M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ruralité est une chance pour la France ! C’est une conviction forte de tous les membres de mon groupe et elle est largement partagée sur ces travées. Même dans un département dit « urbain », comme le département du Nord, nous pouvons observer l’existence de larges zones rurales, qui constituent un atout.

Je pourrais donc reprendre certaines des analyses qui viennent d’être formulées, mais je voudrais plus particulièrement axer mon propos autour des observations de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, que je préside, sur ce sujet.

C’est par le prisme de l’enseignement agricole que la commission aborde principalement, dans ses travaux, le problème de la ruralité. Nous avons souvent témoigné, au cours des dernières années, notamment lors des discussions budgétaires, de notre attachement à cet enseignement d’excellence, qui permet à de nombreux jeunes des territoires ruraux d’apprendre un métier et de trouver une voie. Ses succès en termes de remédiation et d’insertion professionnelle sont le fruit d’un modèle pédagogique innovant ; ils sont aussi le signe de la capacité de cet enseignement à rester à l’écoute des territoires et des mutations du monde économique.

L’enseignement agricole ouvre désormais les portes à une grande variété de carrières, y compris dans les services à la personne et les métiers du développement durable, qui ne manqueront pas de progresser rapidement dans les années à venir. En outre, il contribue de façon décisive à l’aménagement du territoire et à la vitalisation des zones rurales.

C’est pourquoi, tout en restant vigilants, nous soutenons les efforts de modernisation qu’a engagés le Gouvernement dans la foulée des Assises de l’enseignement agricole public et de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Par ailleurs, attachée à assurer l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves sur l’ensemble du territoire national, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a pris une initiative forte en faveur des écoles rurales, lors de la récente discussion du projet de loi de finances pour 2011.

Au printemps 2009, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a lancé un programme d’équipement numérique d’écoles situées dans des communes de moins de 2 000 habitants, dont les moyens sont généralement limités. Il s’agissait de doter les écoles rurales d’ordinateurs, de tableaux interactifs et d’autres matériels informatiques, pour avoir la garantie que les élèves de milieu rural pourraient eux aussi accéder à la maîtrise des nouvelles technologies. En contrepartie, les communes concouraient au financement en assumant certaines charges comme l’abonnement au réseau internet à haut débit de l’école.

Doté initialement de 50 millions d’euros, ce plan a finalement bénéficié, compte tenu de l’ampleur des demandes émanant de communes volontaires, d’un budget de 67 millions d’euros, ayant permis d’équiper 6 700 communes. Nous avons tous constaté, lors de nos déplacements, l’intérêt des élèves et l’enthousiasme des enseignants pour ce dispositif. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Pour m’être souvent rendu dans des villages bénéficiant de l’opération « École numérique rurale », je considère que celle-ci constitue un véritable progrès et qu’il est important qu’un maximum de petites communes puisse y avoir accès.

M. Jacques Legendre. Pour assurer son prolongement, la commission avait proposé une rallonge de 25 millions d’euros dans le budget pour 2011 par un amendement que le Sénat avait adopté à une large majorité. Malheureusement, nos collègues députés – peut-être sont-ils plus éloignés des préoccupations profondes des territoires… –ne nous ont pas entendus : la proposition de la commission a été écartée par la commission mixte paritaire (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame à nouveau.) et l’opération « École numérique rurale » ne sera donc pas poursuivie, à notre grand regret.

On va nous dire, je le sais bien, que l’équipement des écoles est du strict domaine de compétences des communes et que l’État n’a pas à y participer. Mais je sais aussi ce que m’indiquent les maires de communes de 300 ou de 400 habitants – il y en a aussi dans le si peuplé département du Nord – : ils voudraient s’engager, mais ne peuvent pas ou peuvent très difficilement rassembler les moyens pour mettre en œuvre cette opération « École numérique rurale » dans leur commune et, donc, ouvrir ce dispositif à leurs jeunes.

Il est vrai que la répartition des compétences entre l’État et les collectivités prévue par le code de l’éducation met à la charge des communes les dépenses informatiques des écoles. Mais il est tout aussi vrai que les communes rurales n’ont tout simplement pas, dans leur grande majorité, les moyens financiers suffisants pour doter leurs écoles d’équipements numériques satisfaisants. Elles n’ont certainement pas les moyens dont disposent de grandes agglomérations, qui jouissent déjà d’avantages considérables en matière de connexion à haut débit, d’équipement en ordinateurs et d’acclimatation de la culture du numérique dans les foyers.

L’État serait donc parfaitement dans son rôle de garant de la cohésion nationale s’il aidait les petites communes à s’équiper. Il agirait en outre en stratège économique avisé puisque le développement du numérique en milieu rural contribuerait à une exploitation optimale du potentiel économique injustement méconnu de nos territoires.

Face à une certaine incompréhension de nos collègues députés, il faudra inventer de nouvelles solutions. Quelles sont, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement en matière de développement du numérique dans les écoles rurales ? J’ai la conviction que, si nous souhaitons sincèrement réduire la fracture numérique, si nous voulons donner à tous nos enfants pleinement accès aux formidables ressources d’internet, nous ne pourrons éviter de recourir à des moyens exceptionnels, car le défi des nouvelles technologies que doivent relever les territoires ruraux est lui-même d’une importance exceptionnelle.

Relever ces défis, c’est au sens le plus concret et le plus noble, monsieur le ministre, faire œuvre d’aménagement du territoire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier M. Didier Guillaume d’avoir pris l’initiative de demander l’inscription à notre ordre du jour de cette question orale avec débat, qui porte sur un sujet extrêmement intéressant.

J’insisterai pour ma part sur l’importance de la couverture numérique pour les territoires ruraux. Un territoire rural, même s’il est enclavé, même s’il est défavorisé, peut bénéficier d’un réel développement économique et touristique et présenter une forte attractivité si sa couverture numérique est satisfaisante ; dans le cas inverse, il connaîtra un déclin inexorable.

Je voudrais appeler l’attention sur le fait que la situation n’est pas aussi positive et satisfaisante que certains, notamment les opérateurs, aimeraient nous le donner à penser. À cet égard, les résultats d’un sondage publiés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, montrent que 52 % des ruraux jugent mauvaise la couverture numérique dont ils disposent. Voilà quelques années, ce taux d’insatisfaction était beaucoup moins élevé.

En matière de téléphonie mobile, par exemple, on nous explique que 99 % de la population est desservie, mais il suffit, pour qu’une commune soit considérée comme couverte, qu’un point de son territoire le soit.

M. Hervé Maurey. Nous avons eu un débat sur ce thème lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin et adopté à cette occasion un amendement, contre l’avis du Gouvernement, tendant à corriger la situation en la matière. J’espère que ce texte sera étudié par l’Assemblée nationale et que les choses évolueront.

Sur ce même sujet de la téléphonie mobile, j’ai un vrai motif d’inquiétude. Il était prévu que les fréquences attribuées dans le cadre du dividende numérique le seraient selon des critères d’aménagement du territoire. Or on dit de plus en plus que le Gouvernement voudrait revenir sur ce principe, pour chercher simplement à vendre ces fréquences au prix le plus élevé possible. Hier encore, Les Échos en faisaient état.

On nous annonce également des chiffres tout à fait extraordinaires pour le haut débit. Ainsi, 98,5 % de la population serait couverte, mais nous savons très bien que la réalité est tout autre. Il n’est pas de semaine que nous ne soyons sollicités à ce sujet par des citoyens ou des élus. Vous le savez, monsieur le ministre, vous qui êtes élu du même département que moi. Le hasard fait que, ce matin encore, j’ai reçu une lettre d’un maire souhaitant attirer mon attention sur l’absence de couverture numérique à haut débit du territoire de sa commune. Quand nous nous tournons vers l’opérateur historique, il nous répond que, grâce à la solution satellitaire, la totalité de la population est desservie. Peut-être, mais on sait très bien que, en dépit des avantages de l’offre satellitaire, la couverture n’est alors pas assurée dans les mêmes conditions, notamment en termes de services et de tarifs.

La mission qui m’a été confiée m’a permis d’étudier la question de la couverture numérique à très haut débit. Je crains que les objectifs légitimement ambitieux fixés par le Président de la République ne puissent être tenus, parce que l’on a choisi un modèle de déploiement permettant aux opérateurs de déterminer à leur guise les périmètres de desserte, ce qui signifie qu’ils s’intéresseront aux seules zones rentables et que les secteurs ruraux attendront bien au-delà de 2025 pour être couverts.

Alors, que faire ? Je crois qu’il faut d’abord que le Gouvernement affirme clairement une volonté de faire de la couverture numérique des territoires ruraux une priorité et, au-delà, pose des actes pour donner une portée concrète à cette volonté.

En outre, il me semble également nécessaire de revoir fondamentalement la relation entre l’État et les opérateurs. Aujourd’hui, en effet, l’État leur laisse la bride sur le cou, se bornant à alourdir régulièrement la fiscalité pesant sur leur activité, l’opérateur historique lui versant en outre, naturellement, de copieux dividendes… Cela est plus facile à dire qu’à faire compte tenu de la situation de nos finances publiques, mais il conviendrait peut-être, à mon sens, de se montrer plus exigeant avec les opérateurs en termes de respect de leurs obligations de service public qu’en termes de rendement fiscal.

S’agissant de la téléphonie mobile, il importe, je l’ai déjà dit, que la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin poursuive son chemin et que les fréquences issues du dividende numérique soient bien attribuées, comme prévu par le législateur, en fonction de critères d’aménagement du territoire. Il faut que l’ARCEP prononce enfin des sanctions contre les opérateurs ne respectant pas les engagements pris.

La possibilité d’inclure la couverture numérique à haut débit dans le service universel doit être examinée. Nous aurons sans doute un débat sur ce thème lors de la discussion du paquet « télécoms ». À tout le moins, le Gouvernement devra prendre des engagements sur la mise en place d’un véritable « haut débit pour tous », pour reprendre une formule figurant dans le rapport que j’ai rédigé et que le Premier ministre a bien voulu citer lors d’un récent déplacement dans la Manche.

S’agissant du très haut débit, il convient d’alimenter très vite, me semble-t-il, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, qui ne dispose toujours pas de recettes pérennes. Il faut veiller au déploiement de la fibre en milieu rural, en donnant la priorité, naturellement, aux zones d’activités et aux services publics. Le modèle de déploiement choisi doit être revu.

En conclusion, monsieur le ministre, nous aimerions vraiment que le Gouvernement considère l’aménagement numérique des territoires ruraux comme une priorité. Je sais que cela n’est pas facile, compte tenu des contraintes budgétaires, mais je crois qu’il y va de l’avenir de ces territoires. Ce sujet n’est d’ailleurs pas sans lien avec celui, que nous aborderons cet après-midi, de la désertification médicale, problème que l’accès au très haut débit permettrait de régler en partie. La présence de médecins en milieu rural est nécessaire pour que vive la ruralité. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une réelle désertification rurale menace notre pays. Mon collègue Didier Guillaume a bien identifié les causes de cette désertification. Il a aussi insisté à juste titre sur le fait que celle-ci n’est nullement une fatalité. Je fais miennes sans réserves son analyse et ses propositions, notamment pour ce qui concerne les contrats ruraux de cohésion territoriale.

Ce débat, qui intervient donc dans un contexte délicat, est d'autant plus bienvenu que les collectivités, qui sont au cœur du développement rural, se trouvent dans une situation difficile. Elles sont confrontées, avec la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales, à un véritable big bang fiscal et institutionnel.

Les collectivités qui font vivre nos territoires ruraux sont celles qui sont le plus pénalisées par le retrait de l'État, alors que le milieu rural exerce une véritable attraction sur nos concitoyens, comme le montrent les chiffres de l’INSEE. Ce fait est particulièrement marqué en Aquitaine, puisque la population de cette région s’est accrue, même dans ses départements intérieurs et ruraux, comme la Dordogne.

Cette évolution s'explique par la recherche d'une qualité de vie de plus en plus appréciée. Mais les nouveaux ruraux ont, légitimement, des exigences identiques à celles des urbains en termes de services en général, et de services publics en particulier.

Or, aujourd'hui, au nom de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ou plutôt au prétexte de sa mise en œuvre, un désengagement profond, massif et dangereux de l'État s’opère. On constate, surtout en milieu rural, une dégradation, voire une disparition, des services publics, avec la suppression de bureaux de poste, de gendarmeries, de tribunaux, de perceptions, d’hôpitaux de proximité, sans parler des fermetures de classes de maternelle ou dans le primaire.

Les collectivités locales se trouvent également confrontées à des difficultés croissantes pour développer des services à la personne, comme les crèches ou les aides à domicile.

Il est donc indispensable que l'État prenne la mesure des problèmes et mette en place, au bénéfice des territoires ruraux, une véritable politique en matière d'infrastructures de transport, de télécommunications, de couverture numérique à haut débit, de services de santé ou à la personne. Je pense en particulier, à cet égard, au schéma national des infrastructures de transport, dont la route nationale 21 est la grande oubliée.

Les collectivités locales, appelées à suppléer l'État, ne pourront plus continuer très longtemps à assumer le rôle d’amortisseur social, de défenseur de la solidarité et de la cohésion territoriale qu'elles jouent aujourd'hui.

Ainsi, en Dordogne, mon département, l’intercommunalité que je préside est intervenue pour essayer, notamment, de réduire la fracture numérique, en mettant en place la couverture à très haut débit par fibre optique. Nous avons également cherché à dynamiser le territoire, en particulier la filière agroalimentaire, qui est la locomotive économique du département. Dans cet esprit, nous avons créé une pépinière d'entreprises dédiée à cette filière et un institut du goût, qui permet aux artisans, aux industriels et aux agriculteurs de bénéficier de conseils, mais aussi des services d'un laboratoire d'analyse sensorielle. Nous avons en outre multiplié les actions en matière de transport de personnes et de maillage du territoire. Ce ne sont là que quelques exemples, qui illustrent le rôle important que jouent les collectivités, notamment les intercommunalités, dans les territoires ruraux.

Malheureusement, la réduction des moyens financiers et institutionnels due à la politique actuelle rend l'action difficile. Si cela continue, on se heurtera à une impossibilité de développer le milieu rural. Ce serait un énorme gâchis. Comme beaucoup d’autres élus, je lutte quotidiennement pour l’éviter, car je crois que la ruralité est un atout pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant profondément attaché à la ruralité, où j’ai mes racines, je suis très heureux de pouvoir participer aujourd'hui à ce débat. J'habite encore un territoire rural, de montagne.

Depuis quelques années, certains indicateurs nous montrent que, à l’évidence, la perception des territoires ruraux par nos concitoyens a changé. La tendance s’est inversée, et ces territoires bénéficient de nouveau d'une véritable attractivité, d'une vraie dynamique. Cela, nous le devons notamment aux évolutions de la société, aux politiques menées par les élus de terrain et l'ensemble des pouvoirs publics. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce changement.

Tout d'abord, depuis une trentaine d'années, la France rurale connaît une croissance démographique qui a mis fin à un exode commencé en 1850, et qui s'était accéléré après la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’un point essentiel. Ce mouvement est perceptible dans la quasi-totalité des régions françaises. Les nouveaux habitants de nos campagnes sont souvent issus des villes. Ce sont de jeunes familles, des retraités, mais aussi des entrepreneurs, à la recherche d’une vie moins stressante, de davantage de sécurité, d’un environnement plus agréable, d'espace tout simplement.

Ces nouveaux ruraux font évoluer nos campagnes et sont demandeurs de nombreux services. S’ils sont venus s'installer sur ces territoires, c'est notamment parce que le désenclavement de nos départements et de nos régions s'est considérablement accéléré avec le développement des lignes à grande vitesse et du réseau routier, dont j’ai pu mesurer directement les effets dans mon département, mais aussi dans le Massif central, même si des efforts restent encore à faire. Je prendrai l'exemple, à cet égard, de l'autoroute A 45 : nous nous battons depuis longtemps, malheureusement, pour faire avancer ce dossier.

L'évolution formidable qu’a connue le secteur des télécommunications dans son ensemble, avec internet, la téléphonie mobile et aujourd'hui la télévision numérique terrestre, a changé nos façons de communiquer et a brisé l'isolement des territoires les plus enclavés. C'est une des révolutions technologiques les plus importantes de ces dernières années, parce qu’elle a modifié les mentalités et qu'elle offre, en particulier, des perspectives incroyables aux entreprises voulant s'installer dans nos petites communes ou aux personnes désireuses de travailler depuis leur domicile.

Je voudrais saluer les efforts du Gouvernement, qui a mis en œuvre le programme national « très haut débit », en fixant pour objectif que tous les Français puissent bénéficier d’une telle couverture d'ici à 2025.

Je n'oublie pas que le passage à la télévision numérique terrestre, qui interviendra dans mon département le 14 juin prochain, sera aussi un véritablement bouleversement pour des millions de nos concitoyens.

Le monde change très vite, les mentalités aussi, comme je le disais tout à l'heure, c'est pourquoi nos politiques doivent être flexibles, s'adapter. En matière de services publics, nous devons, avant tout, étudier les besoins de la population afin de répondre à ses demandes essentielles. Comme le rappelait le Président de la République lors de son discours de Morée, « la responsabilité de l'État face aux besoins des habitants de la ruralité c'est que, partout, vous ayez accès aux services essentiels, les services à la population ».

J'ai entendu à de nombreuses reprises affirmer que La Poste disparaîtrait, qu'il fallait maintenir tous les bureaux de poste, même dans les communes où ils n’accueillent que quelques clients par semaine. Aujourd'hui, j'entends aussi beaucoup de gens se féliciter des services des agences postales communales ou des points-poste. Nous sommes même allés plus loin, puisque nous avons garanti par la loi l’existence de 17 000 points de contact sur le territoire national et que La Poste s'est engagée à équiper d'un distributeur de billets, dans les deux ans à venir, les bourgs-centres isolés qui n'en sont pas déjà pourvus.

Par ailleurs, l'État et neuf des principaux opérateurs publics français ont signé une convention de partenariat relative aux services publics, dont la vocation est d'accompagner le développement des territoires ruraux dans lesquels la population commence à croître.

Il est indéniable que le Gouvernement multiplie les initiatives et les projets en direction des territoires ruraux. Je citerai, à cet égard, la poursuite de la politique des pôles d’excellence rurale, avec le lancement d’une seconde génération d’appels à projets, le dispositif des grappes d’entreprises ou encore le formidable succès du plan « écoles numériques rurales ».

Néanmoins, à propos de l’avenir de la ruralité, je voudrais soulever deux interrogations majeures : la première, sur laquelle je vous ai déjà interpellé voilà quelques semaines, monsieur le ministre, lors de la discussion des crédits de la mission « Politique des territoires », porte sur la désertification médicale ; la seconde concerne les agriculteurs, qui fondent l’identité même des territoires ruraux.

Vous le savez, les médecins sont très mal répartis sur le territoire : la désertification médicale est un problème crucial. La situation, sur le terrain, tend à se dégrader. J’espère vraiment que le plan national de financement des maisons de santé pluridisciplinaires produira ses effets le plus rapidement possible, et qu’il en ira de même pour les autres mesures prises par le Gouvernement. Je pense, en particulier, aux bourses réservées aux étudiants en médecine qui s’engageront à exercer dans des territoires à faible densité médicale.

Je sais que le Président de la République est très sensible à cette question et qu’il souhaite que des mesures efficientes puissent être prises dès cette année, notamment sur les bases des conclusions du rapport de Mme Hubert. Aussi souhaiterais-je connaître les décisions que le Gouvernement pourrait prendre dans les prochains mois.

Quant aux agriculteurs, en particulier les producteurs laitiers, ils ont beaucoup souffert de différentes crises. Ils sont l’âme même, la mémoire de nos territoires, qu’ils ont sculptés et qu’ils entretiennent au jour le jour. Sans eux, sans leurs exploitations, ce sera la fin de la ruralité ou du moins du monde rural tel que nous le connaissons. Ils contribuent bien sûr à l’approvisionnement alimentaire de nos populations, mais également à l’aménagement du territoire. Je sais, monsieur le ministre, que la plupart de vos efforts sont consacrés à les défendre. Eu égard aux problèmes de compétitivité, de revenus qu’ils rencontrent, nous devons tous nous mobiliser à leurs côtés pour les soutenir, que nous œuvrions au sein des collectivités territoriales, du Gouvernement ou des instances européennes.

Enfin, en tant que président de l’Union des communes rurales de la Loire, je tiens à saluer le dévouement des maires, des adjoints et des équipes qui travaillent, dans les communes et les communautés de communes, bien souvent bénévolement, au développement culturel, touristique, social et économique de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Didier Guillaume applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il peut paraître saugrenu que j’intervienne à ce stade du débat pour seulement une minute, mais cela tient à la logique bureaucratique, selon laquelle un sénateur ne peut répondre au ministre s’il n’a pas pris part à la discussion générale.

Je ne me donnerai pas le ridicule de tenter de développer une analyse sur le monde rural en un laps de temps aussi court. Je m’en tiendrai donc là dans l’immédiat, et j’interviendrai de nouveau tout à l’heure pour réagir aux propos de M. le ministre. L’échange est nécessaire, un débat ne saurait se résumer à des discours parallèles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous remercie, cher collègue, d’avoir respecté votre temps de parole ! (Sourires.)

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour en finir avec les clichés, je soulignerai d’emblée que, contrairement aux idées reçues, le monde rural connaît un nouveau souffle. Même s’il reste encore des défis importants à relever, notamment pour assurer un accès équitable à certains services publics, un accompagnement des mutations de l’activité agricole ou une plus grande synergie entre les acteurs économiques et le territoire, ruralité n’est plus forcément synonyme de déclin et de désertification.

Cette question orale sur la ruralité posée par notre collègue Didier Guillaume me fournit l’occasion de rappeler que l’État, le Gouvernement ne désertent pas, quoi qu’on dise, les zones rurales, malgré la contrainte qu’exerce sur nos finances publiques la crise économique et financière que nous traversons.

En tant que rapporteur pour avis des crédits de la mission « Politique des territoires » et membre de la commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale, mais aussi en tant que maire d’une commune de 400 habitants et élu d’un département rural, le Cher, je suis bien sûr très attaché à la cohésion territoriale et très soucieux de l’avenir des territoires ruraux.

Bien entendu, tout n’est pas parfait, mais tout est perfectible. Les assises des territoires ruraux, mises en place par votre prédécesseur Michel Mercier, monsieur le ministre, ont permis de mettre en lumière nombre de propositions.

Il faut tout d’abord constater que de nombreux outils d’intervention existent déjà : s’ils méritent d’être améliorés pour accroître leur efficacité, leur pertinence n’est pas en cause. L’action publique a donc moins besoin d’outils nouveaux que d’un renforcement de la cohérence entre des initiatives d’origines diverses.

Cette cohérence passe d’abord par l’affirmation de trois principes pour l’intervention des pouvoirs publics : il faut préciser le rôle de l’État au sein des pouvoirs publics pour accroître l’efficacité de son action, améliorer la gestion publique et la lisibilité des outils d’intervention ; soutenir les territoires ruraux les plus fragiles par la péréquation et l’aide aux projets ; enfin passer de la protection du patrimoine naturel, culturel et bâti à sa valorisation et mobiliser les ressources humaines pour développer les capacités d’initiative locales.

Ainsi, l’avenir des territoires ruraux peut certes passer par des mesures nouvelles, mais aussi, tout simplement, par l’amélioration des nombreux dispositifs existants.

Parmi ceux-ci figurent les pôles d’excellence rurale, dont j’ai eu l’occasion de présenter ici même une évaluation et un bilan. Ce dispositif a été un formidable accélérateur de projets pour les territoires. Un effet de levier a pu être constaté pour la première vague de projets, en 2006 : 380 pôles d’excellence rurale ont alors été labellisés, en complément des pôles de compétitivité qui irriguent aussi nos territoires ruraux. Les territoires se sont mobilisés très rapidement, même si cela a été un peu moins vrai pour certains départements ou régions. L’État a laissé l’initiative aux acteurs locaux, dans un esprit de partenariat, en faisant travailler ensemble des collectivités et des partenaires privés qui n’en avaient pas l’habitude. Cette opération a finalement été un succès pour les territoires ruraux.

S’agissant du nouvel appel à projets – 179 ont déjà été retenus –, j’avais formulé vingt préconisations. Toutes ont été reprises, sauf deux que je tiens à présenter de nouveau pour améliorer le dispositif : il s’agit de l’apport d’une aide à l’ingénierie pour monter les projets et de la mise en place d’une ligne budgétaire spécifique aux pôles d’excellence rurale pour assurer une meilleure lisibilité de l’action.

Autre dispositif important, les zones de revitalisation rurale ont contribué, depuis 1995, à créer ou, du moins, à mettre en place des conditions favorables au développement de l’activité économique dans nos territoires ruraux, en attirant des professionnels par des exonérations fiscales et sociales.

Même si nous nous sommes inquiétés, à un moment donné, de la remise en cause trop brutale de l’exonération de charges pour les organismes d’intérêt général prévue à l’article 88 du projet de loi de finances, les choses sont rentrées dans l’ordre. Monsieur le ministre, ne changeons pas trop les règles d’un dispositif qui joue un rôle correctif indispensable pour des territoires en situation d’inégalité démographique et économique.

Je pourrais également évoquer, à la suite de mon collègue Bernard Fournier, le programme national « très haut débit », qui doit permettre de couvrir l’ensemble des foyers d’ici à 2025 : il faudra pour cela que le Fonds d’aménagement numérique du territoire soit suffisamment alimenté. Mais n’oublions pas ceux qui, aujourd'hui encore, n’ont même pas accès au haut débit. Les départements et les régions doivent aussi faire un effort pour améliorer la situation.

L’opération de financement de 200 maisons de santé pluridisciplinaires contribuera à enrayer la désertification médicale en milieu rural, phénomène dont la responsabilité n’incombe pas au présent gouvernement, puisqu’il résulte de décisions prises dans les années quatre-vingt, visant à réduire le numerus clausus pour les études médicales.

Je voudrais citer en outre l’opération « + de services au public », qui permettra d’expérimenter, dans vingt-trois départements, la mutualisation des moyens de partenaires tels que La Poste, EDF, la SNCF, les caisses d’allocations familiales, Pôle emploi, au sein de maisons de services publics et au public numérisées. L’objectif est de répondre aux attentes de nos concitoyens grâce à des formules innovantes. Il n’est pas satisfaisant qu’un bureau de poste ferme à 16 heures alors que la majorité des usagers souhaitent pouvoir y passer après leur journée de travail, vers 18 heures ou 19 heures. Les agences postales communales répondent parfois mieux que La Poste aux besoins de la population.

J’évoquerai enfin le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, par le biais duquel l’État soutient le maintien ou la reprise des petits commerces de proximité. Grâce à un amendement de mon collègue Gérard Cornu, son enveloppe financière a d’ailleurs été relevée de 20 millions d’euros dans le budget pour 2011. Il faudrait cependant rendre éligible au FISAC la petite hôtellerie rurale, qui, soumise à de nombreuses normes, a des besoins financiers importants.

En conclusion je parlerai brièvement de l’agriculture, qui occupe une place prépondérante dans l’économie rurale. Elle structure nos territoires, elle façonne nos paysages. Si, depuis peu, la situation s’est améliorée pour les grandes cultures, le marché étant porteur – mais pour combien de temps ? –, tel n’est pas le cas pour le secteur de l’élevage, où la crise n’a pas commencé en 2007, mais perdure depuis plus de dix ans. Il faut prendre des mesures d’urgence en faveur des éleveurs.

Monsieur le ministre, ce débat sur la ruralité, nous l’avons déjà engagé depuis longtemps. Je connais votre conviction, votre énergie pour défendre l’agriculture. Il est très cohérent d’avoir élargi le champ de vos compétences à l’aménagement du territoire et à la ruralité.

Cher collègue sénateur Didier Guillaume, ce qui compte, ce n’est pas seulement la quantité des moyens financiers, c’est aussi la qualité et l’efficacité des mesures mises en place. La boîte à outils, nous l’avons ; il faut savoir l’utiliser, mettre les mains dans le cambouis, ce qui est le rôle des élus, dont l’action peut parfois faire la différence entre les territoires.