M. Charles Revet, rapporteur. Merci de le souligner !

M. Gérard Le Cam. Si les pêcheurs et les scientifiques doivent travailler ensemble, il est également urgent, eu égard aux enjeux de biodiversité, que les recommandations du Grenelle de la mer, notamment la protection des aires marines, soient mises en œuvre.

Cependant, il est à noter que la question de la situation économique et sociale des pêcheurs et de leurs familles et de toutes les activités qui en dépendent ne figure ni dans le chantier opérationnel défini par M. Borloo en avril dernier ni dans le présent projet de loi.

Monsieur le ministre, ce texte comporte certes des dispositions de bon sens, mais il ne remet pas en cause les logiques de marché, de concentration et de productivisme, qui ont fait tant de mal à la profession depuis des décennies. Vous reconnaissez vous-même que le droit européen à la concurrence doit évoluer, pour donner un peu plus d’efficacité à ce texte, notamment en matière de revenu agricole. Le fait d’attendre cette évolution d’une Europe divisée et libérale, qui se complaît dans le cadre du traité de Lisbonne, n’est-il pas un leurre ?

Aucune disposition n’interdit la spéculation sur les denrées agricoles. Rien ne limite les importations abusives extranationales ou extracommunautaires pour casser les prix à la production. De surcroît, je l’ai dit, la LME reste effective.

La profession attendait également un volet social, absent de ce texte, notamment sur le dossier brûlant des retraites agricoles et celui des préretraites. Cela permettrait à ceux qui souffrent le plus de quitter le métier dans des conditions acceptables.

Les semaines et les mois à venir nous serviront de baromètre pour mesurer les effets éventuels de ce projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui, dans son adaptation à la future PAC et aux contraintes de l’OMC, aura bien du mal à dégager une vision optimiste pour l'ensemble de l’agriculture française et européenne.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’état, nous ne pouvons voter ce texte. Nous soutiendrons ce qui va dans le bon sens paysan et nous combattrons tout ce qui porte atteinte au développement d’une agriculture durable à dimension humaine et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l’été dernier, nous n’avons cessé de parler de la crise agricole et de la chute exceptionnelle de revenus que subissent nos agriculteurs.

À l’automne, le Gouvernement a identifié les besoins et conçu un plan de soutien à la profession. Pour l’essentiel, les besoins ont été bien ciblés et des crédits très importants ont été débloqués. Mais une grande partie d’entre eux a été accordée sous forme de prêts bonifiés, qui, malheureusement, viennent s’ajouter à la dette, déjà très lourde, des agriculteurs.

Bien entendu, au lendemain du bilan de santé de la PAC et à la veille de l’ouverture des négociations en vue d’aboutir à une nouvelle PAC pour 2013, les marges de manœuvre nationales pour moderniser et dynamiser l’agriculture sont bien étroites. Elles le sont d’autant plus dans ce contexte de crise générale, et tout particulièrement de crise budgétaire qui impose une rationalisation de la dépense publique.

Le défi est pourtant de taille : trouver des réponses appropriées à des problématiques différentes en agriculture, qu’il s’agisse des grandes cultures, de l’élevage ou de la production de fruits et légumes.

Deux de mes collègues de l’Union centriste interviendront aussi lors de la discussion générale : Daniel Dubois abordera le problème de la compétitivité et Jean-Claude Merceron vous fera part de ses réflexions au sujet de la pêche.

En ce qui me concerne, je souhaite aborder ici le chapitre des assurances, qui constitue selon moi l’innovation principale de ce projet de loi.

Dans le Sud-Ouest, de nombreux agriculteurs se sont retrouvés dans des situations dramatiques après de violentes intempéries. J’attache donc une importance toute particulière à tout ce qui touche à la problématique des assurances, et je souhaite ardemment que les choses avancent au plus vite.

Il faut sécuriser les revenus des agriculteurs. Dans cette perspective, l’assurance est un point fondamental. Autour du président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à souhaiter depuis de nombreuses années la mise en place d’une assurance récolte à l’image de ce qui est fait dans de nombreux pays.

Grâce à la participation de Bruxelles et au cofinancement de l’État et grâce à vous, monsieur le ministre, qui vous êtes battu pour ce texte, ce sera chose faite avec la LMAP que vous nous présentez. C’est un texte court, mais très important.

Je suis heureux d’avoir apporté ma pierre à l’édifice, au travers de l’amendement de réécriture de l’article 9, adopté en commission et fusionné avec celui du rapporteur, Gérard César. Je me réjouis d’avoir permis l’amélioration du fonctionnement du futur fonds national de gestion des risques en agriculture, et je remercie sincèrement tous les acteurs ayant contribué à cette avancée, particulièrement vos services, monsieur le ministre.

J’exprimerai cependant un regret : contrairement à ce qui avait été annoncé par le Président de la République, le projet de loi ne prévoit pas l’intervention de l’État en tant que réassureur.

M. Daniel Soulage. Je suis convaincu que l’assurance publique conditionne le bon développement des assurances, comme c’est le cas dans bien des pays, notamment en Italie, en Espagne et aux États-Unis.

Certes, nous sommes sur le bon chemin, mais nous risquons de perdre beaucoup de temps. Il nous faut aller plus loin.

Si, aujourd’hui, le projet de loi sécurise les agriculteurs face aux risques climatiques et sanitaires, demain, cette assurance devra être étendue aux risques économiques ; c’est à ce prix que les exploitations agricoles pourront être pérennisées dans leur diversité.

Cela étant, il n’y aura pas de développement important de l’assurance récolte sans réassurance de l’État.

En effet, il est certain que les assureurs ne seront pas en mesure de couvrir les exploitants agricoles contre ces risques, puisque les contraintes prudentielles auxquelles ils sont soumis les en empêchent, sans compter que ces règles seront considérablement renforcées avec l’entrée en vigueur de la directive européenne dite « Solvabilité II ».

Pour la France, en cas d’une couverture complète – j’insiste sur ce terme – des exploitations, le risque maximal serait de l’ordre de 4,4 milliards d’euros, plus de quatre fois le montant annuel des primes d’assurance ainsi collectées. Les assureurs seront donc dans l’impossibilité de supporter un tel risque, qui mettrait en péril cette assurance et potentiellement leur existence.

Aujourd’hui, le niveau de protection contre ces risques susceptible d’être apporté par la réassurance privée ne dépasse guère 600 millions d’euros.

Si certains réassureurs présents sur le marché français ont pu affirmer que la réassurance privée serait à même de répondre intégralement aux besoins des assureurs, d’autres réassureurs majeurs ont exprimé des avis opposés. C’est le cas de Swiss Re et Munich Re, les deux plus grands réassureurs mondiaux, qui sont par ailleurs les deux plus gros réassureurs agricoles.

Il paraît en effet irréaliste que la France, qui peut être soumise à des aléas climatiques majeurs, ne se dote pas d’un système de réassurance à la hauteur de ses besoins. Pourquoi y aurait-il une exception française en la matière ?

Un mécanisme de réassurance publique est nécessaire. Sans cela, il n’y aura pas de développement de l’assurance multirisque climatique sur les récoltes. À l’instar de la protection contre les attentats et le terrorisme, la Caisse centrale de réassurance interviendrait ainsi en surplus des capacités de réassurance privée, avec la garantie de l’État, pour couvrir les assureurs contre des événements extrêmement coûteux, mais très peu probables. Ce mécanisme ne serait donc pas du tout mobilisé en temps normal.

Par ailleurs, les assureurs paieraient bien entendu le coût de cette réassurance à son tarif habituel. Aucun effet d’aubaine ne sera donc possible.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la question des assurances constitue l’un des enjeux essentiels de l’agriculture de demain, que le projet de loi se doit de porter.

Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous. Vous vous êtes battu, et bien battu, je l’ai déjà dit. Le Président de la République vous a entrouvert la porte sur cette question. Nous sommes derrière vous pour vous aider à entrer ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. La porte n’est pas suffisamment ouverte ! (Sourires ironiques sur les mêmes travées.)

M. Daniel Soulage. L’amendement que j’ai déposé sur la réassurance publique ayant été frappé par le couperet de l’article 40 de la Constitution, j’espère que vous jugerez utile de le reprendre ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour saluer le travail fait par la commission et par les rapporteurs, Gérard César et Charles Revet, et pour vous remercier, monsieur le ministre, de nous donner l’occasion d’une réflexion approfondie sur la place de l’agriculture dans notre stratégie nationale.

Après le débat important qui a eu lieu en 2005 sur la loi d’orientation agricole défendue par l’un de vos excellents prédécesseurs, M. Bussereau, cette discussion est très opportune. Je vous en remercie et veux saluer l’action personnelle qui est la vôtre à Bruxelles, à Paris et sur le terrain auprès des agriculteurs aujourd’hui confrontés à des difficultés majeures.

Naturellement, ma responsabilité ne se limite pas à rechercher des motifs de satisfaction dans le projet qui nous est soumis. Ces motifs sont nombreux, et je voterai ce texte avec le groupe UMP, monsieur le ministre.

Je veux néanmoins attirer votre attention sur trois sujets qui me paraissent très importants.

Le premier est une menace d’ordre institutionnel. Vous êtes à la tête d’un ministère très vaste qui, non content d’avoir en charge des secteurs aussi variés que l’économie et l’alimentation, englobe une grande partie de la recherche et de la formation.

Il est inacceptable que les décisions prises pour l’agriculture se prennent durablement à l’extérieur de votre ministère. Or vos collègues de l’environnement, de la santé et de l’aménagement du territoire s’emparent petit à petit de la réflexion agricole.

Il y a là, selon moi, une dérive institutionnelle. Et si j’ai appelé avec quelques-uns de mes collègues à un « Varenne de l’agriculture » (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.), c’est parce que nous voulons vraiment que les institutions reprennent leur place : nous voulons qu’un ministère puisse défendre l’agriculture et parler en son nom.

C’est au Premier ministre de faire les arbitrages. En effet, quand un conflit oppose le ministère de l’agriculture à ses homologues en charge de l’alimentation, de la santé ou de l’environnement, ce n’est pas à un quelconque Grenelle, aussi loué soit-il, de rendre systématiquement des arbitrages sur les décisions qui concernent l’agriculture. Ces arbitrages, ils reviennent à la fonction interministérielle, donc au Premier ministre.

En l’occurrence, quand on discute agriculture, il ne s’agit pas d’aller contre la santé ou l’environnement. Il faut définir une stratégie globale et responsable qui pense l’agriculture.

Or dans cette perspective, on a vraiment le sentiment qu’un certain nombre des décisions qui le concernent échappe au ministère de l’agriculture.

M. René-Pierre Signé. On a vu de meilleur Premier ministre !

M. Jean-Pierre Raffarin. Or nous ne voulons pas que le Grenelle fasse oublier le Varenne. C’est la raison pour laquelle nous voulons que, grâce à votre talent, monsieur le ministre, le ministère de l’agriculture se fasse entendre.

C’est une nécessité, attendue par les agriculteurs dépités de voir certaines décisions importantes prises sans intégrer la dimension agricole du sujet.

C’est ainsi que le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’aborde pas le sujet très important de l’eau. Notre collègue Alain Chatillon voulait intervenir aujourd’hui sur ce point, mais il en est empêché par un deuil dans sa famille. On a le sentiment que la politique de l’eau, richesse stratégique pour l’agriculture, doit être aussi pensée dans le domaine agricole, quitte à avoir ensuite des arbitrages avec les autres ministères.

Ouvrir un « Varenne de l’agriculture », redonner toute sa place au ministère de l’agriculture a également une importance dans le cadre de l’Union européenne, qui a aujourd’hui beaucoup de mal à définir une politique des prix.

Sur le plan national, on voit bien, en revanche, qu’il est souvent plus facile d’intervenir sur les charges. Faute de pouvoir maîtriser les prix, l’objet d’un « Varenne des charges » serait justement d’arrêter la part nationale des charges susceptible d’être allégée. Or les agriculteurs ont bien besoin aujourd’hui d’un allégement des charges dans leur compte d’exploitation !

D’ailleurs, dans son programme de 750 millions d’euros, l’Allemagne n’a-t-elle pas allégé de plus de 45 % la cotisation « accidents » supportée par les agriculteurs ? Cette question mérite réflexion : il s’agit, dans une approche à la fois très agricole et interne, de dégager ce qui relève des décisions nationales en vue de procéder aux différents allégements.

Monsieur le ministre, cette dimension est très importante pour que nos agriculteurs se sentent mobilisés. La vocation du ministère de l’agriculture, c’est moins de défendre les agriculteurs que de penser avec eux l’avenir de l’agriculture. Vous avez les talents et les capacités pour y parvenir. Nous sommes à vos côtés pour poursuivre dans cette voie. C’est cette dérive institutionnelle que je voulais souligner d’abord.

Le deuxième sujet qui me préoccupe relève, comme le premier, de la menace. Il concerne les conséquences régionales et territoriales d’une évolution de la pensée agricole très présente à Bruxelles. C’est ainsi que j’entends dire assez souvent dans les couloirs bruxellois que la bonne solution pour l’agriculture française, notamment pour l’élevage et le lait, consisterait à faire en sorte d’organiser correctement et dignement le départ de 20 % de producteurs laitiers dans notre pays. Au terme de ce raisonnement, la production laitière française serait meilleure grâce à la réduction ainsi décrétée. Cette menace-là est très préoccupante parce qu’elle ne tient pas compte de l’identité territoriale et agricole de la France.

En effet, à procéder de la sorte, on aura une grande région productrice de lait, la grande région Bretagne, élargie à son nord et à son sud. Et la production laitière disparaîtra du quart sud-ouest de la France, des zones de montagne et d’une grande partie de l’est de la France, soit des trois quarts de nos territoires français.

M. Charles Revet, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Raffarin. De telles logiques conduiraient à créer une grande région céréalière, la Beauce, et une grande région laitière, qui sera le grand Ouest. Quant à toutes les régions intermédiaires, qui constituent une grande partie de la réalité agricole de notre pays, elles seront menacées et exposées à un avenir incertain.

Quand on pense agriculture, il faut naturellement intégrer la diversité territoriale de notre pays. Et nous avons besoin d’une économie céréalière à l’extérieur de la Beauce, comme nous avons besoin d’une économie laitière à l’extérieur de la Bretagne…

M. Charles Revet, rapporteur. Ou de la Normandie ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Raffarin. … sans que je mette en cause ni les Bretons ni les Beaucerons ! Mais il est clair que notre identité territoriale nous impose d’animer nos territoires.

M. Jean-Pierre Raffarin. Pour cela, nous avons besoin de conjuguer un certain nombre de productions. C’est un élément très important.

Prenons la question des allocations provisoires en matière laitière. On voit bien que les régions laitières ont besoin d’une augmentation des allocations provisoires. En effet, sinon, à force de perdre des producteurs, et donc des volumes, les coopératives auront de moins en moins de lait et verront se réduire leurs capacités financières à envisager l’avenir. Ces régions subiront finalement une sorte de double peine : après avoir perdu des producteurs, elles perdront des outils industriels, notamment des outils coopératifs.

C’est la deuxième menace sur laquelle je tenais à mettre l’accent au cours de cette intervention, monsieur le ministre. Je veux faire bien mesurer que la question agricole ne se réduit pas à des statistiques. Derrière les chiffres, il y a des personnes, qui vivent sur des territoires.

Le troisième sujet sur lequel je voulais intervenir est plus spécifique, mais néanmoins très important pour notre pays. Il concerne un secteur de l’économie laitière qui ne dépend pas de Bruxelles et pourrait nous donner l’occasion de renforcer notre souveraineté.

Je veux parler du lait de chèvre. Il s’agit d’une production nationale soustraite aux préoccupations bruxelloises. Dans ce secteur où nous ne sommes pas enfermés dans des contraintes extérieures, démontrons notre détermination ! L’interprofession vous fait des propositions d’intervention qui se chiffrent à environ 26 millions d’euros sur lesquels les producteurs et les syndicats sont prêts à prendre à leur charge 14 millions d’euros. Les coopératives sont prêtes à prendre 7 millions d’euros à leur charge sous réserve d’une aide de l’État à hauteur de 5 millions d’euros pour la gestion des stocks.

Grâce à une bonne gestion des stocks sur le plan national, nous pourrions montrer, dans ce secteur du lait de chèvre qui n’est pas une économie sous tutelle européenne, notre attachement souverain à une agriculture importante pour notre territoire.

Telles sont les trois menaces que je voulais souligner, monsieur le ministre.

Naturellement, je souligne aussi que ce texte contient des avancées considérables. C’est la raison pour laquelle, j’ai salué tout à l’heure le travail de la commission.

Mes chers collègues, je relève des évolutions très importantes, y compris pour la distribution et les contrats. Je suis très heureux de voir retenue cette logique des contrats, laquelle reprend au fond la logique des coopératives. Elles ont été les premières à mettre en place les contrats structurés qui donnent aux producteurs des assurances pour l’avenir en leur offrant cette capacité d’union.

C’est la raison pour laquelle je tiens à vous dire que, sur la distribution, j’approuve ce qui a été fait par le Président de la République.

M. René-Pierre Signé. Ah ! Il faut bien se rattraper à la fin !

M. Jean-Pierre Raffarin. Une vieille expérience acquise en exerçant les fonctions de ministre des PME me fait dire que la distribution a un talent extraordinaire pour utiliser les règlements nationaux à son avantage.

M. Jean-Pierre Raffarin. Après moult réflexions – peut-être nourries de l’audace de l’expérience –, je pense que toute tentative sera vaine tant que l’on ne taxera pas les produits financiers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ne triomphez pas si vite, mes chers collègues ! En effet, le gros problème avec la grande distribution, c’est que les grandes surfaces font leurs marges plus sur les produits financiers que sur l’action commerciale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Moi, je suis pour un commerce libéral, et pas pour un commerce détourné qui est fait sur des produits financiers. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) C’est là la source des profits des grandes surfaces et, sauf à y remédier, les difficultés subsisteront.

Monsieur le ministre, vous avez mon estime, mon amitié et mon soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ah ! si la droite dirigeait ce pays depuis quelques années, que ne verrions-nous pas dans le domaine de l’agriculture et quelles évolutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Parce que l’heure est grave, je voulais dire que nous savons, notamment dans cet hémicycle, ce que sont les territoires ruraux, ce qu’est l’agriculture. En effet, nous sommes tous, soit paysans, soit fils ou fille de paysans. Et nous savons combien, dans nos territoires ruraux, toute l’économie vit autour de notre histoire rurale et agricole.

Elle vit grâce à ces hommes et à ces femmes qui courbent l’échine et font un métier ô combien magnifique et enthousiasmant. Mais c’est un métier qui, depuis quelques années, ne paie plus. Comme aurait dit Fernand Raynaud, « ça eût payé », mais non, décidément, aujourd’hui cela ne paie plus !

C’est la raison pour laquelle nous devons toutes et tous, à l’occasion de cette discussion, réaffirmer, au-delà de notre soutien et de notre estime, tout le respect que nous devons au monde agricole, aux agricultrices et aux agriculteurs sans lesquels nous serions aujourd’hui peu de chose.

Comme M. Raffarin vient de le dire, ces agriculteurs sont organisés en structures, notamment en GAEC. Le travail effectué dans le cadre de la coopération est essentiel. Dans les petits départements, c’est grâce à la coopération que les agriculteurs, filière par filière, ont pu s’en sortir, sont compétitifs et peuvent vendre leurs produits.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais oublier, au cours de cette discussion, qui nous sommes, d’où nous venons et ceux qui travaillent sur le territoire.

Monsieur le rapporteur Gérard César, vous disiez tout à l’heure que c’était une bonne chose que le Gouvernement ait soumis ce projet de loi en premier lieu au Sénat. Monsieur le ministre, oui, c’est une très bonne chose ! Je vous rejoins, monsieur le rapporteur : entre le texte qui a été présenté par le Gouvernement et celui qui nous est aujourd’hui soumis par la commission, une vache n’y retrouverait pas ses petits ! Pas plus qu’une truie, d’ailleurs ! (M. le ministre sourit.)

Le texte aujourd’hui en discussion nous convient tout de même mieux que celui que vous nous aviez présenté voilà quelques semaines. Il est le fruit du travail réalisé en commission et j’espère que, dans quelques jours, il nous conviendra encore mieux. Mais je n’en suis pas totalement sûr.

En effet, j’ai entendu dire tout à l’heure que 120 amendements venant de tous les groupes ont été retenus en commission. Des amendements venant de tous les groupes ? Sept ou huit de la gauche contre cent vingt et un de la droite ! Il n’en demeure pas moins que tous les groupes ont participé à l’amélioration de ce texte. Et, s’il y a un déséquilibre, certains des amendements présentés par M. le rapporteur nous conviennent tout à fait ; nous l’avons d’ailleurs dit très objectivement. En effet, lorsque les choses vont dans le bon sens, nous nous en félicitons !

Dans la crise sans précédent que traverse l’agriculture, tous les secteurs sont touchés, avec plusieurs conséquences.

Premièrement, l’agriculture française a perdu en Europe sa prééminence et son leadership. En effet, nous devons l’affirmer, là encore haut et fort, l’agriculture française ne saurait se porter au mieux dans un contexte de libéralisme économique.

Je suis heureux d’entendre que tous les orateurs, quelle que soit leur appartenance politique, se réfèrent à la régulation économique que nous réclamons depuis des années. Il faut le dire, elle est essentielle pour notre pays et pour l’Europe, particulièrement pour l’agriculture. Monsieur le ministre, c’est la raison pour laquelle notre groupe sera à vos côtés pour soutenir la régulation économique comme un axe fort de ce texte.

Deuxièmement, il n’est pas possible de poursuivre la politique du « toujours moins cher ». Il faut expliquer à nos concitoyens que les produits ont un coût. Continuer à faire des rabais, des remises, des ristournes – « les trois R » –, à baisser les prix et à solder les produits ne nous permettra pas d’avancer, car, derrière tout cela, les agriculteurs n’arrivent plus à s’en sortir.

Évidemment, avec un pouvoir d’achat en berne, voire en baisse, nos concitoyens recherchent les prix les plus bas. Mais nous devons tenir les deux bouts de la chaîne : d’un côté, les Français doivent pouvoir acheter des produits agricoles de qualité ; de l’autre, les agriculteurs doivent vivre de leur métier, de leur production.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Didier Guillaume. À cet égard, le travail qui a été accompli hier par vous-même, monsieur le ministre, et par le Président de la République nous semble important. Mais ces mesures arrivent un peu tard et nous ne sommes pas certains qu’elles pourront être appliquées, notamment celles qui concernent les fruits et légumes, que vous avez évoquées.

Ainsi, il est prévu que, lorsque le prix d’un produit chutera de 40 % au-dessous de son cours, les « trois R » seront supprimés. Mais, nous le savons, les prix se sont effondrés depuis deux ou trois ans et ont déjà baissé de 40 % ; ils n’iront donc pas beaucoup plus bas ! Nous ferons des propositions sur ce point.

Si les mesures annoncées hier constituent bien une avancée, il faut, à n’en pas douter, les encadrer et faire en sorte qu’elles puissent être adaptées à tous.

Le Gouvernement doit apporter une réponse conjoncturelle forte et identitaire, et approfondir ses aides à l’agriculture, sans quoi les mesures structurelles prévues dans ce texte risquent de ne pas servir à grand-chose. En effet, à trop tarder, il n’y aura quasiment plus d’agriculteurs aptes à réussir lorsque la loi sera mise en œuvre !

C’est la raison pour laquelle ce texte doit s’appuyer sur deux piliers : une réponse conjoncturelle forte et rapide, pour manifester aux agriculteurs français toute l’affection que nous leur portons et notre volonté de les sortir de cette crise – aujourd’hui, ils n’en sont pas totalement convaincus – et une réponse structurelle propre à offrir une vision d’avenir et une meilleure compétitivité européenne, pour montrer que l’agriculture a un avenir en Europe. Plusieurs orateurs ayant déjà évoqué ce point, je n’insisterai pas.

Monsieur le ministre, je tiens à vous décerner un deuxième satisfecit – il risque de ne pas y en avoir d’autres pendant les quinze prochains jours ! – pour avoir placé les intérêts des consommateurs et la question de l’alimentation, trop souvent oubliés à mes yeux, en tête des objectifs de votre loi.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Didier Guillaume. C’est une bonne chose, et force est de constater qu’en la matière vos intentions ne sont pas feintes. Si nous avons déposé des amendements, c’est pour nous assurer que tout cela ne sera pas qu’un simple effet d’annonce – une tête de gondole ! –, sans rien derrière.

Vous avez également évoqué le revenu des agriculteurs, qui doivent pouvoir vivre de leur travail. Il est inadmissible que des produits agricoles soient vendus au-dessous de leur prix de revient : nous devons absolument prendre les mesures qui permettront de mettre fin à cette situation. Aucune autre profession en France ne serait prête à endurer ce que les agriculteurs ont accepté.

Les dispositions relatives aux marchés publics nous importent beaucoup, mais les amendements que nous avons présentés en commission ont tous été « retoqués ». Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que vous avez évoqué cet après-midi une réforme des marchés publics, sans laquelle rien ne pourra être accompli.