Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant l'article 1er (début)

M. Jean Desessard. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que la phrase en question est prononcée par le président de séance à l’occasion des scrutins publics. De nombreux votants n’étant alors pas présents dans l’hémicycle, comment peut-on demander si chacun d’entre eux a pu exprimer son vote comme il l’entendait ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) À qui s’adresse cette question ? Aux fauteuils vides ?

M. le président. Acte est donné de ces rappels au règlement.

Monsieur Sueur, je vous rappelle que le président Larcher a indiqué tout à l’heure que cette question sera évoquée en conférence des présidents. Vous pourrez donc demander à votre président de groupe de soumettre à celle-ci vos observations.

Dans l’immédiat, afin de vous éviter d’avoir à intervenir une nouvelle fois sur ce sujet, j’instaure, en vertu de mon autorité, un moratoire sur cette phrase jusqu’à la prochaine conférence des présidents.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en remercie !

M. le président. Nous revenons à la discussion des articles.

TITRE Ier

RÉNOVATION DE L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant l'article 1er (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer d’emblée un principe constitutionnel à nos yeux essentiel et qui nous semble être remis en cause tout au long du présent projet de loi : celui de la libre administration des collectivités locales et de l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre.

Or, comment parler de libre administration si les compétences d’une collectivité territoriale sont strictement encadrées ? Au cours de ces dernières décennies, la clause de compétence générale n’a jamais été remise en cause lors de travaux parlementaires. Elle a toujours été considérée comme un élément fondamental, constitutif du principe de libre administration des collectivités locales.

Le législateur a eu l’intelligence de permettre l’exercice permanent de ce principe, en accordant aux collectivités territoriales une clause de compétence générale qui les autorise, en toutes circonstances et dans tous les domaines, à mettre en œuvre les politiques locales qu’elles jugent nécessaires pour répondre aux besoins et aux attentes de leur population.

Réduire ou même supprimer cette clause de compétence générale, c’est remettre en cause ce principe constitutionnel !

Certes, ce projet de loi ne traite pas des compétences, puisqu’un autre texte ad hoc sera présenté dans les prochains mois. Toutefois, force est de constater que cette question y est abordée à de nombreuses reprises. Ainsi, l’article 35 est consacré spécifiquement à ce sujet, auquel il est également fait référence chaque fois que sont évoqués les transferts de compétences d’une collectivité vers une intercommunalité, tout particulièrement quand il s’agit de la création des métropoles.

Nous souhaitons donc ouvrir le débat avec cet amendement, dont l’adoption, nous semble-t-il, éclairerait l’ensemble du texte qui nous est soumis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à assimiler le principe de la libre administration des collectivités locales, qui est effectivement un principe constitutionnel, avec la clause générale de compétence, qui est seulement de nature législative et peut, par conséquent, être aménagée par la loi.

En effet, aucune décision du Conseil constitutionnel ne permet d’affirmer que la clause générale de compétence est de nature constitutionnelle. Le principe de subsidiarité exprimé au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution, auquel il est parfois fait référence dans ce domaine, implique seulement que la compétence susceptible d’être attribuée à un échelon donné ne doit pas être violée de façon manifeste. Il s’agit là d’une décision du Conseil constitutionnel du 7 juillet 2005.

Étant un principe législatif, la clause générale de compétence peut donc être limitée par la loi. Le Conseil d’État a ainsi estimé, dans un arrêt « Mons-en-Barœul » de 2001, que le législateur, en attribuant des compétences à un niveau de collectivités, apportait légitimement une limite à la clause générale de compétence des autres niveaux.

Nous ne partageons donc pas l’opinion exprimée par les auteurs de l’amendement, selon lesquels la clause générale de compétence est un principe fondateur de la libre administration. En revanche, la libre administration implique bien entendu l’exercice effectif d’un certain nombre de compétences.

À cet égard, je me permets de citer l’article 3 de la Charte européenne de l’autonomie locale, ratifiée par la France : « Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques. »

Le texte que nous examinons ne porte nullement atteinte à ce droit et à cette capacité effective. La commission des lois a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, votre amendement appelle de ma part une observation relativement simple : vous avez lié la clause de compétence générale et le principe selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre, et vous avez raison.

Encore faut-il rappeler les niveaux de ces deux normes juridiques : le principe selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre est inscrit dans la Constitution. La clause de compétence générale est une création jurisprudentielle, dépourvue de fondement légal. En laissant une liberté d’action, la loi autorise ce qu’on appelle une compétence générale, mais elle ne peut s’exercer que sous le contrôle du juge.

Il ne me semble pas souhaitable d’ériger la compétence générale en règle législative, sauf à contrevenir au principe constitutionnel d’interdiction pour une collectivité d’exercer une tutelle sur une autre.

Pour les raisons que je viens d’exposer, j’émets, comme M. le rapporteur, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Cette discussion, nous l’avons eue de manière approfondie dans le cadre de la mission Belot. Je me rappelle notamment que notre collègue Retailleau a très bien expliqué pourquoi les notions de compétence générale et de collectivité locale étaient étroitement liées.

Je ne pense pas que la notion de compétence générale soit explicitement mentionnée quelque part dans notre droit. Les choses sont formulées autrement. La Constitution dispose que les collectivités sont compétentes pour toutes les affaires d’intérêt de leur niveau :   la compétence de la commune s’exerce pour les affaires d’intérêt communal, la compétence du département s’exerce pour les affaires d’intérêt départemental, et ainsi de suite… Cela revient exactement à la même chose.

Nous avons longuement débattu d’un amendement que j’ai eu la faiblesse de déposer et qui avait pour objet de combler l’une des lacunes de votre texte.

En voici une autre, que le rapport Krattinger, rendu dans le cadre de la mission Belot, avait comblée : sans mentionner la notion de compétence générale, il proposait, d’une part, que soient mis en place des dispositifs de concertation entre les niveaux de collectivités, que vous avez refusée, et, d’autre part, que soit laissée à chacune une capacité d’initiative.

À votre réponse, que j’anticipe, monsieur le ministre, selon laquelle cette capacité d’initiative est prévue dans le texte, j’objecte que les domaines dans lesquels elle s’exerce n’ont pas été expressément prévus par la loi !

J’ai une autre objection à vous soumettre : imaginons que la collectivité en charge de la compétence ne veuille pas l’exercer, tout simplement parce qu’elle n’en a pas les moyens, que se passera-t-il ? Va-t-on attendre que le problème se résolve ? En admettant la capacité d’initiative, et donc de substitution – car c’est ce que cela veut dire –, le problème serait réglé avec élégance : une autre collectivité viendrait se substituer à celle qui est momentanément défaillante.

Mais de cela non plus vous ne voulez pas ! Je vois là, une nouvelle fois, la marque du caractère « ni fait ni à faire » du texte que vous nous proposez.

Le problème fondamental, c’est que vous confondez – c’est une constante dans votre texte – les notions de collectivité territoriale et d’EPCI. Pour vous, c’est la même chose parce que votre objectif est tout simplement de faire disparaître progressivement les communes dans des EPCI. Comme vous ne pouvez pas le faire tout de suite, de façon brutale et sauvage, vous le faites à la façon Mercier, élégante et gentille… (Sourires.)

Mais le but demeure. Et je persiste à dire que vous confondez – même si ce n’est pas précis dans vos têtes – les deux notions.

Je citerai un contre-exemple, qui n’a apparemment rien à voir mais qui vient, en fait, fort à propos. Je veux parler des communes nouvelles. Pourquoi, bigre, créer des communes déléguées ? Si des communes veulent fusionner, pourquoi maintenir des communes déléguées au sein des communes nouvelles ? Parce que, pour vous, les communes nouvelles sont aussi une forme d’EPCI ! De même, à l’autre bout, les métropoles sont des EPCI, tout en étant aussi des collectivités territoriales !

Pour notre part, nous faisons tout à fait la différence, reprenant à notre compte l’excellente formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, selon lequel les EPCI sont des « coopératives de communes ».

Refuser la compétence générale, quelque forme que prenne le refus, cela revient à transformer les départements et les régions en des sortes d’EPCI.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

M. Michel Boutant. Si l’on considère la solidarité comme une forme de dépendance ou de tutelle qu’exercerait une collectivité sur une autre, à ce moment-là, en effet, la clause de compétence générale n’a plus lieu d’être.

Mais, sur le terrain – plus particulièrement en milieu rural –, la clause de compétence générale, même si elle n’a d’autre fondement que la jurisprudence, n’en permet pas moins la solidarité ou la péréquation entre communes rurales. Faut-il déplacer les populations pour les rapprocher des villes ? Faut-il rayer de la carte les communes où les médecins manquent ? Est-ce cela l’intention cachée de cette loi ?

M. Pierre-Yves Collombat. C’est une juste stratégie !

M. Michel Boutant. Je citerai un domaine particulier : l’assainissement de l’eau. Nous devons tous, dans nos collectivités, appliquer la loi sur l’eau et rejeter dans la nature des eaux qui soient propres.

Lorsque le Fonds national pour le développement des adductions d’eau, le FNDAE, a été supprimé, qui a pris la relève, et au nom de quoi ? C’est grâce à la clause de compétence générale que, aidées par les départements et les régions, un certain nombre de petites communes ont pu accéder à l’assainissement et se mettre aux normes en matière de rejet !

Lorsque les grands opérateurs en téléphonie mobile ou les fournisseurs d’accès à internet ne veulent pas investir dans les zones les plus reculées, souvent menacées de désertification médicale, c’est cette clause qui permet de maintenir un équilibre entre les territoires : les plus modestes d’entre eux sont soutenus par les moyens dont disposent des collectivités plus importantes.

Au demeurant, n’arrive-t-il pas à l’État de solliciter les départements, les régions, les communautés d’agglomération, les communautés de communes sur tel ou tel projet de ligne à grande vitesse, par exemple ? Si cette clause est récusée, au nom de quoi ces collectivités devraient-elles accepter d’apporter leur contribution ?

Il me semble qu’une collectivité de proximité, même s’il s’agit d’une collectivité de taille intermédiaire comme le département, doit pouvoir mener tout un éventail d’actions, car il y a une forme d’osmose entre les communes, les communautés de communes et les départements.

Pour toutes ces raisons je voterai l’amendement n° 109. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Je voudrais essayer de vous convaincre de la pertinence de notre amendement, auquel notre groupe attache une grande importance. Il est en effet au cœur du statut des collectivités territoriales et au cœur de la problématique soulevée par le projet de loi dont nous entamons l’examen : peut-on respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la Constitution quand il est mis fin à leur compétence générale ? En clair, l’autonomie est-elle possible avec des compétences réduites, voire anéanties ?

Le bon sens juridique tend à suggérer qu’il y a incompatibilité et que le projet de loi est pleinement contraire à la Constitution puisqu’il prive les collectivités du principal moteur de leur libre administration : la compétence générale.

Comme cela a déjà été indiqué, c’est cette clause de compétence générale qui, fondamentalement, permet de distinguer un établissement public d’une collectivité locale. Un document de travail mis en ligne sur le site du comité de M. Balladur indique que la clause de compétence générale peut d’abord être considérée comme « consubstantielle à la notion de collectivité territoriale ». C’est cette clause qui distingue une collectivité d’un établissement public défini, quant à lui, par le principe de spécialité.

Ce document rappelle que la région n’a obtenu la compétence générale qu’une fois reconnue comme collectivité territoriale, alors qu’elle était auparavant un établissement public.

Ensuite, les auteurs de cette note affirment sans ambiguïté que la clause de compétence générale est l’une des composantes de la libre administration des collectivités locales.

Enfin, le document indique que le principe de subsidiarité posé par le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution conduit à la « vocation » de chaque collectivité à gérer ses propres affaires.

Il faut donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, appeler un chat un chat. Supprimer la clause de compétence générale pour le département et la région, mais aussi de manière insidieuse, pour la commune, contredit fondamentalement le principe de l’autonomie des collectivités territoriales, de leur place en tant qu’institutions démocratiques.

L’objectif est clair : les transformer, de fait, en administrations chargées d’appliquer une politique décidée à Paris.

M. Pierre Fauchon. Paris n’est pas Moscou !

M. Bernard Vera. La fin du principe de la compétence générale, c’est la fin de la démocratie locale, c’est la remise en cause du processus de décentralisation.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement par scrutin public, car ce vote pèsera sur l’ensemble des débats.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez bien compris que nous tenions beaucoup à cet amendement.

Mon collègue l’a très bien expliqué, en légère contradiction avec ce que vous avez dit, monsieur ministre, le comité Balladur, composé d’éminents juristes, s’est montré très réservé sur le sujet. Sa conclusion est plutôt que la compétence générale est, en effet, consubstantielle à l’administration des communes.

Il faut bien dire qu’elle est également consubstantielle à l’élection au suffrage universel. Qui administre nos collectivités, sinon des assemblées élues par le peuple ? Dès lors, n’est-il pas légitime que lesdites assemblées aient toutes facultés et moyens d’action pour répondre aux besoins des populations qui les ont élues ? Comme vous le disiez vous-même en 2002, cela va de pair avec l’autonomie financière.

Évidemment, on pourrait élire un Président de la République une bonne fois pour toutes et tout le reste en découlerait ! Cela simplifierait grandement les choses ! Mais tel n’est pas le cas, du moins pas encore…

Les choses ne sont pas aussi limpides que vous le dites dans votre interprétation de la Constitution. Tout le monde ne voit pas les choses de la même façon !

Pour ma part, je voudrais faire une observation sur un autre problème qui, me semble-t-il, est de taille.

À ces métropoles que vous créez, vous ne pouvez pas donner la qualité de collectivités locales, car vous devriez sinon modifier la Constitution, ce que, pour des raisons que l’on peut comprendre, vous ne voulez pas faire…

Or, ces métropoles vont avoir de fait une compétence générale par délégation, obligatoire pour les communes et quasi obligatoire pour les départements et les régions, des compétences en matière économique, sociale, scolaire, culturelle, etc.

Il est assez paradoxal, et à mon sens inadmissible, que vous fassiez de collectivités déguisées, que vous n’osez même pas appeler par leur nom, des collectivités à compétence générale, tandis que vous ôtez cette compétence générale à des collectivités territoriales inscrites, en bonne et due forme, en tant que telles dans la Constitution.

Il serait bon que l’on nous explique ce qui peut justifier une telle incohérence, mais, en tout état de cause, j’invite mes collègues à bien réfléchir avant de repousser notre amendement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Le sujet est important puisque c’est la capacité de nos territoires à être réactifs face aux problèmes posés qui est en cause : sans la clause de compétence générale, nous ne pourrons plus prendre d’initiatives. Or, mes chers collègues, c’est le plus souvent grâce à la liberté d’initiative de nos départements que nous avons pu enclencher des évolutions essentielles.

Je voterai donc l’amendement.

Auparavant, je souhaite toutefois demander à ses auteurs s’il est possible de le rectifier de manière à préciser que la compétence générale s’exerce, d’une part, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités pour, justement, qu’il n’y ait pas de tutelle de l’une sur l’autre, d’autre part, dans le respect de l’application de la subsidiarité.

Mme Éliane Assassi. C’est très pertinent !

M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je vous engage à voter cet amendement – rectifié de préférence, mais je laisse à ses auteurs le choix d’accéder ou non à ma suggestion – car, dans vos départements, vous serez comptables des capacités d’initiative que vous aurez laissées aux conseils généraux et aux conseils régionaux !

M. le président. Monsieur Vera, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. Philippe Adnot ?

M. Bernard Vera. Absolument !

M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 109 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, qui est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. D’abord, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, pour créer une nouvelle collectivité territoriale, il n’est pas nécessaire de réviser la Constitution.

Celle-ci prévoit clairement, et vous le savez parfaitement, que « les collectivités de la République sont les communes, les départements, les régions » et que « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi ».

On peut donc parfaitement créer par une loi, dans le respect de la Constitution, la métropole collectivité territoriale.

Ensuite, M. Collombat ne l’ayant pas fait, c’est bien volontiers que j’évoquerai moi-même Michel Rocard, car ce n’est pas du tout en vertu de la clause de compétence générale que le département a pu aider les communes, mais bien de la loi de 1982…

M. Jean-Claude Peyronnet. C’est bien antérieur !

M. Michel Mercier, ministre. Non, monsieur Peyronnet : c’est depuis l’adoption – grâce à vous, car je ne doute pas que vous l’ayez votée – de cette loi…

M. Jean-Claude Peyronnet. Non, car je n’étais pas encore parlementaire…

M. Jean-Pierre Sueur. Moi, j’ai voté cette loi, sans problème…

M. Michel Mercier, ministre. Cela ne m’étonne pas, monsieur Sueur, car, dès que vous voyiez le nom « Rocard », vous votiez !

M. Jean-Pierre Sueur. Non, et, quand j’étais en désaccord avec lui, je le lui disais !

M. Michel Mercier, ministre. C’est ainsi que, grâce à M. Sueur, l’aide aux communes est devenue une compétence légale du département, et cette disposition législative a été reprise dans le code général des collectivités territoriales. Donc libre à chacun de jouer à se faire peur, mais inutile de le faire plus que nécessaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Peut-être voulez-vous que je vous lise le code ?...

M. Jean Desessard. Bien sûr ! Comme cela le débat durera quatre semaines !

M. Michel Mercier, ministre. Je me contenterai de vous renvoyer à ses articles L. 3232-1-1 et R 3232-1 !

Sur ces deux points, je tenais à préciser le droit existant.

Quant à l’avis du Gouvernement sur l’amendement rectifié, il reste défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, vous savez comme moi, et même mieux que moi puisque vous êtes président de conseil général, que, souvent, dans leurs délibérations – en vue, par exemple, de subventionner une opération –, les conseils généraux précisent qu’ils interviennent « au nom de l’intérêt départemental », et cela afin d’éviter que la tutelle ne sourcille trop…

La loi « Rocard » n’a fait que généraliser ce type d’interventions et leur donner un fondement juridique un peu plus sûr, mais c’est bien « au nom de l’intérêt départemental » qu’elles sont généralement menées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis en total accord avec l’amendement n° 109 rectifié. Le principe de la compétence générale me paraît relever du bon sens et je ne serais pas intervenu si M. le ministre n’avait pas déclaré que je votais automatiquement chaque fois que je voyais le nom « Rocard ».

M. Michel Mercier, ministre. C’est la vérité !

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai beaucoup d’amitié pour Michel Rocard, j’ai été très solidaire de son action et j’en suis fier, mais, si quelque chose le caractérise, c’est bien de n’avoir jamais exigé qu’on lui fût inféodé : une de ses grandes qualités a toujours été de respecter pleinement la liberté de ses interlocuteurs, et je vous remercie, monsieur Mercier, de m’avoir donné l’occasion de le souligner.

M. Jean Desessard. Êtes-vous bien intervenu comme vous l’entendiez, monsieur Sueur ?... (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

....................................................................................................

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n  133 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 144
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 112, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.

La parole est à Mme Éliane Assassi.