Mme Nicole Bricq. Ne vous inquiétez pas, monsieur Doligé, notre opiniâtreté n’est pas du tout émoussée ! Je suis en train de vous le prouver, et les collègues qui vont me succéder ce matin poursuivront dans cette voie !

Triste conclusion : sept ans après, le passé n’est pas soldé et l’avenir ne se prépare pas. Le constat est sévère, mais c’est la réalité. Le passé ne passe pas pour de nombreuses victimes, qui sont persuadées au fond d’elles-mêmes qu’elles ont été sacrifiées à des considérations d’abord budgétaires.

De fait, le groupe de travail de la commission des finances s’est demandé pourquoi l’État avait préféré mettre en œuvre un mécanisme ad hoc plutôt que d’adapter les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget, avait déclaré en novembre 2005 à l’Assemblée nationale que l’élargissement des critères « risquerait d’entraîner immédiatement un appel en garantie » – nous arrivons à la fameuse Caisse centrale de réassurance ! – « qui pèserait directement sur le budget de l’État ». Nous y sommes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Nicole Bricq. Ce choix budgétaire a pu renforcer la conviction que le traitement réservé aux sinistrés n’était pas lié à leur seule situation objective : en Seine-et-Marne, certains ont été indemnisés tandis que leurs voisins, de l’autre côté de la rue, ne l’ont pas été. Et ce qui s’est produit dans les communes de mon département a dû se produire également dans celles de bien d’autres ! De nombreux sinistrés attendent toujours les fonds nécessaires pour restaurer et sécuriser leurs habitations.

Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a chargé ses services d’étudier la proposition de la coordination seine-et-marnaise – qui a demandé à être reçue –, en liaison avec leurs correspondants du ministère du budget. Cela date du 15 mars 2010 : ce n’est pas vieux, monsieur le secrétaire d’État !

Dans l’Ardèche, que je citais tout à l’heure, notre collègue Michel Teston a récemment reçu les représentants de l’association ardéchoise de défense des sinistrés de la sécheresse : aucune commune du département n’a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour la sécheresse de 2003, alors que 36 communes ont bénéficié de l’aide exceptionnelle de 2006. Là aussi, de nombreux sinistrés sont dans l’attente.

Les considérations budgétaires invoquées par le Gouvernement doivent être mises en perspective : entre 1988 et 2007, le coût des indemnisations au titre des catastrophes naturelles représente pour les assureurs un total de 34 milliards d’euros. Le coût de la tempête de 1999 a été évalué à 6,9 milliards d’euros et celui de la tempête Xynthia, me semble-t-il, à 1,5 milliard d’euros. Les prévisions pour la période 2001-2030 s’élèvent à 50 milliards d’euros.

Se pose donc le problème de la fameuse Caisse centrale de réassurance. Dans le rapport, où lui sont tout de même consacrées plusieurs pages, le constat est clair, mais – je viens de relire le passage – prudent : si aujourd’hui la capacité de réassurance de la Caisse doit évidemment être renforcée, il est précisé : « quand les finances publiques le permettront ». Nous touchons là au nœud gordien de l’affaire, et c’est pour cela que j’ai voulu y insister.

Nous serons confrontés à d’autres catastrophes, celles du passé ne sont pas soldées, et nous avons un problème financier. Si l’État ne se donne pas les moyens d’apporter son financement, via l’adossement, à la Caisse centrale de réassurance, que se passera-t-il ? Les primes seront augmentées ? Soit ! Ce sont donc les ménages qui paieront ! Cela suffira-t-il ? Nous savons tous parfaitement que non. Il faut donc faire des choix : la politique, c’est faire des choix, et gouverner, c’est agir en responsabilité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes tous attachés au régime instauré par la loi de 1982, le régime de solidarité nationale, ce point n’a pas fait débat entre nous. Mais nous, parlementaires, devons-nous attendre, notamment pour les modifications des règles d’urbanisme et des porters à connaissance – tout cela est recensé dans le rapport –, que le ministère de l’intérieur, le ministère du développement durable, le ministère des finances, et j’en oublie peut-être, se mettent d’accord ? Pouvons-nous nous en remettre à la lenteur du processus réglementaire ?

On nous invite à attendre la publication à la fin de l’année du résultat des réflexions menées à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages du ministère du développement durable par les cinq groupes de travail chargés de définir un nouveau corpus réglementaire. Mais cela fait des années que nous attendons ! En cet instant, je vous le dis, je pense que, tant d’un point de vue budgétaire que d’un point de vue réglementaire, puisque certaines codifications sont nécessaires, pour le passé comme pour l’avenir, ce dossier ne progressera que si le Gouvernement s’en donne les moyens. Cela devrait, à mon sens, passer par la nomination auprès du Premier ministre d’un délégué interministériel chargé de ces questions, sans quoi on va nous dire de ne pas nous inquiéter, que cela va arriver… et cela n’arrive jamais.

Monsieur le secrétaire d’État, aujourd’hui, nous attendons de l’État qu’il s’attelle à la tâche, nous attendons de vous que vous nous disiez très précisément et sans délai ce que vous allez faire. Nous le devons aux sinistrés, nous le devons aux parlementaires, nous le devons aux maires qui sont en premier lieu responsables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Paul Alduy applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je citerai pour commencer mon intervention un chiffre très significatif : sur les 374 requêtes, émanant de 12 départements, adressées au Médiateur de la République à la suite de la sécheresse de 2003, plus d’un tiers ont concerné mon seul département, la Seine-et-Marne : 137 saisines, concernant 100 communes.

J’interviens donc à double titre : en tant que parlementaire contrôlant l’action du Gouvernement, mais aussi en tant que sénateur représentant les communes de mon département et président de l’Union des maires de Seine-et-Marne.

De ce dernier point de vue, je suis bien placé pour savoir combien les communes de Seine-et-Marne ont souffert des conséquences de la sécheresse de 2003. Je sais aussi que la réparation des préjudices subis demeure encore insuffisante.

Les maires ont notamment été confrontés à des problèmes d’iniquité de traitement et au manque de clarté des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, pourtant indispensable pour que les dossiers des sinistrés soient pris en charge par les compagnies d’assurance.

Comment expliquer que, dans mon département, des communes comme Claye-Souilly, Quincy-Voisins ou Esbly, où quantité d’habitations ont été dégradées par les mouvements de terrain qu’a provoqués le phénomène de déshydratation et réhydratation des sols argileux, n’aient pas été reconnues en état de catastrophe naturelle alors même qu’elles l’avaient été lors de précédentes sécheresses et a contrario d’autres communes pourtant limitrophes et situées sur le même type de sol géologique ? Les exemples sont nombreux, monsieur le secrétaire d’État, et je pourrais en citer bien d’autres !

Il est vrai que la loi de finances pour 2006 a créé une procédure d’aide exceptionnelle hors CAT-NAT, à hauteur de 180 millions d’euros, dont ont bénéficié 4 400 de ces communes discriminées. Ce montant a été porté à 218,5 millions d’euros par la loi de finances rectificative pour 2006. Les élus concernés sur le terrain que nous sommes le savent bien : malgré cela, l’indemnisation est encore insuffisante.

M. Jean-Pierre Sueur. Très insuffisante !

M. Michel Houel. En Seine-et-Marne, seuls 44 % des dossiers ont été retenus. Même dans les communes qui ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, le niveau des indemnisations n’a pas dépassé 20 % du montant nécessaire pour financer la totalité des travaux destinés à assurer la pérennité des ouvrages sinistrés.

N’oublions pas non plus le caractère parfois très progressif des conséquences pernicieuses des aléas climatiques, en particulier sur les sols argileux. Ainsi, les dégradations n’étant pas apparues immédiatement, des habitations endommagées par la sécheresse n’ont pas été prises en compte, dans le cadre de l’arrêté de catastrophe naturelle, dans la répartition des montants distribués. Je donnerai un exemple très précis, pris dans ma commune, Crécy-la-Chapelle. Voilà six mois, j’ai alerté le préfet en demandant la réouverture de certains dossiers, des sinistres étant apparus après coup dans certaines maisons.

Monsieur le secrétaire d’État, nous disposons du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et de bien d’autres organismes. Ce n’est pas suffisant : il faut que l’État manifeste une véritable volonté et fasse preuve d’une très grande fermeté pour imposer aux maires de tenir compte dans leurs documents d’urbanisme des risques liés aux sols argileux. Il ne s’agit pas d’interdire de construire, il s’agit simplement que les documents d’urbanisme édictent des règles beaucoup plus strictes pour les fondations. Car bien souvent, dans les zones pavillonnaires, les constructions ont pour fondations une simple semelle posée à même la terre, le garage étant attenant à l’habitation : bien évidemment, au moindre trouble, l’ensemble se désolidarise et les problèmes apparaissent.

Bien sûr, dans le département de Seine-et-Marne – son nom veut bien dire ce qu’il veut dire : les cours d’eau y sont nombreux ! –, des plans de prévention des risques d’inondation, des PPRI, ont été élaborés. Les maires les refusent.

Mme Fabienne Keller. C’est tout le sujet !

M. Michel Houel. Alors, monsieur le secrétaire d’État, il faut taper du poing sur la table, il faut faire preuve d’une très grande fermeté, il faut que le préfet parvienne à ce que ces communes les incluent dans leurs documents d’urbanisme. Il n’est pas admissible que certaines des communes concernées les appliquent tandis que d’autres traînent des pieds. Sur ce point, il est absolument nécessaire d’agir.

Voilà plusieurs années que, de projet de loi de finances en projet de loi de finances, de collectif budgétaire en collectif budgétaire, le problème est toujours posé sans jamais être résolu. Lors de l’examen de la première loi de finances rectificative pour 2009, nous avons enfin abouti à quelque chose de plus concret : la création d’un groupe de travail spécifique au sein de la commission des finances du Sénat. Au nom du groupe UMP, je tiens à en saluer le président, Éric Doligé, le rapporteur, Fabienne Keller, ainsi que tous les membres ici présents. Leurs conclusions sont à la fois pragmatiques et réalistes ; elles ne doivent pas, monsieur le secrétaire d’État, rester lettre morte.

M. Jean-Pierre Sueur. Et voilà ! C’est là tout le problème !

M. Michel Houel. Il y va de la confiance des relations entre le Parlement et le Gouvernement, ainsi que de la reconnaissance de notre travail et de notre connaissance du terrain.

Nous sommes des élus responsables, nous sommes conscients des difficultés budgétaires actuelles, renforcées par la crise. Néanmoins, nous constatons sur le terrain que des situations très difficiles subsistent : il s’agit d’une question d’équité.

Un collectif réunissant près de la moitié des communes laissées pour compte en Seine-et-Marne et représentant un bassin de plus de 260 000 habitants a relevé depuis l’été 2003, sur les différents territoires concernés, des fissures en façade, des décollements entre différents corps d’ouvrages, des affaissements de dalles, des dislocations de cloisons, des distorsions de portes et fenêtres, bien souvent à ne plus pouvoir fermer ni les fenêtres ni les volets – tous désordres auxquels j’ai fait allusion tout à l’heure.

Et que dire des retraités qui ont investi toutes leurs économies dans la construction d’une maison qu’ils comptaient transmettre à leurs enfants et qui aujourd’hui tombe en ruine ?

Discourons peu et sans ambages : nous constatons sur le terrain que le montant global des indemnisations a été insuffisant, et la procédure d’aide exceptionnelle, censée diminuer le nombre des situations d’iniquité, a été encadrée par des conditions trop strictes de forme et de délai. Le rapport du Sénat préconise des indemnisations complémentaires très ciblées, intervenant après expertise. Cela me semble raisonnable, et le groupe UMP soutient cette proposition.

De manière plus générale, la modernisation du régime CAT-NAT, telle que la préconise avec pertinence le groupe de travail sénatorial, est d’autant plus indispensable et urgente que les catastrophes naturelles semblent à la fois plus fréquentes et plus graves que par le passé. La dernière tempête, Xynthia, survenue voilà moins d’un mois, en est malheureusement le parfait exemple. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Commençons donc, monsieur le secrétaire d’État, par citer William Shakespeare,…

M. Jean-Pierre Sueur. … qui, dans l’une de ses pièces, fait dire à l’un de ses personnages : « Des mots, des mots, des mots, toujours des mots ! » Et, plus récemment, quelqu’un disait : « Paroles, paroles, paroles ! »

M. Éric Doligé. Ah ! Dalida !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur Doligé, de faire preuve d’une grande culture en la matière ! (Sourires.)

Sur cette question, c’est le fonds qui manque le plus ou, plutôt, ce sont les fonds qui manquent le plus ! Tous les collègues qui m’ont précédé à cette tribune ont déjà souligné l’ensemble des démarches entreprises depuis 2003 – voilà déjà sept ans ! – et ont des avis convergents sur la situation. Ce débat ne prendra tout son sens qu’avec la réponse que vous allez nous donner, monsieur le secrétaire d'État, et les espèces sonnantes et trébuchantes que vous allez nous apporter.

Vous le savez, le montant des préjudices est estimé à 1,5 milliard d’euros. Or, à ce jour, une enveloppe, qui a été complétée, a pu être dégagée à hauteur de quelque 228 millions d’euros. Cela a été souligné, nombre de nos concitoyens sont dans la détresse car ils ne peuvent faire face aux dépenses occasionnées par les graves dommages que leur habitation a subis.

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi aussi de dire que la gestion de ce dossier a été marquée par une profonde injustice.

En effet, si l’on regarde la liste des communes déclarées sinistrées au titre de la loi sur les catastrophes naturelles, on constate de très grandes disparités.

Pour prendre l’exemple du département du Loiret, cher à Éric Doligé et à moi-même, l’excellent rapport d’information de nos collègues Frécon et Keller souligne que « M. Claude Naquin, président du Collectif national de défense des sinistrés de la sécheresse de 2003, a indiqué que “les seules communes du Loiret à avoir été reconnues en état de catastrophe naturelle ont été celles qui étaient rattachées à une station météorologique d’un département voisin”, situation qu’il a jugée “abracadabrante” ».

M. Laurent Béteille. « Abracadabrantesque » ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà cinq ou six ans, j’avais demandé ici même à cette tribune à M. Hortefeux, alors chargé des collectivités territoriales, de venir dans le département du Loiret afin qu’il m’explique pourquoi la commune de Dammarie-sur-Loing avait été déclarée sinistrée et pas celle de Beauchamps-sur-Huillard, qui l’a été depuis, ce dont je me réjouis. Plus de 200 communes du Loiret avaient demandé à être inscrites en état de catastrophe naturelle ; une trentaine l’ont été et 186 d’entre elles n’ont pas obtenu satisfaction.

Très franchement, je vous invite, monsieur le secrétaire d'État – nous vous recevrons avec plaisir ! – à nous rendre visite, car nous serons contents de vous entendre exposer les raisons météorologiques et géologiques pour lesquelles certaines communes ont été déclarées sinistrées et pas d’autres.

Mme Nicole Bricq. Il ne peut pas !

M. Jean-Pierre Sueur. En toute objectivité, on constate qu’aux raisons géologiques et météorologiques se sont ajoutées des raisons géopolitiques, qui ont souvent pesé davantage. Il y a donc eu beaucoup d’injustice en la matière.

J’aurais pu vous livrer toute une série de citations émanant de personnalités diverses, mais je respecterai le temps qui m’a été imparti.

Ainsi, le 20 janvier 2005, M. Dominique de Villepin a déclaré, en réponse à M. Mortemousque : « À ma demande, M. le Premier ministre a accepté de prendre en compte les situations personnelles. Nous allons donc d’ici au 15 février définir de nouveaux critères. »

Mme Nicole Bricq. Quelle année ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Or aucun nouveau critère n’a été retenu dans ce laps de temps !

Mon collègue Bernard Vera vous a déjà communiqué, et je l’en remercie, la réponse que m’avait faite, en 2007, Mme Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur : « Je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera soumise lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. » Aucune suite !

M. Dominique Bussereau déclarait, en 2008 : « Dans l’immédiat, aucune nouvelle dotation budgétaire n’est prévue, mais je prends néanmoins bonne note, monsieur Sueur, de votre appel. Dès demain, je ferai part de votre demande à Mme le ministre de l’intérieur. »

Et je pourrais continuer ainsi les citations…

Très franchement, nous en avions assez de constater que les bonnes intentions n’étaient suivies d’aucun effet, et je remercie de tout cœur nos collègues Éric Doligé, Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon d’avoir rédigé ce rapport d’information, qui comporte des recommandations importantes.

Concernant la proposition n° 9, « le groupe de travail souhaite que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse. » Monsieur le secrétaire d'État, qu’en est-il ?

Le 1er décembre 2009, Mme Chantal Jouanno indiquait : « Cette disposition ne relève pas du domaine législatif, mais je m’engage très clairement à ce que le reliquat soit affecté à l’indemnisation des victimes. Cela ne pose aucune difficulté. » Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous en apporter la confirmation ? Les associations, que je salue, ont demandé un bilan tant des aides qui ont été attribuées au titre de la première et de la deuxième enveloppe que des situations restées sans réponse.

Dans sa proposition n° 10, qui est particulièrement importante, « le groupe de travail demande au Gouvernement de mettre en œuvre une vague complémentaire d’indemnisations. Afin de circonscrire les effets d’aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d’une expertise préalable. »

Je ne reviendrai pas sur l’intervention de Mme Bricq à propos des déclarations de M. Doligé, sauf pour préciser, sous le contrôle de l’intéressé, que celles-ci portaient sur un amendement par le biais duquel nous demandions 180 millions d’euros. Cher collègue Doligé, vous nous aviez répondu que c’était beaucoup, mais que toute somme inférieure, quelle qu’elle soit, serait la bienvenue et à la mesure de l’attente de nos concitoyens.

Vous aviez même ajouté, mon cher collègue : « Toutefois, si un tel amendement venait à être représenté dans les trois prochains mois et que le Gouvernement ne dispose toujours pas d’un chiffrage précis, je voterai cet amendement. » Ce que n’a pas précisé Mme Bricq, par modestie, c’est que le compte rendu intégral de nos débats, qui rend également compte des mouvements de séance, a noté : « Très bien ! sur les travées du groupe socialiste. » Je le réitère ici aujourd'hui.

Je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'État. Vous comprenez bien que de nouvelles déclarations d’intention provoqueraient une réelle déception. Nous estimons que l’État doit consentir un effort, qui vous est d’ailleurs demandé par tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Cet effort doit être raisonnable, mais à la hauteur de ce qui est nécessaire, à savoir, au minimum, quelques dizaines de millions d’euros, pour montrer que la République prend en compte la détresse, je dis bien « la détresse », d’un certain nombre de nos concitoyens. Aussi, tout est dans la réponse financière qui nous sera aujourd'hui apportée ou dans l’engagement que vous pouvez prendre eu égard au prochain projet de loi de finances rectificative. Cela fait sept ans que nous en parlons, nous espérons que le Gouvernement s’engagera enfin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir, à mon tour, dans ce débat, non pas évidemment pour répéter une fois de plus ce que mes autres collègues ont fort bien dit et que je partage, mais essentiellement parce que j’ai eu l’occasion de rencontrer personnellement de nombreuses victimes de la sécheresse de 2003 et j’ai constaté leur profonde détresse et leur incompréhension.

Oui, la sécheresse de 2003 a causé un désarroi profond et durable chez nos concitoyens victimes de cette catastrophe, car certains d’entre eux ont été insuffisamment indemnisés, voire pas du tout. Par ailleurs, les élus des communes m’ont confié qu’ils ne comprenaient pas les incohérences constatées dans le cadre de l’indemnisation.

J’ai rencontré la semaine dernière Bernard Zunino, le maire de Saint-Michel-sur-Orge, qui, une fois encore, a attiré mon attention sur ce grave problème.

Les nombreux recours intentés par les victimes ou les associations de victimes ou, encore, les communes démontrent, si besoin était, que la gestion de la sécheresse de 2003 n’est pas soldée et ne peut pas rester en l’état.

Dans le département de l’Essonne, 55 communes n’ont pas été reconnues en situation de catastrophe naturelle. Sur 575 dossiers de sinistres déposés en préfecture, 265 ont été déclarés éligibles et ont fait l’objet d’une indemnisation partielle au titre de l’article 110 de la loi de finances pour 2006.

Avec l’ensemble des parlementaires de ce département, nous n’avons pas ménagé nos efforts. Personnellement, j’ai posé un certain nombre de questions au Gouvernement lors de l’examen des différents projets de loi de finances ou projets de loi de finances rectificative. L’Union des maires de l’Essonne, que je préside, s’est directement impliquée dans ce combat et a d’ailleurs aidé les communes à introduire des recours contre l’arrêté initial de catastrophe naturelle, jugé injuste.

Dès lors, je tiens à saluer l’initiative de la commission des finances de notre assemblée qui a constitué en son sein, en février 2009, un groupe de travail dédié à la situation des sinistres enregistrés lors de la sécheresse de 2003 et, au-delà, à la réforme d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Ce groupe de travail s’est d’ailleurs rendu, dans mon département, à Brétigny-sur-Orge et à Saint-Michel-sur-Orge pour constater la situation de ces communes qui n’ont pas été déclarées sinistrées, alors qu’un certain nombre de personnes ont vu leur habitation complètement dégradée par le phénomène de déshydratation et de réhydratation des sols. Nous avons également tenu une réunion à la préfecture d’Évry pour établir un diagnostic de la mise en œuvre des procédures d’indemnisation. À cet égard, je ne reviendrai pas sur les insuffisances du dispositif que mes collègues ont signalées avant moi.

Nous le reconnaissons, des efforts considérables ont été réalisés par l’État, des moyens financiers ont déjà été dégagés, mais il n’en demeure pas moins que la solution n’est toujours pas trouvée.

Le régime des catastrophes naturelles qui assure la protection des biens contre les dégâts causés par des phénomènes exceptionnels révèle des insuffisances, plus particulièrement encore en matière de sécheresse, les autres phénomènes étant peut-être plus facilement identifiables, ne serait-ce que par leur côté plus spectaculaire.

Ce dispositif manque de transparence ou, en tout cas, de lisibilité, et les assurés, comme les élus, s’interrogent sur les modalités d’éligibilité du sinistre, sur les décisions d’indemnisation ou de refus d’indemnisation, notamment, comme cela a été souligné, lorsque deux communes contiguës ne sont pas traitées de la même manière, ce qui est ressenti comme injuste pour les assurés, les associations et les élus.

En outre, le dispositif exceptionnel de la loi de 2006 a prévu des délais très courts, compte tenu du fait que les sinistrés ont dû déposer en préfecture deux devis de travaux. Les préfectures ont statué sur la base de devis et non d’expertises approfondies incluant des sondages de sol.

Sept ans plus tard, cela a été déjà dit, mais je me dois de le répéter, beaucoup de sinistrés vivent encore dans des pavillons instables, invendables, voire inhabitables, et n’ont pas les moyens de les réparer.

Le groupe de travail a fait un rapport de grande qualité. Il a dressé un état des lieux de la sécheresse de 2003 et formulé des préconisations de nature à solder définitivement ce dossier complexe et douloureux.

À mon tour, j’en appelle au Gouvernement pour qu’il prenne des mesures nécessaires à l’achèvement du processus d’indemnisation des victimes, afin que celles-ci obtiennent justice, et à la consolidation du régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

Toutefois, si je partage l’avis de la commission des finances sur la nécessité de conserver un arrêté interministériel, je pense que ce texte ne doit pas être trop précis, car cela aboutirait tout naturellement à des restrictions et à des injustices.

Enfin, le Gouvernement doit renforcer la protection de nos concitoyens grâce à une politique de prévention des risques et à des règles de construction. Ainsi est-il absolument nécessaire de généraliser l’obligation d’étude de sol dans les zones argileuses à risque, à condition d’en établir la cartographie. Mais je ne vais pas reprendre les propos qui ont été déjà tenus par d’autres.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois vraiment que la situation n’a que trop duré ! Il est nécessaire d’assurer à nos concitoyens une véritable indemnisation et d’apporter des mesures de justice à l’ensemble des victimes, afin que ce dossier puisse enfin être clos ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.