M. Didier Guillaume, auteur de la question. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Rémy Pointereau. Faisons donc confiance à l’intelligence territoriale, soyons acteurs de notre développement ! J’aurais également pu évoquer le problème des infrastructures routières et ferroviaires, qui relèvent de la compétence de l’État, mais il s’agit à mon sens d’un autre débat. En tout état de cause, la ruralité est bien vivante. Mon collègue Joël Billard, grand spécialiste du sujet, y reviendra tout à l’heure. Nous sommes des partisans résolus de la cohésion territoriale ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les territoires ruraux ont été fragilisés par la disparition de nombreuses activités économiques et par l’exode de leur population.

Pourtant, ces territoires exercent aujourd’hui un attrait croissant sur de nombreux citadins, grâce à des atouts tels que la qualité de vie ou l’espace disponible. Cette attractivité est la conséquence de l’engagement fort des différents acteurs locaux, qui ont mis en place des actions volontaristes.

Or, alors même que nombre de nos concitoyens souhaitent s’installer sur ces territoires, les services publics nationaux ont une certaine tendance, pour ne pas dire une tendance certaine, à délaisser l’espace rural…

Ainsi, l’État joue de moins en moins son rôle en matière de péréquation, alors qu’un aménagement équilibré et solidaire du territoire impose qu’il se réengage aux côtés des collectivités territoriales et des autres acteurs locaux, en particulier dans les deux importants domaines suivants : les déplacements et le désenclavement numérique.

En 2003, la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, avait identifié huit aires géographiques, parmi lesquelles le sud de l’Ardèche, se trouvant à l’écart des grands réseaux de communication et pour lesquelles se justifieraient des engagements financiers spécifiques.

Le désenclavement de ces territoires doit être inscrit dans le schéma national des infrastructures de transport. Il doit pouvoir s’agir d’aménagements routiers dans les départements non desservis par le rail ou dont la desserte ferroviaire ne peut être réellement améliorée.

S’agissant du mode de transport ferroviaire, la priorité doit être donnée à la régénération des lignes d’équilibre du territoire, ainsi que des petites lignes utilisées par les trains express régionaux, les TER, et les trains de fret.

D’ailleurs, il n’est pas normal que les régions, qui financent déjà le renouvellement des matériels, soient obligées d’intervenir sur les infrastructures ferroviaires pour des raisons de sécurité. À mon sens, seule la reconnaissance du caractère d’intérêt général du fret ferroviaire est de nature à garantir la desserte de tout le territoire national, et particulièrement celle du Massif central.

J’en viens au désenclavement numérique. S’il ne faut pas tout en attendre, il n’en demeure pas moins qu’il est très important pour les territoires concernés et que sa mise en œuvre ne peut pas être laissée au bon vouloir des seuls opérateurs, qui suivent une logique d’écrémage du marché.

Le 25 septembre dernier, la Commission européenne a reconnu la nécessité de réviser la notion de service universel, qui ne s’applique qu’à la téléphonie fixe. Le service universel doit concerner la téléphonie mobile, le haut débit et le très haut débit. Quant à la TNT, elle doit être accessible à tous.

Faisant le constat de l’insuffisance du soutien de l’État, les collectivités territoriales se sont largement engagées dans ces domaines. Nous ne pourrons pas accepter longtemps encore que ce soient les collectivités, au premier chef les moins riches d’entre elles, qui consentent les efforts d’équipement en vue du désenclavement numérique.

Monsieur le ministre, l’État est-il prêt à assurer une véritable péréquation, notamment en utilisant les crédits du Fonds d’aménagement numérique du territoire ? Une réponse positive à cette question est d’autant plus nécessaire que de nouveaux usages – je pense aux smartphones ou aux tablettes – imposeront d’accroître la capacité des réseaux et de généraliser le très haut débit.

Monsieur le ministre, le 17 décembre dernier, à Agen, lors de votre discours de clôture du séminaire national du Réseau rural français, vous avez affirmé que « la ruralité, c’est la modernité ». Pour que cette affirmation ne soit pas seulement une belle parole, il convient que l’État se réengage dans tous les territoires fragiles, particulièrement dans l’espace rural. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Billard.

M. Joël Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord dire à mon ami Rémy Pointereau que je n’ai pas le sentiment d’être, plus qu’un autre, un spécialiste de la ruralité : je suis tout simplement un élu rural ayant eu l’honneur de rédiger un rapport sur ce sujet, à la demande du Président de la République.

Depuis plus d’une décennie, la ruralité connaît un regain démographique. En effet, tous les ans, quelque 150 000 citadins s’installent en milieu rural, dans des zones périurbaines dans les deux tiers des cas. Ils sont attirés tout d’abord par une meilleure qualité de vie, un prix du foncier attractif et une fiscalité encore raisonnable pour l’instant.

Notre France rurale, qui accueille déjà plus de 23 millions de nos concitoyens, qu’ils habitent au cœur de la campagne, dans les petites villes ou dans les zones périurbaines, voudrait être mieux reconnue.

L’opinion publique est consciente que le monde rural représente une chance pour notre pays : 75 % des Français rêvent de vivre à la campagne, et 90 % des urbains considèrent les zones rurales comme des territoires de développement.

M. René-Pierre Signé. Ils ne viennent pas !

M. Rémy Pointereau. Ils ne viennent pas dans la Nièvre !

M. Joël Billard. Toutefois, elle est aussi consciente que ce développement ne sera pas possible sans une politique volontariste, également attendue par les élus ruraux, qui mesurent l’importance des besoins à satisfaire et sont prêts à assumer toutes leurs responsabilités ; mais encore faut-il qu’ils disposent des moyens et des soutiens nécessaires !

En ce qui concerne les moyens, est-il normal que la dotation globale de fonctionnement bonifiée d’une communauté de communes soit de l’ordre de 18 euros par habitant, alors que son montant est proche de 90 euros par habitant pour une communauté urbaine ? De surcroît, les zones urbaines bénéficient déjà de ressources plus importantes que les territoires ruraux, grâce notamment à la fiscalité sur les entreprises. Alors que leurs recettes fiscales sont beaucoup plus faibles, les secteurs ruraux doivent faire face à l’accroissement, voire à l’explosion, des dépenses liées aux services à la population, en particulier ceux qui concernent l’enfance : garderies, centres de loisirs, scolarité.

À titre d’exemple, la scolarisation d’un enfant coûte environ 1 200 euros par an à ma commune, tandis que la fiscalité communale ne rapporte en moyenne que 800 euros. Je n’ai pourtant pas l’impression que ma commune soit un paradis fiscal !

Même si le Gouvernement a la volonté de réduire ces inégalités, il me paraît indispensable d’engager un débat, une réflexion sur la péréquation en faveur des territoires ruraux, en vue de donner à ceux-ci les moyens nécessaires à leur développement.

Concernant le soutien, nos communes rurales, malgré la mise en place des communautés de communes, manquent cruellement d’ingénierie et n’ont pas les moyens de la financer. Ne pourrait-on envisager de faire appel aux compétences techniques des services décentralisés de l’État,…

M. Claude Bérit-Débat. Il n’y en a plus !

M. Joël Billard. … qui, aujourd’hui, sont ressentis par nombre d’élus locaux comme hostiles, en raison notamment d’une attitude souvent très tatillonne, ayant pour effet de freiner les actions locales, ce qui emporte des conséquences économiques non négligeables ? Lequel d’entre nous n’a jamais eu affaire à la direction départementale des territoires, à la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la DRIRE, à la direction régionale de l’environnement, la DIREN, à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, aux architectes des Bâtiments de France ou aux services archéologiques ? Je ne voudrais pas allonger mon propos en évoquant des exemples plutôt navrants, mais le montant des travaux bloqués atteint aujourd’hui 20 millions d’euros pour ma communauté de communes, qui regroupe vingt et une communes et 12 000 habitants.

Cette attitude des services de l’État engendre en outre un découragement grandissant parmi des élus qui travaillent inlassablement pour le bien de leurs concitoyens.

La critique est aisée, l’art est difficile, mais, pour l’heure, une solution facile et peu coûteuse pour remédier à ces graves dysfonctionnements serait de mettre en place un médiateur de la ruralité, sujet que j’ai évoqué avec vous, monsieur le ministre, et avec M. le président du Sénat. Ce médiateur, dont l’action serait un gage d’efficacité, ferait le lien entre les administrations et les élus ruraux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, incontestablement Didier Guillaume a eu raison de poser cette question orale avec débat sur l’avenir de la ruralité, et ce à un double titre.

Tout d’abord, la date est bien choisie, car ce débat s’inscrit dans le prolongement de la suppression de la taxe professionnelle et, surtout, de la réforme des collectivités locales. À cet égard, il appartiendra du reste à la majorité d’assumer ses responsabilités et les conséquences de son vote !

En effet, si le débat sur cette question est momentanément clos dans cet hémicycle, il n’est pas près de s’éteindre dans les territoires, dont les élus s’interrogent à juste titre sur l’avenir de leurs collectivités, particulièrement en milieu rural. Le problème de fond reste entier, d’où la pertinence de la question soulevée par notre collègue Didier Guillaume.

Que l’on me permette, à cet instant, d’évoquer le cas de la Haute-Garonne, département quelque peu atypique où le Grand Toulouse concentre plus de la moitié de la population et une large part du tissu industriel, des services, des facultés, des laboratoires de recherche, etc. Pour autant, ses zones rurales ne sont pas sinistrées, parce que le conseil général, qui disposait jusqu’à présent de quelques moyens, mène une politique volontariste d’accompagnement de l’essor de la métropole tout en se refusant à considérer comme une fatalité la transformation de la partie rurale du département en désert économique semé de villes réduites au statut de cités dortoirs.

L’effort considérable fourni par notre département en matière d’aménagement du territoire, de transports interurbains, de couverture numérique à haut débit, de soutien à la création de pépinières d’entreprises et aux investissements communaux n’a d’autre finalité que d’assurer partout la présence des infrastructures et des services publics locaux –assortis des moyens humains afférents – indispensables pour fixer la population et renforcer l’attractivité des territoires pour les entreprises. Bref, il s’agit de faire en sorte qu’il n’y ait pas deux classes de Haut-Garonnaises et de Haut-Garonnais !

Parallèlement, monsieur le ministre, faut-il encore souligner les dégâts considérables engendrés par la mise en œuvre de votre révision générale des politiques publiques, qui, jour après jour, méthodiquement, inexorablement, entraîne la suppression de services publics de proximité : perceptions, bureaux de poste, services scolaires, gendarmeries, tribunaux ?…

Tout récemment, pour tenter de masquer ce problème, vous avez expliqué que tous les services publics étaient désormais joignables par internet. Cela est vrai, mais je crains que, de proche en proche, vous n’en veniez à prétendre que, à terme, la télémédecine se substituera aux médecins généralistes en milieu rural. Ceux-ci jouent un rôle irremplaçable : au-delà de l’accès aux informations, nous savons tous que seul le maintien des moyens humains permet d’entretenir un lien social auquel le monde rural est à juste titre très attaché.

Voilà donc exposées deux démarches reflétant des options politiques diamétralement opposées, plus ou moins assumées selon le cas. Ainsi, alors que le conseil général de la Haute-Garonne vient d’inaugurer à Saint-Gaudens une structure décentralisée regroupant l’ensemble de ses services, qui a coûté la bagatelle de 14 millions d’euros, le Gouvernement, quant à lui, raye brutalement de la carte judiciaire le tribunal de grande instance de cette même commune, où la justice était rendue depuis la Révolution française. On comprendra donc que les interrogations des Haut-Garonnaises et des Haut-Garonnais restent entières !

D’ailleurs, comme si cela ne suffisait pas, le deuxième acte de cette mauvaise pièce a vu la suppression de la taxe professionnelle, qui réduira fortement les capacités d’investissement du conseil général, des communes rurales et des EPCI.

Enfin, au troisième acte a été créé le conseiller territorial, dont l’apparition répond à la mise en place d’une nouvelle carte du territoire. La représentation des zones rurales se trouvera fatalement diluée, en raison de l’augmentation considérable de la taille des cantons.

Que dire de ce nouvel élu hybride, qui, à force d’être partout, ne sera nulle part et se trouvera de fait coupé de ses administrés et privé d’une vision réaliste du territoire qu’il aura la charge de représenter ?

Au total, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez aura réussi le tour de force de revenir sur trente ans de décentralisation. Alors qu’il fallait simplifier, introduire ou renforcer la notion d’égalité entre les territoires, il a recentralisé et enclenché de surcroît l’appauvrissement des territoires par la suppression de la taxe professionnelle et le gel des dotations. Nous ne pouvons que le déplorer.

La Haute-Garonne court ainsi le risque de voir mise à mal une dynamique mise en œuvre par la majorité de gauche de son conseil général et le président de celui-ci, Pierre Izard, dynamique qui a pourtant fait ses preuves au quotidien.

Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux, sur les travées de gauche, à croire en l’avenir de la ruralité, à l’instar des élus locaux, qui connaissent les ressources, les potentialités et les ambitions de leurs territoires, mais sont trop souvent maltraités par le gouvernement actuel. Parfaitement conscients des enjeux du xxi e siècle, ils attendaient du Parlement et du Gouvernement le franchissement d’une nouvelle étape dans la décentralisation, avec à la clé une refondation de la politique des territoires et une redéfinition de leurs compétences.

Les pistes de travail ne manquent pas. Avec talent et conviction, Didier Guillaume a exposé tout à l’heure les principes à suivre. Malheureusement, les différents votes émis par la majorité lors de la discussion de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme des collectivités territoriales ont montré qu’elle manquait de volonté politique et tournait le dos à une démarche partenariale.

Ces votes vous ont en outre quelque peu disqualifié aux yeux des élus locaux, monsieur le ministre. Il vous sera très difficile de renouer le dialogue avec eux, d’autant que le document récemment diffusé par le Gouvernement n’est pas de nature à les rassurer. Les élus locaux ont pris la mesure du décalage existant entre les annonces faites par l’État et leur traduction concrète.

Peut-être, monsieur le ministre, votre réponse constituera-t-elle pour nous une bonne surprise. Je le souhaite, mais, pour être franc, je doute un peu que vous puissiez donner à la ruralité l’impulsion dont elle a besoin. Je compte plutôt, pour cela, sur l’émergence d’une nouvelle majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est le premier pays rural d’Europe, par le nombre de communes et de ruraux, ainsi que par un mélange entre tradition et centralisation, culture régionale et identité nationale, ayant sans doute contribué au rayonnement culturel de notre pays dans le monde.

Lorsque l’on évoque la ruralité, la première question qui se pose est de savoir si l’on souhaite qu’elle continue d’exister. La politique actuelle de concentration urbaine et de suppression des services publics contribue à l’affaiblir et pourrait même, à terme, la faire disparaître.

La directive européenne « services » tend à créer un véritable marché des services qui, loin de protéger ceux-ci, les fragilisera. Or la France approuve cette directive. Pourtant, la défense de la ruralité devrait être une grande cause nationale.

Le milieu rural français s’est recomposé. Il ne se résume pas à l’agriculture, comme on a eu trop souvent tendance à le penser. Il a conservé des activités traditionnelles fortes, les a volontiers remises en exergue, mais il a également bénéficié d’un véritable « métissage », grâce à l’arrivée de nouvelles populations.

M. René-Pierre Signé. Je voudrais insister sur l’apport de la ruralité sur le plan culturel. Il ne s’agit nullement d’une contribution de deuxième rang, dénuée d’intérêt ; elle est au contraire souvent novatrice, à l’origine de bien des développements culturels urbains. Les exemples ne manquent pas à cet égard, en France et hors de nos frontières.

Dans ce mode de vie, la culture est au service de deux ambitions : promouvoir le « vivre ensemble » et affirmer sa créativité, ses talents et ses richesses.

Il ne s’agit pas d’encourager le développement d’un particularisme condamnable. Le milieu rural est porteur non pas d’une contre-culture, mais d’une autre culture, différente. Ce concept n’a rien de négatif dans la mesure où cette culture est alimentée par la créativité locale. Elle peut, d’une certaine manière, tout en étant populaire, constituer une offre alternative et complémentaire, nourrie par des échanges, sans pour autant entraîner un appauvrissement de la créativité. La société, rurale ou urbaine, plonge ses racines dans la géographie, non pas celle qui résulte du découpage arbitraire des pays ou des départements, mais celle qui a été modelée par les différentes ethnies installées bien avant le début de l’histoire.

Le savoir du monde rural relève donc pour l’essentiel de la vie quotidienne. C’est la culture du « vivre ensemble ». Poésie et vie pratique s’y combinent fréquemment en un savoir populaire et utile, qui peut emprunter ses figures, ses expressions et ses représentations au patrimoine étranger. Cette culture rurale néo-mondialisée, reprise, modifiée, adaptée, transformée, peut apporter une modernité technologique intéressante.

Pourquoi insister sur le développement culturel ? Parce qu’il est prouvé que développement culturel et développement économique sont liés et qu’à toute friche culturelle correspond une friche économique et sociale. Culture de diversité, la culture rurale constitue une expression tout à fait respectable et utile, et ne doit pas être reléguée dans les oubliettes du passé, au nom d’un élitisme qui serait réservé à l’urbain. Cette culture a conservé nombre d’activités traditionnelles fortes, rénovées, revigorées. Elle défend, par un savant dosage, avec l’apport de nouvelles populations, un certain art de vivre, fondé sur la simplicité des échanges, l’engagement associatif et citoyen, une forme de convivialité, un rapport particulier au temps et aux autres.

Le développement de la culture en milieu rural passe par un soutien à l’éducation populaire : mise en réseaux de centres sociaux, foyers sociaux, écoles. Si les élus sont tellement attachés à la présence d’une école dans leur commune, c’est qu’ils mesurent sa participation au développement culturel, reposant sur la trilogie enfants, parents, enseignants.

La création d’un « bouclier rural » permettrait d’assurer l’accès dans des délais acceptables aux services publics dans tous les domaines, y compris la culture. En ne laissant personne sur le bord du chemin, on retisse des liens entre ruraux et citadins, entre habitants des campagnes eux-mêmes, on conforte un modèle de vie respectable et utile.

Les difficultés que connaissent les zones urbaines viennent confirmer que la qualité de vie en milieu rural, pour peu qu’on veuille bien aider celui-ci à s’épanouir, est source d’un apaisement et d’une sérénité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier M. Guillaume d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour des travaux du Sénat de cette question orale avec débat sur l’avenir de la ruralité. Le sujet est en effet tout à fait essentiel.

M. Jacques Blanc. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à Agen, la ruralité est non pas le passé de la France, mais son avenir.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Les communes rurales ne sont pas une faiblesse ou une charge pour notre pays, elles sont au contraire un atout et une force.

Puisque vous m’avez invité, monsieur Guillaume, à Saint-Jean-Pied-de-Port, à l’hôtel des Pyrénées, je vous convierai, en retour, à nous retrouver autour de l’une de ces deux tables tout à fait remarquables et représentatives de la ruralité que sont le Moulin d’Alotz, à Arcangues, et la Table des cordeliers, à Condom. (Sourires.)

M. René-Pierre Signé. Vous pourriez inviter tous les intervenants ! (Rires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Plus sérieusement, chacun voit bien que la ruralité fait partie intégrante de l’identité de notre pays et de son histoire. Elle en est de surcroît une évolution naturelle, dont nous devons tenir le plus grand compte. À cet égard, les chiffres sont sans appel : entre 1999 et 2006, la population des communes de moins de 2 000 habitants a progressé de 1 % par an ; entre 2001 et 2006, les communes rurales ont ainsi gagné, essentiellement du fait des flux migratoires, 300 000 habitants supplémentaires. Cela signifie que les Français sont attirés par le milieu rural et souhaitent y vivre. Sur un plan politique, nous devons tenir compte de cette évolution démographique et apporter à nos concitoyens les réponses qu’ils attendent.

Nous sommes tous ici des élus locaux. À ce titre, nous savons que les néoruraux veulent souvent à la fois le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière ! Il faut dire les choses franchement ! Ainsi, ils aspirent à profiter du calme et de la sérénité de la commune rurale tout en bénéficiant de la même densité de services publics qu’en ville : ils voudraient trouver le métro au pied de chez eux, des services de collecte des ordures ménagères plus réguliers, des commerces ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des agents communaux disponibles en permanence. Or tout cela n’est pas forcément possible. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Telle est la réalité à laquelle nous devons faire face, telles sont les attentes auxquelles nous devons répondre de la manière la plus efficace possible. Nous devons accompagner ce mouvement, tenir compte des choix des Français et leur apporter les réponses nécessaires, notamment en matière d’accès aux soins ou à internet, ainsi que de développement de l’activité économique des territoires.

À cet égard, je tiens à souligner qu’il ne faut pas opposer l’économie productive à ce que j’appellerai l’économie résidentielle, liée au développement des services d’aide à domicile. L’une et l’autre vont au contraire de pair. Ainsi, pour prendre un exemple cher à Hervé Maurey, dans une commune comme celle de Damville, dans l’Eure, on ne peut opposer le maintien de l’emploi à la chocolaterie Cluizel, l’un des principaux établissements industriels du canton, et le développement de services à la personne pour les nouveaux habitants.

Quelles sont les priorités que je souhaite fixer en termes de développement des territoires ruraux et de soutien aux communes rurales ?

La première priorité, c’est l’accès aux soins,…

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. … question qu’a abordée longuement, à juste titre, Bernard Fournier. Si je place cette problématique au premier plan, c’est en raison de mon expérience d’élu du département de l’Eure. Je le dis avec beaucoup de gravité : il est tout à fait inacceptable et contraire au pacte républicain qu’un délai de quatre à six mois soit nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste ou un dentiste lorsque l’on vit dans une commune rurale de l’Eure, à moins de cent kilomètres de la capitale, quand une semaine suffit lorsque l’on habite au centre de Paris. Cela représente une inégalité inacceptable et scandaleuse entre citoyens. L’année scolaire d’un enfant peut se trouver remise en cause s’il doit attendre six mois avant de pouvoir consulter un orthophoniste.

De même, il n’est pas acceptable qu’il y ait un médecin pour 224 habitants dans les Bouches-du-Rhône, contre un médecin pour 515 habitants dans l’Eure.

Cette situation doit nous conduire à prendre un certain nombre de décisions et à mettre en œuvre des solutions nouvelles.

M. René-Pierre Signé. Supprimons le paiement à l’acte !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le schéma régional d’organisation sanitaire, qui était marqué, à l’origine, par une approche à mon sens trop strictement comptable et hospitalière, comprend dorénavant un volet ambulatoire et un volet médicosocial. Je souhaite qu’ils prennent davantage d’ampleur encore à l’avenir.

Les agences régionales de l’hospitalisation ont été remplacées par les agences régionales de santé, dont la présidence du conseil de surveillance a été confiée aux préfets de région, à qui je demanderai d’être très attentifs aux questions d’aménagement du territoire.

Enfin, les conférences de territoire, composées principalement d’élus, sont désormais consultées pour toutes les décisions importantes.

En matière d’accès aux soins, une autre piste consiste à développer les maisons de santé pluridisciplinaires. Ces structures permettent aussi de répondre aux attentes des médecins, lesquels souhaitent dorénavant travailler de manière plus collective. La profession médicale se féminise très fortement. Nous savons tous que l’on rencontrera de moins en moins souvent, dans nos communes rurales, de ces médecins prêts à entamer leur journée à huit heures du matin pour la finir à minuit et acceptant d’être dérangés le samedi soir à vingt-deux heures en cas d’urgence. De tels praticiens n’existent plus. Les professionnels de santé ne souhaitent plus travailler de cette façon, et il nous appartient de répondre également à leurs attentes. À cet égard, les maisons de santé pluridisciplinaires représentent à mon sens une des réponses pertinentes.

Nous consacrerons donc 75 millions d’euros sur trois ans à la création de 250 maisons de santé pluridisciplinaires. Nous ferons en sorte que ce travail soit mené de manière coordonnée – je rencontrerai M. Xavier Bertrand à ce sujet très prochainement – par les agences régionales de santé et les préfectures. En effet, la création de telles structures est également prévue dans le cadre des pôles d’excellence rurale, et il convient par conséquent d’éviter les doublons et de veiller à ce que l’action des préfets ne soit pas en contradiction avec celle des agences régionales de santé.