compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Raphaël Hadas-Lebel, président de la commission dite de la copie privée, le rapport d’activité pour 2008-2009 de cette commission, établi en application de l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et sera disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale
Discussion générale (suite)

Gestion de la dette sociale

Adoption d’un projet de loi organique en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en procédure accélérée du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (projet n° 672, texte de la commission n° 691, rapport n° 690 et avis n° 694).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale
Exception d'irrecevabilité

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui me permet de vous exposer la stratégie globale du Gouvernement relative à la dette sociale.

Il s’agit d’une question importante, pour ne pas dire essentielle, dans un contexte où la réduction de la dette et des déficits publics est un impératif absolu.

La dette sociale accumulée au sein de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, devrait représenter, en 2011, 80 milliards d’euros qu’il convient désormais de traiter. Ce projet de loi organique, adopté en conseil des ministres le 13 juillet dernier, et que j’ai présenté devant la commission des affaires sociales de votre assemblée le 1er septembre, constitue un jalon essentiel du schéma global de financement de la dette sociale.

Le système de sécurité sociale est au cœur de notre cohésion nationale : cette évidence mérite d’être rappelée. L’enjeu actuel de la réforme des retraites en est l’exemple même. Il est absolument indispensable de pallier les difficultés du système de sécurité sociale. À défaut, nous prenons le risque de transmettre aux générations futures un héritage bien trop lourd à porter.

Nous ne pouvons pas demander à nos enfants de payer demain nos dettes d’aujourd’hui. Il s’agit non pas d’une abstraction facile, mais d’une réalité possible : voulez-vous voir vos propres enfants vivre moins bien à cause de notre incapacité à maîtriser les déficits de la sécurité sociale ? Cela serait injuste, irresponsable et, en définitive, porterait atteinte au pacte intergénérationnel.

Dans le même temps, il nous faut prendre garde à ne pas nuire à la reprise de la croissance. Nous devons donc concilier ces deux impératifs de manière intelligente, en toute responsabilité. L’exercice ne sera pas aisé, mais il est plus que nécessaire.

Pour approfondir cette question, j’ai tenu à réunir la commission de la dette sociale, dans laquelle toutes les forces politiques des deux chambres du Parlement sont représentées, car je suis convaincu que la représentation nationale doit jouer un rôle important dans ce débat. Lors des trois réunions qui se sont tenues au printemps dernier, ses membres ont pu exprimer leur point de vue concernant les décisions à prendre.

Je tiens à saluer les sept sénateurs membres de cette commission et à les remercier pour la qualité et la franchise de leurs interventions. Il s’agit d’Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, de Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, ainsi que d’André Lardeux, de Sylvie Desmarescaux, de Guy Fischer, de Jacky Le Menn et d’Yvon Collin.

Ces débats ont démontré qu’un certain nombre de pistes étaient exclues : le maintien de la dette au sein de l’ACOSS, la reprise de dette par l’État – j’y reviendrai –, la création d’une seconde caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES.

Quant à l’allongement de la durée de vie de la CADES, le Gouvernement a bien compris que cela ne pouvait qu’être une solution d’appoint. Vous avez demandé que, au-delà de la dette pour la période de 2009 à 2011, le Gouvernement apporte des réponses structurelles à la question de la dette sociale. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je partage pleinement vos préoccupations : le schéma de reprise de la dette sociale que je vais vous exposer vise à y répondre.

Le schéma sera mis en œuvre, pour une large part, dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, mais il me semble important que vous en ayez d’ores et déjà connaissance de manière à pouvoir examiner le présent texte, qui conditionne le schéma de reprise.

Ce projet de loi organique, qui est composé de quatre articles, porte uniquement sur l’allongement de la durée de vie de la CADES. Par ailleurs, il répond à un certain nombre d’observations formulées par la Cour des comptes.

Notre objectif, je le répète, est de permettre à la CADES de reprendre les quelque 80 milliards d’euros de dette à venir d’ici à la fin de l’année 2011, ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse. Pour cela, nous avons retenu trois moyens distincts : l’affectation de nouvelles recettes à la CADES, l’allongement de la durée de vie de la Caisse et la mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.

Nous voulons tout d’abord octroyer à la CADES de nouvelles recettes, à hauteur de 3,2 milliards d’euros par an, ce qui lui permettra de reprendre 34 milliards d’euros de dette.

Cette somme correspond aux déficits structurels des années 2009 et 2010 du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ainsi qu’au déficit prévisionnel pour 2011 de l’assurance maladie. Comme ces déficits sont structurels, nous avons souhaité, dans un souci d’équité intergénérationnelle, que seules les générations actuelles d’actifs et de retraités en supportent le poids.

Comme vous le savez, la réduction des niches fiscales et sociales constitue un axe majeur de notre stratégie en matière de finances publiques. Le Gouvernement souhaite, plutôt que de procéder à une hausse des impôts, tirer les nouvelles recettes affectées à la CADES majoritairement des gains obtenus grâce à cette réduction.

Je sais qu’au sein de la commission de la dette sociale, beaucoup défendaient l’idée de majorer la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Ce n’est pas le choix du Gouvernement.

Trois mesures viendront donc financer la CADES.

La première consiste à réduire l’exonération de taxe sur les conventions d’assurance dont bénéficient les contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables », tout en leur maintenant un avantage fiscal pour tenir compte de leurs spécificités : la taxe s’appliquera au taux de 3,5 % au lieu du taux normal de 7 % ; la CADES disposera ainsi de 1,1 milliard d’euros supplémentaires chaque année à ce titre. L’avantage fiscal est divisé par deux, mais il n’est pas supprimé ; les complémentaires santé bénéficieront toujours d’une exonération équivalente de 1,1 milliard d’euros.

La deuxième mesure consiste à taxer forfaitairement les sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés du secteur de l’assurance. Les sommes en réserve, qui n’ont jamais supporté l’impôt sur les sociétés, feront l’objet d’une imposition au taux de 10 %. Corrélativement, les reprises futures sur cette réserve ne seront pas imposables.

La taxation pourra être étalée sur deux ans afin de limiter l’impact sur le résultat des entreprises concernées. Elle rapportera au moins 1,4 milliard d’euros sur les deux années 2011 et 2012.

La troisième mesure, enfin, consiste à appliquer les prélèvements sociaux aux compartiments « euros » des contrats d’assurance vie multisupport au fur et à mesure des encaissements plutôt qu’au moment du dénouement du contrat, à l’instar des règles qui sont en vigueur pour les contrats d’assurance vie uniquement en euros. Cela représente 1,6 milliard d’euros de recettes nouvelles pour la CADES en 2011.

Grâce à ces trois mesures, la CADES disposera donc de plus de 3,2 milliards d’euros sur 2011 et 2012, puis ces ressources décroîtront progressivement avec le temps.

Compte tenu de la dynamique décroissante du rendement des deux dernières mesures, je vous propose, afin de respecter la nouvelle contrainte organique, de prévoir dans la loi de financement de la sécurité sociale un mécanisme permettant de garantir les ressources de la CADES sur le long terme, une sorte de « clause de garantie de ressources ».

Sur ce point, soyons clairs : il n’y a ni ambiguïté ni intention cachée. En aucun cas, le Gouvernement n’envisage d’augmenter les impôts, ni aujourd’hui ni demain.

M. Guy Fischer. Nous ne le croyons pas !

M. François Baroin, ministre. Notre stratégie, c’est la réduction des niches sociales et fiscales, et pas autre chose. Cette stratégie s’inscrit dans la durée ; le Gouvernement fera un pas sans précédent en demandant dès cet automne, dans les textes financiers que je défendrai devant vous, la suppression de 10 milliards d’euros de niches.

Cet effort de réduction des niches fiscales et sociales est un travail de longue haleine. Il permettra de financer la CADES en 2013 et les années suivantes, en trouvant, avec votre concours, monsieur le président de la commission des finances, d’autres niches à réduire ou à supprimer ! C’est bien, excusez-moi de le dire ainsi, ce qui nous différencie de la gauche, qui n’a qu’un seul projet : augmenter les impôts pour régler la question des retraites, de la CADES et du budget.

M. Guy Fischer. C’est un mensonge !

M. François Baroin, ministre. Nous aurons d’autres rendez-vous dans des temps de respiration démocratique très forte, c’est-à-dire dans quelques mois. Mais pendant cet intervalle, le choix est clair, net et sans bavure et le Gouvernement est déterminé à le concrétiser dans la durée.

En qualité de ministre des comptes publics, j’ai l’obligation constitutionnelle de préserver l’équilibre et la pérennité de la CADES. Nous devons en effet garantir à la Caisse la possibilité d’emprunter au meilleur coût. À cette fin, il faut qu’elle dispose d’une assurance sur sa capacité à mobiliser des recettes suffisantes. C’est pourquoi je vous proposerai, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’adopter une clause de garantie de ressources.

Notre priorité est de poursuivre la réduction des niches fiscales et sociales, et nous tiendrons le cap ! Jusqu’à présent, le Gouvernement atteint ses objectifs, vous pourrez le constater dans quelques jours. Nous avons toutes les raisons d’avoir confiance dans le succès de cette démarche.

M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a présenté deux amendements qui ont été adoptés par la commission.

Le premier concerne la « clause de garantie de ressources » et le second la mise en œuvre d’une « clause de retour à bonne fortune ».

Monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, je connais l’attachement de nombre vous, toutes sensibilités confondues, à limiter l’allongement de la durée de vie de la CADES. Vous me l’avez clairement exprimé lors des réunions de la commission de la dette sociale. Pour cette raison, je vous proposerai non pas de revenir sur ces deux amendements, mais de voter, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, un dispositif complémentaire, comme le souhaitait d’ailleurs M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales lorsqu’il a déposé ces amendements.

Pour améliorer la situation de la CADES, nous voulons ensuite allonger sa durée de vie de quatre ans, la portant ainsi à 2025, ce qui permettra de reprendre 34 milliards d’euros de dette.

Cette somme correspond au montant de la dette de crise des années 2009 et 2010. Il est avéré que la dette sociale de 2009 et 2010 résulte, pour partie, d’un « choc de recettes » lié à la crise économique. Aucune personne sérieuse ne peut contester cette réalité économique et budgétaire.

Ce choc de recettes nous a conduits à opter pour un prolongement de la durée de vie de la CADES. Il nous a en effet semblé important de ne pas casser la reprise, donc d’étaler dans le temps le remboursement de la dette née de cette crise sans précédent. Pour répondre à cette situation exceptionnelle, nous vous proposons une dérogation au principe de non-allongement de la durée de vie de la CADES.

La prorogation de la durée de vie de la CADES est d’ailleurs relativement courte. Il permet d’étaler sur quinze ans au lieu de onze le remboursement de la « dette de crise ». Cela reste cohérent avec l’horizon de vie des générations qui ont collectivement bénéficié des prestations pendant les années concernées par la dette.

Enfin, nous entendons améliorer la situation de la CADES en mobilisant les actifs financiers et la recette du Fonds de réserve pour les retraites en vue de la reprise exclusive de la dette « vieillesse » de 2011 à 2018. Par dette « vieillesse », j’entends celle de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et celle du Fonds de solidarité vieillesse. Pour 2011, elle est estimée à environ 10 milliards d’euros.

Si nous souhaitons vivement remédier aux déficits passés, ce n’est pas notre seul objectif. En effet, nous devons aussi traiter les dettes futures jusqu’à la montée en puissance de la réforme des retraites en 2018. Dans ce cadre, la mobilisation du FRR permettra l’amortissement par la CADES, dans la limite de 62 milliards d’euros, des déficits « vieillesse » du régime général et du FSV, qui seront cumulés sur la période de montée en charge de la réforme des retraites, soit 2011 à 2018.

Plus précisément, deux leviers seront utilisés. Le premier est le transfert à la CADES de la part aujourd’hui affectée au FRR du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, soit un rendement de 1,5 milliard d’euros en 2011. Le second est la mobilisation des actifs du Fonds de réserve des retraites au profit de la CADES. Le PLFSS pour 2011 prévoit le versement par le FRR de 2,1 milliards d’euros chaque année à la CADES de 2011 à 2024. Le schéma retenu n’est donc en aucune façon celui d’une liquidation rapide du FRR. Au contraire, le Fonds continuera à gérer ses actifs jusqu’en 2024, tout en assurant des versements annuels à la CADES.

M. Guy Fischer. C’est un siphonage !

M. François Baroin, ministre. Au total, ce sont près de 130 milliards d’euros de dettes qui seront repris par la CADES.

J’en viens à la présentation des articles.

L’article 1er modifie l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Il prévoit d’allonger la durée de vie de la CADES de quatre ans, par exception à l’ordonnance de 1996.

De manière concrète, nous vous proposons cette mesure exceptionnelle afin de remédier à une situation elle-même exceptionnelle. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause le principe de non-allongement de la durée de vie de la CADES. Et s’il fallait allonger encore cette durée de vie, il conviendrait alors de modifier une nouvelle fois la loi organique.

Les articles 2 et suivants visent à répondre à des observations formulées par la Cour des comptes. Ils permettront de lever la réserve relative à la CADES, dès la certification des comptes de 2010 de l’État.

Ces observations portent notamment sur la gouvernance de la CADES. La commission des affaires sociales, et je l’en remercie, a adopté l’amendement du Gouvernement consistant à renforcer la place des partenaires sociaux au sein du conseil d’administration de la caisse. Il s’agit d’affirmer sans ambiguïté l’appartenance de la CADES à la sphère sociale.

Les observations de la Cour des comptes portaient aussi sur la transparence des informations transmises au Parlement. Cette transparence sera améliorée, notamment par la mise en œuvre, dans le PLFSS, d’un tableau patrimonial qui retracera la situation de l’ensemble des actifs et passifs des organismes entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale.

Toujours pour améliorer la transparence, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements relatifs à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Nous y sommes favorables, parce qu’ils améliorent votre information et votre contrôle sur la construction et l’exécution de l’ONDAM.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons connu la pire crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais quelle que soit l’ampleur des difficultés, notre devoir est d’agir de façon responsable pour préserver et renforcer notre pacte social, afin que la facture de nos déficits n’échoie pas aux générations futures.

Cette nécessité absolue constitue l’esprit de cette loi organique et préside à l’allongement de la durée de vie de la CADES. C’est également l’esprit qui a animé le Gouvernement dans son choix des dispositifs qu’il vous présente afin d’assainir nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reviendrai, et je vous prie de m’en excuser, sur certains points évoqués à l’instant par M. le ministre, dans un exposé au demeurant fort complet, afin de permettre au Sénat d’avoir une vision précise de la position de la commission des affaires sociales.

Le sujet de la dette sociale qui nous réunit aujourd’hui n’est certes pas nouveau, mais avec la crise, il a pris une ampleur inédite, particulièrement préoccupante. Or, si ces nouveaux ordres de grandeur nous dépassent, ils ne doivent certainement pas devenir une habitude. Notre priorité doit donc être et demeurer – je le dis d’emblée et je le répéterai au cours des prochaines semaines – la réduction rapide et importante de nos déficits sociaux.

En effet, depuis deux ans, les déficits sociaux se sont envolés pour atteindre des niveaux records. Les déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse se sont ainsi élevés à 23,5 milliards d’euros en 2009 et devraient osciller autour de 30 milliards en 2010 et en 2011 : c’est du jamais vu !

Jusqu’à présent, ces déficits sont portés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, que nous avons autorisée, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, vous vous en souvenez, à recourir à des ressources financières de court terme dans la limite de 65 milliards d’euros, soit plus que le double de l’exercice précédent. Nous avions voté cette disposition sans grand enthousiasme.

J’avais proposé, avec l’appui de la majorité des membres de la commission des affaires sociales, de transférer, dès 2009, 20 milliards d’euros à la CADES, moyennant une très légère augmentation de la CRDS de 0,15 %. M. Éric Woerth, alors ministre du budget, s’était opposé à cette proposition, considérant qu’une telle disposition porterait atteinte au pouvoir d’achat, ralentirait la consommation, freinerait notre économie, ce qui n’était pas souhaitable en temps de crise. M. Baroin a rappelé tout à l’heure l’exercice d’équilibre auquel le Gouvernement s’est plié pour essayer de concilier la nécessité d’éponger la dette et de protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

M. Woerth avait réussi à nous convaincre en laissant entendre qu’il créerait une commission ad hoc. C’est ainsi qu’est née la commission de la dette sociale, dont je ne rappellerai pas, après M. Baroin, la composition.

Cette commission s’est réunie à trois reprises. C’est au cours de la dernière réunion, le 30 juin, que le ministre, qui n’avait jusqu’alors rien laissé filtrer de ses projets, a dévoilé les solutions que le Gouvernement envisageait pour régler le problème du financement de la dette par la CADES.

M. Guy Fischer. Il nous a mis devant le fait accompli !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas moins de quatre textes différents comprennent des éléments relatifs au traitement de la dette sociale : le présent projet de loi organique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi portant réforme des retraites, qui est nécessaire pour assurer l’équilibre du dispositif. Nous avons donc de nombreuses heures et journées de travail devant nous !

Monsieur le ministre, je n’ignore pas que les arbitrages n’ont pas encore tous été rendus. Je crois d’ailleurs savoir, par une indiscrétion, que vous vous absenterez avant la fin de notre discussion afin de participer à une importante réunion d’arbitrage.

M. Guy Fischer. Ah oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais admettez qu’il est difficile pour le Parlement d’avoir une juste vision de l’équilibre du dispositif sans connaître toutes les dispositions qui figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances et en ignorant la teneur exacte de la future loi portant réforme des retraites. Nous vous faisons a priori confiance, mais nous devons également faire confiance à la majorité des deux assemblées, en espérant qu’elles suivront le Gouvernement et que le projet ne sera pas déséquilibré par le coup de canif porté par un amendement parlementaire !

La reprise de dette pourrait atteindre 130 milliards d’euros. Cela équivaut au montant de la dette transférée, depuis sa création, à la CADES, qui doit encore amortir près de 90 milliards d’euros. Ces 130 milliards d’euros comprennent le déficit du régime général, celui du FSV pour 2009 et 2010, le déficit prévisionnel de l’assurance maladie pour 2011 et les déficits prévisionnels de l’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse jusqu’en 2018.

Le Gouvernement considère que cette dette comporte trois parties : la dette de crise, évaluée à 34 milliards d’euros ; la dette structurelle, également évaluée à 34 milliards d’euros pour les exercices 2009, 2010 et 2011 ; enfin, les déficits de l’assurance vieillesse de 2011 à 2018, soit 62 milliards d’euros.

C’est sur la base de cette répartition que vous nous présentez, monsieur le ministre, le plan de financement du Gouvernement.

Tout d’abord, vous jouez sur la durée de vie de la CADES. Le Sénat s’est toujours opposé à un allongement de la durée de vie de la CADES, qui reviendrait à reporter le poids de la dette sur les générations futures. Vous proposez un allongement de quatre ans, limitant en quelque sorte les dégâts, si je puis m’exprimer ainsi, ce qui nous amène à 2025.

Ensuite, pour financer la dette structurelle de 34 milliards d’euros, vous affectez à la CADES 3,2 milliards d’euros de recettes nouvelles. Il ne s’agit donc pas de recettes de poche. Elles seront issues d’un prélèvement sur les assurances qui ne nous paraît pas satisfaisant : j’y reviendrai dans quelques instants.

Enfin, pour financer les déficits de l’assurance vieillesse, vous mobilisez dès à présent les actifs du FRR, soit une trentaine de milliards d’euros, ainsi que la recette qui l’alimente, à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Monsieur le ministre, permettez-moi de réitérer la question que je vous avais posée en commission des affaires sociales, car vous ne disposiez pas alors de tous les éléments pour me répondre. Comment expliquez-vous qu’il faille prélever chaque année 2 milliards d’euros sur les actifs du FRR pour financer la moitié des 62 milliards d’euros qui seront transférés à la CADES jusqu’en 2024 et qu’il suffise de prélever chaque année 1,5 milliard d’euros sur les recettes du Fonds pour financer les 31 milliards d’euros restants ? L’explication est sans doute très technique et j’espère que vous nous la donnerez sinon aujourd’hui, du moins avant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi organique est nécessaire pour une question de principe. Il s’agit en effet de lever le verrou posé par le législateur dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

En 2005, M. Warsmann, membre de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a fait adopter un amendement disposant que toute nouvelle dette transférée à la CADES devrait être accompagnée des recettes équivalentes. Cela rendait impossible tout allongement de la durée de vie de la CADES, et ce afin d’empêcher un report de la dette sur les générations futures.

Le présent projet de loi ne remet fort heureusement pas en cause ce principe. Nous ne l’aurions d’ailleurs pas accepté. Nous devons plus que jamais cesser de reporter nos déficits sur nos enfants et petits-enfants. J’ai la faiblesse de penser que l’unanimité de la commission sur ce sujet a contraint le Gouvernement à limiter la remise en cause de cette règle et je m’en félicite.

L’article 1er du présent texte prévoit donc une dérogation au principe mais, vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, limitée à la seule loi de financement pour 2011. En outre, cette dérogation ne devra pas entraîner un allongement de plus de quatre ans de la durée de vie de la CADES. Il s’agit d’atténuer par ce biais le coût de la reprise de la dette accumulée de 80 milliards d’ici à la fin de 2011. Sans un allongement de la durée de vie de la caisse, il aurait au moins fallu doubler les recettes qu’il est aujourd’hui prévu d’affecter à la CADES.

Outre cette dérogation, l’article 1er permet le transfert d’actifs du FRR, sur lequel je ne reviens pas. La précision apportée dans le texte ne semble pas vraiment utile même s’il n’est pas interdit de penser que, dans certaines circonstances, un tel transfert pourrait se révéler nécessaire. À ce titre, il doit donc être prévu dans le présent texte.

L’article 2, quant à lui, vise à améliorer l’information du Parlement, en prévoyant que ce dernier approuve chaque année la situation patrimoniale de l’ensemble des organismes entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale, y compris la CADES ou le FRR.

L’article 2 permet aussi au Gouvernement de lever une réserve récurrente de la Cour des comptes sur le positionnement ambigu de la CADES entre la sphère sociale et celle de l’État. Un amendement du Gouvernement sur la composition du conseil d’administration de la CADES, adopté en commission, vient renforcer encore l’ancrage de la CADES dans le périmètre des finances sociales. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et remercier le Gouvernement de cette initiative.

Sur ces deux articles, comme sur le reste du projet de loi organique, la commission n’a pas relevé de difficulté technique particulière. Néanmoins, et vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, elle a adopté deux amendements dont l’objet est de prendre en compte deux des propositions du rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses de l’ONDAM, présidé par Raoul Briet, et dont j’ai eu l’honneur de faire partie. Ces propositions, qui ont fait l’unanimité lors de la présentation du rapport devant la Conférence des finances publiques, présidée par Nicolas Sarkozy, en juin dernier, visent à compléter le texte organique sur la présentation et le contenu des lois de financement de la sécurité sociale.

Le premier amendement prévoit que l’annexe B du PLFSS devra contenir les prévisions quadriennales à même de fournir une information plus précise sur les perspectives d’évolution de l’ONDAM et sur les hypothèses retenues pour établir sa progression.

Le second amendement tend à renforcer l’annexe 7, consacrée à l’ONDAM, qui se révèle toujours insuffisante, et souvent indigente, nous n’avons eu de cesse de le dénoncer au cours des dernières années. Il nous paraît donc impératif qu’elle contienne désormais des éléments précis sur l’exécution de l’ONDAM pour l’exercice clos et pour l’exercice en cours, et qu’elle justifie les modalités d’élaboration de l’objectif pour l’année à venir.

J’en viens maintenant à l’interrogation majeure soulevée par ce projet de loi, liée au plan de financement proposé par le Gouvernement.

Il est clair, M. le ministre l’a lui-même reconnu, que les trois recettes portant sur le secteur des assurances, censées rapporter 3,2 milliards d’euros en 2011, n’offrent pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaires. La taxation des réserves de capitalisation des sociétés d’assurance est une « mesure à un coup », même si le Gouvernement envisage de répartir son produit sur les exercices 2011 et 2012.

L’anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments euros des contrats d’assurance vie rapportera 1,4 milliard d’euros en 2011, mais beaucoup moins ensuite, car la recette va naturellement s’effriter, sans compter les éventuels arbitrages auxquels procéderont nos concitoyens. Seule la taxation des contrats d’assurance santé responsables aura une certaine pérennité, mais cette mesure soulève d’autres questions, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant la commission des affaires sociales, et sur laquelle nous reviendrons lors de la discussion du PLFSS.

Ce constat, auquel j’ajoute les propos des différentes personnalités que notre commission a entendues voilà quelques jours, nous a conduits à décider d’inscrire une clause de garantie dans la loi organique.

Cette clause signifie que les lois de financement devront, quoi qu’il arrive, assurer le respect de la règle organique d’affectation des recettes nécessaires au remboursement des dettes sociales reprises. Si les recettes affectées par le Gouvernement ne permettent pas le respect de cette règle, la loi de financement devra prévoir le moyen de combler la différence, par exemple par une augmentation automatique de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, à défaut d’autres recettes. Si l’on décidait par exemple de rogner sur d’autres niches fiscales, le recours à la CRDS deviendrait inutile.

La commission des affaires sociales considère qu’il est impératif que la loi de financement pour 2011 garantisse le niveau de recettes nécessaire à la reprise des dettes qu’elle prévoira, et que cette garantie s’étende à toute la durée d’amortissement de la dette ainsi reprise. Chaque année, ensuite, les lois de financement successives vérifieront et assureront la réalité de cette garantie. Cette clause est pour nous essentielle, et je remercie le Gouvernement de l’avoir acceptée.

M. le ministre a par ailleurs indiqué qu’il ne remettrait pas en cause le second amendement que j’ai proposé, qui prévoit une clause de retour à bonne fortune. En effet, si la situation économique s’améliore, il nous appartiendra de nous imposer une plus grande rigueur en anticipant la date de fin de vie de la CADES. Je n’ai de cesse de l’affirmer devant la commission de la dette sociale : il me paraît impératif de nous engager, auprès de nos concitoyens, à nous désendetter le plus rapidement possible.

Mes chers collègues, si nous n’y prenons garde, la dette sociale pourrait devenir une « drogue dure ». Nous devons tout faire pour rompre cette dépendance au déficit, que la commission des affaires sociales du Sénat a toujours déplorée. Nous luttons contre toutes les formes de dépendances dans le cadre de l’assurance maladie, faisons de même pour la dette ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)