M. Patrick Ollier, ministre. Mieux, il pousse à être rigoureux (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.), exemplaire et innovant. Il nous pousse à être ambitieux.

Cette ambition passe, d’abord, par l’action que les hommes et les femmes déploient sur le terrain, parfois au risque de leur vie.

Je veux, d’ailleurs, rendre un hommage appuyé aux 19 policiers et gendarmes – 6 policiers et 13 gendarmes – qui sont décédés dans l’exercice de leur mission depuis le début de l’année.

Cette ambition se concrétise aussi par une stratégie d’action, par des réorganisations, par des choix budgétaires.

Cette ambition s’incarne, enfin, dans un périmètre d’action désormais élargi. Si c’est un honneur dont nous entendons être à la hauteur, c’est aussi une responsabilité qui porte en elle une exigence d’efficacité.

Croyez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je viens de vous présenter n’a qu’un seul but : donner aux policiers et aux gendarmes les moyens de continuer à assurer la première des libertés : la sécurité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. André Vantomme. Treize minutes !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre ayant dépassé de treize minutes son temps de parole, nous avons un crédit !

M. Jean-Louis Carrère. Au moins treize minutes !

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Administration générale et territoriale de l'Etat

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité

16 804 214 075

16 805 432 573

Police nationale

9 137 713 213

9 083 347 411

Dont titre 2

8 118 067 264

8 118 067 264

Gendarmerie nationale

7 666 500 862

7 722 085 162

Dont titre 2

6 494 165 941

6 494 165 941

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Administration générale et territoriale de l’État

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B (début)

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Sueur. J’espère qu’elle disposera d’un supplément de temps de parole, M. Ollier ayant dépassé de treize minutes le temps de parole qui lui était imparti !

M. Charles Revet. C’est à cause de vous, monsieur Sueur ! Vous l’avez interrompu en permanence !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne l’ai pas interrompu pendant treize minutes ! Je ne l’ai pas du tout interrompu !

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’appuiera en 2011 sur une enveloppe budgétaire de 2,45 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette enveloppe est en recul de 5,6 % par rapport à 2010.

En 2011, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, continuera d’impacter fortement cette mission. Sur la feuille de route figurent la poursuite de la rationalisation du processus de délivrance des titres d’identité, le prolongement de la mise en place du nouveau système d’immatriculation des véhicules – le SIV –, le recentrage du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions support.

Cette politique s’accompagne de la suppression, dans les préfectures, de 2 107 emplois équivalents temps plein travaillé, les ETPT, sur 2009-2011.

La mission de contrôle budgétaire que j’ai menée cette année, au nom de la commission des finances, a toutefois mis en lumière des conclusions tout à fait préoccupantes concernant les conséquences de ces suppressions d’emplois. Le pari de la RGPP dans les préfectures reposait en effet sur l’obtention de gains de productivité grâce à une organisation plus performante des services et à un recours accru aux nouvelles technologies. Or ce pari semble en passe d’être perdu.

Le passage au passeport biométrique n’a pas permis de réaliser les économies d’emplois escomptées. Le SIV n’a pas non plus débouché sur la disparition du flux des demandes en préfectures, notamment dans le cas des véhicules d’occasion.

La nouvelle stratégie de contrôle de légalité, recentré sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu, comporte, pour sa part, le risque d’un accroissement de l’insécurité juridique, avec à la clef un coût social élevé.

Quant au redimensionnement des fonctions support, il n’a eu, jusqu’à présent, qu’un impact limité, les mutualisations n’ayant, par exemple, permis d’économiser que 65 ETPT, selon un récent rapport de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA.

Au total, il y a lieu de s’inquiéter pour le maintien de la qualité du service public au sein de cette mission, notamment dans la perspective de la troisième et dernière vague de suppression d’emplois prévue par la RGPP : 764 ETPT dans les préfectures en 2011. Il convient aujourd’hui de rappeler que les réductions de personnel ne doivent pas s’opérer au détriment des citoyens ni des élus, notamment dans le cadre du contrôle de légalité et du conseil.

Dans ce contexte, le budget du programme Administration territoriale comprend 1,65 milliard d’euros et enregistre une baisse de 4,6 % par rapport à 2010. Son plafond d’emploi est fixé à 28 265 ETPT, soit une diminution de 764 emplois par rapport à l’exercice précédent.

L’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, tend à devenir un acteur essentiel de ce programme et, plus largement, à s’imposer comme une plaque tournante importante dans le paysage administratif national.

En 2011, l’Agence développera notamment l’application FAETON, destinée à remplacer le fichier national du permis de conduire. Elle devrait également expérimenter une procédure de dématérialisation des actes d’état civil, porteuse de gains de productivité potentiellement très importants pour les communes.

L’ANTS tirera, en 2011, une partie de son financement du produit du droit de timbre sur le passeport biométrique, ainsi que de la taxation des titres de séjour et des titres de voyage biométriques. De ce point de vue, je veux exprimer deux regrets. D’une part, le montant du droit sur les passeports n’a pas pu être ramené, malgré un amendement déposé en première partie du projet de loi de finances, à son juste prix, lequel s’établit, selon le rapport de la Cour des comptes édité au Sénat sous le numéro 596, à 55 euros correspondant au coût moyen de ce titre. Le timbre fiscal est actuellement fixé à 89 euros.

D’autre part, la décote de 3 euros dont bénéficient les demandeurs d’un passeport fournissant leurs photos d’identité n’a pas été appliquée aux titres biométriques destinés aux étrangers malgré les demandes réitérées de nos collègues.

Enfin, s’agissant de la gestion de l’Agence, on peut s’étonner que l’ANTS subisse déjà la suppression d’un emploi, alors qu’elle est nouvellement créée.

Dans le même temps, les effectifs des cultes d’Alsace-Moselle restent d’ailleurs, eux, inchangés et ne se voient pas appliquées les réductions d’emplois exigées par la RGPP.

Cette insaisissable logique des ressources humaines est tout à fait préjudiciable au service public dans son ensemble.

Le programme Vie politique, cultuelle et associative, dont relèvent les personnels des cultes, voit ses crédits de paiement diminuer de 31,2 %, avec un budget de 184,6 millions d’euros.

Cette évolution à la baisse de l’enveloppe budgétaire du programme reflète l’évolution du cycle électoral. Alors qu’en 2010 des élections régionales pesaient sur le calendrier, l’année 2011 verra le déroulement d’élections moins lourdes à organiser.

S’agissant des crédits de ce programme, je tiens, une nouvelle fois, à vivement déplorer que les partis politiques se privent de 7 millions d’euros du fait de leur non-respect des règles de parité. Ils peuvent, et ils doivent, mieux faire.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Michèle André, rapporteur spécial. Le programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur enregistre une hausse de 2,9 % de ses crédits de paiement.

Cette année encore, il convient de souligner la fragilisation de ce programme, de par l’évolution des frais de contentieux. Au 1er septembre 2010, ces dépenses s’élevaient déjà à 63 millions d’euros, pour une prévision en fin de gestion de l’ordre de 112,5 millions d’euros. On ne peut donc que s’inquiéter, d’une part, du respect de l’autorisation budgétaire accordée pour l’exercice 2010 – 86,9 millions d’euros consacrés à l’activité de conseil juridique et au traitement du contentieux, dont une enveloppe de 80,2 millions d’euros pour les seuls frais de contentieux – et, d’autre part, d’une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépense pour 2011.

En conclusion, et sous ces réserves, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de cette mission et de chacun de ses programmes, même si je me dois d’ajouter qu’à titre personnel je ne saurais les approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai cette année quatre observations sur les crédits de cette mission.

Première observation : la révision générale des politiques publiques dans l’administration territoriale de l’État, comme sans doute ailleurs, a atteint les limites du supportable.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. On peut en faire la démonstration mathématique.

La révision générale des politiques publiques s’appuie sur deux mesures.

La première consiste à supprimer des emplois. Sur ce point, vous êtes parvenus à vos fins : 2 000 emplois temps plein ont été supprimés en trois ans, et quatre départs sur cinq à la retraite n’ont pas été remplacés.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. La seconde mesure devait compenser ces pertes d’effectifs par des gains de productivité. À cet égard, vous avez échoué. Les mutualisations n’ont pas permis d’économiser les 1 000 emplois espérés, mais seulement 65...

Un tel effet de ciseaux ne peut être sans conséquence sur la qualité du service public et la vie des personnels : l’une et l’autre sont profondément dégradées. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de mettre fin à cette érosion du service de l’État.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Deuxième observation : la tempête Xynthia a mis au jour une défaillance de l’ensemble de la chaîne de la décision publique. La faiblesse des prescriptions des plans de prévention des risques naturels et la mollesse du contrôle des autorisations d’urbanisme, par exemple, ont été relevées par la mission commune d’information du Sénat. Ainsi, il est apparu que de nombreux permis de construire avaient manifestement été accordés illégalement, ou étaient inexistants ; pour autant, le contrôle de légalité n’a rien trouvé à y redire.

Ma troisième observation concerne les titres sécurisés. Nous avons constaté une nette amélioration dans la délivrance des passeports biométriques : le délai est actuellement de sept jours, contre deux à huit semaines auparavant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Toutefois, nous avons également constaté d’importantes disparités selon les départements, puisque le délai de délivrance dépasse deux semaines dans certaines préfectures ; je citerai celle des Pyrénées-Atlantiques, pour des raisons un peu particulières.

Michèle André a dénoncé avec force le coût du timbre mis à la charge de l’usager, qui est sans rapport avec le coût de fabrication du passeport. Je m’associe totalement à ses observations et je regrette que son amendement n’ait pas été accueilli.

Je dirai un mot sur la future carte nationale d’identité électronique. Sa création suppose l’existence d’un support législatif qui, lui-même, doit régler la question toujours délicate du fichier des titres électroniques sécurisés.

Je crois pouvoir dire, au nom de tous les membres de la commission des lois, que la création de ce fichier, qui constituera la plus grande base de données personnelles jamais constituée dans notre pays, doit s’accompagner de garanties solides ; la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, l’a également souligné. Nous savons bien, en effet, que la tentation sera grande de l’utiliser comme un fichier de police.

Nous savons, par ailleurs, que l’indemnisation des communes sera revue lors de la mise en place de la carte nationale d’identité électronique. Quand exactement ? Nous ne le savons pas... Le rapport de l’Inspection générale de l’administration limite cette indemnisation à des cas précis : « les centres d’attraction très forte, commerciale ou touristique ». Ce critère ne correspond pas à la réalité de nos communes ; il faut l’élargir.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la question de la lutte contre les dérives sectaires, qui s’accroissent et changent de forme. L’un des moyens de les combattre est le renseignement. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, doit pouvoir bénéficier de certaines informations détenues par l’État.

Nous avons constaté un progrès : le ministère de l’intérieur transmet désormais à la MIVILUDES un certain nombre de données qu’il n’acceptait pas de lui communiquer auparavant. Pour autant, cette transmission doit encore être améliorée au niveau des préfectures, qui organisent certaines réunions sur le sujet sans l’y associer.

La France s’est dotée d’un outil de lutte contre les dérives sectaires, la Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires, la CAIMADES. C’est très bien, mais il ne faut pas, sitôt celle-ci créée, amputer ses crédits.

Il est nécessaire d’accorder au président de la MIVILUDES la même immunité que celle dont bénéficient le Défenseur des enfants, le Médiateur de la République ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Même s’il n’a jamais été condamné – et c’est heureux –, il fait en effet l’objet, chaque année, de procédures pénales fondées sur des éléments révélés dans son rapport. Cette immunité permettrait de le protéger.

Constatant évidemment les désastreux effets de la révision générale des politiques publiques dans notre secteur,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi « évidemment » ?

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. … je ne peux voter, à titre personnel, les crédits de cette mission. En revanche, la commission des lois leur est favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. le président de la commission des finances applaudissent également.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose, et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de vous présenter tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions. Je suis cependant quelque peu désolé que vous les ayez inaugurées en lisant un tel pensum chiffré.

M. Alain Bauer, président de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, et qui est un proche de M. Nicolas Sarkozy, disait récemment : « L’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales se montre très prudent sur les chiffres. Nous luttons contre le fétichisme du chiffre. »

Il ajoutait : « Une enquête réalisée [par cet observatoire] auprès de 17 000 ménages rend compte de ce qu’a véritablement vécu la population. Elle permet de surmonter la principale faiblesse des statistiques policières : la sous-déclaration des faits, parfois de leur enregistrement. Grâce au travail de fond des enquêteurs de l’INSEE, on sait que des millions de faits ou de troubles ne sont pas signalés.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce chiffre est à rapporter aux 4,2 millions de faits enregistrés par la police qui donnent lieu à 3,2 millions de procédures dont seulement 15 % débouchent sur des poursuites judiciaires. Du coup le taux de productivité du système reste très faible. »

Pour ma part, je croirai aux discours sur les chiffres – officiels – le jour où nous nous accorderons pour que les chiffres de la sécurité soient produits non par le ministère de l’intérieur, mais par une autorité indépendante, à caractère universitaire et scientifique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Jusqu’à présent, aucun gouvernement, de gauche ou de droite, n’a accepté de prendre cette décision. Nous assistons toujours au même débat faussé, qui ne sert à rien.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tenais à faire cette mise au point,…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. … parce que je considère que nous devrions pouvoir parler de sécurité – sujet difficile s’il en est ! – sans que l’on nous inflige cette sempiternelle avalanche de chiffres : ce sont les mêmes depuis dix ans, ils seront inchangés demain, et ne revêtent, finalement, que peu d’intérêt.

M. Roland Courteau. Ils ressassent !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ferai trois remarques sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La première concerne la nouvelle organisation des préfectures. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, à vous qui êtes un homme de terrain, que j’ai beaucoup de mal à la faire comprendre à nos concitoyens !

Vous ne trouverez pas un Français sur cent qui soit capable de vous dire le nom des deux ou trois nouvelles directions préfectorales au niveau départemental ! La raison en est simple : on a choisi, pour les désigner, des dénominations abstraites, qui ne disent rien à personne.

Je lis dans l’excellent rapport de M. Anziani qu’il existe, dans chaque département, une DDCSPP (M. Roland Courteau s’esclaffe.), qui peut être scindée en deux parties, l’une étant la DDCS, dont les missions sont similaires à celles des DRJSCS.

M. Roland Courteau. C’est clair ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. On trouve aussi une DDTM, et j’en passe...

J’ai rencontré, il y a peu, un représentant du ministère de la jeunesse et des sports, qui nous a expliqué qu’il fallait désormais s’adresser à la cohésion sociale.

J’ai également vu un fonctionnaire travaillant dans une DIRECCTE, direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, expliquer pendant une demi-heure de quoi il pouvait bien s’agir.

Philippe Muray est mort : c’est dommage, car il aurait sans doute écrit un très beau texte sur ces appellations abstraites.

Il fut un temps où notre République, qu’il s’agisse de la IIIe, de la IVe ou de la Ve, s’honorait d’avoir des directions de la jeunesse et des sports, de l’agriculture, de l’équipement, des affaires sociales, des anciens combattants. On comprenait de quoi il s’agissait !

Je vous en supplie, monsieur le ministre, soyez concret ! Les fonctionnaires commencent à peine à comprendre, mais pas la population : ces appellations sont trop abstraites...

M. Roland Courteau. C’est voulu !

M. Jean-Pierre Sueur. Donnez à ces administrations des noms concrets afin que l’on puisse s’y retrouver !

J’en viens à ma deuxième remarque : nous devons être très attentifs au principe de l’égalité. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le passage du rapport d’Alain Anziani relatif aux naturalisations.

Une nouvelle procédure déconcentrée a été mise en place, soit ! Mais le rapporteur pour avis relève qu’il existe une inquiétude devant la diminution très importante du nombre de décisions favorables dans certaines préfectures, et de grandes disparités selon les départements.

L’égalité – est-il besoin de le rappeler ? – est une vertu cardinale. C’est parce que l’État est capable de mettre en œuvre des lois et des règles qu’il existe une cohésion sociale, une cohésion nationale. Nous devons veiller à ce que la déconcentration ne se traduise pas par des inégalités.

Ma troisième remarque concerne les crédits.

Dans son excellent rapport, Michèle André écrit, s’agissant de la révision générale des politiques publiques, que le pari est en passe d’être perdu.

Considérons les chiffres du présent budget : des crédits en diminution de 5,6 % ; pas moins de 2 107 équivalents temps plein travaillé supprimés entre 2009 et 2011 ; enfin, 80 % des départs à la retraite non remplacés en 2011.

Monsieur le ministre, nous pouvons comprendre que le Gouvernement aspire à gérer de façon rigoureuse, surtout dans cette période difficile, et à moderniser le système : c’est parfaitement légitime. Mais il arrive un moment où les limites de l’acceptable sont atteintes... En l’occurrence, elles sont très largement dépassées.

Nous devons être très vigilants : si l’on continue ainsi, les services de l’État ne pourront plus fonctionner correctement (Mme Catherine Troendle applaudit.), comme cela doit être le cas dans une République qui s’est construite en se référant à une certaine idée de l’État républicain, solidaire et fraternel.

On ne pourra en effet pas faire fonctionner les services de l’État si l’on supprime autant d’emplois et si l’on met dans une situation très difficile un nombre important de nos services publics. C’est une question cruciale pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le budget affecté à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est, clairement, en recul par rapport à l’année précédente : il diminue de 5,6 %, un recul qui vient pour la troisième année consécutive affaiblir l’administration territoriale de l’État.

Suppressions d’emplois, retraités non remplacés, absences non compensées, réduction des moyens de fonctionnement des préfectures, investissements limités : tous les ingrédients sont ici réunis pour faire des préfectures de région et de département les laissés-pour-compte de la politique gouvernementale.

M. Roland Courteau. À part ça, tout va bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Le budget 2011 vient aggraver encore une situation fragilisée depuis plusieurs années, avec la mise en œuvre de la RGPP et l’application critiquable de la LOLF, transformée en un harpagon budgétaire.

M. Jean-Pierre Sueur. Et c’est une préfète qui dit cela !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne peux m’empêcher de redire que la LOLF était, dans ses intentions, la meilleure des choses et qu’elle est devenue, au fil du temps, seulement l’outil de réduction des moyens.

Mme Anne-Marie Escoffier. La réorganisation de l’administration territoriale de l’État est le fruit, la conséquence inéluctable de l’application de la LOLF, avec ses programmes verticaux – en tuyaux d’orgue – qu’il a bien fallu coordonner au niveau régional pour mettre en œuvre des politiques territoriales cohérentes, transversales.

De là, la réforme des préfectures donnant à la préfecture de région autorité sur les préfectures de département, celles-là n’ayant plus guère pour compétence que la sécurité – sous toutes ses formes – et la gestion de crise : en quelque sorte une « sous-préfectoralisation » dont beaucoup s’émeuvent.

Que reste-t-il alors pour les sous-préfectures qui, progressivement, voient leur champ de compétence réduit ? Pas grand-chose, en dehors du devoir de représentation, lequel, à terme, ne sera peut-être même plus assumé par un membre du corps préfectoral.

M. Roland Courteau. Cela se pourrait bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Comment s’étonner, dans ce contexte, du malaise des agents des préfectures et des membres eux-mêmes du corps préfectoral ? Un malaise qu’ils continuent à dissimuler, ou du moins à ne pas mettre au grand jour, trop habitués qu’ils sont, par tradition, à être des serviteurs loyaux et fidèles de l’État.

M. Roland Courteau. C’est exact !

Mme Anne-Marie Escoffier. Cependant, monsieur le ministre, il suffit de tendre l’oreille pour les entendre protester.

Voilà une réforme préparée largement sans eux, qui n’a pas laissé le temps d’expérimenter les nouvelles relations entre préfectures et services déconcentrés de l’État : les rattachements en grands pôles correspondant à des politiques publiques transversales ne sont souvent pas parvenus à trouver une unité géographique, un lieu réunissant les services amenés à travailler ensemble. Dans ces conditions, il est difficile pour eux d’intégrer la culture des services préfectoraux !

On assiste alors à une nouvelle indépendance des grosses unités, comme les directions régionales de l’équipement, de l’agriculture ou du logement, qui retrouvent spontanément le lien avec leurs administrations centrales plutôt qu’avec le préfet.

Ce qui aurait dû correspondre à une meilleure efficacité de la gestion administrative s’est en fait retourné contre l’administration elle-même qui, dans le même temps, perd de sa substance et de sa matière grise. (M. Roland Courteau opine.) La transmission s’opère peu, s’opère mal : les fonctionnaires de catégorie A et B, appelés, progressivement, à remplacer des fonctionnaires de catégorie C pour assurer des fonctions de management, ne bénéficient pas des formations suffisantes.

Au nom du principe de mutualisation et de professionnalisation, les missions sont assumées à l’échelon administratif supérieur : le contrôle de légalité, réduit dans son champ d’intervention, relève de la préfecture de département ; le budget global du département – le BOP 307 ou RBOP – est désormais géré, au niveau régional, par les secrétaires généraux aux affaires régionales, ou SGAR ; les préfectures de région ou de département ont restitué un peu plus de 3 % de leurs effectifs, pour permettre à l’administration centrale d’assumer une mission de management !

On aurait pu penser que ces changements d’organisation, auxquels il faut ajouter le nouveau déséquilibre entre administration territoriale et police, né du rapprochement de la police et de la gendarmerie, n’auraient été ressentis que par les personnels des préfectures et les préfets. Il n’en est rien. J’ai pu constater dans mon département, dans ma région et au-delà, l’étonnement, voire l’inquiétude des élus locaux face à une réorganisation à laquelle ils n’ont pas été associés, et qui leur a été timidement expliquée.

M. Roland Courteau. Très vrai !