M. le président. Conformément à la décision de la conférence des présidents, je vais maintenant inviter les présidents de la commission des finances et de la commission des affaires sociales à intervenir.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, alors que nous nous employions à sortir notre voisin grec de la crise dans laquelle il était plongé, j’avais formé le vœu que nous disions enfin aux Français où en était notre pays : que nous leur disions qu’il n’était plus possible de flatter indéfiniment une addiction croissante à la dépense, tout en organisant les délocalisations d’activités et d’emplois par un système de prélèvements obligatoires aveugle à l’impératif de compétitivité ; que nous leur disions, enfin, qu’un endettement croissant n’était rien de moins qu’une abdication progressive de notre souveraineté nationale.

J’ai bien entendu notre collègue André Dulait plaider la cause de la défense nationale, mais je ne suis pas sûr qu’un pays qui s’équipe en empruntant réponde aux exigences de l’indépendance nationale.

Il me semble que nous avons entamé cet après-midi l’exercice de lucidité que j’appelais de mes vœux. Je donne acte au Gouvernement d’avoir pris la mesure des efforts à accomplir pour redresser nos finances publiques et, surtout, je lui donne acte de ne plus dissimuler que les ajustements seront douloureux. Nous avons entendu, ces dernières semaines, d’interminables gloses sur l’opportunité d’employer ou non le terme de « rigueur ». Ces exercices rhétoriques apparaissent bien dérisoires au regard des enjeux auxquels nous devons faire face.

Le diagnostic est donc posé, et il fait l’objet d’un consensus. Mais qu’en est-il du remède ? Quels doivent être sa nature, son dosage, et à quel rythme faut-il l’administrer ? Le Gouvernement a présenté à la Commission européenne un programme de stabilité ambitieux, assis sur une prévision de croissance tout aussi ambitieuse, convenons-en.

Dans son intervention, M. le rapporteur général de la commission des finances a approuvé vos objectifs, madame la ministre, monsieur le ministre, mais il vous a aussi fait part de nos interrogations et, pour tout dire, de nos doutes sur les hypothèses qui sous-tendent la trajectoire de retour à l’équilibre que vous nous présentez.

De nouveaux objectifs et de nouvelles normes nous sont proposés : la dépense fiscale sera « rabotée », le « zéro valeur » remplacera le « zéro volume », les dépenses d’intervention et de fonctionnement de l’État baisseront de 10 %, la révision générale des politiques publiques entrera dans une seconde phase, les concours aux collectivités territoriales seront gelés et la dépense sociale contenue... Tout cela est bel et bon, mais qu’en est-il, aujourd’hui, des mesures concrètes dans lesquelles vont s’incarner ces principes ?

Commençons par les dépenses. Vous l’avez vous-même reconnu, les objectifs d’économies que vous vous assignez seront hors de portée si l’effort n’est pas généralisé. (Mme Raymonde Le Texier opine.) Dans ces conditions, pourrons-nous nous abstenir de porter le fer dans certains domaines sensibles, dans des interventions à caractère éducatif, sanitaire ou social, en matière de logement ou d’emploi ? Pourrons-nous éviter de revoir certaines lois de programmation, y compris la loi de programmation militaire ?

De même, les dépenses de fonctionnement ne baisseront pas dans les proportions attendues si les opérateurs, ces 655 entités qui sont autant de points de fuite potentiels de la dépense publique, ne sont pas soumis à la même contrainte que l’État. Elles ne baisseront pas davantage si les gestionnaires ne sont pas mis sous tension.

À cet égard, Philippe Marini a invité le Gouvernement à moduler l’effort en fonction des performances réalisées par les responsables de programme. Voilà qui donnerait un peu de contenu aux objectifs et indicateurs de performance promus par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et qu’on s’est, pour l’heure, contenté d’utiliser formellement et, pour tout dire, stérilement. Je voudrais que les décisions qui ont été prises pour tenter d’infléchir la politique du Gouvernement sur la base de ces indicateurs soient identifiées.

Plus précisément et en dehors des économies de « constatation » liées à la fin du plan de relance ou aux suites de la réforme de la taxe professionnelle – afin d’évaluer l’effort réel pour 2011, il faut soustraire les 15 milliards d’euros dépensés en 2010 qu’on ne dépensera pas en 2011 –, quels dispositifs vont passer sous la toise, quand et pour quels montants ? À quel moment le Parlement disposera-t-il d’un inventaire précis et robuste des mesures arbitrées, afin de mesurer, ligne par ligne, l’ampleur des économies programmées ?

Ces interrogations ne sont pas que de méthode.

Elles sont nourries par l’expérience d’un président de commission des finances qui a passé de longues heures à débattre, année après année, des crédits des missions inscrits au projet de loi de finances. Elles sont nourries par le souvenir de querelles homériques, dès qu’il s’agissait d’arracher le moindre euro à un ministre qui, une fois qu’il avait gagné ses arbitrages à Matignon, considérait ses crédits comme sanctuarisés.

Plus récemment, la commission des finances a entendu sept ministres du Gouvernement. Naturellement, nous avons été intéressés par l’usage qu’ils avaient fait des crédits mis à disposition pour 2009. Mais, à la question de savoir comment ils mettraient en œuvre les mesures vigoureuses dont les contours viennent de nous être présentés, ils ont apporté des réponses pour le moins évasives.

Afin d’aider le Gouvernement à tenir le cap qui vient d’être fixé, nous aurons donc besoin de le traduire très rapidement en espèces sonnantes et trébuchantes. D’ailleurs, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, j’espère que vous mettrez tout votre talent de pédagogue au service de l’arbitrage budgétaire, ce qui ne sera pas simple… En effet, pour les ministres auditionnés, toutes les dépenses fiscales et tous les crédits dont ils disposaient étaient essentiels et donc sanctuarisés.

Le Gouvernement prévoit également de contenir fortement la dépense locale. L’objectif est louable autant qu’ambitieux, dans la mesure où l’État n’en maîtrise pas tous les déterminants, tant s’en faut.

Un bon début consisterait à enrayer la frénésie normative qui accable chaque jour les exécutifs locaux d’obligations nouvelles, qui sont autant de dépenses supplémentaires. De fait, à quoi sert-il de déployer une révision générale des politiques publiques pour l’État si, parallèlement, se reconstitue une bureaucratie territoriale chargée de mettre en œuvre une réglementation tatillonne au point de prescrire le contenu des assiettes dans les cantines scolaires ?

Je demande donc l’armistice des normes, étant précisé que certaines normes européennes que les gouvernements français ont, à un moment ou à un autre, acceptées sont encore dans les tuyaux et devront bientôt être appliquées.

J’en viens à présent aux recettes et, d’abord, aux méthodes tantôt artisanales, tantôt fleuries que le Gouvernement nous propose pour contenir la prolifération des dépenses fiscales.

La première est celle du « rabot », c’est-à-dire de l’écrêtement d’un grand nombre de crédits et autres réductions d’impôt. La systématicité du procédé est séduisante et a le mérite d’envoyer un message clair aux contribuables.

La seconde méthode, celle du « bouquet » de mesures ciblées, complète heureusement le passage du rabot. Ne doutez pas, madame la ministre, monsieur le ministre, de la détermination de la commission des finances à soutenir le Gouvernement et à faire preuve de créativité dans cet exercice délicat !

Pour autant, nous ne pourrons pas nous contenter d’élaguer la dépense fiscale afférente à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, sauf à attendre 2012, l’année où les dispositions relatives aux niches fiscales sur ces deux impôts commenceront à produire leurs effets, pour engranger des économies.

Dans ces conditions, la fiscalité indirecte devra, elle aussi, permettre de dégager des recettes supplémentaires dès la prochaine discussion budgétaire.

Je pense en particulier aux taux réduits de TVA. Le rapporteur général M. Marini a évoqué une évolution du taux réduit de 5,5 % à 8 %. Pour ma part, je propose une autre hypothèse, à savoir l’introduction, pour des activités de proximité telles que la restauration et la rénovation de logements, d’un taux intermédiaire fixé entre 10 % et 12 %. De telles dispositions auraient l’avantage d’accroître les ressources pour 2011 de 4 ou 5 milliards d’euros.

Au-delà de la réduction des dépenses fiscales, je maintiens qu’une refonte globale de notre système de prélèvements obligatoires demeure nécessaire, que l’instauration d’une TVA « sociale » constitue une mesure urgente de compétitivité et que la « trilogie » fondée sur la suppression du bouclier fiscal, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’instauration d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu irait dans le sens de l’équité et de l’efficacité. Il faudrait aussi revoir le barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières.

Mme Nicole Bricq. Ah ! Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Devant les efforts que nos compatriotes vont devoir accomplir, nous devons avoir à l’esprit l’exigence fondamentale de justice. Dans ces conditions, il serait bien imprudent de ne pas abroger rapidement le bouclier fiscal.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et l’ISF !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement ! La tétralogie que je viens d’évoquer doit être traitée. Nous déposerons en ce sens un amendement dans la prochaine loi de finances.

Nous avons un cap : un déficit public ramené à 3 % du PIB en 2013. Toutefois, n’oublions pas qu’il ne s’agit que d’une étape, notre objectif étant l’équilibre, le « zéro déficit ». Nous avons des outils, que sont la maîtrise des dépenses et la préservation des recettes. Il nous faut enfin des règles, qui garantissent que les objectifs que nous nous fixons aujourd’hui ne s’évanouiront pas au gré des événements.

Reconnaissons-le, nous avons eu une fâcheuse tendance, dans le passé, à exciper de circonstances exceptionnelles ou de l’absolue nécessité de nouvelles priorités qualifiées de nationales pour nous soustraire à des règles, alors même que l’encre qui avait servi à les écrire était à peine sèche... Il faut en finir avec une forme d’inconstance ou de « mémoire courte », qui porte gravement préjudice à la crédibilité de notre pays sur la scène internationale.

Nous devons saluer, à cet égard, les conclusions de la commission Camdessus. Ces conclusions, sur lesquelles je ne reviendrai pas dans le détail, vont dans le sens d’une plus grande cohérence du pilotage de nos finances publiques et d’une normativité renforcée des règles que nous nous donnons.

Qu’il me soit permis de saluer, en particulier, l’initiative tendant à consacrer le monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires. Ce principe est de bon sens et sa mise en œuvre a été opportunément anticipée par une récente circulaire du Premier ministre. Il devrait mettre un terme à une forme de schizophrénie, imputable tant au Parlement qu’au Gouvernement et consistant à défaire consciencieusement, dès le mois de janvier, les équilibres votés dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale quelques semaines auparavant.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons probablement devant nous la discussion budgétaire la plus cruciale de la législature, et sans doute même de toutes les législatures de la Ve République. Soyez-en sûrs, la commission des finances y prendra, comme chaque année, toutes ses responsabilités. Elle ira plus loin encore qu’à son habitude, en formulant des propositions précises.

Le Gouvernement comme le Parlement ne doivent pas s’égarer dans des projets superfétatoires. C’est la fin de l’illusionnisme collectif, la grande cause est bien l’équilibre de nos finances publiques ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Denis Detcheverry applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant le privilège d’être la dernière intervenante dans notre débat d’orientation, je ne vais pas redire ce qu’ont très bien exprimé avant moi les différents orateurs, en particulier M. Alain Vasselle, le rapporteur général de notre commission des affaires sociales, mais aussi le rapporteur général et le président de la commission des finances, ainsi que les intervenants de tous les groupes qui se sont succédé à cette tribune.

Je voudrais néanmoins insister sur quelques sujets.

Le premier est relatif aux questions de méthode.

Alain Vasselle l’a rappelé, plusieurs projets de loi d’ordre financier vont nous occuper à l’automne : un projet de loi organique sur la dette sociale, la réforme des retraites, les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2011, peut-être un projet de loi de programmation des finances publiques – Mme et M. les ministres nous le confirmeront –, sans parler du débat annuel, auquel nous tenons beaucoup au Sénat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Et la réforme de la dépendance !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait, mais je crois qu’elle sera examinée au mois de janvier prochain.

Nous serons très attentifs à la cohérence d’ensemble des mesures que ces projets de loi contiendront. Il serait en effet regrettable que l’éparpillement des choix législatifs, budgétaires, fiscaux et sociaux conduise à brouiller les messages et à rendre difficilement lisibles les réformes.

Je pense par exemple aux retraites. Il est impératif pour nos concitoyens, comme pour tous ceux qui observent les évolutions économiques de notre pays, que l’équilibre de la réforme soit réellement établi et, surtout, parfaitement clair.

Il serait très utile que vos services, madame et monsieur les ministres, nous fournissent, dès les premiers jours de septembre, un document de synthèse précis sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour chacun des textes que j’ai cités, avec des tableaux d’équilibre détaillés. Ce serait certainement de nature à faciliter notre travail et à mieux éclairer les choix que nous aurons à faire et dont nous devons répondre auprès de nos concitoyens.

Ma deuxième remarque concerne la dette sociale.

Vous le savez, ce sujet est pour nous essentiel. Cinq sénateurs de notre commission étaient d’ailleurs membres de la commission réunie sous votre présidence, monsieur le ministre, et dont l’objectif initial était d’expertiser toutes les solutions envisageables pour régler ce problème crucial. Je ne vous cacherai pas qu’ils ont regretté le peu de marge de manœuvre qui leur a été laissé sur cette question.

Nous partageons tous la conviction qu’il n’est plus possible de reporter sur nos enfants et petits-enfants la dette que nous alimentons aujourd’hui, en ne parvenant pas à financer nos dépenses de maladie et de retraite.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions souhaité à l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, traiter le problème – au moins partiellement – en augmentant légèrement la CRDS. Cela nous aurait permis de commencer, sans attendre, à rembourser ces milliards d’euros de dette reconstituée. M. Alain Vasselle a longuement évoqué cette question.

Le Gouvernement n’a pas voulu nous entendre, malgré les efforts conjoints et parfaitement unis de nos deux commissions.

Aujourd’hui, nous nous trouvons au pied du mur. Il est essentiel que nous prenions des mesures responsables, en dehors de tout a priori, pour régler la question. Il y va, me semble-t-il, de notre crédibilité, mais aussi de celle de la France.

J’en viens maintenant à une dernière série de remarques.

Comme nous avons été nombreux à le dire, le maintien d’une protection sociale de haut niveau dans notre pays nécessite non seulement une meilleure efficacité dans la gestion des dépenses, mais sans doute aussi la recherche de nouvelles recettes.

Parmi les mesures annoncées par le Gouvernement, figure la mobilisation de ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « les niches fiscales et sociales ».

J’approuve globalement cette décision. En effet, les volumes financiers attachés à ces dispositifs n’ont fait que croître au cours des dernières années et il est légitime de s’interroger sur le coût et l’utilité de ces niches, comme l’ont très bien expliqué ceux qui m’ont précédée à cette tribune.

Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fait que tous ces dispositifs ne sont pas équivalents. L’un d’entre eux en particulier – je suis en total désaccord avec vous sur ce point, madame le ministre – me paraît devoir être préservé car, loin de coûter à l’État, il est en fait à l’origine de substantielles recettes supplémentaires.

Je veux parler des mécanismes fiscaux et sociaux qui permettent l’embauche de salariés à domicile par les particuliers, par les familles.

Contrairement aux entreprises qui cumulent plusieurs dispositifs de soutien à l’emploi – allégements de cotisations, réductions et crédits d’impôt, contrats aidés, etc. –, les personnes physiques qui sont employeurs ne bénéficient que du dispositif de réduction ou crédit d’impôt et de l’allégement partiel de charges prévus pour l’emploi de salariés à domicile.

Or, l’efficacité de ces dispositifs est largement prouvée.

D’abord, en termes de création d’emplois : plus de 700 000 emplois ont été créés dans le champ des services à la personne au cours des quinze dernières années et 30 % des emplois créés dans l’économie française en 2008 l’ont été dans ce secteur.

Ensuite, au regard de la rentabilité pour les finances publiques : en permettant de lutter contre le travail non déclaré, ces dispositifs sont à l’origine de plus de 6 milliards d’euros de cotisations sociales. Même en tenant compte du coût de la réduction fiscale et de l’allégement partiel de charges, le secteur apporte plus de 3 milliards d’euros aux caisses de sécurité sociale. Si l’on y ajoute les recettes fiscales produites par les salaires des personnes employées, on mesure à quel point le modèle du particulier-employeur est vertueux.

Si l’on examine le régime fiscal actuel, avant même tout « coup de rabot », ses conditions d’application et son plafonnement font déjà que l’entreprise familiale est la seule à payer deux fois l’impôt sur le revenu : une première fois sur les revenus de l’employeur, une seconde sur les revenus du salarié. Peut-on vraiment considérer qu’il s’agit d’une niche fiscale ?

Enfin, je veux dire avec force que ce dispositif d’aide fiscale et sociale répond à un vrai besoin de la société, en facilitant la garde de jeunes enfants, l’accompagnement de parents âgés ou l’aide aux personnes handicapées.

Il permet le maintien des femmes sur le marché du travail et la conciliation des vies privée et professionnelle, notamment pour les ménages des classes moyennes, qui représentent plus de la moitié des 3,5 millions de particuliers-employeurs.

Il permet aussi l’intégration de publics éloignés du marché du travail ou à faible niveau de qualification, qui peuvent, grâce à ces dispositifs, obtenir un emploi et bénéficier d’une couverture sociale normale pour, en particulier, se constituer des droits à la retraite. Je dois rappeler également que ce sont des emplois non délocalisables.

Remettre en cause ce soutien aux emplois à domicile risquerait d’entraîner une destruction d’emplois. Un rapport de l’Assemblée nationale a récemment chiffré à plus de 200 000 le nombre de particuliers-employeurs qui pourraient licencier un salarié en cas de baisse de 10 % des aides fiscales et sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bonne remarque !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Cela conduirait aussi à diminuer le nombre d’heures déclarées et à développer le travail non déclaré, alors que celui-ci a connu un recul de vingt points sur la période 1995-2005,…

M. Guy Fischer. C’est vrai !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … passant de 50 % à 30 % des emplois du champ des services à domicile. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ?

Au moment où les arbitrages sur les textes que nous aurons à examiner à l’automne sont en cours de préparation, je tenais à vous faire part de ma conviction sur la très grande utilité des aides fiscales et sociales pour l’emploi de salariés à domicile. (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je peux vous assurer qu’elle est partagée par un grand nombre de parlementaires et d’experts. On me dit aussi que plusieurs pays européens nous envient ces mécanismes, au regard de leur effet positif sur l’emploi et sur la protection sociale de publics fragiles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Denis Detcheverry applaudit également.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président et monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la présidente et monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la vertu et l’intérêt d’un tel débat d’orientation est de faire connaître la position, les perspectives, les objectifs, le cap du Gouvernement et de favoriser l’expression sur l’ensemble des sujets que nous aurons à traiter à la sortie de l’été, sachant que nous ne parlons aujourd’hui, en cette fin de session extraordinaire, que de la partie « dépenses ».

Le document que nous avons transmis à la commission des finances atteint un degré de précision sans précédent, ce qui est d'ailleurs normal et logique, et je me permets d’attirer votre attention sur le détail des mesures prises.

L’échenillage auquel nous avons déjà procédé dans ce document s’agissant de toutes les sources de dépenses doit déjà, monsieur le président Arthuis, apporter beaucoup d’éléments de réponses aux questions que vous avez soulevées à la tribune voilà quelques instants.

Madame Bricq, pour répondre à votre intervention, notamment à propos de l’esprit de justice dont vous avez parlé, j’évoquerai trois mesures qui sont équilibrées et, ce faisant, je répondrai aussi à Mme la présidente Muguette Dini.

Je prendrai d’abord l’exemple de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Contrairement à ce qui a été dit, elle va continuer de croître.

Mme Nicole Bricq. Mais pas de ce qui avait été prévu !

M. François Baroin, ministre. Elle augmentera chaque année de 3 % au lieu de 4,5 %, sur six ans au lieu de cinq. Je me permets de souligner que le taux d’inflation à partir duquel l’engagement a été pris n’avait rien à voir avec celui auquel nous sommes parvenus. L’AAH sera donc supérieure de plus du double à l’évolution du coût de la vie ; c’est dire si cette mesure s’inscrit dans un plan général mais aussi dans la philosophie du Gouvernement d’épargner les publics fragiles.

Je prendrai un deuxième exemple : l’aide à la personne. Elle bénéficie d’un avantage fiscal et d’un avantage social. Dans le contexte de crise budgétaire, de finances publiques dans lequel nous nous trouvons, franchir cette marche de 2 % – ce qui n’a jamais été fait – est un objectif très ambitieux. En logique pure, le Gouvernement aurait pu aller plus loin. Il s’est arrêté, après avoir entendu les arguments développés par les uns et par les autres, à la suppression de l’exonération de quinze points de cotisations sociales, mais il maintient l’avantage fiscal et le niveau de plafond (Mme Nicole Bricq s’exclame.), ce qui permettra de continuer à favoriser l’emploi.

Je voudrais aussi rappeler que l’exonération des quinze points de cotisations sociales a été effectuée dans une logique d’amorçage. Il y a eu une augmentation de 40 % au titre de ce dispositif, qui représente un volume de 6 milliards d’euros. Donc, même si nous n’étions pas confrontés à la nécessité de réduire les déficits, même si nous n’avions pas à produire un effort considérable en termes d’économies, nous serions, de toute façon, dans l’obligation de « refroidir » un peu la mécanique tant elle est en expansion, et c’est, me semble-t-il, juste et équilibré.

J’évoquerai un troisième élément qui a trait à la question que vous avez soulevée concernant les HLM, madame Bricq, qui figure également dans les éléments de détail.

Personne ne peut sérieusement affirmer que le milieu des bailleurs sociaux ne s’est pas restructuré depuis de nombreuses années. Est-il besoin de vous dire à vous, madame, que le passage en société anonyme a permis une simplification et une transparence budgétaire et financière complète ? Cette clarification a mis en lumière une trésorerie sinon opulente du moins suffisante pour ne pas altérer les missions des bailleurs sociaux,…

Mme Nicole Bricq. Non, vous ne pouvez pas dire cela !

M. François Baroin, ministre. … qui accompagnent en particulier les politiques immobilières et sociales des collectivités territoriales et de l’État dans une logique de mutualisation, et ce pour le bénéfice des locataires.

Mme Nicole Bricq. On en reparlera !

M. François Baroin, ministre. Nous disposons donc de tous les arguments – nous pourrons les développer le moment venu, à la sortie de l’été – qui prouvent que ces mesures – et je pourrais toutes les énumérer les unes après les autres – sont justes et équilibrées. Nous avons véritablement travaillé de façon méthodique et précise. Ensuite viendra le débat.

Avant de céder la parole à Christine Lagarde, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons bien entendu les messages que vous nous avez adressés.

Je veux par avance remercier le président Gérard Longuet et, à travers lui, tous les membres du groupe UMP et de la majorité sénatoriale. Le Gouvernement aura besoin du soutien de tous les membres de la majorité sur l’architecture générale de son projet mais aussi sur chacune des mesures précises que nous serons appelés à vous proposer, car ce sont des mesures difficiles.

Dans le budget que nous vous soumettrons, il n’y a pas de mesures faciles, il n’y a que des mesures difficiles. Nous les assumons, parce que c’est la responsabilité du Gouvernement, c’est aussi celle de la représentation nationale, dans une logique de consensus – même si l’on peut débattre de telle ou telle mesure –, et c’est l’intérêt de tous, quoi qu’il arrive, d’atteindre l’objectif intangible de réduction de 8 % à 6 %.

Nous reviendrons devant vous au début du mois de septembre pour débattre de l’échenillage concernant les dépenses fiscales. Nous nous reverrons naturellement à l’automne pour discuter du projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi de finances, de la programmation pluriannuelle des finances publiques et, je l’espère, le moment venu, pour débattre de la révision de notre loi fondamentale afin d’y inscrire dans la durée l’obligation d’un effort, et je sais, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que c’est une volonté que vous partagez. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Denis Detcheverry applaudit également.)