M. Thierry Foucaud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Afin de ne pas prolonger nos débats, je serai bref. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit dans la discussion générale ou à plusieurs reprises au cours de l’examen des articles.

Je tiens simplement à remercier Mme la secrétaire d’État, le Gouvernement et tous leurs collaborateurs, notamment ceux du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer et du ministère des finances, de nous avoir permis de travailler en amont sur ce texte.

Pour un rapporteur, être associé à un projet de loi avant même qu’il ne soit définitif est assez exceptionnel et appréciable. Le fait que les différents collaborateurs ont été mis à notre disposition pendant toute la phase de préparation du projet de loi a permis une bonne coopération entre le législatif et l’exécutif.

Je tiens également à remercier tous mes collègues, sur l’ensemble des travées. Certains d’entre vous ont naturellement exprimé très clairement leur opposition au texte – c’est votre rôle –, au cours de la discussion générale ou lors de l’examen de l’article 1er, qui est le cœur du texte. C’est normal. Mais vous avez aussi, sur toutes les travées, contribué à enrichir ce texte, sur des sujets qui n’étaient pas prévus initialement, et je l’ai apprécié. Il n’y a pas eu d’obstruction systématique.

Mes chers collègues, vous avez enrichi ce texte sur la CRE et pour régler le problème du TARTAM, qui était dans une situation délicate. Vous l’avez également enrichi sur la petite hydroélectricité, sur la biomasse énergie, ainsi que sur des sujets plus techniques, comme l’enfouissement des lignes à haute tension. Vous l’avez encore enrichi pour conforter ERDF dans ses missions de service public et pour résoudre des problèmes de coordination de travail entre les syndicats d’électricité et ERDF. Vous l’avez enfin enrichi sur les DNN, qui connaissent des petits problèmes de pertes de réseau.

Cela montre bien que, sur un texte ne faisant pas l’objet d’un consensus – comme nous allons le voir lors du vote dans quelques instants –, nous sommes les uns et les autres capables d’être concrets et pragmatiques, afin d’enrichir un texte.

Cela montre également, madame la secrétaire d’État, que le Sénat, fidèle à sa réputation, sait travailler, enrichir et renforcer un texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Je ne dirai bien évidemment pas le contraire de ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, concernant le Sénat. Il est clair que cette assemblée a toujours beaucoup travaillé et enrichi les textes qui lui ont été soumis. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte tant hier, lorsque je siégeais sur vos travées, qu’aujourd’hui, en tant que membre du Gouvernement. Le travail que fournissent les sénateurs est de grande qualité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, en mon nom et au nom de Jean-Louis Borloo, de remercier chaleureusement et sincèrement M. le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, ainsi, bien sûr, que M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, pour le travail effectué tant durant la préparation de ce texte d’importance qu’au cours des débats en commission et en séance publique.

Je remercie également tous les sénateurs qui, par leur présence durant ces vingt-cinq heures de débats et leurs propositions, ont permis d’améliorer ce projet de loi.

Qu’il me soit aussi permis de revenir, très rapidement, sur quelques points essentiels de nos débats.

Maintenir pour l’ensemble des consommateurs en France le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire historique est un objectif sur lequel nous sommes tous d’accord. C’est en effet non seulement une condition de l’attractivité de notre pays pour les industries, mais aussi un élément du « pacte nucléaire » pour les citoyens.

Pour cela, ce projet de loi donne des droits et des devoirs aux fournisseurs alternatifs : le droit d’acheter à EDF de l’électricité au coût complet du parc nucléaire historique, le devoir de prendre toute leur part de responsabilité en ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise de la demande en électricité.

Ce projet de loi pérennise les tarifs réglementés pour les petits consommateurs et permet une réversibilité totale entre les offres libres et réglementées. C’est un gage de liberté de choix pleine et entière pour les petits consommateurs.

Je soulignerai maintenant brièvement les améliorations apportées à ce texte par les différents parlementaires qui se sont succédé hier et aujourd'hui.

Nous devons au rapporteur M. Poniatowski et à M. Vial une meilleure explicitation de la possibilité laissée aux fournisseurs alternatifs et, le cas échéant, aux électro-intensifs de conclure de gré à gré des partenariats avec EDF pour participer aux investissements de prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires.

Des précisions ont été apportées sur le mode de fonctionnement de l’obligation de capacité, à l’initiative de M. le rapporteur.

Nous devons à M. Vial la mise en place d’appels d’offres par RTE pour l’effacement des consommateurs industriels, dans l’attente de la mise en place opérationnelle de l’obligation de capacité.

Les règles de réversibilité pour les consommateurs non domestiques d’électricité et de gaz naturel ont été harmonisées.

Tous les membres de cette assemblée ont unanimement défendu l’idée de l’automatisation de l’attribution des tarifs sociaux, qu’il s’agisse du gaz ou de l’électricité. L’automaticité est maintenant une affaire en voie de régularisation.

Je tiens à saluer le large consensus dont a fait l’objet l’adoption de ces deux dernières dispositions.

Un équilibre a été trouvé concernant la Commission de régulation de l’énergie avec, entre autres éléments, la consultation par la CRE du Conseil supérieur de l’énergie.

Grâce à MM. Pintat et Merceron, des compromis ont été trouvés afin de favoriser un meilleur dialogue entre les autorités concédantes et le gestionnaire du réseau de distribution, sur la participation du gestionnaire du réseau public de transport au financement de l’enfouissement d’ouvrages, ou encore sur la réforme de la taxe locale sur l’électricité. Toutes ces avancées, nous les devons au travail parlementaire, que je salue une dernière fois.

Encore une fois, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de ces riches échanges, qui ont conduit à un texte bien plus équilibré que celui qui a été déposé sur le bureau de votre assemblée. Il est le résultat d’une véritable coproduction législative. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, ce travail, le Gouvernement et le Parlement l’ont entamé dès la réflexion sur le contenu du texte. C’est ainsi que l’on parvient à des dispositifs plus efficaces. (Mme Bernadette Dupont applaudit.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 283 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 181
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité
 

5

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

6

Conventions fiscales avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg

Adoption définitive d'un projet de loi en procédure accélérée et adoption définitive de deux projets de loi

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 715, texte de la commission n° 725, rapport n° 724) ;

- du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus (projet n° 664, texte de la commission n° 706, rapport n° 705) ;

- du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 666, texte de la commission n° 708, rapport n° 705).

La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité débattre en séance publique des avenants aux conventions fiscales avec la Suisse, signé le 31 août 2009, avec la Belgique, signé le 7 juillet 2009, et avec le Luxembourg, signé le 3 juin 2009.

C’est évidemment l’occasion de faire le point sur la situation de la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux : elle est déterminée à tenir ses engagements, mobilisée pour les faire respecter par un certain nombre de pays.

Je souhaite vous exposer très brièvement notre action en trois points, en rappelant, d’abord, la politique que nous avons menée sur le plan international depuis maintenant trois ans pour accélérer ce processus, ensuite, comment nous avons transcrit ces engagements internationaux dans notre corpus législatif intérieur et, enfin, en vous apportant un éclairage spécifique sur le cas particulier de la Suisse.

En premier lieu, depuis la fin de l’année 2008, la France a sans cesse porté ce combat contre les paradis fiscaux conjointement avec un certain nombre d’autres États membres de l’OCDE ; nous étions alors 17, représentés en l’espèce par mon collègue Éric Woerth, aux côtés de Peer Steinbrück, mon homologue allemand. Ces 17 États membres de l’OCDE, réunis à Paris, avaient décidé de faire de la question de la transparence fiscale un des combats essentiels du G20.

Ce point a été évoqué pour la première fois à l’occasion de la réunion du G20 à Washington. Les premiers résultats effectifs ont commencé à voir le jour grâce en particulier à la pugnacité, à la détermination, à la résilience du Président de la République, qui n’a pas souhaité quitter la séance de la réunion du G20 tant que nous n’étions pas parvenus à un accord spécifique concernant les différentes listes établies par l’OCDE.

Vous vous souviendrez probablement que, à l’époque, l’OCDE avait publié trois listes : une liste noire comprenant quatre États, une liste grise sur laquelle figuraient trente-huit États ou territoires et, enfin, une dernière liste incluant tous les autres États, c'est-à-dire ceux qui non seulement avaient pris l’engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale et les avaient mis en œuvre, mais respectaient également le principe selon lequel ils échangeraient avec au moins douze autres États membres des informations sur la situation fiscale des ressortissants de l'État requérant.

Ces travaux et cette pression internationale ont porté leurs fruits, puisque, à ce jour, les listes ont considérablement changé : la liste noire a disparu et la liste grise, qui comprend les pays ayant pris des engagements, mais n’ayant pas véritablement signé douze conventions, ne comporte plus que treize juridictions.

Ainsi, monsieur le président de la commission des finances, en près d’un an et demi, pas moins de cinq cents accords d’échange d’informations ou avenants à des conventions visant à éviter la double imposition ont été signés.

Grâce à ces signatures, un peu plus de transparence règne dorénavant. Le secret bancaire qui était souvent opposé par un certain nombre de ces juridictions n’est plus opposable et une véritable coopération peut s’instaurer entre l'État requérant et l'État à l’égard duquel les informations sont demandées.

Certains pays, le Brésil, le Chili, le Luxembourg et la Suisse, ont levé leur réserve sur la convention type de l’OCDE, qu’ils reconnaissent dorénavant.

De nombreux pays ont modifié leur législation nationale, à l’instar du Liechtenstein, de l’Autriche ou de Hongkong et Singapour.

Résultat, plus d’accords ont été signés en l’espace de deux ans qu’au cours de la décennie précédente. Ce fameux secret bancaire, que l’on pensait impénétrable, a été abandonné par un certain nombre d’États.

Telles sont les actions qui ont été menées sur le plan international. La France a vraiment joué son rôle et l’action du Président de la République a été déterminante pour faire avancer ces thèses de lutte contre l’obscurité fiscale, au détriment parfois de relations tranquilles avec d’autres participants.

En deuxième lieu, concernant l’ordre juridique français, le Gouvernement a pris soin de traduire ses engagements internationaux. Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d’accords bilatéraux tous azimuts avec les États de la liste de l’OCDE. Nous avons proposé à tous les États ou territoires qui figuraient sur les listes grise et noire de signer un accord permettant l’échange de renseignements.

Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants.

Nous avons proposé dès le 27 février au Luxembourg et dès le 20 mars 2009 à la Belgique d’engager une renégociation de la convention liant nos États afin de la mettre en conformité avec les standards internationaux.

Ayant levé leurs réserves sur l’application des dispositions relatives à l’échange de renseignements figurant au modèle de convention de l’OCDE, ces deux États ont répondu favorablement à notre proposition en mars 2009.

Les discussions menées avec la Belgique et le Luxembourg ont ainsi permis d’aboutir à la conclusion d’avenants parfaitement conformes aux derniers standards du modèle de l’OCDE.

Dans les autres cas, nous avons proposé de ne signer qu’un accord d’échange de renseignements sans contrepartie, puisqu’il ne s’agit que de respecter un engagement pris devant la communauté internationale.

C’est ainsi que, depuis le mois de mars 2009, la France a signé six avenants et vingt et un accords d’échanges de renseignements. En outre, plus d’une demi-douzaine d’autres avenants ou accords ont d’ores et déjà été paraphés au niveau administratif.

Nous serons donc bientôt en mesure d’échanger des renseignements fiscaux sans restriction avec les juridictions présentées jusqu’à présent comme les moins coopératives du continent européen – la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, qui font l’objet de notre discussion d’aujourd’hui, et le Liechtenstein en particulier – et avec les plus importants centres financiers asiatiques – Hongkong et Singapour – ou ceux que nous appelons les paradis fiscaux – les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou les Bahamas.

Ces résultats placent véritablement la France en tête du palmarès des pays qui combattent en faveur de la transparence.

À la suite de la proposition du Gouvernement, vous avez inscrit dans la loi française une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés.

Un arrêté du 12 février a ainsi fixé, pour 2010, une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française.

Les sanctions prévues dans la loi de finances pour 2010 sont extrêmement lourdes : majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination des États de la liste, taxation des flux entrants – ce qui est une réelle nouveauté dans notre droit fiscal –, refus de déduire les charges payées dans ces territoires, durcissement des conditions de justification des prix de transfert.

Nous avons donc utilisé la panoplie complète des outils fiscaux pour décourager véritablement tout mouvement commercial et tout échange financier avec ces pays. À ces taux de taxation, il devient rédhibitoire d’engager des relations commerciales.

Au-delà de la ratification de ces avenants visant à éviter la double imposition et de la signature de ces accords d’échange de renseignements, notre préoccupation, désormais, consiste à nous assurer que ces textes seront respectés.

C’est dans ces conditions que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales – qui regroupe les trente membres de l’OCDE et plus de soixante autres États ou territoires – a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs. La France a été chargée de présider ce groupe d’évaluation ; François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux, a été désigné à cet effet.

Les travaux du Forum ont progressé très vite, puisque les premières évaluations ont été lancées dès le mois de mars 2010. Elles portent à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux –, pour vérifier que le dispositif législatif de chacun des États a été modifié, et sur l’application des textes, afin de s’assurer qu’ils sont effectivement appliqués.

Je souhaite qu’un premier bilan soit tiré lors du sommet du G20 qui se tiendra en France au mois de novembre 2011. Cela sous-tend une accélération du calendrier initialement prévu.

En troisième lieu, j’évoquerai plus spécifiquement le cas de la Suisse.

La convention actuellement en vigueur, comporte des dispositions permettant l’échange de renseignements, mais dans des conditions extrêmement restrictives, qui ne permettent notamment pas la levée du secret bancaire.

Mme Christine Lagarde, ministre. La Suisse a accepté d’adopter les normes les plus exigeantes en matière d’échange de renseignements. Cet engagement s’est concrétisé le 27 août 2009, jour de la signature de l’avenant à la convention fiscale franco-suisse. Celui-ci comporte des stipulations qui nous permettront d’obtenir, sans limitation, des renseignements de la part des autorités suisses.

Un tel avenant est très important, car, dorénavant, tous les impôts, toutes les personnes et tous les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l’application de notre législation fiscale sont concernés, sans que le secret bancaire puisse être opposé par les autorités et constituer ainsi un obstacle.

Les dispositifs anti-abus prévus dans la convention elle-même, dont l'objectif est de lutter contre les situations et transactions abusives entre nos deux États, ont également été simplifiés et sécurisés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à la fin de l’année 2009, la Suisse a décidé de suspendre le processus de ratification de cet avenant. Certains d’entre vous se souviennent d’ailleurs que le sujet a été longuement débattu lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009. Les divergences ponctuelles ont été résolues et la Suisse a accepté la position française sur l’interprétation des standards de l’OCDE.

Aujourd’hui, les modalités d’application de cet avenant s’inscrivent dans un cadre pleinement conforme aux exigences de l’OCDE et de la France en matière d’échange de renseignements.

Dans ces conditions, la procédure de ratification a pu reprendre en Suisse. Le Conseil des États – l’équivalent du Sénat français – l’a adopté à l’unanimité le 17 mars dernier. J’espère que ce texte, qui renforcera nos relations bilatérales déjà riches, pourra entrer en vigueur très prochainement. Il nous reste évidemment à le ratifier nous-mêmes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à voter les projets de loi autorisant l’approbation des avenants aux conventions négociées par la France avec la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre a un double objet.

Il a bien entendu, d’une part, un objet législatif, c’est-à-dire la ratification d’avenants aux conventions fiscales liant la France à trois pays : la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.

Mais il a aussi, d’autre part, un objet plus large, à savoir ouvrir un débat sur la politique française de lutte contre les juridictions non coopératives et les « paradis fiscaux ». En effet, comme vous vous en souvenez, madame la ministre, l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière, qui nous a occupés un long moment, ne nous a pas permis, le 14 septembre dernier, de tenir ce débat pourtant important au sein de notre commission.

Aujourd'hui, mes chers collègues, comment se caractérise la politique de lutte contre les juridictions non coopératives ?

Sur la question des États ou territoires non coopératifs, je sais bien que notre action, pour être la plus efficace possible, doit être menée au niveau international. Ce n’est pas en ayant raison tout seuls que nous ferons forcément avancer les dossiers.

À cet égard, la crise a peut-être eu un mérite, celui d’avoir ouvert les yeux des principaux dirigeants du monde quant aux risques que pouvaient faire courir les juridictions opaques et non coopératives, les « paradis bancaires et juridiques », au système financier dans son ensemble ainsi qu’aux finances des États.

Madame la ministre, vous l’avez rappelé, le G20 a agi et la France, sous l’impulsion du Président de la République et sous la vôtre, n’y est pas pour rien. Nous le verrons bientôt en étudiant le cas de la Suisse, la publication d’une liste de juridictions non coopératives et la menace de sanctions ont eu un effet d’entraînement réel pour un certain nombre de pays.

Peut-être pourrez-vous d’ailleurs nous détailler les effets de ce qui a déjà été entrepris et les efforts qui pourraient être poursuivis au niveau du G20.

Mais la France a aussi eu le courage d’agir de son côté, dans le cadre de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Son article 22 a ainsi entériné la création d’une liste française d’États ou territoires non coopératifs. Celle-ci a été publiée dans un arrêté en date du 12 février 2010, avec des conséquences concrètes, en particulier des prélèvements à la source sur les flux financiers à destination de ces juridictions.

Pour lancer notre débat, j’aurai simplement, madame la ministre, quelques questions à vous poser.

Tout d’abord, êtes-vous en mesure de nous dire si cette publication officielle a eu des conséquences tangibles en termes de lutte contre l’évasion fiscale ou le blanchiment ? Avez-vous constaté un effet incitatif pour provoquer ou accélérer la négociation de conventions avec les États ou territoires concernés ?

Ensuite, pouvez-vous nous donner des informations sur la composition de cette liste ? Nous nous souvenons des débats qu’avait entraînés l’exclusion d’office, au moins pour la première année, des États membres de l’Union européenne. Pour l’avenir, ces États respectent-ils tous les conditions pour ne pas figurer sur cette liste ? Dans le cas contraire, je n’ose y penser, le Gouvernement envisage-t-il la possibilité d’y inscrire un État membre ?

Enfin, y a-t-il des États ou territoires avec lesquels nous avons conclu une convention, mais pour lesquels l’application de ce texte n’est pas satisfaisante ? Rédiger des textes, c’est bien ; les appliquer, c’est encore mieux ! Dans l’affirmative, est-il envisagé d’inscrire ces juridictions sur notre « liste noire » ?

J’en arrive à présent aux conventions particulières signées avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg, et aux avenants y afférents.

Dans la « vague » de conventions fiscales dont nous sommes invités à autoriser la ratification, ces trois textes occupent, nul ne l’ignore, une place toute particulière, et ce à un triple titre.

En premier lieu, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg sont des partenaires importants de la France, notamment sur le plan économique. N’oublions pas non plus les liens humains d’une grande intensité que nous avons avec ces pays voisins.

Ainsi, la communauté française en Suisse compte 200 000 membres et la communauté suisse en France, quelque 130 000 personnes. C’est considérable.

En deuxième lieu, il faut bien le dire, aux yeux de nombreux Français, des pays comme la Suisse ou le Luxembourg, voire la Belgique, mais à un degré moindre sans doute, ont une image particulièrement associée au secret bancaire et aux comportements pouvant en résulter.

En troisième lieu, au-delà du symbole, le poids des secteurs financiers luxembourgeois et, plus encore, suisse – la Suisse est au septième rang mondial en la matière – fait de ces avenants un maillon essentiel de la politique de lutte contre l’évasion fiscale.

À l’évidence, les conventions en vigueur liant, parfois de longue date, la France à ces trois pays n’étaient plus adaptées aux normes de notre époque.

Par exemple, pour répondre aux exigences de la partie suisse, l’échange d’informations fiscales figurant dans la convention franco-helvétique est strictement limité aux seules fins de bonne application de ladite convention.

Dans les trois cas que nous étudions, l’opposabilité du secret bancaire de ces pays interdit, en pratique, à la France de mener à bien une lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. En effet, les possibilités offertes d’échange de renseignements ne permettent pas à l’administration d’obtenir des informations de nature à conduire des opérations de contrôle fiscal et à s’assurer du bien-fondé des bases d’imposition.

Grâce à l’action du G20, les négociations dans ce domaine ont pu être relancées.

Comme pour d’autres conventions, il me faut souligner à cet instant le rôle déterminant du G20. Celui-ci a décidé, lors du sommet de Londres, au mois d’avril 2009, de publier une liste de juridictions non coopératives, puis, au cours du sommet de Pittsburgh, en septembre de la même année, de mettre en place des procédures d’évaluation par les pairs et un mécanisme de sanctions d’ici à deux ans.

Une telle détermination a fortement modifié l’attitude de nos partenaires. Ceux-ci ont en effet été incités à renégocier leurs conventions afin de les adapter aux standards de l’OCDE. La France s’est alors engagée dans des négociations avec eux et elle est parvenue à des accords, sur la base des textes que nous examinons aujourd’hui.

Les principales dispositions de ces trois avenants concernent l’échange d’informations. Ils vont permettre un progrès très important en la matière.

Il s’agit, à chaque fois, d’aligner les échanges d’informations entre la France et la Suisse, la Belgique et le Luxembourg sur les standards de l’OCDE.

Ainsi, s’agissant de la Suisse, sur laquelle j’insiste un peu, l’avenant prévoit : « Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention » – la suite est essentielle – « ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature […] dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la convention. » De ce fait, l’échange d’information ne sera plus limité, comme auparavant, à la seule application de la convention.

Il est, par ailleurs, précisé dans ce même texte que les renseignements échangés pourront être utilisés à des fins non fiscales, notamment sociales.

De plus, il est clairement indiqué dans les trois avenants que les pays signataires ne peuvent refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement leur secret bancaire.

L’avenant franco-suisse est le plus précis s’agissant des modalités de l’échange de renseignements. À cet égard, il est à relever que la « pêche aux renseignements », selon l’expression consacrée, est prohibée…