M. Jean-François Voguet. Les offres d’emploi à temps partiel se sont multipliées au cours de ces deux dernières décennies.

Aujourd’hui, 5,5 % de l’ensemble des actifs, soit 1,4 million de personnes, travaillent à temps partiel. Cette proportion s’accroît logiquement pour les personnes les moins qualifiées, qui occupent les postes les plus précaires, notamment dans les secteurs du nettoyage et de la distribution. En conséquence, une immense majorité de ces salariés expriment leur volonté de travailler plus et subissent le temps partiel comme une contrainte.

Qui plus est, ces offres d’emploi sont beaucoup plus souvent destinées aux femmes qu’aux hommes : 80 % des salariés à temps partiel sont en effet des femmes. Au total, on estime qu’un tiers des femmes salariées travaillent à temps partiel. Si, pour une partie d’entre elles, notamment dans la fonction publique, cela correspond à un choix, pour d’autres, cette forme d’emploi est acceptée faute de mieux. Selon les études les plus récentes, 9 % des femmes salariées sont en situation de temps partiel subi, contre 2,5 % des hommes.

Au final, 50 % des salariés à temps partiel touchent moins de 800 euros par mois. Outre les problèmes économiques engendrés par ce type d’emplois pour les salariés qui les subissent, une récente étude a montré que le temps partiel entraînait également une hausse des troubles dépressifs chez les employés, surtout quand il n’est pas choisi. Cette enquête, réalisée auprès de 12 000 actifs, dont 45 % de femmes, a démontré que, « pour les deux sexes, le temps partiel subi est associé à une fréquence accrue de symptômes dépressifs, alors que ce n’est pas le cas pour le temps partiel choisi ». Plus le temps passé dans la précarité s’allonge, plus les troubles sont fréquents. Or il ne s’agit pas d’un épiphénomène, puisque 11,2 % des personnes suivies présentaient des symptômes dépressifs.

Dans un récent rapport, le Conseil économique, social et environnemental a proposé une série de réformes en vue de contrecarrer le développement de ce phénomène. Ainsi, la création d’un horaire contractuel hebdomadaire minimal pourrait être une manière de casser la logique des séquences fractionnées que supportent, notamment, l’écrasante majorité des caissières de supermarché. Pour l’heure, plus de deux femmes sur trois travaillant à temps partiel effectuent moins de trente heures par semaine, la moyenne nationale se situant à vingt-trois heures.

Une autre option relevant de l’organisation du temps de travail et qui serait susceptible de soutenir les plus précaires consisterait à majorer le paiement des heures travaillées très tôt ou très tard, ou réparties selon une grande amplitude.

Il serait également possible de modifier l’assiette de calcul des droits sociaux, notamment en matière d’assurance chômage ou d’assurance maladie.

Aucune de ces recommandations n’a été suivie. Force est donc de constater que la situation de tous ces salariés est loin de préoccuper le Gouvernement. Il s’agit pourtant de la catégorie qui va le plus durement subir les conséquences de la réforme des retraites. Les ressources de ses membres sont appelées à diminuer plus encore.

Nous proposons donc d’endiguer le recours au temps partiel en majorant de 10 % la part patronale des cotisations sociales pour les entreprises dont au moins 10 % de la masse salariale correspond à la rémunération de travailleurs à temps partiel.

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet, au plus tard, dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les avantages, pour les assurés sociaux, d’une mesure permettant de garantir aux salariés le droit à la retraite à taux plein dès 60 ans.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. À entendre le Gouvernement, l’alternative est simple pour nos concitoyens : travailler plus ou accepter une diminution du montant de leur pension de retraite.

La retraite à taux plein dès 60 ans n’est pourtant pas une utopie. Le maintien de cette possibilité suppose toutefois que l’on résiste au grand capital. Dans cette perspective, nous avons proposé d’instaurer une taxation des stock-options et des jetons de présence, par exemple, et de remettre en question les exonérations générales de cotisations sociales patronales, les parachutes dorés, les niches fiscales : tous ces avantages représentent plus de 170 milliards d’euros au total. À notre sens, ce ne sont donc pas les possibilités de financement qui manquent pour la protection sociale, mais le rabotage des niches fiscales annoncé ne rapportera que 10 milliards d'euros. Il faut donc aller plus loin.

Avant de travailler plus longtemps, il faudrait déjà pouvoir travailler tous. Chacun doit pouvoir vivre pleinement sa vie, selon ses choix, au travail et à la retraite. La proposition gouvernementale de reculer l’âge légal de départ à la retraite repose sur l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance, mais ce n’est pas l’indicateur le plus pertinent : l’élément primordial, en matière de retraite, c’est l’espérance de vie en bonne santé. Or celle-ci est de 64 ans pour les ouvriers. Autrement dit, la réforme aurait pour effet direct d’amputer de moitié la durée de retraite en bonne santé des salariés. En outre, la majeure partie de l’effort pour assurer l’équilibre des régimes serait à la charge de ceux-ci, à hauteur de 85 %, contre 15 % pour les entreprises. Le recul de l’âge légal de départ à la retraite aurait, en particulier, des conséquences désastreuses pour les femmes, qui, plus que les hommes, peinent à accomplir des carrières complètes. Les salariés effectuant un travail pénible ne seraient pas mieux lotis.

En demandant au Gouvernement de remettre aux deux assemblées un rapport évaluant les avantages, pour les assurés sociaux, d’une mesure permettant de garantir aux salariés le droit à la retraite à taux plein dès 60 ans, nous souhaitons l’obliger à ouvrir les yeux !

M. le président. L'amendement n° 695, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries alimentaires diverses du 27 mars 1969.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous proposons d’exclure les salariés des industries alimentaires du champ de la mesure de relèvement de l’âge légal de la retraite.

En effet, ces salariés connaissent des conditions de travail contraignantes et exigeantes. Bien souvent, ils doivent travailler en 2 x 8 ou en 3 x 8, peuvent être appelés en urgence durant leur temps de repos pour maintenir un certain niveau de production et effectuer des heures supplémentaires afin d’assurer les commandes des clients, et ce au détriment de leur vie familiale et sociale.

Le travail de nuit s’est développé, et les astreintes se sont banalisées. Autrefois liées à l’urgence, elles correspondent aujourd’hui à la volonté des directions de planifier une activité. Il n’est ainsi pas rare de voir celles-ci modifier l’organisation des rythmes de travail, afin d’optimiser l’utilisation des lignes de production, nonobstant la détérioration physique et mentale que cela entraîne chez les salariés. Au nom d’une exigence de quantité et de qualité toujours plus forte, ces derniers subissent une pression croissante, d’autant moins supportable que les temps de repos qui permettaient de récupérer ont été supprimés. Désormais, c’est la machine qui donne le ton. À long terme, surtout chez les plus âgés, il a été prouvé que les horaires atypiques ont des effets sur la santé. En particulier, des problèmes de santé cardio-vasculaires ou coronariens peuvent apparaître et devenir véritablement invalidants.

À cela s’ajoute l’exposition au froid, naturel ou artificiel, qui entraîne hypothermie et engelures tout en augmentant le risque de troubles musculo-squelettiques, et à un bruit constant, provoquant une usure psychologique.

Les inconvénients « classiques » du travail à la chaîne sont, eux aussi, sources de maladies. Il s’agit de la répétition des gestes et de la détérioration musculaire qu’elle entraîne, du respect de la cadence, afin de ne pas freiner toute la chaîne de production. Des gestes répétitifs, effectués sous la pression du chronomètre, provoquent hernies discales, lombalgies, syndromes du canal carpien. À l’évidence, quand une personne doit se pencher deux cents fois par jour pour prendre un tube dans un panier ou porter à bout de bras des bidons de lait de quarante kilos,…

M. Jean Bizet. Cela n’existe plus !

Mme Odette Terrade. … sa santé ne peut qu’en pâtir. Il est des petites douleurs qui deviennent insupportables.

En guise de contrepartie, les salariés des industries alimentaires, dans leur grande majorité, sont soumis à la précarité et souffrent d’un manque de valorisation dans la société. On l’a bien compris, ils n’ont pas le droit à l’erreur face à des exigences de production toujours plus grandes. C’est pourquoi nous souhaitons qu’ils puissent continuer à partir à la retraite à 60 ans.

Mes chers collègues, les conditions de travail sont une source majeure d’inégalités sociales. Il revient au législateur de rétablir la justice sociale : c’est ce que nous proposons de faire avec cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 699, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la fabrication de la chaux - Ouvriers du 15 juin 1970.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous proposons d’exclure du champ de la mesure de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite les salariés des industries de la fabrication de la chaux.

Ce secteur de notre industrie compte parmi les plus dangereux. En effet, les conséquences sur la santé d’une exposition répétée à la chaux sont nombreuses, et bien souvent désastreuses : irritation des paupières, des globes oculaires et des voies respiratoires ; inflammations diverses, dessèchement, voire érosion de la peau et des muqueuses ; lésions oculaires graves en cas de projections ; brûlure de la bouche, de l’œsophage et de l’estomac en cas d’ingestion. Et je n’ai cité que les principaux dangers que représente la chaux pour l’homme, car il y en a d’autres !

Les ouvriers sont ainsi contraints de se soumettre à de lourdes mesures de protection afin d’assurer leur sécurité : douches répétées, utilisation de crèmes « barrières », port d’un masque anti-poussières, de gants imperméables doublés intérieurement de coton, de lunettes de protection étanches en cas de risques d’envolée de poussières ou de projection de poudre ou de pâte dans les yeux, d’une combinaison, de genouillères imperméables pour les travaux effectués à genoux, de bottes…

À ces contraintes s’ajoutent celles qui sont liées à la manipulation. Imaginez les conséquences sur l’environnement d’une élimination inadaptée du produit ou de son déversement accidentel dans les eaux résiduaires ! Les salariés n’ont donc pas le droit à la moindre erreur et doivent faire preuve d’une attention constante.

La pénibilité des métiers de l’industrie de la chaux ne s’arrête pas là. De l’extraction de la pierre à chaux à la fabrication de la chaux hydraulique ou grasse, elle n’épargne personne : ni les ouvriers en carrière, bien souvent obligés de porter de lourdes charges en extérieur, été comme hiver, avant procéder au concassage, ni les ouvriers en usine, fréquemment appelés à effectuer des heures supplémentaires ou de nuit, à travailler dimanches et jours fériés pour assurer un rendement acceptable, la fabrication d’une faible quantité de produit nécessitant un travail très important. Tous exercent leur métier dans des conditions exceptionnellement salissantes et dures, tant les postes dont il est question cumulent les inconvénients du travail à la chaîne – répétition des gestes, pression du chronomètre, abrutissement – et les désagréments spécifiques du travail de la chaux.

Par exemple, un chaulier travaille à proximité d’un four à chaux dont la température varie de 800 à 1000 degrés Celsius. On conçoit aisément la dureté de sa tâche…

Mme Catherine Procaccia. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la chaux sans jamais oser le demander… (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Odette Terrade. Je me doute que nous n’avez jamais connu de conditions de travail aussi difficiles, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Il nous semble important que ces salariés puissent continuer à partir à la retraite à l’âge de 60 ans.

M. le président. L’amendement n° 700, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la maroquinerie, articles de voyage, chasse-sellerie, gainerie, bracelets en cuir du 9 septembre 2009.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous demandons l’exclusion du champ d’application de l’article 6 de l’ensemble des assurés sociaux dont l’activité professionnelle relève de la convention collective nationale des industries de la maroquinerie, articles de voyage, chasse-sellerie, gainerie, bracelets en cuir.

Les salariés exerçant leur métier dans ce secteur d’activité connaissent, en effet, des conditions de travail particulièrement pénibles, qui ont pour conséquence directe une altération de leur condition physique.

La maroquinerie est un secteur d’activité où, comme dans beaucoup d’autres, l’on impose des cadences de travail effrénées aux salariés. De surcroît, les salariés de ce secteur, qui sont bien souvent des femmes, alternent sans cesse les positions debout et assise, selon l’activité et la machine utilisée. Ils doivent aussi subir quotidiennement le bruit des machines, tout au long de la journée.

Je souhaite attirer l’attention de mes collègues sur d’autres aspects particulièrement pénibles des métiers de la maroquinerie.

L’utilisation de colles, de teintures, de solvants, ainsi que le fractionnement et le réétiquetage de ces produits, peuvent se révéler extrêmement dangereux pour la santé. Ainsi, dans mon département, j’ai vu des ouvrières dont les doigts étaient complètement déformés à force de découper le cuir aux ciseaux. Leur patron n’a découvert l’existence de la découpe au laser que lorsqu’il a décidé de délocaliser l’activité…

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour ces salariés contraints de répéter sans cesse les mêmes gestes dans le bruit, à une allure folle, usant le corps et l’esprit ? Je dis bien l’esprit, car la répétition des gestes à l’imitation d’une machine constitue tout simplement une aliénation au travail !

Le relèvement de l’âge ouvrant droit à la retraite est une véritable catastrophe pour les salariés qui connaissent ces conditions de travail difficiles. Il est à craindre que nombre d’entre eux ne cessent de travailler avant l’âge légal de départ à la retraite, au détriment du montant de leur pension, et donc de la dignité de leurs conditions de vie. Les femmes, qui représentent une large majorité des salariés du secteur de la maroquinerie, seront les premières victimes de cette réforme. Il est illusoire de croire que ces salariés pourront travailler 41,1 ans ou jusqu’à l’âge de 67 ans pour obtenir une pension sans décote. Croire cela, c’est nier la réalité des conditions de vie de ces salariés. Persister à défendre une réforme aussi injuste, monsieur le ministre, revient à mépriser le travail pénible qu’ils effectuent.

Les conditions de travail dans ce secteur d’activité étant particulièrement éprouvantes, nous souhaitons que les assurés qui relèvent de la convention collective que j’évoquais puissent continuer à bénéficier du régime de retraite actuel.

M. le président. L’amendement n° 702, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Les lésions musculo-squelettiques, dues à la répétition des gestes, constituent un risque majeur pour les salariés qui travaillent, notamment à la chaîne, dans les industries de la transformation des volailles. Les cadences soutenues, le travail en position debout, les tâches répétitives et physiquement pénibles, le froid permanent, l’humidité, un bruit assourdissant : de telles conditions affectent nécessairement la santé des salariés et entraînent une véritable souffrance au travail. D’ailleurs, six salariés sur dix de ce secteur sont hors de l’emploi à l’âge de la retraite !

Nous le voyons bien, la réforme projetée n’est absolument pas en adéquation avec les besoins réels de nos concitoyens. Le Gouvernement doit approfondir sa réflexion, qu’il s’agisse du financement pérenne et juste des retraites, de la nécessaire participation du patronat à l’effort ou de la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de l’emploi. Il doit en outre renoncer à préserver les plus privilégiés en faisant payer ceux qui n’en peuvent plus, c’est-à-dire les salariés les plus modestes, au motif qu’ils sont les plus nombreux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L’amendement n° 703, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de produits alimentaires élaborés du 17 janvier 1952.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Parce que le Gouvernement nie totalement la réalité des chaînes de fabrication et les conditions de travail éprouvantes de nombre de nos concitoyens, cet amendement vise à exclure les salariés qui travaillent dans le secteur des industries de produits alimentaires élaborés du champ d’application de sa réforme.

Les salariés qui travaillent dans ce secteur d’activité subissent, comme ceux de nombreux autres secteurs industriels, des conditions et des charges de travail particulièrement pénibles. Je pense notamment à ces ouvriers travaillant sur les chaînes de fabrication qui doivent effectuer manuellement une ou plusieurs tâches dans un bruit assourdissant, au milieu d’odeurs fortes qui provoquent des maux de tête récurrents.

À la lecture des critères requis dans les petites annonces pour exercer un tel emploi, il est facile de deviner dans quelles conditions difficiles travaillent ces salariés Il leur faut répéter des gestes minutieux, réguliers et identiques, être vigilants et toujours en alerte, et ce dans des conditions de stress permanent. Une forte résistance physique est exigée, en raison des effets sur le corps du travail à la chaîne, en particulier les troubles musculo-squelettiques.

Et que dire des horaires ! Pendant les journées de travail, organisées en 2 x 8 ou en 3 x 8, les équipes se relayent sans cesse pour que les machines ne s’arrêtent jamais. Aussi les horaires sont-ils très souvent décalés : de 5 heures à 13 heures, de 13 heures à 21 heures ou de 21 heures à 5 heures.

Les conséquences de ces horaires décalés, sur la santé physique et mentale, mais aussi sur la vie privée et familiale, sont absolument désastreuses, surtout lorsque le temps de travail quotidien dépasse régulièrement huit heures.

De telles conditions de travail usent les salariés. Alors qu’un cadre bénéficie d’une espérance de vie moyenne proche de 80 ans, celle des ouvriers n’atteint que 73 ans. Pire : plus d’un quart des ouvriers décèdent entre 35 et 65 ans. Sept ans de différence d’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres, c’est là une véritable inégalité devant la mort.

Or la présente réforme accroît encore cette injustice, alors que notre système devrait être profondément revu pour instaurer la justice en matière de retraite. Ils sont nombreux, ces ouvriers qui ne connaîtront jamais une vie sans travail. La solidarité, à laquelle ils auront contribué pendant toute leur vie en effectuant des travaux difficiles, ne leur permettra même pas d’accéder à leur droit à la retraite.

Cet amendement vise légitimement à exclure de cette réforme profondément injuste tous ces salariés cassés, usés, fatigués et malades avant l’heure, afin de leur garantir un droit à la retraite à 60 ans.

M. le président. L’amendement n° 704, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des jardineries et graineteries du 3 décembre 1993.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. La remise en cause des acquis sociaux semble être la ligne directrice de l’ensemble de la politique gouvernementale. Toute mesure de progrès social est considérée comme trop coûteuse, et toutes les propositions tendant à la suppression des exonérations de charges, dont on sait qu’elles sont inefficaces, sont jugées économiquement dangereuses.

Votre logique est claire : vous faites et ferez tout pour garantir les avantages de ceux qui sont déjà privilégiés, mais à tous ceux qui souffrent dans leur vie et leur travail, c’est-à-dire à la majorité de nos concitoyens, vous dites : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Pour remettre un peu d’ordre dans cette mascarade, dont votre projet de loi n’est qu’une illustration, nous présentons cet amendement tendant à permettre aux assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective nationale des jardineries et graineteries de continuer à bénéficier de la législation actuellement en vigueur concernant l’âge légal de départ à la retraite.

Les salariés des jardineries et graineteries connaissent des conditions de travail pénibles. Ils portent des charges parfois très lourdes, dans le froid ou l’humidité, effectuent de très fréquentes allées et venues dans le magasin, les serres et les réserves, et passent la journée debout. Ils subissent également les conséquences de votre loi scandaleuse sur le travail du dimanche.

En outre, les salariés de ce secteur travaillent dans des conditions d’urgence et de stress important, notamment les jours de fête, et sont fréquemment en contact avec des produits phytosanitaires.

D’ailleurs, les annonces d’offre d’emploi insistent souvent sur la nécessité de posséder une certaine résistance physique pour faire face à ces conditions de travail difficiles. C’est bien la preuve que les tâches effectuées par les salariés de ce secteur peuvent être particulièrement éprouvantes.

Cet amendement constituerait, s’il était adopté, une reconnaissance de la pénibilité des travaux effectués par les salariés des jardineries et graineteries, et permettrait de sauvegarder leur droit à la retraite à 60 ans. Il s’agit d’une simple mesure de justice sociale.

M. le président. L’amendement n° 705, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des jardiniers et jardiniers-gardiens de propriétés privées du 30 janvier 1986.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Je voudrais évoquer les jardiniers et les jardiniers-gardiens de propriétés privées. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Catherine Procaccia. Pour un communiste, c’est amusant !

M. Jean-François Voguet. Ma chère collègue, pour préparer cet amendement, nous avons longuement travaillé et consulté les organisations syndicales compétentes. Il n’y a là rien de risible !

Ce métier méconnu consiste à entretenir un jardin d’agrément, un jardin potager, un verger, éventuellement une basse-cour, et à assurer le gardiennage d’une propriété privée.

Les tâches à effectuer peuvent être très diverses : préparer les sols par bêchage et fumage, effectuer les semis, les plantations initiales et de renouvellement, réaliser des massifs floraux, planter des végétaux d’ornement et engazonner, réguler la croissance des plantes par les apports nécessaires en eau, engrais et traitements phytosanitaires, tailler les arbustes, élaguer, entretenir les surfaces – tonte du gazon, ramassage des feuilles, binage des massifs –, assurer l’évacuation des eaux usées et des déchets, entretenir le matériel utilisé.

M. Jean Bizet. C’est ridicule !

M. Jean-François Voguet. Afin d’accomplir ces tâches, les jardiniers et jardiniers-gardiens doivent avoir reçu une solide formation, emmagasiné de nombreuses connaissances relatives aux techniques de plantation, à l’entretien des espaces verts, aux sols, aux produits et matériaux utilisés, aux conditions de stockage et d’évacuation des différents produits manipulés.

Ils doivent également se montrer aptes à lire un plan d’exécution, à respecter les consignes de sécurité et à organiser de manière autonome leur travail.

En contrepartie, ils ne reçoivent souvent qu’un salaire de misère et ne connaissent que les désavantages du travail de nuit et les jours fériés ou du travail en extérieur : qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou que la température soit caniculaire, la nature n’attend pas.

Certes, ils sont en général logés avec leur famille sur place, mais cette circonstance s’avère parfois problématique. Cela implique de parvenir à séparer vie privée et vie professionnelle. Bien que la convention collective du 30 janvier 1986 établisse des règles très strictes en matière d’heures supplémentaires et de jours de congé, il n’est pas toujours évident, dans une telle situation, de faire valoir ses droits. La peur de perdre son travail, mais aussi son logement, peut être réellement paralysante. En effet, la grande majorité des jardiniers et jardiniers-gardiens sont priés, en cas de rupture de leur contrat de travail, de libérer les lieux.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Voguet.

M. Jean-François Voguet. J’ai été interrompu, monsieur le président ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

En outre, l’exercice de ces métiers comporte un facteur de risque lié à l’utilisation de certains matériels mécaniques et électriques.

Je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir prendre en compte l’ensemble de ces explications, afin de permettre à ces travailleurs de continuer à pouvoir prendre leur retraite à 60 ans. Je ne doute pas qu’un certain nombre d’entre vous connaissent personnellement de tels professionnels…

M. le président. L'amendement n° 706, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.