Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° I-164 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° I-269 rectifié est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° I-349 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° I-164

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos I-164 et I-165, qui ont le même objet puisqu’ils portent sur la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie. Cela devrait justifier la longueur de mon intervention sur un sujet important qui mérite, en effet, que l’on s’y arrête quelques minutes.

Nous souhaitons, par l’amendement n° I-164, supprimer l’article 41 en ce qu’il constitue une grave régression dans la conception française de l’accès au droit, notamment du droit à la défense, et une atteinte fondamentale au droit de toute personne de bénéficier de l’aide juridictionnelle totale.

Cet article vise en effet à supprimer la prise en charge par l’État du droit dû par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à son avocat pour chaque plaidoirie.

Ce droit de plaidoirie, d’un montant de 8,84 euros, sera donc payé à l’avocat par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.

La première conséquence de cette disposition est simple : il n’y aura plus, en France, d’aide juridictionnelle totale, puisqu’une partie des dépenses d’instances seront prises en charge par le bénéficiaire.

La deuxième conséquence, qui est tout aussi fâcheuse, doit être évaluée à la lueur de la pratique des avocats qui accueillent les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle : ces dispositions ont pour effet d’opérer un transfert de charge vers les avocats de ce droit de plaidoirie, sans aucune évaluation concrète de l’incidence de ce transfert de charges sur l’exercice même de la profession d’avocat.

En effet, devant les difficultés matérielles rencontrées par les avocats pour recouvrer ce droit, notamment dans le cadre de procédures d’urgence ou en matière de procédure pénale, il est à craindre que les avocats ne puissent jamais le récupérer.

Imaginez un avocat, en comparution immédiate, demander à son client, qu’il rencontre trois minutes avant l’audience, le paiement de 8,84 euros avant de faire sa plaidoirie ! C’est absolument ridicule, voire humiliant pour l’avocat comme pour le client !

Le principe de l’aide juridictionnelle totale est justement l’absence de transaction entre le client et son avocat : nous parlons là de clients qui sont souvent dans une grande précarité ; leur demander de payer un droit de 8,84 euros nous semble relever d’une telle absurdité que, dans la pratique, les avocats renonceront à recouvrer ce droit.

La troisième conséquence réside dans l’affectation du droit de plaidoirie payé à l’avocat.

L’effet pervers de cette disposition réside également dans le fait qu’en réalité ce droit qui est perçu par les avocats et qui leur permet de financer leur retraite est reversé directement à la Caisse nationale des barreaux de France, la caisse de prévoyance et de retraite des avocats.

Ce seront avant tout les avocats qui défendent les personnes les plus démunies qui subiront l’injustice d’une telle disposition. On le sait, ces avocats ne sont pas les plus fortunés : en effet, ce ne sont pas les gros cabinets d’affaires qui s’occupent de ces personnes. Leur engagement est inversement proportionnel à leur portefeuille et il est absolument injuste de leur demander une telle contribution.

J’ajoute que la philosophie qui sous-tend cette disposition est celle du refus du Gouvernement de tirer toutes les conséquences des récentes décisions de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la garde à vue.

Nous le savons, le système actuel de l’aide juridictionnelle ne permettra pas, sans une réforme financière profonde, d’assumer les coûts liés à la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue, telle qu’elle est envisagée dans le projet de réforme de la garde à vue présenté à l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement doit donc trouver des fonds pour financer l’aide juridictionnelle, qui risque d’exploser une fois le texte adopté.

Au lieu de présenter un financement spécifique de l’aide juridictionnel dans le cadre du budget pour 2011, prenant en compte la réforme à venir, le Gouvernement s’en sort en faisant peser sur les avocats la nécessaire augmentation du budget de l’aide juridictionnelle !

Il s’agit donc d’une disposition non seulement injuste pour les personnes directement concernées qui n’ont parfois même pas les moyens de payer ces 8,84 euros, mais également pernicieuse, puisque les bénéfices que le Gouvernement entend en tirer serviront à financer l’appel d’air que va créer la réforme de la garde à vue, et tout cela sans concertation ni association du Conseil national des barreaux.

Je vous renvoie à ce sujet aux résolutions adoptées les 19 et 20 novembre par le Conseil national des barreaux qui en disent long sur la position de la profession sur cette question.

Par l’amendement n° I-164, nous vous proposons donc de supprimer l’article 41, en attendant une réforme plus globale de l’aide juridictionnelle, nécessaire au regard notamment des récentes décisions de la Cour de cassation concernant la conformité de notre système de garde à vue à la Convention européenne des droits de l’homme.

Enfin, je souligne que cet article ouvre une brèche dans un droit fondamental qui est le droit de la défense.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour défendre l'amendement n° I-269 rectifié

Mme Nicole Bricq. Je ne reprendrai pas les arguments de nature juridique présentés par Mme Boumediene-Thiery, auxquels nous souscrivons.

Il fallait oser introduire une mesure qui consiste à mettre à la charge des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle un ticket modérateur dans le projet de loi de finances pour 2011 ! Si ces personnes sollicitent l’aide juridictionnelle, ce n’est pas pour commettre un abus de droit, mais parce que, étant en situation de précarité ou de pauvreté, elles n’ont pas les moyens de se payer un avocat.

Tout cela pour obtenir une recette estimée en année pleine à 5,2 millions d’euros dans le meilleur des cas, alors qu’on laisse proliférer dans ce projet de loi de finances, comme dans tous ceux qui l’ont précédé depuis une dizaine d’années, des niches fiscales, sans parler du bouclier du bouclier fiscal !

Je ne rappellerai pas les douze amendements que nous avons proposés dans ce projet de loi de finances pour en finir avec ces exonérations coûteuses, improductives, anti-sociales, dont le coût se chiffre à des dizaines de milliards d’euros. Avec cet article, on taxe les plus faibles de nos concitoyens.

Je ne pensais pas que vous oseriez faire cela !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh si !

Mme Nicole Bricq. L'Assemblée nationale a osé le faire, le Gouvernement a donné son accord et je pressens que le rapporteur général ne va pas accepter nos amendements de suppression.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous pressentez bien !

Mme Nicole Bricq. Sans compter qu’il est effectivement habile de transférer la charge des frais de plaidoirie entièrement à la profession des avocats !

Franchement, il est indigne de proposer une telle mesure dans ce projet de loi de finances.

M. Daniel Raoul. C’est indécent !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-349:

M. Thierry Foucaud. Comme mes deux collègues précédentes, je suis scandalisé par cette mesure, car on ne peut ignorer que 90 % des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle le sont au titre d’une aide totale, pour la simple et bonne raison qu’ils gagnent moins de 950 euros par mois.

Et vous ne voulez pas supprimer le bouclier fiscal, qui rapporte au minimum 30 millions d’euros par an à Mme Bettencourt, laquelle ne sait même pas combien elle gagne : voilà le véritable scandale ! Je ne vais pas aller plus avant, car mes collègues ont déjà développé un certain nombre d’arguments, que je fais miens.

Pour ce qui le concerne, le groupe CRC-SPG souhaite bien évidemment garantir à une France qui ne cesse d’ailleurs de s’appauvrir le droit de se défendre : c’est la moindre des choses que l’on puisse attendre d’un État de droit. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Mme la présidente. Pour la clarté des débats, j’appelle maintenant en discussion les amendements nos I-384 et I-165, qui font l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-384, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement est similaire à ceux qui viennent d’être présentés.

L’article 41 du projet de loi de finances pour 2011 supprime la prise en charge par l’État du droit dû par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à son avocat pour chaque plaidoirie ou représentation des parties aux audiences de jugement. Ce droit s’élève actuellement à 8,84 euros.

Par cette disposition, le Gouvernement entend instaurer une participation financière afin de sensibiliser les justiciables au coût de l’aide juridictionnelle et de limiter les recours abusifs.

La suppression de l’intervention de l’État aura pour conséquence d’obliger le justiciable admis à l’aide juridictionnelle à faire l’avance du montant du droit de plaidoirie dû à son avocat.

De cette situation, découlera un certain nombre de problèmes.

D’une part, il sera matériellement difficile pour les avocats, notamment dans le cadre de la défense d’urgence, de récupérer le montant du droit de plaidoirie pour chaque mission d’assistance auprès du justiciable.

D’autre part, un justiciable admis à l’aide juridictionnelle est libre de renoncer à son action, notamment lorsqu’il est en demande. Cette possibilité de retrait rend impossible la mise en œuvre d’un dispositif faisant du paiement du droit de plaidoirie une condition préalable à l’obtention de l’aide juridictionnelle.

Enfin, la proposition consistant à faire des bureaux de l’aide juridictionnelle les percepteurs du droit de plaidoirie ne saurait raisonnablement être acceptée. Ces bureaux ne sont en effet pas organisés pour percevoir ou redistribuer des fonds.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ce dispositif.

Mme la présidente. L'amendement n° I-165, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 11

Supprimer ces alinéas.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, dans mon rapport écrit, auquel je vous renvoie, je rappelle que moins de 350 000 admissions à l’aide juridictionnelle étaient dénombrées en 1991. En 2009, ce chiffre s’élevait à plus de 900 000 !

En tant que rapporteur spécial de la mission « Justice », notre collègue Roland du Luart s’intéresse depuis des années à ce sujet. Si l’article 41 nous est soumis aujourd'hui, c’est en partie grâce aux propositions de la commission des finances du Sénat. Dans un rapport que nous avons approuvé en son temps, notre collègue indiquait : « Chaque président de bureau d’aide juridictionnelle semble être en mesure de livrer quelques anecdotes concernant des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle multipliant les actions en justice d’autant plus aisément qu’ils finissent par acquérir une parfaite connaissance de l’appareil judiciaire et disposent d’un “droit de tirage” illimité en matière d’aide juridictionnelle. »

Il faut ramener les choses à leur juste proportion : l’instauration d’un ticket modérateur rapporterait environ 4 millions d’euros, alors que le budget de l’aide juridictionnelle s’élève en 2011 à 285 millions d’euros.

Cela dit, monsieur le ministre, des questions justifiées ont été posées, en particulier par notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx dans son intervention sur l’article. En ce qui concerne le paiement du ticket modérateur, dont le montant est d’environ 8 euros par cause défendue, l’avocat va devoir se retourner vis-à-vis de son client, qui doit s’en acquitter. Le Gouvernement pourrait-il nous exposer les conditions pratiques de la mise en place de cette réforme ?

Mes chers collègues, la commission est donc hostile aux amendements de suppression.

M. Bernard Frimat. C’est malheureux : on fait les poches des contribuables, alors qu’on fait cadeau de milliards d’euros à Mme Bettencourt et consorts…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Madame Des Esgaulx, vous avez parfaitement rappelé l’esprit des dispositions que le Gouvernement souhaite prendre pour rationaliser l’aide juridictionnelle.

Nous voulons responsabiliser les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en prévoyant une participation minimale de 8,84 euros au droit de plaidoirie pour tous les justiciables, pour mettre fin à certains abus : le budget de la justice n’a pas à soutenir des procédures dilatoires ou abusives qui nuisent à son propre fonctionnement.

L’Assemblée nationale, notamment Mme Marland-Militello, a eu une approche très constructive en complétant et en améliorant le texte du Gouvernement dans ce même esprit.

Pour ces raisons, le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements qui reviennent sur ces évolutions nécessaires.

Madame la sénatrice, je veux néanmoins vous rassurer sur les points que vous avez soulevés.

En ce qui concerne les moyens dont disposent les avocats lorsque le client refuse de payer la somme de 8,84 euros, vous avez rappelé qu’ils ont déjà l’habitude de recouvrer directement des sommes auprès des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. La procédure ne sera pas différente et les avocats pourront demander l’avance de cette participation aux droits de plaidoirie avant d’engager les différentes procédures. Par ailleurs, cette somme est incluse dans la liste des dépens mis à la charge de la partie perdante.

Sur le montant de ces droits et le financement de la Caisse nationale des barreaux français, je dirai que les droits de plaidoirie payés par l’État ne représentent que 3,6 % du financement du régime de retraite de base des avocats. Il s’agit donc d’une part symbolique, qui ne remet évidemment pas en cause le financement du régime de retraite de base des avocats.

Quant au champ d’application de ce dispositif, je vous confirme qu’il ne s’applique pas, en matière pénale, aux juridictions d’instruction.

Enfin, je peux vous assurer que le Gouvernement s’est budgétairement engagé, à hauteur de 80 millions d’euros, à financer la réforme de la garde à vue, qui fait partie des objectifs et des éléments de l’encadrement budgétaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je voudrais réagir aux propos qui viennent d’être tenus. Il est tout de même un peu facile de donner l’impression que l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle n’est due qu’à des abus, même s’il y en a peut-être.

Vous avez l’air d’ignorer que de plus en plus de personnes précaires, de chômeurs ou d’exclus se retrouvent devant la justice. En leur ôtant le droit à la défense, nous violons des principes fondamentaux.

Par ailleurs, comme la Conférence des bâtonniers et plusieurs syndicats d’avocats l’ont fait remarquer, une telle disposition est indigne et témoigne d’un mépris total non seulement des droits de la défense, mais aussi du métier d’avocat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Moi qui suis très hostile au bouclier fiscal, j’estime qu’on ne peut tout de même pas dresser un parallèle, comme l’ont fait certains intervenants, entre l’instauration d’un modeste ticket modérateur et la portée financière, qui est – je le reconnais – tout à fait scandaleuse, du bouclier fiscal.

Pour ma part, je suis favorable à l’instauration de ce ticket modérateur, comme pour la CME et la couverture maladie universelle, car cela permettra d’éviter de nombreuses dérives : la gratuité totale aboutit bien souvent à des abus.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc pour explication de vote. .

M. François Marc. Monsieur le ministre, je me joins à ceux de mes collègues qui ont considéré qu’il était indécent d’essayer de récupérer 5 millions d’euros avec ce dispositif, alors que nous défendons en vain, depuis plusieurs jours, des amendements dont l’adoption aurait permis de rapporter des centaines de millions d’euros. Il est effectivement indécent de se retourner vers certains de nos concitoyens qui ont, pour 90 % d’entre eux, moins de 900 euros par mois.

Certains diront que leur demander une dizaine d’euros, ce n’est pas grand-chose. Moi qui ai participé, comme certains d’entre vous, à des commissions locales de lutte contre les exclusions, je peux vous dire que dix euros, ce n’est pas rien, c’est même parfois très significatif.

À cette occasion, j’ai pu constater à maintes reprises combien le budget d’une famille disposant de revenus de l’ordre de 600, 700 ou 800 euros est ficelé au centime près, avec l’intervention des travailleurs sociaux.

Je voudrais reprendre les chiffres cités par M. le rapporteur général et qui figurent dans son rapport : en 1991, les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle étaient au nombre de 348 000 ; aujourd'hui, ils sont un peu plus de 900 000, soit presque trois fois plus. Pourquoi ce chiffre a-t-il triplé ?

Une première explication est celle qui est avancée par les auteurs de la proposition et qui figure dans le rapport : l’augmentation du nombre de demandes s’expliquerait par le fait que se sont progressivement formés des experts ayant une parfaite connaissance de l’appareil judiciaire et le sentiment de disposer d’un droit de tirage illimité en matière d’aide juridictionnelle. Et l’on jette l’opprobre sur ces petits malins qui vont tirer le meilleur parti du dispositif.

Il existe pourtant une autre explication, mes chers collègues : le triplement du nombre de personnes qui sollicitent l’aide juridictionnelle est sans aucun doute à rapprocher de l’état de pauvreté dans lequel se trouvent aujourd’hui nombre de nos concitoyens. C’est de ce côté-là qu’il faut chercher !

Rappelez-vous la « fracture sociale », qui était l’objet d’un programme politique il y a moins d’une dizaine d’années ! Aujourd’hui, elle est loin d’avoir été comblée. Elle s’est même élargie ! Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les statistiques de l’INSEE ou bien d’écouter le Secours populaire ou n’importe quel autre organisme qui travaille dans le secteur social et qui recense le nombre de démunis dans notre pays.

Si l’on considère le problème en termes financiers, 5 millions d’euros, je le répète, ce n’est pas beaucoup. À ceux qui nous rétorqueraient que, en ces temps de vache maigre, ce n’est déjà pas si mal, je les invite à ne pas oublier un aspect essentiel, à savoir la dimension éthique, la solidarité que nous devons à ceux de nos concitoyens qui sont aujourd’hui dans le besoin. C’est en se plaçant sur ce terrain que cet article a été jugé indécent. Cette appréciation mérite d’être partagée.

Telles sont les raisons pour lesquelles il faut adopter les trois amendements de suppression de ce dispositif tout à fait inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-164, I-269 rectifié et I-349.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

Article 41
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 43

Article 42

En 2011, le produit de la vente des biens confisqués mentionné au 3° de l’article 706-163 du code de procédure pénale est affecté, à concurrence de 1,3 million d’euros, à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. – (Adopté.)

Article 42
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l'article 43

Article 43

L’article 968 D du code général des impôts est abrogé. – (Adopté.)

Article 43
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 44

Article additionnel après l'article 43

Mme la présidente. L'amendement n° I-182, présenté par Mme M. André, M. Anziani, Mme Bricq, MM. Marc, Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 43, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les quatre premiers alinéas de l'article 953 du code général des impôts sont ainsi rédigés :

« I. - Le passeport délivré en France est soumis à un droit de timbre dont le tarif est fixé à 79 euros.

« Si le demandeur fournit deux photographies d'identité, tel que prévu à l'article 6-1 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, le montant du titre est de 76 euros.

« Par dérogation au premier alinéa, le tarif du droit de timbre du passeport délivré à un mineur de quinze ans et plus est fixé à 35 euros. Pour le mineur de moins de quinze ans, ce tarif est fixé à 10 euros.

« Si le demandeur fournit deux photographies d'identité, tel que prévu à l'article 6-1 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 précité, le montant du titre pour un mineur de quinze ans et plus est fixé à 32 euros, et à 7 euros pour un enfant de moins de quinze ans. »

II. - Les conséquences financières pour l'Agence nationale des titres sécurisés résultant de la diminution du tarif du droit de timbre sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. La loi de finances pour 2009 a prévu, sur l’initiative du Gouvernement, une hausse du droit de timbre applicable au passeport biométrique. Celle-ci s’élève à près de 50 % pour les demandeurs majeurs.

Le groupe socialiste s’était à l’époque vivement opposé à cette forte et brusque augmentation qui fragilisait particulièrement les plus modestes de nos concitoyens, dont les Français de l’étranger, pour qui les documents d’identité revêtent une importance particulière.

Outre cet inconvénient pour les contribuables, le passage au passeport biométrique a des conséquences pour l’économie photographique, puisque la photo nécessaire à l’établissement du passeport peut dorénavant être directement réalisée en mairie, sans qu’il soit nécessaire de recourir au service d’un photographe extérieur. C’est une perte importante de recettes pour les professionnels de la photo.

Le Gouvernement et la majorité s’étaient opposés à toute diminution du tarif. Nous avions tout de même obtenu, avec le soutien du rapporteur général et d’une partie de la majorité, je le souligne, une faible décote de 3 euros du droit de timbre pour les cas où le demandeur apporte lui-même ses photos d’identité.

En tant que rapporteur spécial, j’ai souhaité connaître la juste évaluation du coût de fabrication d’un passeport biométrique, raison pour laquelle la commission des finances a demandé à la Cour des comptes une enquête en application de l’article 58-2 de la LOLF.

Il ressort de l’enquête de la Cour des comptes qu’il existe un décalage important entre le montant du droit de timbre et le coût complet de ce titre. Le coût moyen du passeport est estimé par l’institution de la rue Cambon à 55 euros, tandis que le coût moyen pondéré en fonction de l’âge du demandeur est évalué à 69 euros.

Enfin, il est important de noter que la baisse du coût du passeport pourrait être accélérée dans l’hypothèse d’un passage à la carte nationale d’identité électronique du fait des économies réalisées grâce à l’amortissement des investissements communs sur un nombre accru de titres délivrés.

Prenant acte de ces constats, nous proposons par notre amendement de remédier à cet écart défavorable à l’usager en diminuant le droit de timbre de 10 euros, soit 79 euros pour un majeur, 35 euros pour un mineur de quinze ans et plus, et 10 euros pour un enfant de moins de quinze ans. Le tarif du droit de timbre est également diminué d’autant lorsque le demandeur fournit lui-même les photos nécessaires.

Ce nouveau barème permet de réintroduire le principe d’équité fiscale dans le calcul du droit à la charge du demandeur en ramenant le coût moyen pondéré en fonction de l’âge à un niveau proche du coût moyen du passeport.

À l’occasion de cet amendement, je tiens à souligner que, contrairement à l’objectif initialement invoqué par le Gouvernement, le passage au passeport biométrique n’a nullement permis un gain de productivité, puisque les charges de personnel ont augmenté. Ainsi, dans les préfectures, les charges directes de personnel par dossier de demande de passeport sont passées de 6,83 euros à 8,77 euros et les charges indirectes de personnel liées aux fonctions support ont progressé de 3,03 euros à 3,89 euros.

Dans ce domaine, comme dans de nombreux autres, la révision générale des politiques publiques tant mise en avant par le Gouvernement mériterait une évaluation sérieuse afin d’éviter des conséquences néfastes pour nos territoires et la qualité de nos services publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Depuis plusieurs années, avec Mme Michèle André, nous suivons ces questions, en particulier pour éviter des effets de concurrence déloyale. Nous avons ainsi veillé ensemble à ce que la profession de photographe soit le moins possible déstabilisée, notamment grâce à une décote. Celle-ci nous a été concédée un soir, ou une nuit, je ne sais plus, par Éric Woerth.

Mme Michèle André. Il y a deux ans en effet !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous nous étions alors livrés à une petite transaction en séance : l’un demandant 5 euros, l’autre accordant 2 euros, puis finalement nous avions transigé à 3 euros.

J’ajoute que nous avions introduit une disposition permettant aux maires de débrancher l’appareil, ce qui se fait dans beaucoup de villes, en particulier celles qui disposent d’un photographe sur la place de l’hôtel de ville.

Un amendement présenté par Michèle André, rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », ne peut s’appuyer que sur une étude très sérieuse. Reste que la baisse proposée coûterait 30 millions d’euros. Malheureusement, par les temps qui courent, c’est beaucoup.