M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord le groupe CRC-SPG de nous avoir donné l’occasion de débattre d’une question essentielle.

La santé est un sujet fondamental parce que le droit à la santé est fondamental. La question de la désertification médicale nous interpelle sur le droit d’accéder aux soins en tout point de notre territoire.

Parler, discuter, débattre de la démographie médicale est essentiel tant la santé des Français est prioritaire.

Je vous le dis en préambule, avec M. Xavier Bertrand, nous nous battrons pour que tous les Français disposent d’une médecine de qualité sur l’ensemble du territoire national.

Je voudrais, en premier lieu, partager un constat avec vous sur cette désertification médicale dont nous venons de parler et contre laquelle ce Gouvernement se bat.

La problématique de la désertification médicale ne peut se résumer au manque de médecins généralistes dans certaines communes rurales.

Vous l’avez dit, monsieur Vera, la désertification médicale concerne également les zones périurbaines. Chacun le sait, vous l’avez d’ailleurs rappelé, en banlieue, à quelques kilomètres parfois du centre d’une grande ville, il est encore difficile, voire impossible, de trouver un médecin généraliste ou spécialiste.

Plus largement, la désertification médicale englobe toutes les questions liées à l’offre de soins, à la coopération entre professionnels de santé et à leur répartition sur le territoire national.

De plus, la démographie des professions de santé se caractérise par une inégale répartition des professionnels entre les régions.

Le nombre de médecins est de 209 143 en France métropolitaine, dont 101 667 généralistes. Leur densité moyenne sur le territoire métropolitain est 339 pour 100 000 habitants.

Mais, et vous l’avez signalé à de nombreuses reprises, cette densité est très variable d’une région à l’autre. Vous avez cité certains chiffres, je vous communique ceux dont je dispose. Cette densité moyenne va de 256 en Picardie à 405 en Île-de-France et 412 en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et, d’un département à l’autre au sein d’une même région, par exemple en Île-de-France, la densité varie même de 123 en Seine-et-Marne à 288 à Paris.

À ce nombre de médecins, il faut ajouter les autres professionnels de santé qui remplissent un rôle primordial au cœur de notre système de santé.

Le nombre des autres professionnels de santé, en 2010, est de 825 190 en France métropolitaine. Il est composé pour une large majorité d’infirmiers, 515 754, soit 62 %, puis viennent les pharmaciens, 74 059, les masseurs-kinésithérapeutes, 68 923, et les chirurgiens-dentistes, 40 930.

Les infirmiers connaissent ainsi la densité la plus importante, soit 830 pour 100 000 habitants. Il faut aussi souligner la diversité de cette densité, qui va de 1 074 infirmiers pour 100 000 habitants dans le Limousin à 662 dans le Centre. Je reviendrai ultérieurement sur ce point pour répondre à M. Georges Patient à propos de la question des formations.

Pour lutter contre la désertification médicale et pour mieux répartir les professionnels de santé sur le territoire national, de nombreuses mesures ont été prises depuis cinq ans.

Pour commencer, puisque vous me parlez des décrets d’application de la loi HPST, je souhaite préciser que les huit ordonnances prévues ont toutes ont été publiées, ainsi que 106 des 154 décrets. Nous travaillons sur les autres en ce moment. Cela a demandé un travail énorme de la part des services du ministère de la santé et je tiens à relever ici la qualité de ce qui a été produit.

Dans le cadre de la loi HPST, les mesures incitatives ont été privilégiées. J’ai bien entendu, à ce sujet, les avis parfois divergents qui ont été exprimés.

Nous avons, en effet, confiance dans les professionnels médicaux pour faire face à leurs responsabilités et répondre aux enjeux de santé publique.

Les dispositifs tels que la répartition quinquennale des postes d’internes par spécialité et par région, les quotas paramédicaux ou encore le rééquilibrage des numerus clausus permettent une régulation territoriale des flux de formation des professionnels de santé.

J’ajouterai quelques précisions concernant le numerus clausus. Le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre leurs études en médecine a doublé en dix ans.

M. Jacques Blanc. Ce n’est pas suffisant !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Peut-être, mais je tiens à souligner cette dynamique.

Nous sommes passés de 3 700 en 1999 à 7 400 en 2011. Ces places supplémentaires – c’est important – ont été prioritairement affectées dans les régions dont la densité médicale est inférieure à la moyenne nationale : l’Ouest, le Nord-Ouest et le Nord-Est. Aux Antilles et en Guyane, le numerus clausus a augmenté, entre 2000 et 2010, de 15 à 76.

Par ailleurs, les postes offerts à l’issue des épreuves classantes nationales, qui répartissent les étudiants en médecine entre les différentes spécialités, ont été augmentés au sein des régions et des spécialités, avec un objectif de rééquilibrage entre les régions.

À ce titre, une attention particulière a été portée à la médecine générale afin de garantir une offre de soins de premier recours efficiente et accessible.

En outre, l’arrêté du 12 juillet 2010 détermine, pour la période 2010-2014, le nombre d’internes à former par subdivision et spécialité.

Il s’agit du premier arrêté pluriannuel glissant prévu par la loi HPST, une mesure dite « de filiarisation ». Il consiste, pour les spécialités médicales et chirurgicales, à proposer des postes d’internes par diplôme d’études spécialisées, ou DES, soit trente spécialités, et non plus par discipline, au nombre de onze.

Ainsi, les flux d’internes seront progressivement adaptés aux besoins démographiques, avec une vision prospective des besoins de soins et une adaptation des capacités de formation correspondante.

S’agissant des épreuves classantes, je souhaite revenir, chiffres à l’appui, sur les départements des Antilles et de la Guyane. Nous sommes passés de 46 postes offerts en 2000 à 108 en 2010. En ce qui concerne les postes d’internes vacants pour les médecins généralistes, monsieur Patient, je précise que 45 postes étaient vacants en 2005 et que ce chiffre a été réduit à 5 en 2010.

Mais, je le sais, et vous l’avez rappelé, à eux seuls, ces dispositifs ne permettent pas d’obtenir une répartition équilibrée des professionnels de santé, du fait, notamment, de la liberté d’installation.

Toutefois, conjugués à des mesures incitatives, ces dispositifs contribuent à un pilotage renforcé de la démographie des professionnels de santé.

L’article 46 de la loi HPST a, par ailleurs, instauré le fameux contrat d’engagement de service public, le CESP, à destination des étudiants admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année ou ultérieurement.

Les étudiants bénéficiaires se voient verser une allocation mensuelle de 1 200 euros jusqu’à la fin de leurs études, financée au titre du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS.

En contrepartie, les étudiants s’engagent à exercer leurs fonctions, à compter de la fin de leur formation, dans des lieux d’exercice spécifiques, proposés dans des zones où la continuité des soins fait défaut. La durée de leur engagement est égale à celle correspondant au versement de l’allocation et ne peut être inférieure à deux ans.

Monsieur Tropeano, vous m’avez interrogée sur ces contrats, dont vous souhaitez connaître le nombre. À ce jour, 200 étudiants et internes ont d’ores et déjà été sélectionnés pour bénéficier de ce contrat. Ce dispositif a été opérationnel en septembre. Avec 200 contrats, la mise en place de cette mesure commence de manière positive ! Nous procéderons prochainement une évaluation de ce dispositif.

Le post-internat est aussi un facteur majeur de fidélisation des futurs médecins. Aujourd’hui, il permet aux jeunes diplômés de se ménager de plus larges possibilités de carrière, en secteur hospitalier comme en libéral, et de meilleures perspectives de rémunération.

Il résulte, le plus souvent, du besoin d’acquérir une capacité d’exercice autonome ou un complément de formation dans certaines spécialités, notamment chirurgicales. Il constitue également la première étape d’une carrière universitaire. À ce titre, l’État a créé 400 postes d’assistants de spécialistes partagés, répartis dans les régions les moins bien dotées.

Il convient également de poursuivre les efforts déjà entrepris pour rendre la médecine générale de premier recours plus attractive et pour sensibiliser les étudiants en médecine à cet exercice. Ces dernières années ont vu la structuration de la filière universitaire de médecine générale et la généralisation du stage de médecine générale en deuxième cycle et du stage chez le praticien libéral au cours du DES de médecine générale.

Permettez-moi de vous faire part de quelques chiffres du bilan de l’année 2010. Nous comptons aujourd’hui 69 chefs de clinique de médecine générale en poste, 86 postes de professeurs de médecine générale et 81 maîtres de conférences en médecine générale. En 2011, nous poursuivrons cette progression dans ce domaine. Nous sommes, en effet, convaincus du bien-fondé d’une filière universitaire en médecine générale.

Parallèlement, le nombre de postes d’internes de médecine générale offerts est passé de 46 % de l’ensemble des postes ouverts en 2004 à 53 % en 2010. J’ajoute que 49 % des étudiants de deuxième cycle ont suivi un stage d’externat de médecine générale en 2010.

L’amélioration des conditions d’exercice des professionnels constitue une mesure incitative importante pour renforcer l’attractivité de l’exercice libéral.

Ainsi, les modalités d’exercice médical ont été assouplies par différents dispositifs, tels que l’exercice médical en cabinet secondaire ou le concours d’un médecin collaborateur libéral ou d’un étudiant en médecine.

La mise en place de structures d’exercice coordonné répond également au souhait des professionnels d’un cadre d’exercice rénové, qui optimise le temps médical et évite l’isolement ; vous êtes nombreux à avoir souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, que les médecins souhaitaient se regrouper et pratiquer leur activité à plusieurs. Un tel cadre d’exercice est plus attractif pour les jeunes professionnels et contribue à pérenniser l’offre de santé sur le territoire. Le regroupement des professionnels constitue en outre l’une des réponses adaptées aux besoins de santé de la population et à l’amélioration de la qualité des soins – parcours des patients, continuité des soins et qualité des prises en charge.

Les structures d’exercice regroupé revêtent plusieurs formes et offrent une réponse adaptée aux attentes des professionnels qui les composent, du cabinet de groupe à la maison de santé pluridisciplinaire, en passant par les pôles de santé.

Enfin, les incitations financières demeurent. Par exemple, les médecins exerçant en zone déficitaire perçoivent, comme cela a été souligné au cours de ce débat, des honoraires majorés de 20 %, ce qui constitue une aide à l’installation.

À l'échelle régionale, la stratégie d’organisation des soins ambulatoires est déterminée au sein du volet ambulatoire du schéma régional d’organisation des soins.

Une méthode a été proposée aux agences régionales de santé pour construire une offre de soins ambulatoires visible et organisée de façon à assurer l’accès aux soins, la continuité des prises en charge ainsi que la qualité et la coordination des soins. Il s’agit également de répondre aux aspirations des professionnels de santé, qui souhaitent un exercice moins isolé, une optimisation du temps médical, un assouplissement et un allégement de la pratique au quotidien.

L’objectif visé est de réduire les disparités géographiques et de consolider l’offre existante dans les secteurs fragilisés.

La méthode d’élaboration du volet ambulatoire du SROS associe les professionnels de santé. Ainsi, dans les territoires, c’est avec eux que les agences régionales de santé non seulement construiront une vision partagée du diagnostic mais aussi dégageront des axes d’amélioration et apporteront un soutien à ces acteurs porteurs de projets.

Cette dynamique d’élaboration et la contribution des professionnels de santé sont autant de gages de la réussite du projet et de la définition de réponses adaptées aux besoins des territoires.

Je voudrais d'ailleurs remercier Mme Goulet d’avoir évoqué le travail, qui est excellent, il faut le dire, du directeur de l’ARS de la région dont elle est l’élue. Ce dernier s’efforce d’élaborer un schéma d’offre de soins qui réponde le mieux possible aux besoins et aux spécificités territoriales.

Mme Nathalie Goulet. Il fait ce qu’il peut avec les moyens dont il dispose !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je veux maintenant évoquer les perspectives qui s’ouvrent devant nous et les actions que nous mènerons afin de lutter contre les déserts médicaux.

Vous l’avez tous souligné : nous disposons désormais des réflexions de Mme Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité.

Avec Xavier Bertrand, je déclinerai les principales mesures proposées par Élisabeth Hubert dans son rapport remis le mois dernier au Président de la République, mesures qui méritent d’être appliquées.

Monsieur Béteille, vous avez tout à l'heure évoqué le problème de la charge administrative des médecins libéraux. À cet égard, nous mettrons en œuvre, dans les prochains jours, des mesures de simplification administrative.

M. Charles Revet. Très bien. C’est un travail qu’il faut faire.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il faut en effet rendre du temps médical aux praticiens libéraux, qui souffrent de nombreuses tracasseries administratives.

Le temps médical est précieux.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il faut le libérer au maximum, car c’est le patient qui en sera le principal bénéficiaire.

Le lancement du dossier médical personnel, le DMP, permettra également, à terme, de gagner du temps médical et d’améliorer le suivi du parcours de soins du patient. Élisabeth Hubert insiste d’ailleurs tout particulièrement sur l’amélioration des systèmes d’information.

Par ailleurs, les données démographiques conjuguées aux progrès techniques et aux évolutions des métiers de la santé conduisent à développer une meilleure coopération entre les professionnels médicaux et paramédicaux.

Les coopérations entre les professionnels de santé favorisent également une meilleure organisation de la prise en charge du patient et permettent de dégager du temps médical. Elles seront facilitées par les nouveaux modes d’exercice regroupés et coordonnés, notamment au sein des maisons de santé.

Bien entendu, pour accompagner l’émergence de ces nouvelles modalités d’exercice et d’organisation des professionnels de santé libéraux, les modes de rémunération doivent être adaptés. Pour valoriser certaines missions comme la prévention, le suivi de pathologies chroniques, l’éducation thérapeutique ou encore la coordination, des expérimentations sont en cours en ce qui concerne les nouveaux modes de rémunération, même si le paiement à l’acte reste au cœur du dispositif, car il constitue l’essence de l’exercice libéral.

Enfin, le service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé prévu par l’article 118 de la loi HPST sera mis en place par les ARS au plus tard en juillet 2011. En effet, les étudiants ou les internes manquent d’information sur les conditions d’exercice en libéral et les aides à l’installation existantes et ils éprouvent des difficultés à identifier le bon interlocuteur. Les professionnels de santé qui s’installent ou qui ont un projet de regroupement font également l’expérience d’une offre de service à l’installation éclatée entre de nombreux acteurs et variable selon les régions.

L’objectif de la mise en place de ce service unique est de mobiliser les acteurs institutionnels du premier recours et de coordonner leurs activités à destination des professionnels de santé libéraux. On voit bien qu’il est nécessaire de mettre en place une porte d’entrée unique, et non plus une usine à gaz, pour faciliter l’installation des médecins.

M. Fourcade, dont je salue la présence, a d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à améliorer certaines dispositions de la loi HPST, notamment en ce qui concerne la structure juridique des maisons pluridisciplinaires de santé, et je l’en remercie.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, la démographie médicale et paramédicale constitue pour moi, comme pour Xavier Bertrand, une priorité. Les Français ont besoin d’une médecine de qualité accessible partout sur le territoire.

Pour cela, il n’y a pas de méthode miracle : il faut conjuguer plusieurs mesures qui, par leur complémentarité et leur diversité, ont pour ambition de répondre aux enjeux de la démographie médicale.

Ces mesures, nous les mettrons en œuvre dans les semaines et les mois à venir, conformément à l’engagement pris par le Président de la République. Je sais que, en la matière, nous avons le soutien des élus de terrain, qui constatent au quotidien les difficultés rencontrées par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la désertification médicale.

7

Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

-M. Ambroise Dupont membre titulaire et M. Ivan Renar membre suppléant du Haut conseil des musées de France ;

-M. Philippe Nachbar membre suppléant de la Commission du Fonds national pour l’archéologie préventive.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 janvier 2011 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

De quatorze heures trente à seize heures quarante-cinq :

2. Débat sur des questions de politique étrangère.

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur « Outre-mer et Europe ».

À dix-huit heures et le soir :

4. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 195, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 214, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 215, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART