cette réforme, je le rappelle, n’est pas apparue pour la première fois voilà dix-huit mois ; après une première étape en 1971, elle avait également été évoquée en 1991…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Proposée ! Par la gauche !

M. Yves Détraigne. Effectivement ! On peut donc imaginer que, si elle échouait aujourd’hui, elle reviendrait dans quelques années, ce qui ne serait absolument pas satisfaisant pour la profession d’avoué, qui aurait en quelque sorte une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Dans ces conditions, compte tenu de l’excellent travail réalisé par notre assemblée et en souhaitant que la navette parlementaire ne le détricote pas, le groupe de l’Union centriste votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, le doyen Gélard a rappelé tout à l’heure la célèbre formule : « Encore un moment, monsieur le bourreau ! » C’était le cri du cœur ! Il y a bien un bourreau…

Nous avons cependant salué les avancées réalisées par la commission sur l’indemnisation des avoués, sur la saisine du juge de l’expropriation, même si l’exercice ne sera pas facile juridiquement, avec la volonté d’une réparation intégrale du préjudice, y compris le préjudice futur et certain, ainsi que sur l’indemnisation des salariés à concurrence d’un mois de salaire par année d’ancienneté.

Nous aurions souhaité que la période transitoire soit plus longue que celle qui vient d’être votée. Nous verrons, en deuxième lecture, le texte qui nous reviendra de l’Assemblée nationale…

Mais voter une loi au motif que le texte sera inéluctablement adopté un jour, c’est tout de même faire peu de cas des principes, et du rôle du Parlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! C’est un très bon argument !

M. Jacques Mézard. Sur le principe, une large majorité d’intervenants, de toutes les sensibilités politiques, ont clairement fait état de leur incompréhension et, pour beaucoup, de leur opposition à ce projet de loi. Ce dernier est inopportun, finalement très accessoire par rapport au souci de modernisation de la justice ; il ne diminuera en rien le coût de la justice pour le justiciable – en tout cas, nul ne l’a démontré, et le rapport de la commission était tout à fait clair à cet égard –, il n’accélérera pas les procédures et, par sa brutalité, il a plongé dans le doute et, pour beaucoup, dans l’angoisse du lendemain les avoués et plus encore leurs 1 800 salariés.

Pour tout dire, cette réforme a été initiée de telle manière qu’elle n’est appréciée par personne : en effet, elle était viciée au départ par des propositions spoliatrices, même si des améliorations ont été apportées par Mme la ministre d’État puis par la commission des lois.

En conséquence, en l’état, et en attendant l’avenir, nous voterons majoritairement contre ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 184
Contre 151

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le président de la commission.