M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 512 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Je partage l’objectif fixé par la commission et par le Gouvernement d’assurer une qualité régulière dans la restauration scolaire. Pour autant, est-il bien raisonnable d’imposer de nouvelles charges et normes aux collectivités dans le contexte budgétaire actuel ?

Les propos tenus dans les réunions auxquelles il nous est donné d’assister, comme sur l’ensemble de ces travées, soulignent tous la nécessité de mettre fin à l’inflation des normes.

Or je constate qu’il est question, aujourd'hui, d’en ajouter une couche supplémentaire !

À l’évidence, les élus sont conscients des efforts qui sont nécessaires en matière de qualité des repas servis aux enfants. Ils y travaillent quotidiennement, notamment en favorisant l’arrivée progressive des produits biologiques dans la restauration scolaire.

S’il convient de fixer un cadre à la composition des repas, cette évolution doit cependant se faire en concertation avec tous les acteurs de la restauration scolaire, en particulier avec les associations nationales d’élus, au premier rang desquelles l’Association des maires de France.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à créer un groupe de travail incluant l’ensemble des associations. Je souscris à cette proposition, et je vais retirer l’amendement n° 512 rectifié.

Mais il faut que la concertation ait réellement lieu. Je rappelle que le décret, actuellement en préparation et dont nous avons eu connaissance, est inapplicable dans la plupart des cantines scolaires. Il faut donc revoir les choses au fond et reprendre la rédaction du décret en concertation avec les associations d’élus.

Aussi, je souhaite que vous vous engagiez à ce que les choses se passent de cette façon, et je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 512 rectifié est retiré.

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Pierre Jarlier m’a effectivement indiqué voilà quelques jours que le décret était dans les « tuyaux ».

Monsieur le ministre, je vous demande à mon tour d’intervenir auprès de votre collègue M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, afin d’empêcher la publication du décret tant que le présent texte de modernisation de l’agriculture et de la pêche ne sera pas voté. Il faut absolument que ce décret soit différé pour aujourd’hui au moins, mais aussi peut-être pour demain.

Et je remercie Pierre Jarlier d’avoir retiré son amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 513 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Je ferai deux observations qui seront valables aussi bien en ce qui concerne l’amendement n° 513 rectifié que pour toute la série des autres amendements faisant l’objet de cette discussion commune.

Cette noble et haute assemblée sort d’un très long débat au cours duquel on nous a demandé de valoriser l’intelligence des territoires.

Or je constate que, sur un sujet aussi important, on ne fait absolument aucune distinction entre les zones rurales et les zones urbaines. Pourtant, la façon dont les repas sont préparés ou dont les cantines sont tenues dans des communes rurales n’a rien à voir avec ce qu’il en est dans des agglomérations comme Lyon, Marseille ou Paris.

À l’instar de ce qui se passe dans d’autres domaines, l’inflation de normes va avoir pour effet de désespérer complètement les communes, les intercommunalités ou les regroupements pédagogiques qui font des efforts surhumains pour maintenir à la fois des écoles et des cantines scolaires.

Les repas de nos enfants vont finir par être préparés dans les cuisines des hôpitaux les plus proches. En l’occurrence, le mieux est l’ennemi du bien. Il faut certes des normes, mais comment voulez-vous qu’une mère de famille ou le membre d’une association d’aide à domicile qui vient éplucher les légumes, faire la cuisine, se procurer de la viande à proximité, puisse respecter les valeurs nutritives pour la cantine scolaire ?

Le décret qui sera pris devra impérativement respecter les territoires en ce qui concerne l’approvisionnement.

Mais il faut aussi se montrer un peu raisonnable et faire la part des choses. Les territoires ont une certaine intelligence, nous dit-on, mais, en l’occurrence, il me semble qu’on les conduit à une certaine désespérance !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu qu’un décret, indispensable pour que les dispositions législatives puissent s’appliquer, était en préparation et que le Parlement serait associé à sa rédaction, ce que M. le corapporteur vient de confirmer.

S’agissant de l’excès de normes souligné par Nathalie Goulet, dont je partage les propos, je donnerai un exemple que vous pourrez peut-être retenir dans la perspective de l’élaboration du décret.

Nous sommes aujourd’hui dans la situation absurde où vous pouvez vous approvisionner auprès du boucher du village si vous avez quatre-vingt-dix-neuf rationnaires, mais si vous en avez cent un, vous devez vous rendre chez un boucher disposant d’un laboratoire, dont il n’a pas besoin ! Pourtant, ce qui compte avant tout, me semble-t-il, c’est de savoir si l’hygiène est respectée.

Mme Nathalie Goulet. Bien sûr !

M. Charles Revet. Les enfants peuvent manger le soir un bifteck acheté par leurs parents chez boucher du quartier, auprès duquel l’école ne peut se fournir pour le repas du midi ! C’est insensé !

Qui plus est, les conséquences économiques ne sont pas négligeables, car si la commune avait la possibilité de s’approvisionner chez le boucher du coin, ce dernier pourrait probablement poursuivre son activité dans la commune.

Si, dans la rédaction du décret, vous pouviez donc supprimer cette petite phrase absurde qui empêche aujourd’hui le restaurant scolaire comptant cent ou cent deux élèves de s’approvisionner chez le boucher local, vous contribueriez à régler nombre de problèmes et vous permettriez à nos communes de conserver davantage de commerces locaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. La question dont nous débattons est très difficile, mes chers collègues.

J’ai moi-même vécu l’évolution qui vient d’être évoquée. Nous avions une cantine en régie municipale dont nous étions très fiers, mais nous n’avons pas osé la garder par crainte des inspections vétérinaires successives.

Une autre difficulté existe : lors du lancement de l’appel d’offres, on sait à l’avance qui va l’emporter, puisque deux ou trois prestataires se partagent le marché sans se faire trop de concurrence. Il en résulte que les prix sont parfois un peu élevés.

En milieu rural, les choses sont extrêmement difficiles. Les maires se battent pour garder leur école, où ils doivent organiser une restauration scolaire pour seulement dix, vingt ou trente gamins.

Cela étant, le problème de la sécurité alimentaire est réel. Ainsi, pas plus tard qu’hier, mon boucher de quartier a connu un sérieux problème sanitaire. Heureusement que je ne lui avais pas acheté de pâté ! (Sourires.) Je suis donc très partagé.

Pour participer régulièrement à la commission municipale des menus, je peux vous dire que les parents d’élèves sont très vigilants sur la qualité des produits servis à la cantine scolaire. Ils veulent généralement que leurs enfants y mangent beaucoup mieux qu’à la maison.

Nous sommes aussi confrontés aux habitudes alimentaires très stéréotypées des enfants. Ainsi, dès que l’on essaie d’élargir la palette des produits proposés, comme nous l’avons nous-mêmes fait, depuis septembre, en passant aux produits issus de l’agriculture biologique, les trois quarts des repas préparés finissent à la poubelle et les enfants rentrent chez eux en disant qu’ils n’ont pas déjeuné.

Dans ces conditions, la seule solution pour les communes rurales consiste à se regrouper au sein d’une intercommunalité qui prend en charge la fonction de fabrication des repas dans une cuisine centrale employant un personnel qualifié, qui a accepté de recevoir une formation. (Exclamations sur les travées de lUMP.) C’est la solution que nous avons adoptée, et elle nous permet de ravitailler une dizaine de villages.

La pression que les parents d’élèves exercent sur les élus que nous sommes nous incite inévitablement à ouvrir le parapluie en matière de sécurité alimentaire.

Mais le problème du coût constitue une difficulté supplémentaire. Car si nos chers parents d’élèves aspirent à des repas de qualité, ils voudraient les avoir pour presque rien, et n’acceptent pas de les payer à leur prix de revient. Le pain du boulanger du coin est en général meilleur que le pain caoutchouteux du gros industriel du Val de Sambre, mais il est aussi deux fois plus cher !

Au total, si nous pouvons être fiers d’avoir ce débat entre nous ce soir, il est néanmoins très difficile.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.

M. Pierre Jarlier. Monsieur Raoult, il ne me paraît pas très réaliste, étant donné la configuration de nos territoires, de vouloir créer des cuisines centrales dans tous les secteurs ruraux.

Je souscris pleinement aux arguments de Mme Goulet et de M. Revet : il faut dissocier la situation des secteurs urbains et celle des secteurs ruraux. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement n° 523 rectifié bis, même s’il n’est sans doute pas encore tout à fait au point.

En effet, on ne peut pas appliquer les mêmes normes et les mêmes contraintes à une cantine scolaire où les repas sont préparés par des bénévoles, des associations, voire des familles, et à une grande société qui fournit des cantines scolaires en repas tout préparés.

Le décret devrait tenir compte de ces différences de situation. Je rectifie donc en ce sens cet amendement en prévoyant que le décret s’appliquerait à des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés servant quotidiennement un nombre de repas fixé par décret. Ainsi, un seuil minimum serait fixé dans l’attente de la préparation de ce décret, ce qui constituerait une solution de repli.

M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 513 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, B. Fournier, J. Blanc et Carle, et ainsi libellé :

Alinéas 21 à 27

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 230-3. - Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés, servant quotidiennement un nombre de repas fixé par décret, sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent, déterminées par décret.  »

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ce débat est très intéressant. J’ai bien entendu les propos de Paul Raoult et je dois dire que j’ai vécu un peu la même situation.

Je voudrais dire à Pierre Jarlier et Charles Revet qu’il ne faut pas confondre deux choses, c'est-à-dire l’approvisionnement de proximité et la qualité nutritionnelle.

Le texte proposé pour l’article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que « les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent déterminées par décret ». J’ai cru comprendre qu’il existait un projet de décret, ce que M. le ministre nous confirmera sans doute.

On ne peut aller à l’encontre de la qualité nutritionnelle, qu’elle s’applique à dix repas par jour ou à plus de 2 500 repas. Cela n’empêche nullement une petite cantine de s’approvisionner chez le boucher local, dès lors que les règles nutritionnelles sont respectées dans la distribution.

M. Charles Revet. Et les règles d’hygiène !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. On ne saurait, en effet, concevoir qu’une petite cantine accueillant trente à cinquante enfants ne respecte pas les mêmes règles d’hygiène que les plus grandes structures lors de l’achat des produits.

L’expérience que j’ai dans ma commune me montre que l’on peut très bien acheter la viande ou le pain chez les commerçants locaux. Je peux d’ailleurs citer l’exemple d’un collège et d’une maison de retraite.

Je comprends certes l’esprit qui anime l’Association des maires de France, mais il ne me semble pas opportun de fixer des seuils.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Comme vient de le dire le président de la commission, ce débat est passionnant. Cela étant, on ne peut pas avoir une restauration collective pour les communes qui servent moins de 2 500 repas par an et une autre pour les plus grands établissements.

Nos enfants ont les mêmes droits, qu’ils fréquentent les écoles des petites ou des grandes communes. Il paraît logique que les règles nutritionnelles s’appliquent à tous. De plus, il arrive fréquemment aujourd’hui que les enfants mangent mieux dans les restaurants scolaires que le soir chez eux.

Ne faisons pas de différence entre les rats des champs et les rats des villes ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Merci pour les enfants ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Je partage évidemment les arguments avancés par M. le rapporteur.

Je prends toutefois devant vous l’engagement que les décrets sur lesquels nous travaillons ne sortiront pas sans que vous soyez préalablement consultés sur leur rédaction.

J’ai par ailleurs écrit au président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, et il est évident que nous ne prendrons pas ce décret avant d’avoir procédé à toutes les consultations nécessaires, avec l’Association des maires de France et avec toutes les collectivités locales concernées.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 513 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Non, je vais le retire, monsieur le président, tout en demandant instamment à M. le ministre que la préparation du décret tienne compte de la diversité des modes de préparation des repas, selon que l’on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain.

Les rats des champs et les rats des villes, ce n’est pas tout à fait la même chose, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 513 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 238.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 239 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, monsieur le président, je le retire au profit de l’amendement n° 98, similaire mais mieux rédigé.

M. le président. L'amendement n° 239 est retiré.

La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l’amendement n° 95.

M. Yannick Botrel. J’ai entendu M. le ministre s’exprimer sur ce sujet et j’ai trouvé ses propos quelque peu surprenants. En effet, nous dire que 7 % de surcoût sur l’alimentation, c’est peu de chose, est étonnant de la part d’un membre du Gouvernement.

Hier, en commission de l’économie, un certain nombre de collègues de la majorité sénatoriale sont intervenus pour dire tout le bien qu’ils pensaient des conséquences économiques, sur l’équilibre des exploitations, d’un certain nombre de décisions normatives, réglementaires, voire législatives, qui portent atteinte à la compétitivité des exploitations agricoles. Dont acte !

Mais il me semble que l’on pourrait étendre l’analyse faite hier à la disposition figurant dans le projet de loi et que l’amendement n° 95 vise à dénoncer : je veux parler du transfert de charges que cela induit, une fois encore, pour une collectivité.

Il est vrai que le Gouvernement est coutumier du fait et ce ne sont pas les présidents de conseil général qui démentiront les charges transférées aux collectivités.

On peut effectivement se rendre populaire à bon compte. Voilà deux ans, une décision prise sur les régimes indemnitaires des sapeurs-pompiers a été payée, et à un haut niveau, par les collectivités. Je constate que dans le droit fil de ce qui a pu être fait à ce moment-là, le Gouvernement persiste et signe.

M. le rapporteur a évoqué le coût représenté par les budgets des cantines et des restaurants scolaires pour les collectivités, et jusque-là, je partage son avis.

M. Gérard César, rapporteur. Jusque-là !

M. Yannick Botrel. En réalité, on voit bien la part de plus en plus importante que représente, pour le budget général des communes, la somme versée au budget particulier des cantines et des restaurants scolaires, du moins quand il y a un budget annexe.

La crise sociale que nous traversons a aujourd'hui un impact, avec des impayés qui ne cessent d’augmenter, et les gens n’en peuvent mais.

M. Paul Raoult. C’est vrai !

M. Yannick Botrel. Nous assumons donc déjà ces surcoûts-là.

Par ailleurs, j’observe – et beaucoup d’autres avec moi – que le Gouvernement est prompt à nous opposer en toutes circonstances, et de plus en plus souvent, l’article 40 de la Constitution. Chaque fois que nous formulons une proposition qui générerait – parfois on s’interroge – des dépenses pour le budget de l’État, on nous oppose l’article 40.

Je souhaiterais que, dans un cas comme celui qui nous occupe en cet instant, le Gouvernement s’applique la jurisprudence qu’il prétend nous appliquer en d’autres circonstances. (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Monsieur Marsin, l’amendement n° 523 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Marsin. Compte tenu des explications de M. le ministre et des engagements pris, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 523 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Le Grand, Gouteyron, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Trillard et Merceron, Mme Morin-Desailly et M. Bailly, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de répondre dans les meilleures conditions aux besoins alimentaires des plus démunis, il est mis en place une politique de stockage de tous produits alimentaires sous les formes les plus appropriées. La gestion de ce dispositif se fera sous la responsabilité de France Agrimer.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. J’ai conçu cet amendement il y a un mois, lors d’une réunion préparatoire de la prochaine PAC, en entendant un responsable nous expliquer comment fonctionnent l’agriculture américaine et un certain nombre de dispositions qui la concernent.

J’ai appris alors qu’à certains moments, en cas de surproduction, des associations américaines, utilisant des crédits de l’État américain, achetaient des produits et les stockaient afin de pouvoir ensuite les utiliser pour approvisionner les plus démunis, qui, me semble-t-il, sont très nombreux aux États-Unis.

Monsieur le ministre, je me suis dit que l’on pouvait peut-être calquer cette disposition chez nous. J’entends bien que la régulation relève de la responsabilité de l’Union européenne et non pas de chaque État.

M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !

M. Charles Revet. En revanche, il n’est pas interdit, me semble-t-il, que des associations puissent s’organiser afin de pouvoir acheter des produits lors d’une période de surproduction et les stocker pour les utiliser ultérieurement. D’autant que j’ai appris aussi ce jour-là que la Communauté européenne dépensait 500 millions d'euros chaque année pour aider les pays s’occupant des plus démunis.

Je prendrai un exemple simple et précis. Je suis élu d’une région qui produit beaucoup de coquilles Saint-Jacques, que tout le monde apprécie sans doute. Il arrive de temps à autre, en raison d’une surpêche, laquelle engendre une mévente, que ces produits soient retirés du marché, parfois rejetés à la mer, voire envoyés à l’équarrissage.

Mme Bernadette Dupont. C’est dommage !

M. Charles Revet. Je trouve cela scandaleux et il me paraîtrait tout à fait légitime que dans des périodes de surproduction les associations caritatives ou autres qui aident les plus démunis puissent acheter ces produits au moment où les cours sont moins élevés pour les réutiliser ultérieurement après les avoir conditionnés, congelés par exemple.

C’est dans cet esprit que j’ai proposé cet amendement.

D’abord, ce serait faire œuvre utile à l’égard des plus défavorisés car il s’agit non pas d’une marchandise de deuxième catégorie, mais de la même marchandise en surplus. En même temps et c’est, me semble-t-il, le sens de la démarche américaine, cela permettrait d’alléger les surproductions et, donc, d’offrir des débouchés supplémentaires dans ces périodes, et ce quel que soit le domaine de production concerné.

M. le président. Le sous-amendement n° 673, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Dernier alinéa de l'amendement n° 32 rectifié bis

Après la première phrase

insérer une phrase ainsi rédigée :

Les associations œuvrant pour l'aide alimentaire aux plus démunis peuvent s'organiser pour acheter des produits alimentaires en période de surproduction quel que soit le domaine de production, et les stocker en bénéficiant des dispositions financières prévues à cet effet par l'Union Européenne.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’élargir le champ d’application de l’amendement et de le préciser.

Nous avons vécu exactement le même problème toute l’année dernière avec cette question récurrente de surproduction, d’un côté, et de besoins, de l’autre, avec la crise du lait. Nous ne savions pas comment faire pour avoir une attitude positive, cohérente et sociale face à ces litres de lait qui étaient déversés dans nos rues, en nous disant que par ailleurs de nombreuses personnes avaient besoin de ce produit, en France ou à l’étranger.

Il existe des dispositions pour le stockage, qui sont des dispositions européennes, semble-t-il extrêmement contraignantes, sur lesquelles, dans le cadre des réunions que nous avons eues sur ce sujet, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à travailler de façon à pouvoir reconstituer les stocks d’urgence et afin que le lait fasse notamment partie des matières ou des produits pouvant servir dans ce cas.

Eu égard à l’opinion publique, au consommateur et à toutes les personnes qui, de plus en plus, utilisent les services des réseaux, comme les Restos du cœur, lesquels, dans une petite ville comme Flers, distribuent 33 000 repas, chiffre qui est absolument effrayant, il est extrêmement important de pouvoir favoriser les associations qui utiliseraient ces stocks.

Les deux dispositions présentées vont dans le même sens. Elles vont aussi dans le sens de l’article 1er du projet de loi, puisqu’il s’agit de donner la meilleure qualité de produits à tout le monde, y compris aux plus démunis. Et même si la rédaction n’est pas parfaite pour cette lecture au Sénat, nos collègues de l’Assemblée nationale pourront éventuellement la réécrire, mais notre assemblée s’honorerait en votant ces dispositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue Charles Revet propose l’instauration d’un stockage national, mais, il le sait et il l’a dit lui-même, le stockage de produits alimentaires relève de la politique communautaire.

L’aide alimentaire aux plus défavorisés constitue à la fois une politique sociale et une politique d’aide aux agriculteurs. Mais elle relève également – M. le ministre l’affirmera sans doute tout à l’heure – de l’Union européenne, qui y consacre tout de même 500 millions d’euros. Notons que dans le cadre de l’aide alimentaire, les denrées sont choisies par les autorités nationales.

Il paraît donc difficile, dans le cadre juridique actuel, de définir une politique nationale autonome de stockage à des fins sociales. Rappelons surtout que lorsqu’il y a surproduction de fruits et légumes, ce sont des denrées périssables et on ne peut pas donner des fruits qui, malheureusement, seraient abîmés.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 32 rectifié bis. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 673 est intéressant. Il va dans le même sens que l’amendement n° 32 rectifié bis, mais il est de peu de portée opérationnelle. De plus, il s’applique à un amendement sur lequel la commission a émis un avis défavorable parce qu’il est incompatible avec le droit communautaire.

Par conséquent, la commission demande le retrait de ce sous-amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable, ma chère collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, même si l’idée est généreuse parce que l’on est vraiment au cœur de la politique communautaire.

C’est toujours la même chose : si vous imposez des obligations nationales à une politique communautaire, soit vous êtes en contravention avec la règle communautaire, soit vous perdez le soutien communautaire au nom du principe de subsidiarité.

Je rappelle, pour donner des chiffres précis, que les banques alimentaires perçoivent de l’Union européenne, au titre du stockage, 30 millions d'euros par an et que les Restos du Cœur reçoivent 20 millions d'euros chaque année au titre de l’aide alimentaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 32 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Je suis ennuyé, monsieur le ministre : autant je suis d’accord avec le fait que l’État ne peut pas organiser une politique de stockage, autant je suis un peu surpris de vous entendre dire que des associations qui s’organisent pour stocker des produits, même avec des financements européens, auraient l’interdiction de le faire. Ce n’est pas l’État.

Mon amendement était incomplet, j’en conviens, mais l’ajout prévu au travers du sous-amendement, me semble-t-il, le transforme en une autre disposition, et cela m’ennuie, par delà l’aspect un peu scandaleux de la destruction de marchandises de qualité.

Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de donner des produits périmés. Il y a aujourd'hui d’excellents modes de conservation. Ce n’est peut-être pas vrai dans l’ensemble des domaines, mais il y en a pour lesquels cela se fait très bien. Et à un moment où l’on manque de marchandises, je suis un peu surpris. Mais peut-être allez-vous m’apporter des précisions sur ce point, monsieur le ministre.

Mon amendement était sans doute un peu limité, mais dès lors que, avec l’ajout prévu par le sous-amendement, on y introduit la notion d’associations susceptibles d’acheter et de stocker, on en change la nature.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous précisiez s’il y a effectivement des problèmes à ce niveau car il s’agit non plus du domaine public, mais du domaine privé.