M. François Fortassin. Il faut faire preuve de bon sens. Pourquoi nos ancêtres ne construisaient-ils jamais dans des zones inondables ? Parce qu’ils observaient attentivement leur environnement. Les urbanistes d’aujourd’hui, qui sont à l’origine de nombre de mesures, ne sont pas, que je sache, des spécialistes du changement climatique. Il convient d’y réfléchir.

On pourrait aussi limiter à huit mètres la hauteur des arbres à proximité des habitations. Cela ne coûterait pas grand-chose, mesdames les secrétaires d’État, et permettrait d’éviter que des maisons ou des lignes électriques ne soient détruites en cas de grands vents. Je ne souhaite pas que l’on coupe des chênes ou des pins tricentenaires, mais prendre un décret en ce sens pour les plantations récentes serait à mon avis utile et judicieux.

Un décret visant à réduire l’intensité de l’éclairage public après une certaine heure serait également bienvenu. Cela permettrait de réaliser des économies d’énergie, et personne ne lit L’Est Républicain ou La Dépêche du Midi à trois heures du matin sous un lampadaire ! (Sourires.) De la même façon, s’il est normal d’éclairer certains bâtiments publics pour les mettre en valeur, il conviendrait de couper cet éclairage à partir d’une certaine heure. Les économies ainsi réalisées ne seraient pas minces !

Enfin, le coût des mesures environnementales, aussi bonnes soient-elles, doit faire l’objet de toute notre attention. Il convient de prendre en compte la situation des plus démunis de nos concitoyens.

Mesdames les secrétaires d'État, je souhaiterais que vous organisiez assez rapidement des états généraux sur les OGM, afin de déterminer, sans les rejeter tous en bloc, ceux qui sont dangereux pour la santé et ceux que l’on peut consommer. Finissons-en avec cette hypocrisie qui veut que leur culture serait interdite, mais pas leur importation !

MM. Alain Chatillon et Gérard Longuet. Très bien !

M. François Fortassin. En matière d’’énergie, pourquoi considère-t-on que l’électricité hydraulique ne pourra plus être développée davantage ? On ne sait stocker ni l’électricité, ni les photons, ni le vent, mais on sait stocker l’eau. De surcroît, une centrale hydroélectrique passe de l’arrêt complet à la production maximale en trois minutes, ce qui permet de répondre très efficacement aux pointes de demande d’énergie.

Monsieur le président, veuillez m’excuser d’avoir dépassé mon temps de parole. J’ai une horloge biologique, mais je ne porte jamais de montre… (Sourires.) En conclusion, compte tenu des avancées constatées, mais aussi de certaines déceptions, si quelques-uns d’entre nous voteront le texte, la majorité des membres du RDSE s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, bien qu’étant du Midi, je n’interviendrai peut-être pas aussi longuement que mon collègue de Gascogne ! (Sourires.)

À ce stade du débat, alors que nous nous apprêtons à adopter le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, je veux insister sur un fait incontestable, à mettre au crédit du Président de la République, Nicolas Sarkozy, et du Gouvernement : le Grenelle de l’environnement est un pari tenu et gagné, quoi qu’en pensent les grincheux, les sceptiques et les inquiets ! Cela marque la fin d’un marathon parlementaire de plus de vingt-quatre mois, l’issue d’un processus de concertation unique au monde, le fameux « pentagone démocratique » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), actuellement étudié, me semble-t-il, par l’Union européenne en vue de son adaptation à l’échelon communautaire. Nous pouvons donc être légitimement fiers d’avoir participé à l’élaboration de ce véritable monument législatif.

La crise économique et financière que le monde traverse a confirmé le diagnostic et la gravité de la situation. Mais, grâce au Grenelle, la France a aujourd’hui une longueur d’avance ; elle est devenue une référence en ce domaine. Ce processus constitue aussi une carte maîtresse pour notre pays et pour l’Europe au plan international. Là encore, nous pouvons être légitimement fiers du travail accompli.

Je reste persuadé que c’est le lancement de grands programmes de recherche et d’innovation dans le domaine du développement durable qui permettra à la France et à l’Union européenne de trouver un second souffle. Notre objectif est d’être en avance dans la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques capables de transformer les conditions de l’avenir.

Mes chers collègues, n’oublions jamais que l’un des plus grands pollueurs de la planète est devenu, cette année, le pays au monde qui réalise le plus d’investissements dans les industries vertes, devançant même les États-Unis. Cet effort gigantesque produit par la Chine doit nous conduire à nous interroger. Avec ses objectifs ambitieux, le Grenelle nous met en position favorable dans cette course mondiale qui sera sans pitié pour tous ceux qui auront manqué de réactivité.

Paraphrasant Danton, je dirai qu’il n’y a qu’un seul mot d’ordre qui vaille, en particulier pour la préparation de nos emplois de demain : de l’innovation, encore de l’innovation, toujours de l’innovation ! Gardons toujours un temps d’avance !

Le Grenelle I a eu l’immense mérite de nous faire comprendre que les préoccupations environnementales étaient aujourd’hui au centre de notre société, et donc au cœur de notre travail législatif. On ne reviendra pas en arrière. Les esprits évoluent, les lignes bougent : profitons-en pour aller résolument de l’avant.

Le Grenelle II, que nous allons définitivement adopter, est une formidable boîte à outils, qui permettra de préparer avec efficacité notre pays à une rupture irréversible. Cette future loi décline, chantier par chantier, secteur par secteur, les objectifs entérinés par le Grenelle I. Il s’agit donc d’un texte majeur, considérable, qui a été enrichi par le Parlement, plus particulièrement par le Sénat. Il faut maintenant que les Français se l’approprient.

Je ne reviendrai pas sur les dizaines de dispositions du Grenelle II, qui portent tout à la fois sur l’amélioration énergétique des bâtiments, des changements essentiels dans le domaine des transports, le plan novateur de développement des véhicules électriques et hybrides, la réduction des consommations d’énergie et du contenu en carbone de la production, la préservation de la biodiversité, la lutte contre les nuisances et les risques pour notre santé, la gestion durable des déchets, ou encore la mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance écologique.

Ces mesures, concrètes et pragmatiques, ne constituent rien de moins que le passage à une économie décarbonée. Pour nous, le progrès est non pas un risque, mais une chance !

Préparer l’avenir, ce n’est pas lancer des anathèmes contre la mondialisation, préconiser l’arrêt des centrales nucléaires ou promettre la décroissance, dans un grand élan antiproductiviste et anticonsumériste, ni s’inquiéter d’un prétendu désengagement du Gouvernement à l’égard des transports en commun, alors que vient d’être lancé le deuxième appel à projets, après l’affectation à ce secteur de 800 millions d'euros, mesure sans précédent au cours des trente dernières années.

Préparer l’avenir, c’est réagir efficacement en réconciliant économie et environnement, dans un cadre social équitable.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis non pas un objecteur de croissance, mais un fervent défenseur du développement durable. C’est la raison pour laquelle, comme les membres du groupe UMP, je soutiens avec toute la force et l’énergie de mes convictions le Grenelle de l’environnement.

Je veux maintenant insister sur deux points qui me sont particulièrement chers et qui représentent des avancées très importantes.

Tout d’abord, dans le domaine des transports, outre les infrastructures de charge destinées aux véhicules électriques ou la modulation des péages autoroutiers pour les véhicules particuliers, le Parlement soutient désormais l’indispensable développement des transports en commun dans nos centres urbains asphyxiés, grâce à l’adoption de deux mesures inédites qui vont enfin pouvoir s’appliquer.

Il s’agit, d’une part, de l’instauration d’une taxe sur les plus-values immobilières engendrées par l’affectation des deniers publics à la réalisation d’une infrastructure de transports. Je tiens d’ailleurs à remercier mon éminent collègue Jean-Pierre Fourcade, qui est à l’origine de l’extension de cette disposition dans la loi relative au Grand Paris.

Il s’agit, d’autre part, de l’expérimentation du péage urbain. Je me réjouis du rétablissement de cette mesure par la commission mixte paritaire. Je rappelle que ce système est destiné à limiter la circulation automobile et à lutter contre la pollution et les nuisances environnementales dans les agglomérations volontaires de plus de 300 000 habitants. Cela devrait concerner, à titre expérimental, une douzaine d’agglomérations en France. Cette expérimentation, conformément au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales, ne sera menée que par les autorités organisatrices de transports urbains volontaires.

Ce dispositif, dans toutes les villes européennes où il a été mis en place, a donné à tel point satisfaction que, même après une alternance politique, il a été maintenu !

M. Bruno Sido, rapporteur. C’est tout dire !

M. Louis Nègre. L’exemple de la ville de Stockholm est à cet égard symptomatique. La population, interrogée directement par référendum, a confirmé sa volonté de maintenir le péage urbain, dont la mise en place s’est avérée très positive, en particulier pour les automobilistes eux-mêmes et pour les couches les plus modestes de la population, qui ont pu bénéficier d’un réseau de transports en commun plus dense.

Je me réjouis que l’Association des maires de grandes villes de France, présidée par le député-maire de Grenoble, M. Michel Destot, ait publié le soir même de la réunion de la commission mixte paritaire un communiqué par lequel elle se félicitait de l’adoption de cette mesure.

Le second point sur lequel je veux insister concerne la protection de la santé. À cet égard, les mesures visant à lutter contre les pollutions lumineuses, à améliorer la qualité de l’air, à encadrer l’exposition aux ondes électromagnétiques ou aux substances nanoparticulaires ou à suspendre la mise sur le marché de biberons produits à base de bisphénol A constituent des avancées sensibles.

Mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, si le Grenelle II apparaît comme l’aboutissement d’un processus, il n’est aussi que le début d’une longue démarche. Il reste encore beaucoup à faire !

Pour mener à bien ce chantier, la stratégie de développement durable doit être socialement acceptée. Monsieur le président de la commission de l’économie, il ne doit pas s’agir de désigner des boucs émissaires ou de dresser un camp contre un autre. Il ne faut pas stigmatiser certains – je pense, notamment, au monde agricole, dont nombre d’entre nous ont entendu les craintes – au profit d’une autre partie de la population, réputée plus soucieuse de l’environnement.

L’agriculture française est une richesse dont il faut accompagner les mutations. C’est également vrai pour le monde industriel, trop souvent montré du doigt. Notre groupe avait fortement insisté sur ce point lors de la première lecture ; je me permets d’y revenir.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la fracture territoriale, n’en doutons pas, le Grenelle de l’environnement est un formidable outil d’aménagement du territoire, rural et urbain, qui nous permet d’entrer de plain-pied dans le xxie siècle.

Le Grenelle de l’environnement est aussi un puissant accélérateur de la mutation environnementale des acteurs économiques. L’enjeu est énorme en termes de recherche, d’investissements et, surtout, d’emploi. Le maintien, demain et après-demain, de la France, qui ne représente plus que 1 % de la population mondiale, dans le peloton de tête des nations qui comptent est à ce prix !

L’urgence de la situation écologique et la forte demande de l’opinion publique exigeaient des réponses pragmatiques et audacieuses. Elles figurent dans le texte que nous allons voter.

Le groupe UMP salue la volonté anticipatrice du Président de la République et du Gouvernement, le souffle qui porte ce texte, ainsi que, tout particulièrement, la ténacité consensuelle du ministre d’État Jean-Louis Borloo et de ses secrétaires d’État, qui a permis de réussir ce parcours du combattant.

La volonté politique a fait aboutir ce processus, dans un esprit de responsabilité et de consensus. Aussi, je ne comprends pas l’attitude de nos collègues de gauche, qui ont décidé de voter contre le présent texte. Ils commettent une erreur historique,…

M. Dominique Braye, rapporteur. Historique !

M. Louis Nègre. … qui n’empêchera pas le Grenelle de l’environnement d’avancer et de prospérer.

Il est vrai que ce virage écologique est plus délicat à négocier dans le contexte économique actuel, mais le prendre est un acte de courage politique, que nous sommes fiers de revendiquer et d’afficher. Les conservatismes, l’immobilisme ou les lignes Maginot n’ont jamais fait gagner un pays !

Le Grenelle II est un texte équilibré, synthèse réussie des positions du Sénat et de l’Assemblée nationale, la navette parlementaire ayant parfaitement joué son rôle. Je pense notamment ici au développement maîtrisé de l’énergie éolienne, à la généralisation des SCOT pour 2017 ou à l’expérimentation des péages urbains.

J’exprimerai enfin la satisfaction que procurent à mon groupe les mesures relatives à la publicité extérieure, que nous devons à la très grande compétence de notre collègue Ambroise Dupont.

En revanche, le groupe UMP regrette le maintien d’une disposition, adoptée par l’Assemblée nationale, qui supprime un article de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, concernant les abords des lacs de montagne.

Malgré la solution de bon sens proposée par M. Braye en CMP, un compromis n’a pu être trouvé. Cela a provoqué le mécontentement des élus de la montagne, dont je me fais à mon tour l’écho auprès de vous. Le Premier ministre a cependant engagé une réflexion sur la réforme de la loi montagne. Sachez, mesdames les secrétaires d’État, que le groupe UMP se montrera vigilant quant aux évolutions futures de celle-ci.

Sur ce dernier point, compte tenu de l’importance fondamentale du présent texte pour notre pays, il serait éminemment souhaitable que le Sénat et, d’une manière générale, le Parlement assurent, dans un esprit consensuel, un suivi rigoureux et attentif de son application dans les années à venir, de ses éventuels adaptations et prolongements.

En conclusion, je tiens à rendre un hommage tout particulier au président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine, et à mes collègues rapporteurs, MM. Dominique Braye, Bruno Sido et Daniel Dubois.

M. Nicolas About. Ils sont remarquables !

M. Louis Nègre. Je dois les remercier de m’avoir fait bénéficier de leurs conseils éclairés et de leur soutien indéfectible. Je tiens à remercier également les ministres et secrétaires d’État de leur compétence et de leur volonté d’ouverture. Un travail considérable a été accompli ; le compte rendu des débats parlementaires en porte témoignage.

Comme l’a si bien écrit Saint-Exupéry, « nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».

M. Paul Raoult. Très original…

M. Louis Nègre. Cette formule limpide, puissions-nous, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, grâce au Grenelle, la mettre au cœur de notre action ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

MM. Dominique Braye et Bruno Sido, rapporteurs. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, mesdames, messieurs, il fut un temps où, quand on ne connaissait pas l’auteur d’une citation, on l’attribuait à Sacha Guitry ; aujourd’hui, c’est à Saint-Exupéry ! Je pensais, pour ma part, que cette noble phrase avait été prononcée par le grand chef indien Seattle… (Sourires.)

M. Louis Nègre. Nous ferons une recherche !

Mme Dominique Voynet. Le 25 octobre 2007, à l’occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement, le Président de la République avait appelé à « une révolution dans nos façons de penser et dans nos façons de décider ; une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs et dans nos critères ».

Le même jour, Al Gore, prix Nobel de la paix, citait ce proverbe africain : « Si l’on veut avancer rapidement, il faut avancer seul, si l’on veut avancer loin, il faut avancer à plusieurs. » Et il ajoutait que notre défi est d’aller loin rapidement.

Aujourd’hui, nous voici donc au bout du chemin, à la fin du processus du Grenelle de l’environnement, entamé voilà deux ans et demi.

Force est de le constater, la révolution écologique n’a pas eu lieu. Non seulement nous ne sommes pas allés vite, mais surtout nous ne sommes pas allés bien loin ! Pis, dans certains domaines, ce projet de loi marque de réels reculs ; la distance est grande entre les ambitions affichées, les pratiques existantes et les décisions réellement prises.

Mesdames les secrétaires d’État, c’est notamment à cause de ces hésitations, de ces ambiguïtés et de ces reculs que j’ai dû voter contre ce projet de loi en première lecture, alors même que j’avais salué le culot et l’ambition de l’entreprise et choisi de lui donner sa chance, en participant aux travaux du Grenelle, comme l’ont également fait Nicolas Hulot et Marie-Christine Blandin, qui pilota l’un des chantiers.

Que les choses soient claires, je reconnais bien volontiers l’existence de certaines avancées, comme il y en eut dans le Grenelle I, mais c’est pour les mêmes raisons qu’hier que je voterai aujourd’hui encore contre ce texte. Ces avancées ne sauraient suffire à emporter l’adhésion des Verts.

En effet, notre appréciation se fonde non pas sur telle ou telle mesure isolée, tel ou tel élément que nous jugeons inacceptable, ni sur telle ou telle hésitation que nous estimons incompréhensible, mais sur la cohérence générale de la politique gouvernementale en matière d’environnement, d’écologie et de développement durable, cohérence qui, il faut bien l’admettre, a été furieusement écornée par l’enterrement de première classe de la fiscalité écologique.

M. Bruno Sido, rapporteur. Ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Dominique Voynet. Il semble que le Président de la République, à la veille des élections régionales, ait lui-même marqué la fin de la parenthèse écologique de ce gouvernement et de la chasse aux voix écologistes, en annonçant, le 6 mars 2010, que l’environnement, « ça commence à bien faire » !

Dès lors, on assista à une sorte de déferlement de propositions rétrogrades, venant de toutes parts à droite, qu’il s’agisse des bancs du Parlement, de certains ministères ou de groupes de pression, dont le comportement a été excellemment décrit tout à l’heure par Évelyne Didier.

Cette mécanique implacable, je l’ai connue il y a plus de dix ans. Ces pressions, je les ai subies. J’ai choisi à l’époque de les rendre publiques, pour les désarmer. Ces pratiques perdurent, vous le savez, sous des formes diverses, et je le déplore.

En ce qui concerne le contenu même du texte, la trame verte et bleue, ou TVB, qui représentait l’un des engagements majeurs du Grenelle de l’environnement pour la défense de la biodiversité, devait permettre la préservation et la restauration d’un maillage d’espaces et de milieux vitaux pour la faune et la flore sauvages, contribuant à l’équilibre des territoires, au bénéfice de tous.

Or, la portée juridique de cet outil a été profondément affaiblie par la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 16 juin. Cette dernière a, en effet, supprimé la disposition qui constituait l’un des engagements du Grenelle et prévoyait que les infrastructures linéaires de l’État devaient être compatibles avec le schéma régional de cohérence écologique, outil de mise en œuvre de la TVB dans les régions.

Cette mesure était indispensable à la mise en place cohérente de la trame verte et bleue sur l’ensemble du territoire. Avec cette obligation de compatibilité, la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse ou d’une autoroute aurait dû respecter les continuités écologiques.

On peut choisir de rire des propos qu’a tenus tout à l’heure M. François Fortassin, qui a donné une illustration de cette méthode bien française visant à disqualifier, par des anecdotes pagnolesques d’une démagogie un peu décalée, le travail du ministère chargé de l’écologie. (M. François Fortassin rit.) Comme si c’était par inadvertance que l’on assèche les zones humides indispensables à la reproduction de nombreuses espèces d’oiseaux ou de poissons ! Comme si c’était par méconnaissance d’une réglementation trop tatillonne que l’on donnait l’autorisation de prélever des gravillons dans le lit des rivières ou d’y rejeter des fientes, des lisiers, des vinasses, des gravats ! L’écologie réduite aux bavardages de café, très peu pour moi !

La mise en place d’une certification « haute valeur environnementale », ou HVE, pour les exploitations agricoles est une autre mesure contestable. Cette certification répond à des objectifs louables en matière de réduction des intrants, mais elle pose deux problèmes majeurs, comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises, lors de la première lecture, mon collègue Jacques Muller : d’une part, son coût reposera essentiellement sur les petites exploitations et sur les consommateurs ; d’autre part, l’instauration de cette nouvelle certification illustre l’absence de volonté concrète de faire basculer notre modèle agricole vers un modèle non productiviste, notamment à travers la filière biologique. Tous les amendements déposés par les Verts, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, pour soutenir la filière « bio » ont été refusés. Je pense, en particulier, à un amendement qui visait à autoriser les cultures dans la bande des cinq mètres sous réserve d’une certification à l’agriculture biologique. N’est-ce pas surréaliste alors que, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement ne s’est pas opposé à l’idée que la certification HVE puisse être octroyée à des productions transgéniques ?…

Où est la cohérence ? D’un côté, vous vous targuez de mettre en place le plan Écophyto 2018, prévoyant la réduction de 50 % de l’usage des pesticides en France ; de l’autre, il sera désormais écrit dans la loi que le retrait d’un produit phytosanitaire ne sera possible qu’après une évaluation des impacts socioéconomiques et environnementaux de ce retrait.

M. Bruno Sido, rapporteur. C’est évident !

Mme Dominique Voynet. Vous avez donc accepté un obstacle supplémentaire au retrait des pesticides dangereux de nos pratiques agricoles, ce dont s’est réjouie bruyamment la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

Sans doute y avait-il moins de fées rassemblées au-dessus du berceau du bisphénol A et le sacrifice était-il moins douloureux que pour certaines molécules utilisées en agriculture. Mais, sur ce dossier comme sur ceux des phtalates contenus dans les jouets, des éthers de glycol présents dans les peintures ou de l’insecticide Gaucho utilisé en agriculture, il faut remercier et féliciter de leur action les lanceurs d’alertes associatifs et les chercheurs indépendants. Mesdames les secrétaires d’État, comment se fait-il que ces alertes ne viennent jamais des services ad hoc de nos administrations ? Une partie de la réponse est sans doute dans la question…

J’en viens aux énergies renouvelables.

On a vu des cohortes de défenseurs presque fanatiques de l’énergie nucléaire lancer de rudes attaques contre l’éolien. Les pires amendements n’ont pu aboutir à l’Assemblée nationale, mais certaines dispositions inacceptables demeurent, qui constituent des freins très sérieux au développement de cette filière. Celle-ci ne suffira pas, évidemment, à répondre au défi du changement climatique. Néanmoins, elle n’est pas dépourvue d’intérêt, ne serait-ce qu’au regard du potentiel de création d’emplois non délocalisables qu’elle recèle.

Le projet de loi prévoit que les éoliennes ne pourront être installées à moins de 500 mètres des habitations. Or, fixer une distance unique, applicable sur tout le territoire national, ne permet pas de tenir compte de la morphologie des lieux ni des conditions locales. De fait, selon les territoires concernés, une distance de 500 mètres pourra être soit excessive, soit insuffisante.

La majorité présidentielle sonne ainsi le glas du petit et du moyen éolien, celui qui aurait pu être porté par les coopératives communales, des sociétés d’économie mixte pouvant construire des éoliennes en accord avec les agriculteurs, les petits artisans et les communautés de communes.

Bien que le Gouvernement ait prévu d’écarter le nucléaire des débats du Grenelle, il a pourtant décidé d’introduire cette question à l’article 94 quater, en permettant d’accroître de façon significative des rejets radioactifs si cela ne résulte pas d’une « modification notable » d’une installation ou de son exploitation ! À lui seul, cet article scandaleux devrait suffire à vous convaincre qu’aucune voix écologiste ne saurait soutenir ce projet de loi ! On mesure le soulagement des gestionnaires du site de La Hague, en butte depuis des années à la colère des gouvernements irlandais et anglais, qui savent isoler dans les eaux de l’océan Atlantique et de la mer du Nord les rejets radioactifs de notre usine de retraitement.

Cette référence au nucléaire me permet de resituer dans un contexte plus global la question de la cohérence générale non écologique de l’action gouvernementale.

L’autosatisfaction n’est pas de mise, la méthode Coué ne suffit pas ! Au moment même où l’on nous présente la dernière mouture du projet de loi Grenelle II, le Gouvernement vient de signer la déclaration d’utilité publique de la ligne haute tension Cotentin-Maine, utilité pourtant plus que contestée ! Il nous prépare en outre un projet de loi réorganisant le marché de l’électricité qui ouvre le secteur du nucléaire à la concurrence, ainsi qu’un projet de loi de modernisation de l’agriculture qui ne modifie en rien notre modèle agricole !

Mesdames les secrétaires d’État, le ministre chargé de l’environnement connaît, quel que soit le gouvernement, de très grands moments de solitude face aux habitudes, aux hésitations, aux clientèles, aux raisonnements à courte vue, aux lobbies et aux préjugés. Je pensais que les temps avaient un peu changé, que les esprits avaient évolué, mais la réalité est assez dure : la situation écologique se dégrade bien plus vite que les esprits n’avancent et que la législation ne progresse.

Vous comprendrez que nous ne fassions pas nôtres les conclusions de la CMP. Nous voterons donc contre elles, en attendant avec impatience le Grenelle III, que Mme Jouanno elle-même appelle de ses vœux, à très juste titre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission de l’économie.