Article additionnel après l'article 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. L’époque des corsaires est certes révolue, mais malheureusement, la piraterie revient.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Un corsaire n’est pas un pirate !

M. Robert del Picchia. C’est bien ce que je voulais dire, monsieur le président de la commission !

La vocation première de ce texte est de donner à notre pays les moyens juridiques et réglementaires de poursuivre son combat contre le fléau de la piraterie maritime, qui connaît une recrudescence très inquiétante.

Il s’agit également d’adapter le droit interne français pour qu’il soit possible de réprimer et de juger les actes de piraterie et leurs auteurs sans encourir de condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.

L’adoption de ce projet de loi sera donc un signal envoyé tant à nos partenaires européens, auprès desquels nous sommes engagés au large du golfe d’Aden en particulier, qu’aux pirates eux-mêmes.

Ce texte constitue le nécessaire pendant juridique des opérations militaires destinées à assurer la sécurité de milliers de navires. Il s’inspire de la convention de Montego Bay et de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer.

Nous nous félicitons, en particulier, de l’adoption des dispositions relatives au régime de rétention des suspects. Il s’agit de concilier la prise en compte des contraintes opérationnelles et le respect des libertés individuelles.

Dès lors, ce projet de loi constitue une étape importante dans la lutte contre la piraterie. C’est pourquoi le groupe UMP le votera sans aucune réticence, son adoption répondant à une nécessité absolue.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.

M. Didier Boulaud. Nous aurions aimé pouvoir voter ce projet de loi, mais nous en sommes empêchés par les tergiversations gouvernementales sur la réforme de la procédure pénale, dont on ne sait pas si elle sera votée un jour ou abandonnée,…

M. Christian Cambon. Quel argument !

M. Didier Boulaud. … et par nos interrogations sur la place qu’occupera le procureur dans la procédure ou sur le sort qui sera réservé aux pirates.

Le flou est tel qu’il nous est impossible de faire confiance au Gouvernement, d’autant que Mme la garde des sceaux a fait dans cet hémicycle trop de promesses qu’elle n’a pas tenues. En particulier, alors qu’elle occupait d’autres fonctions, elle nous avait juré que jamais la gendarmerie ne serait fusionnée avec la police…

Tout cela amène le groupe socialiste à s’abstenir.

M. Christian Cambon. Quelle argumentation !

M. Jean-Louis Carrère. Nous, au moins, nous ne nous contredisons pas en vingt-quatre heures, monsieur Cambon !

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Le groupe centriste unanime votera ce texte, qui répond à une nécessité juridique.

J’ai été sensible aux remarques de M. Badinter sur les risques d’application de la peine de mort aux pirates, auxquelles M. le ministre a toutefois apporté une réponse juridique.

Monsieur le ministre, j’ai esquissé ce matin l’historique du phénomène de la piraterie, en affirmant qu’il découlait d’un désordre provoqué par les grandes puissances européennes et mondiales. Il nous faut maintenant remédier aux conséquences de ce désordre par la force, au travers notamment du présent texte, mais il me paraît cependant également nécessaire de s’interroger sur ses causes. J’aimerais avoir une réponse sur ce sujet important.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre. Je voudrais répondre à M. Boulaud et remercier M. Carrère de m’avoir fourni un argument majeur en affirmant que, dans son camp, on ne se contredit pas en vingt-quatre heures.

M. Jean-Louis Carrère. Je le disais à M. Cambon !

M. Henri de Raincourt, ministre. En effet, M. Boulaud nous assurait hier que le groupe socialiste voterait ce texte au motif qu’il est important que notre pays se dote d’une législation spécifique sur la piraterie. Je constate donc que, en l’espace de vingt-quatre heures, les choses ont changé…

Mais après tout, cela peut arriver ! Quoi qu’il en soit, M. Boulaud se trompe quand il prétend que le Gouvernement tergiverse au sujet de la réforme de la justice. Il n’en est rien ! S’agissant d’une réforme d’une telle ampleur, il convient, me semble-t-il, de prendre le temps de mener les concertations nécessaires et de ne pas confondre vitesse et précipitation, car vous ne manqueriez pas de nous le reprocher.

M. Jean-Louis Carrère. Machine arrière toute !

M. Henri de Raincourt, ministre. Mais de toute façon, quoi que nous fassions, rien ne trouve grâce à vos yeux ! À l’Assemblée nationale comme au Sénat, vous vous bornez à une critique systématique de nos propositions, afin de dissimuler la totale vacuité des vôtres, en tous domaines !

M. Henri de Raincourt, ministre. Eh bien tenez-vous-en à cette posture ! Pendant ce temps, nous travaillons, au service de la France ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est comme cela que vous avez gagné les élections régionales !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Didier Boulaud. Le groupe socialiste s’abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs
Discussion générale (suite)

Accord avec la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains

Adoption d'un projet de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs
Article unique (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs (projet n° 500 (2007-2008), texte de la commission n° 316 et rapport n° 315).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation s’inscrit dans le cadre d’une longue coopération avec les autorités roumaines sur la protection de l’enfance.

Cet accord vise, en effet, à poursuivre la coopération entreprise dans le cadre de l’accord du 4 octobre 2002 en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République française et de leur retour dans leur pays d’origine. Il est également destiné à lutter contre les réseaux d’exploitation liés au crime organisé.

En 2001, j’avais eu l’occasion d’accompagner, en qualité de parlementaire, le Premier ministre de l’époque et plusieurs membres de son gouvernement dans les négociations préparatoires à l’accord de 2002. Par ailleurs, ayant longtemps été maire d’une ville jumelée avec une ville de Roumanie, je suis très sensible à ces questions et fortement engagé dans le soutien à l’action en faveur de ces jeunes en grande déshérence, y compris dans leur propre pays.

Le premier accord franco-roumain avait été signé pour une durée de trois ans par les Premiers ministres de France et de Roumanie en 2002. Entré en vigueur le 1er février 2003, il prévoyait une coopération bilatérale interministérielle, par le biais principalement d’un groupe de liaison opérationnelle, ou GLO, comprenant des professionnels de terrain des institutions judiciaires, policières et de protection de l’enfance des deux pays afin de favoriser la mise en place d’outils pratiques de coopération opérationnelle.

D’emblée, le GLO a associé à ses travaux des organisations non gouvernementales qui, dès la chute du régime de Ceausescu, s’étaient impliquées dans l’action en faveur de jeunes, orphelins ou non, qui vivaient dans les pires conditions. J’ai eu l’occasion de rencontrer à l’époque des représentants de ces ONG, tant en France qu’en Roumanie.

Le bilan de la mise en œuvre de cet accord, avec plus de 300 demandes d’enquête sociale et 500 demandes d’identification de mineurs satisfaites par les autorités roumaines, a été jugé positif par les deux parties.

Il faut également souligner que le travail accompli par le GLO a permis d’aider la Roumanie à réformer profondément son système de protection de l’enfance, notamment grâce à un plan d’action contre les trafics d’enfants et en faveur des victimes, à un programme de prévention des départs et à la création d’un réseau de onze centres d’accueil pour mineurs isolés en Roumanie.

Les travaux du GLO ont dû être interrompus fin 2006, du fait de la caducité de l’accord de 2002. Il était donc nécessaire de conclure un nouvel accord, qui fut signé le 1er février 2007. Les deux parties ont, par ailleurs, décidé de reconduire le premier accord sur des bases améliorées.

Le nouvel accord est, par conséquent, l’aboutissement de cinq années d’une coopération que les deux parties souhaitent renforcer du point de vue juridique et opérationnel. Il a été négocié sur la base des recommandations pratiques du GLO, dont la présidence a été attribuée au ministère de la justice.

L’accord qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation vise donc deux objectifs : d’une part, l’amélioration de la protection des mineurs roumains exposés à des risques d’abus ou d’exploitation, au besoin par leur rapatriement et leur réintégration en Roumanie dans le contexte amélioré et encore améliorable que j’évoquais à l’instant ; d’autre part, le renforcement de la coopération judiciaire en matière de lutte contre la délinquance itinérante et les réseaux d’exploitation de mineurs.

Tout d’abord, les nouvelles dispositions de l’accord permettront d’améliorer l’identification des mineurs roumains isolés sur le territoire français, qu’ils soient victimes ou auteurs d’infractions pénales, et de mieux assurer leur protection et leur réintégration en Roumanie par un échange d’informations sur leur état civil et un suivi de leur réintégration sociale après leur retour. Je souligne que 40 % des 6 000 mineurs étrangers isolés vivant en France sont roumains.

Nous avons prévu, à l’article 1er, l’échange d’informations entre autorités roumaines et françaises sur la situation des mineurs roumains isolés et sur les réseaux les exploitant, ce qui doit permettre de mieux prévenir les risques d’exploitation ou de représailles contre les mineurs ainsi remis à leurs parents en Roumanie. Ces réseaux, dont je connais bien les pratiques, sont désormais présents dans de nombreuses villes françaises. Il s’agit de clans mafieux, extrêmement durs, dont l’activité s’exerce à la fois sur notre territoire et en Roumanie. Des reportages télévisés ont montré comment ils s’enrichissent de manière scandaleuse, en recourant à tous les moyens. La question des représailles contre les mineurs remis à leurs parents n’est donc pas purement théorique !

Nous avons également souhaité définir un cadre précis de procédure à suivre pour assurer l’effectivité de la prise en charge des mineurs roumains isolés à leur retour : saisine de la justice roumaine par le parquet des mineurs ou le juge des enfants pour réalisation d’une enquête sociale ; demande, le cas échéant, par la justice roumaine du rapatriement du mineur, suivie d’une décision de rapatriement prise par le juge des enfants ou le parquet des mineurs si la procédure dure moins de huit jours.

Dans la très grande majorité des cas, au vu des délais nécessaires à l’enquête sociale, la décision finale reviendra, dans la pratique, au juge des enfants. Je peux indiquer que, contrairement à certaines craintes exprimées, le parquet interviendra seulement dans les situations d’urgence avérée, lorsque, par exemple, il sera mis un terme à la fugue d’un mineur dont le juge des enfants avait effectivement préparé et concerté le retour dans son pays.

Par ailleurs, des instructions seront données aux procureurs pour préciser les modalités de leur intervention. Qu’ils soient du siège ou du parquet, les magistrats sont à la fois des professionnels du droit et des êtres humains sensibles aux situations auxquelles ils sont confrontés. Il n’est pas douteux qu’ils sauront concilier le respect de la loi et l’exigence d’humanité.

Dans ces situations, il va de soi que le magistrat du parquet pourra mettre en œuvre le retour du jeune sans nouvelle saisine du juge des enfants. C’est bien l’intérêt supérieur de l’enfant qui est alors en jeu. Tant le juge des enfants que, le cas échéant, le procureur sauront l’apprécier. Dans ce cadre très précis, nous sommes loin des débats généraux, tout à fait justifiés par ailleurs, sur le rôle du parquet.

Le Gouvernement estime qu’il est aujourd’hui urgent d’approuver cet accord, signé il y a plus de trois ans, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’interruption des travaux du GLO depuis 2006 limite fortement la coopération franco-roumaine dans le domaine de la protection de l’enfance, au détriment de cette dernière.

En outre, il s’agit d’une demande constante des autorités roumaines, la Roumanie ayant elle-même approuvé cet accord au mois d’octobre 2007.

L’enjeu, pour nos partenaires, est d’achever leur intégration au sein de l’Union européenne et de mettre leur système de protection de l’enfance au niveau de ceux d’Europe de l’Ouest. L’aide de la France est à cet égard cruciale. En effet, il existe, à côté de cet accord, une véritable coopération, tant nationale que décentralisée, à l’échelon des villes, des régions et des départements, lesquels sont extrêmement actifs au titre de leur compétence sociale.

Enfin, cette coopération est une nécessité au regard de la forte augmentation, depuis le début de l’année 2009, de la criminalité du fait de ressortissants roumains sur le territoire français.

Ainsi, pour la seule agglomération parisienne, alors que, en 2008, quelque 1 300 Roumains avaient été mis en cause, ce nombre s’élève à plus de 3 150 pour l’année 2009, dont près de 1 200 mineurs, soit 38 % environ du total. Ces mineurs sont principalement mis en cause dans des affaires de vol ou d’escroquerie, mais aussi, et de plus en plus, dans des affaires de vol avec violence, avec près de 200 mises en cause à ce titre en 2009.

La responsabilité pénale atténuée dont bénéficie tout mineur conformément aux dispositions de l’ordonnance de 1945 est ainsi mise à profit par des réseaux de criminalité organisée.

Face au véritable enjeu de sécurité publique que représente, pour la France, la délinquance du fait de mineurs roumains, nous ne pouvons pas nous permettre de rester inactifs. La Roumanie est l’un des principaux pays d’origine des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire français.

N’oublions pas que nombre des mineurs auteurs d’infractions sont également des victimes, qui agissent souvent contraintes et forcées pour le compte de bandes organisées. Eux aussi ont droit à notre protection.

En la matière, il faut reconnaître que les outils traditionnels de protection de l’enfance, comme le placement en foyer, ne sont pas adaptés s’agissant de réseaux de trafic d’êtres humains à même de menacer les mineurs de représailles, sur leur personne ou contre leur famille, et ne permettent pas d’assurer réellement leur protection et leur réinsertion.

C’est la raison pour laquelle la France et la Roumanie ont adopté cet accord fondé sur une double approche : protection des mineurs et répression des réseaux les exploitant. Le Gouvernement vous demande donc de permettre l’entrée en vigueur de cet accord intergouvernemental en adoptant le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui. Il répond à un besoin des professionnels de terrain ainsi qu’à l’attente de nos concitoyens face à des situations dramatiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la problématique des mineurs étrangers isolés est essentiellement apparue à la fin des années quatre-vingt-dix. Malgré l’absence de statistiques réellement fiables, on a alors constaté une très forte augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés sur notre territoire.

Ces enfants sont essentiellement roumains, mais aussi chinois, afghans, maliens ou roms originaires des territoires de l’ex-Yougoslavie. Tous ont quitté leur pays, en quête d’avenir dans un Occident largement idéalisé. Certains ont choisi de partir, d’autres y ont été poussés par les circonstances, d’autres encore sont victimes de filières d’exploitation qui organisent une véritable traite des enfants.

Complice ou victime, leur famille ne remplit souvent plus son rôle de protection. Vulnérables face aux réseaux qui les exploitent, exposés à un basculement dans la délinquance ou la prostitution, ces mineurs représentent un défi pour nos valeurs. Comment concilier l’impératif du respect de la loi et celui de la protection de l’enfance ?

Les premiers éléments de réponse se trouvent d’abord sur notre territoire, même si pour ma part je suis profondément convaincue, et j’y reviendrai, que c’est surtout à l’échelle européenne que nous trouverons les solutions les plus efficaces.

Sur notre territoire, il est bien sûr essentiel d’établir le contact avec ces mineurs et de faire naître – ou renaître – une confiance à l’égard des adultes et des institutions souvent anéantie. Les associations, dont je tiens à saluer le travail, sont certainement les mieux à même d’intervenir à ce stade : elles doivent être mobilisées et soutenues dans les contacts qu’elles ont sur le terrain avec ces jeunes.

Mais les institutions ont également un rôle à jouer.

Face à l’ampleur et à la complexité du phénomène des mineurs étrangers isolés, le ministre de l’immigration et de l’intégration, M. Éric Besson, a mis en place un groupe de travail interministériel spécifiquement consacré à ce sujet, auquel participent tous les acteurs – associations, conseils généraux, ministères de la justice et des affaires sociales, défenseure des enfants.

Ce groupe de travail a rendu ses premières conclusions en novembre dernier. Certaines de ses recommandations sont déjà en train d’être mises en œuvre, avec notamment la construction d’une aire dédiée aux mineurs étrangers à l’intérieur de la zone d’attente de Roissy, un taux de couverture de 99 % des mineurs étrangers isolés se présentant à Roissy par des administrateurs ad hoc, la mise en place d’outils statistiques fiables, l’élaboration d’une nouvelle méthode de détermination de l’âge, plus probante que celle par examen osseux, et un dispositif permettant l’attribution d’un titre de séjour aux mineurs isolés atteignant l’âge de leur majorité.

Un projet de loi a été présenté en conseil des ministres par M. Éric Besson le 31 mars dernier et devrait être soumis au Parlement dans le courant du second semestre de 2010. Je précise que la mise en œuvre de ce dispositif interministériel se poursuit actuellement avec l’association de magistrats indépendants et les conseils généraux – eux aussi indépendants, je le rappelle.

La présence de ces jeunes mineurs est un défi constant. Il nous faut clarifier les rôles entre l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, prévoir des structures d’accueil plus adaptées que ces foyers d’où l’on fugue à peine arrivé et dans lesquels les réseaux retrouvent sans difficulté ceux qui ont pu leur échapper et parfois même les dénoncer.

Disons les choses clairement : ces jeunes, avant d’être des délinquants, sont des enfants, que nous avons le devoir de protéger en luttant plus résolument contre les réseaux maffieux qui les exploitent.

En effet, la menace que représentent ces réseaux, ce n’est pas seulement le séjour irrégulier sur le territoire ou les menus larcins, par ailleurs très lucratifs, perpétrés sur les parcmètres ou dans le métro parisien, c’est aussi et surtout la traite et l’exploitation des mineurs, en particulier la prostitution.

La réponse au phénomène des mineurs étrangers isolés se trouve aussi dans le pays d’origine et dans le renforcement de la coopération bilatérale, en particulier lorsque le pays en question, à l’image de la Roumanie, est membre de l’Union européenne et répond donc aux standards européens en matière de protection de l’enfance.

C’était l’objet de l’accord franco-roumain, signé le 4 octobre 2002 par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français.

Cet accord prévoyait le repérage, la protection du mineur sur le sol français et son raccompagnement dans son pays d’origine, sur décision du juge des enfants.

Surtout, un dialogue bilatéral interministériel avait été mis en place avec l’installation d’un groupe de liaison opérationnel, dit GLO, instance de coopération policière et judiciaire, mais aussi d’examen de toute question de nature à renforcer la coopération entre les deux pays s’agissant des mineurs.

C’est notamment grâce à ce groupe de travail que la Roumanie a vu sa situation évoluer : elle a adopté une loi de protection de l’enfance, modernisé la justice des mineurs et démantelé ses structures d’accueil héritées de l’ère Ceausescu, de sinistre réputation. C’est tout le système roumain de protection de l’enfance qui a été très sensiblement amélioré, comme j’ai pu moi-même le constater lors d’un déplacement dans ce pays en février dernier et au travers de mes contacts avec les autorités, les associations chargées de l’enfance et la ministre roumaine de la justice.

C’est cet accord, conclu pour une durée de trois ans et arrivé à expiration en février 2006, que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui tend à renouveler.

Le nouvel accord, signé en février 2007, et qui a donné lieu à un projet de loi en date du 27 août 2008, reprend pour l’essentiel les termes de l’accord de 2002 en faisant une plus large place aux autorités roumaines dans la procédure de retour. Ce texte a été négocié sur la base des recommandations du groupe de liaison opérationnel franco-roumain. Il vise à mieux protéger ces mineurs ainsi qu’à accélérer la procédure de retour si l’enfant se trouve en danger et si la Roumanie fait la demande de rapatriement. L’accord de 2002 confiait au seul juge des enfants la responsabilité d’autoriser le rapatriement du mineur, ce qui entraînait des délais préjudiciables à ce dernier.

L’article 4 du nouvel accord modifie la répartition des pouvoirs entre le siège et le parquet en prévoyant que le parquet des mineurs peut faire droit à une demande de rapatriement du mineur émanant des autorités roumaines. L’intervention du juge des enfants reste possible, mais elle n’est plus systématique.

Cet article 4, intitulé « Plan de mesures : prise en charge et organisation du retour en Roumanie, accueil en Roumanie », est celui qui a suscité le plus de débats et d’interrogations, aussi bien sur le plan des principes que sur le plan opérationnel.

Je dois vous avouer que, à titre personnel, cette modification m’avait interpellée. Il me paraissait a priori souhaitable de maintenir autant que possible l’intervention du juge des enfants, afin que celui-ci sollicite les investigations nécessaires sur la situation du mineur isolé ainsi que celle de sa famille et qu’il recueille son consentement, pour que le retour soit fondé sur un véritable projet de réinsertion.

J’ai d’ailleurs écrit au garde des sceaux en ce sens. J’aurais en effet souhaité que le ministre de la justice veille, lors de la mise en œuvre de cet accord, à ce que les procureurs généraux et les procureurs de la République incitent les parquets des mineurs à saisir systématiquement le juge des enfants, dès lors que l’intérêt supérieur de ces derniers le commande.

Mais nous devons aussi, mes chers collègues, nous montrer responsables face à une situation de danger pour ces enfants. Le recours au dispositif de retour des jeunes Roumains vers leur pays d’origine doit être encouragé chaque fois que ce retour peut permettre une meilleure protection des enfants. Ainsi, en 2005, seulement 54 mineurs roumains sont repartis dans leur pays.

Les nouvelles dispositions de cet accord visent à renforcer l’identification et la protection des mineurs roumains isolés, victimes ou auteurs d’infractions pénales, en difficulté sur le territoire français, et, le cas échéant, à mieux assurer leur protection et leur réintégration en Roumanie par un échange d’informations sur leur situation et un suivi renforcé de leur réintégration sociale.

Le texte prévoit désormais que « si le Parquet des mineurs ne saisit pas le juge des enfants, il peut, dès réception de la demande roumaine de raccompagnement, la mettre à exécution, s’il estime, eu égard notamment aux données fournies par la partie roumaine, que toutes les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur. […]

« Si le mineur n’est plus localisé à réception de la demande, le parquet sollicite son inscription au fichier système d’information Schengen (SIS). En cas de découverte ultérieure, la mesure est mise à exécution par le Parquet des mineurs territorialement compétent, si les informations obtenues sur la situation du mineur, notamment de la Partie roumaine, sont suffisantes et ne datent pas de plus de 12 mois. »

Deux points doivent être soulignés.

D’une part, l’esprit de ces nouvelles dispositions n’est pas de soustraire l’ensemble des mineurs roumains non accompagnés sur le territoire français au bénéfice des mesures de protection dont ils pourraient relever en les rapatriant massivement vers la Roumanie, sans se soucier de leur situation personnelle et familiale. Il est au contraire de mieux assurer la protection des mineurs et de favoriser, si cela est possible, le retour dans leur pays.

D’autre part, les dispositions de cet accord ne peuvent en aucun cas contrevenir aux règles qui prohibent l’expulsion des mineurs du territoire national vers un autre État et qui disposent que le rapatriement ne peut se faire qu’avec l’assentiment du mineur. C’est là le droit commun ; il n’a pas été rappelé dans les accords, que ce soit dans le texte de 2002 ou dans celui de 2006.

Je rappelle que l’article 11 de la Convention relative aux droits de l’enfant incite les États parties à prendre des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger et à favoriser la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux ou l’adhésion aux accords existants. Son article 9 confie également aux États parties le soin de veiller « à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Cet accord s’inscrit donc dans le cadre juridique régissant la mise en œuvre de l’assistance éducative en droit français, sans le modifier.

En cas d’urgence, le parquet est compétent pour prendre les mesures qui s’imposent afin d’assurer la sauvegarde de la sécurité, de la santé et des conditions d’éducation des mineurs en danger.

Dès qu’un juge des enfants est saisi, il demeure compétent pour assurer le suivi des mineurs en assistance éducative : adaptation des mesures, modification ou prolongation, etc. La mention « si le juge des enfants est saisi » figurant à l’article 4 regroupe en effet les deux hypothèses : le parquet, intervenant en urgence, saisit le juge des enfants, ou le juge des enfants est déjà saisi dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.

À ce titre, le parquet est le pivot du dispositif de prise en charge des mineurs dans le cadre de l’urgence. Sa saisine dans ce cadre permettra de donner une cohérence à l’action de la justice et d’assurer une interface avec les différentes institutions concernées : GLO, autorités roumaines, autorités françaises, juge des enfants.

L’accord permettra au parquet de solliciter très vite des autorités roumaines une enquête sociale ou de procéder au raccompagnement du mineur, notamment lorsqu’il s’agit de mettre celui-ci à l’abri des réseaux qui l’exploitent et qu’il souhaite lui-même revenir le plus rapidement possible auprès de sa famille.

La procédure prévue en matière de retour des mineurs isolés dans leur pays d’origine ne saurait par ailleurs s’assimiler à une procédure d’expulsion déguisée de mineurs délinquants, sous l’autorité du parquet et sans leur consentement.

Je reste profondément persuadée que la question de la protection des mineurs isolés nécessite une coopération à l’échelon de l’Union européenne.

En effet, la France n’est pas le seul pays de l’Union européenne confronté à ce phénomène. D’après certaines estimations, plus de 100 000 enfants non accompagnés seraient présents sur le territoire des vingt-sept États membres.

Or, dans un espace de libre circulation des personnes, le risque existe de voir ces mineurs revenir à nouveau sur le sol français quelques semaines plus tard, si les conditions qui les ont conduit à quitter leur pays demeurent.

Cela concerne en particulier les jeunes Roms, qui représentent une véritable difficulté et un défi pour l’Europe entière. Il n’est pas certain que la Roumanie, qui n’est pas, tant s’en faut, le seul pays concerné, comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement en Albanie, soit mieux armée que nous pour faire face à ce phénomène.

La « troïka » des présidences espagnole, belge et hongroise de l’Union européenne vient d’ailleurs d’adopter une déclaration commune sur l’intégration des Roms, notamment grâce à l’utilisation de fonds structurels, lors du sommet organisé par la présidence espagnole à Cordoue, les 8 et 9 avril derniers. Toujours sur l’initiative de la présidence espagnole, la Commission européenne a présenté hier un plan d’action concernant les mineurs étrangers isolés en Europe.

À terme, seule une approche concertée et coordonnée entre les États membres permettra de répondre aux enjeux liés à ce phénomène des mineurs étrangers isolés. C’est ensemble que nous parviendrons à construire, par le renforcement de nos instruments de lutte contre la délinquance et le démantèlement des réseaux d’exploitation, une politique intégrant une approche humaine à l’égard d’étrangers qui sont avant tout des enfants nécessitant une protection.

Dans l’attente de la mise en œuvre de ce plan d’action, la coopération bilatérale menée ces dernières années entre la Roumanie et plusieurs pays européens, comme l’Espagne ou l’Italie, qui ont conclu des accords similaires à celui qui a été signé par la France, constitue une absolue nécessité.

En conclusion, cet accord est essentiel pour que nous puissions enfin renforcer la coopération entre la France et la Roumanie sur ce dossier sensible. Cette coopération suscite une très forte attente des autorités roumaines, qui n’ont cessé d’insister sur l’impatience avec laquelle elles attendaient la ratification de l’accord et sur leur incompréhension devant les réticences parfois exprimées sur nos travées.

Ainsi, la ratification de cet accord permettra de relancer le groupe de liaison opérationnel, qui avait permis des progrès très importants en matière de protection de l’enfance en Roumanie, s’agissant par exemple de la qualité des enquêtes sociales.

En l’absence de ratification de l’accord, les échanges d’informations, la coopération et le rapatriement des mineurs sont actuellement bloqués. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et à la lumière des éléments apportés dans ce débat par M. le secrétaire d’État et par moi-même, de bien vouloir adopter ce projet de loi. Il y va de l’intérêt de ces enfants, qui, comme le veut la Convention relative aux droits de l’enfant, doivent pouvoir retourner en toute sécurité dans leur pays. Ils ont besoin d’une famille et ils ont besoin de protection. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)