M. le président. Le sous-amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Amendement n° 4, alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

à la seconde phrase du

par le mot :

au

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Lors de l’examen de cette proposition de loi en commission, le rapporteur et l’auteur du texte ont expliqué à notre collègue Odette Terrade que, sans être opposés sur le fond à l’amendement que nous déposions, celui-ci présentait l’inconvénient majeur de rallonger de six mois les délais de révision du SDRIF. Si nous comprenons cet argument, nous ne pouvons l’admettre. D’ailleurs, le fait que le rapporteur ait lui-même déposé un amendement sur la question montre bien que la rédaction initiale du texte posait problème.

Je vais donc réexposer cet amendement, devenu un sous-amendement.

Si nous souhaitons ardemment l’entrée en vigueur du SDRIF, qui, je le rappelle, aurait dû être mis en œuvre depuis bien longtemps, nous estimons, pour autant, que la révision prévue par cette proposition de loi ne peut faire l’impasse sur la procédure légale de consultation et de collecte des avis, telle qu’elle est prévue à l’article L. 141-1 du code de l’urbanisme.

Nous pensons que l’amendement du rapporteur va dans le bon sens, sans pour autant considérer, comme cela a été dit en commission, qu’il satisfaisait le nôtre.

Ainsi, nous restons attachés à ce que les conseils généraux, les chambres consulaires ainsi que le conseil économique, social et environnemental de la région puissent émettre des propositions lors de l’élaboration du SDRIF, et pas simplement formuler un avis une fois celui-ci mis au point. Lors de la procédure de révision engagée en 2005, le conseil économique, social et environnemental régional ne s’était d’ailleurs pas privé d’user de cette faculté et avait émis trois avis : deux en 2006 et un en 2007.

En outre, nous estimons que le SDRIF aurait besoin d’une révision d’ampleur, puisque, pour reprendre les termes très clairs utilisés par le Conseil d’État pour justifier son avis négatif rendu en octobre 2010, « la loi relative au Grand Paris affecte la cohérence interne du SDRIF ». Ainsi, nous voyons bien que si nous nous bornons à insérer dans ce document les mesures relatives au Grand Paris, nous lui ferons perdre une partie de sa cohérence et de son sens.

Nous estimons que les enjeux, en termes de développement de la région capitale, sont trop importants pour que l’on ne respecte pas le cadre légal de procédure de révision du SDRIF, simplement pour gagner quelques mois, d’autant que ce projet du Grand Paris façonne l’avenir de la région capitale à l’horizon de 2025 !

C’est après avoir pesé le pour et le contre que nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter ce sous-amendement. Si tel devait ne pas être le cas, nous nous replierions sur l’amendement n° 9, dont l’objet est analogue.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

au septième alinéa

par les mots :

aux sixième et septième alinéas

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La procédure de révision du SDRIF lancée en 2005 a donné lieu à une concertation très approfondie, avec de nombreuses réunions, des états généraux et des forums. La plupart des personnes publiques associées à cette concertation ont rendu leur avis, qui ne doit pas avoir changé depuis, comme l’a dit Mme Voynet.

Si nous entendons tenir l’échéance de 2013, il n’est pas possible de répéter cette procédure. D’ailleurs, les collectivités territoriales ne sont pas disposées à relancer une concertation qui n’a été close que très récemment. Je partage entièrement l’avis de Mme Voynet sur ce point.

M. Jean Desessard. Elle est vraiment devenue la référence !

M. Dominique Braye, rapporteur. Multiplier les réunions peut convenir à certains, mais d’autres ont mieux à faire !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Parler aux citoyens, ce n’est jamais superflu !

M. Dominique Braye, rapporteur. Les citoyens ont été entendus, nous n’allons pas recommencer pour le plaisir !

Les conseils généraux pourront donner leur avis avant l’adoption du document, et il sera naturellement pris en compte. Je vous suggère donc de retirer votre sous-amendement et votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. L’amendement n° 4 tend à instaurer une procédure dérogatoire et simplifiée pour cette révision du SDRIF, conformément au souhait tant de la région que des services de l’État.

À cette fin, la proposition de loi supprime la phase formelle de consultation des conseils généraux, du conseil économique, social et environnemental régional et des chambres consulaires, leurs avis ayant déjà été recueillis lors de l’élaboration du SDRIF de 2008. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, cela va dans le sens des propos qu’avait tenus Mme Voynet lors de l’audition organisée le 22 mars dernier par la commission de l’économie et la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris.

M. Jean Desessard. Décidément, c’est la star !

M. Maurice Leroy, ministre. C’est pourquoi je ne peux souscrire au sous-amendement n° 10, qui tend à réintroduire cette phase de consultation. Sincèrement, je ne pense pas qu’il réponde aux préoccupations de l’ensemble des collectivités territoriales, un très large débat ayant déjà eu lieu. Celles-ci attendent désormais que les projets soient mis en œuvre. (Mme Éliane Assassi manifeste sa désapprobation.) Parlez-en à M. le président du conseil général du Val-de-Marne, madame la sénatrice, et vous verrez ce qu’il en pense !

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des législateurs, pas des présidents de conseil général !

M. Dominique Braye, rapporteur. Le Sénat représente les collectivités territoriales !

M. Maurice Leroy, ministre. L’avis des collectivités territoriales concernées est néanmoins requis dans le délai de deux mois. La procédure ainsi adaptée s’inscrit bien dans la continuité de la précédente procédure de révision.

J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 10, ainsi que sur l’amendement n° 9, et un avis très favorable sur l’amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 10.

M. Laurent Béteille. Je partage en partie les préoccupations de nos collègues du groupe CRC-SPG. Je ne voterai cependant pas ce sous-amendement, compte tenu des contraintes de délais qui s’imposent à nous.

En tout état de cause, nous ne sommes pas là pour valider législativement le projet de SDRIF adopté en 2008 par la région : le futur SDRIF sera nécessairement différent.

M. Jean-Pierre Caffet. Il fallait peut-être conserver le SDRIF de 1994 !

M. Laurent Béteille. Par conséquent, les collectivités territoriales doivent pouvoir s’exprimer, notamment les communes, comme je le disais lors de la discussion générale.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Laurent Béteille. En effet, ce sont elles qui sont compétentes en matière d’urbanisme, et le SDRIF de 2008 comporte un certain nombre de « scories » dues au fait que, si la concertation a certes été très étendue, elle a quelque peu négligé les communes. Je souhaite donc vivement que l’on recueille leur avis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je souhaite rappeler qu’il n’a jamais été question de consulter les communes. Il s’agit exclusivement ici de la consultation des conseils généraux, du conseil économique, social et environnemental régional et des chambres consulaires. Les communes ne sont pas visées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. La rédaction initiale, qui ne visait que le septième alinéa de l’article L. 141-1 du code de l’urbanisme, privait les conseils généraux de toute intervention dans la procédure.

Si nous suivions la proposition de nos collègues du groupe CRC-SPG, la procédure deviendrait beaucoup trop longue et l’échéance de la fin de 2013 ne pourrait être tenue.

Le compromis trouvé par la commission, qui prévoit d’accorder un délai de deux mois aux conseils généraux pour donner leur avis, me paraît acceptable. Je suivrai donc l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 10.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 9 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article unique, modifié.

M. Jean Desessard. Les sénateurs Verts s’abstiennent.

(L’article unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Ile-de-France
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article unique

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Paul, est ainsi libellé :

Après l’article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l’article L. 642-8 du code du patrimoine, les mots : « en cours de révision » sont remplacés par les mots : « en cours d’élaboration ou de révision ».

La parole est à M. Philippe Paul.

M. Philippe Paul. Ce problème concerne, au-delà de l’Île-de-France, d’autres points du territoire national, notamment Douarnenez, ville dont je suis le maire.

Mme Nicole Bricq. Le cavalier a réussi à sauter la haie !

M. Philippe Paul. L’article 28 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a modifié le code du patrimoine pour instituer des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, ou AVAP, destinées à remplacer les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou ZPPAUP.

L’article L. 642-8 du code du patrimoine prévoit que les dossiers des ZPPAUP « en cours de révision » sont instruits conformément à la nouvelle procédure lorsqu’elles n’ont pas encore fait l’objet d’une enquête publique. Cette disposition permet d’approuver immédiatement la révision dès lors que cette enquête a été réalisée.

En revanche, le cas des ZPPAUP en cours d’élaboration qui ont été soumises à enquête publique avant la publication de la loi a été involontairement omis par le législateur. Or les ZPPAUP sont créées au terme de procédures souvent étalées sur plusieurs années, et il est essentiel que les collectivités concernées puissent mettre en œuvre des projets résultant de longues démarches de concertation, comprenant notamment une enquête publique, sans avoir à entamer une nouvelle procédure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui permet de réparer un oubli de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II.

L’entrée en vigueur de la loi Grenelle II a permis aux collectivités comptant une ZPPAUP « en cours de révision » de ne pas recommencer toute la procédure, mais nous avions oublié le cas des ZPPAUP « en cours d’élaboration ».

Je rappelle à nos collègues socialistes que, lors de la discussion de ce projet de loi, en tant que rapporteur, j’avais accueilli favorablement un amendement similaire de M. Ries concernant les plans locaux d’urbanisme : au-delà des problèmes de forme, il m’avait paru important de ne pas imposer à certaines collectivités de recommencer entièrement les procédures d’élaboration de leurs documents d’urbanisme.

Nous nous trouvons en l’espèce dans une situation identique, c’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Il s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article unique.

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l’article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Ile-de-France
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Indéniablement, la discussion de cette proposition de loi de nos collègues socialistes a été intéressante. Elle était même nécessaire, pour plusieurs raisons.

Premièrement, cela nous a permis de revenir sur l’historique de l’élaboration du SDRIF, qui, après une phase de concertation extrêmement large entre 2005 et 2008, a fait l’objet d’un blocage inqualifiable de la part du Président de la République, jusqu’à l’adoption de la loi relative au Grand Paris. Aujourd’hui, comme si c’était un acquis du protocole d’accord, la majorité concède qu’il faut trouver une solution pour que le SDRIF de 2008 s’applique. Il serait temps !

Deuxièmement, nous sentons bien, derrière ce débat, tout l’enjeu du protocole d’accord, qui peut être sujet à des interprétations différentes, voire divergentes, comme en témoignent notamment tous les échanges sur la compatibilité entre les documents locaux et le SDRIF de 2008, afin d’établir s’il s’agit ou non d’un impératif.

Ainsi, pour résumer, l’avancée permise par cette proposition de loi consisterait en la faculté, pour les collectivités qui le souhaitent, de réviser leurs documents d’urbanisme en fonction du SDRIF de 2008, à condition de ne prendre en considération que les parties du SDRIF compatibles avec la loi relative au Grand Paris, cette révision ne devant pas avoir pour objet, en outre, de faire obstacle à la mise en œuvre d’un contrat de développement territorial.

Nous sommes donc bien dans le cadre d’une application limitative du SDRIF de 2008. C’est mieux que rien, nous dira-t-on ! Certes, mais je ne peux m’empêcher de penser que les choses auraient tout de même été bien plus simples si le SDRIF de 2008 avait été transmis au Conseil d’État en temps et en heure. Aujourd’hui, sa révision serait rendue obligatoire par l’adoption de la loi relative au Grand Paris, et nous ne serions pas obligés de « bricoler » dans la hâte des dispositifs législatifs qui, comme le souligne le rapporteur, ne peuvent perdurer trop longtemps !

Troisièmement, nous savons bien qu’en toile de fond de ces débats reste la mise en œuvre de la loi relative au Grand Paris, pour ce qui concerne son volet relatif aux transports, mais aussi, ne l’oublions pas, son volet concernant l’aménagement.

Si des avancées indéniables s’agissant du réseau de transport ont été obtenues grâce au débat public, la question de l’aménagement reste problématique, comme le rappelait ma collègue Éliane Assassi, notamment en ce qui concerne le périmètre de 400 mètres autour des gares.

La position des sénateurs du groupe CRC-SPG n’a pas changé depuis l’année dernière : nous sommes contre la vision métropolitaine qui sous-tend la loi relative au Grand Paris. Loin de répondre aux défis d’un aménagement solidaire, celle-ci va engendrer ségrégation sociale et éloignement du centre des populations les moins favorisées. Cela ne correspond pas à notre vision d’un aménagement équilibré du territoire, d’une métropole de progrès.

De plus, nous restons convaincus que l’État devrait s’engager dans le financement immédiat des infrastructures, mais aussi dans la réalisation des aménagements rendus nécessaires et possibles par ces nouveaux réseaux de transport. Cela constituerait un point d’appui permettant de répondre aux enjeux urbains actuels.

Vous l’aurez compris, les sénateurs de mon groupe sont attachés à permettre enfin l’émergence du SDRIF de 2008. Pour autant, ils ne renient nullement leur analyse de ce projet du Grand Paris qui s’inscrit dans la volonté de l’Élysée, dans le droit fil du volet relatif à l’urbanisme de la loi Grenelle II et d’une recentralisation active de l’aménagement du territoire, dans une conception libérale de mise en concurrence des territoires et des populations qui y vivent.

Je conclurai en regrettant que notre amendement portant sur le respect des consultations relatives à la révision du SDRIF prévues par le code de l’urbanisme n’ait pas été adopté.

Si nous entendons vos arguments concernant la nécessité d’adopter rapidement un SDRIF qui puisse faire l’objet d’un avis favorable du Conseil d’État et entrer en vigueur, nous maintenons que cet impératif ne doit pas conduire à en rabattre sur les consultations obligatoires, notamment sur la prise en compte des propositions du conseil économique, social et environnemental régional, le CESER, qui a adopté un avis fort intéressant sur les territoires interrégionaux et ruraux.

Ce document souligne que « les pouvoirs publics en se concentrant sur la zone agglomérée et ses extensions possibles conduisent certains élus et acteurs économiques […] et les populations […] à partager le sentiment d’être délaissées. […] Cette situation […] augmente les déséquilibres sociaux et territoriaux déjà constatés en Île-de-France et en crée de nouveaux. »

Ce rapport indique très clairement que le projet du Grand Paris induit une nouvelle donne et perturbe très fortement la cohésion régionale, en laissant sur le bord du chemin 1,2 million d’habitants de la région francilienne qui vont pourtant tout de même contribuer, par le biais de la taxe spéciale d’équipement, au financement de la double boucle. Ils subiront donc en quelque sorte la double peine !

Cette révision du SDRIF devrait notamment conduire, comme le préconise ce rapport du CESER, à repenser le développement de ces territoires et à conforter les activités agricoles et industrielles.

Pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, mon groupe s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation ubuesque, l’aménagement du territoire de l’Île-de-France, la région capitale, étant régi par un texte vieux de dix-sept ans !

Pourquoi un tel retard ? Après quatre ans de travaux, dans lesquels les écologistes se sont particulièrement impliqués, la région d’Île-de-France a adopté en 2008 un schéma directeur tourné vers l’avenir, à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux de la métropole du xxie siècle.

Malheureusement, le Président de la République a décrété, au mépris de la décentralisation et de l’esprit de la loi, qui accorde cette prérogative à la région, que lui seul avait une vision pour le développement de l’Île-de-France et que celle-ci était incapable de décider de son avenir. La consultation –factice – de dix grands architectes urbanistes, qui se sont eux-mêmes émus d’avoir été instrumentalisés, n’a pas donné au projet le crédit que l’on aurait pu malgré tout espérer.

Le Gouvernement a donc logiquement bloqué le parcours juridique du SDRIF, dans le même temps qu’il faisait voter une loi, dite « relative au Grand Paris », qui entérinait le projet, opposé à celui de la région, arrêté solitairement par le Président de la République.

Lorsque le Gouvernement a ensuite transmis le schéma directeur au Conseil d’État, celui-ci n’a bien sûr pu que constater qu’il était contradictoire avec la loi, et donc émettre un avis défavorable.

C’est ainsi que l’aménagement de l’Île-de-France est aujourd’hui toujours régi par un texte de 1994, qui bloque la mise en œuvre de nombreux projets indispensables au développement des collectivités territoriales et de la région elle-même. Bel exploit !

La proposition de loi initiale, dans la mesure où elle prévoyait l’application immédiate des dispositions du SDRIF non contradictoires avec la loi, représentait un petit pas en avant. Pour autant, l’accord intervenu le 26 janvier entre l’État et la région laisse en suspens des questions cruciales : le tracé du nouveau réseau de métro ignore largement la desserte des bassins de vie et des zones enclavées, notamment à l’est de Paris ; rien n’est prévu pour protéger le plateau de Saclay, qui concentre les terres les plus fertiles d’Île-de-France, d’une urbanisation anarchique ; la région et les élus locaux sont dessaisis de leurs prérogatives en matière de transports au profit de la Société du Grand Paris, à la main de l’État ; enfin, le financement de ce projet pharaonique comporte encore de trop nombreuses zones d’ombre !

En conclusion, je regrette qu’un amendement adopté aujourd’hui permette des constructions ou des aménagements conformes au SDRIF de 1994 ou au SDRIF de 2008. On pourrait penser que cela offre deux protections au lieu d’une, mais, au contraire, cela multiplie les possibilités, puisque ce qui est interdit par l’un peut être autorisé par l’autre.

Nous craignons donc que ne se multiplient les atteintes aux zones naturelles, agricoles et forestières. Alors que nous jugions que cette proposition de loi marquait une petite avancée, nous redoutons un recul environnemental du fait de l’adoption de cet amendement. C’est pourquoi les écologistes s’abstiendront.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Je m’exprimerai plus particulièrement au nom des sénateurs du Parti de gauche.

Si nous soutenons la mise en œuvre du schéma directeur de la région Île-de-France adopté par le conseil régional en 2008 et bloqué pendant deux ans par le Gouvernement, nous n’entendons pas passer sous silence les méthodes utilisées tant par le Gouvernement que par le président du conseil régional, M. Huchon. Alors que ce dernier s’était présenté devant les électeurs en faisant campagne contre le Grand Paris, il a tout de même signé un protocole d’accord qui entérine l’existence même de la Société du Grand Paris, bafouant ainsi l’assemblée régionale, qui s’était exprimée le 16 décembre sur les conditions d’une concertation.

C’est là non seulement une renonciation, mais aussi l’expression d’un mépris à l’encontre des Franciliens et de leurs associations, ainsi que des règles démocratiques. Ce protocole d’accord sera, pour les habitants de la région d’Île-de-France, au mieux sans effet, au pire très coûteux.

En le signant, le président Huchon a validé la loi votée le 3 juin 2010, instaurant une Société du Grand Paris chargée de transformer Paris et sa région pour en faire une ville-monde, notamment en développant des modes de transport à grande vitesse entre les grands centres financiers régionaux. Il accepte de voir la région dépossédée de ses prérogatives en matière d’aménagement, alors qu’elle a la charge d’élaborer le SDRIF. Il entérine également le dessaisissement du STIF de la maîtrise de la politique régionale des transports, désormais dévolue à la Société du Grand Paris.

C’est ainsi une privatisation des compétences des collectivités en matière d’aménagement au profit de grands groupes économiques qui est validée. De plus, comme si cela ne suffisait pas, M. Huchon accepte que, pour financer cette forfaiture, l’État se serve dans les caisses de la région !

M. Maurice Leroy, ministre. Quelle modération !

Mme Marie-Agnès Labarre. L’argent est l’argument choc du projet : avec autant de milliards, tous les problèmes seront résolus, les trains seront à l’heure, le réseau existant pourra être rénové et la rocade de métro de banlieue à banlieue réalisée !

En 2008, suite à la décentralisation du STIF, son conseil d’administration a voté un plan de mobilisation des transports qui avait pour objectif de répondre aux urgences, vu les retards d’investissement en matière de modernisation du réseau, d’accélérer significativement l’achèvement des projets en cours et d’engager la réalisation des grands projets Éole, à l’ouest, et Arc Express.

Il était prévu que 12 milliards d’euros seraient à la charge des collectivités, l’État apportant une participation de 5,8 milliards d’euros.

Deux ans après, les collectivités ont engagé près de 13 milliards d’euros, tandis que le Gouvernement dit être disposé à verser 3 milliards d’euros… La directrice du STIF confirme elle-même qu’il manque 3,6 milliards d’euros pour boucler le plan de financement.

Certes, pour financer ce métro en rocade, sont prévus des taxes et impôts affectés à la Société du Grand Paris. Mais les 6,5 milliards d’euros de recettes attendus entre 2011 et 2025 seront loin de financer la réalisation du métro, dont le coût est estimé à 22,7 milliards d’euros.

Non seulement le financement n’est pas garanti, mais comme le protocole d’accord ne prévoit aucun phasage des travaux, c’est la seule Société du Grand Paris qui choisira les priorités ; amis et redevables du Président de la République auront à cœur de le satisfaire en mettant en œuvre le Grand Huit, au détriment de tous les autres projets.

Toute infrastructure nouvelle engendre des dépenses de fonctionnement nouvelles. Le coût d’exploitation supplémentaire annuel lié au Grand Paris est évalué à 1,2 milliard d’euros. De quelque manière que l’on effectue les calculs, en ajoutant les recettes attendues, il manque toujours 400 millions d’euros par an.

Pendant que l’on se demande, à juste titre, comment financer le fonctionnement, certains se préparent à jouer aux petits spéculateurs, notamment sur l’aménagement des terrains : 50 hectares autour de chacune des gares. Ces terrains, dont la gestion est confiée à la SGP, seront autant de chevaux de Troie de la spéculation qui va, dans les villes, alimenter la bulle immobilière et contribuer à réserver les logements aux plus nantis. À partir de ces quelques terrains bien placés, on développe le modèle de la loi de la jungle et un projet de ségrégation urbaine pour garantir aux promoteurs immobiliers des profits indécents. Les terrains autour des gares vont se transformer en terrains de jeu pour riches spéculateurs et contribuer à l’explosion des inégalités.

C’est pour toutes ces raisons que les élus du Parti de gauche et alternatifs au conseil régional d’Île-de-France se sont opposés au protocole d’accord. Bien que nous soyons favorables à l’adoption du SDRIF, ainsi qu’à sa révision, les sénateurs du Parti de gauche s’abstiendront sur cette proposition de loi, dont l’adoption revient à avaliser le projet du Grand Paris.

Par ailleurs, on peut regretter les arrangements entre l’exécutif de la région et le Gouvernement. Ce sont ces manquements à la parole donnée qui font le jeu de l’abstention ou, pire, du Front national.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Je voudrais d’abord saluer l’excellent travail effectué par Nicole Bricq et par M. le rapporteur. C’est l’occasion de souligner l’importance de l’initiative parlementaire, qui doit trouver toute sa place au sein de notre assemblée.

L’accord qui se dégage sur ce texte met en lumière la nécessité d’une réelle cohérence de l’organisation du territoire de l’Île-de-France. La raison l’a emporté pour sortir d’un blocage vieux déjà de trois ans sur le SDRIF de 2008. En effet, la réalisation de nombreux projets des collectivités locales se trouve empêchée, comme l’a relevé M. Braye, par exemple ceux de Boinville-le-Gaillard et de La Minière, dans les Yvelines, que lui et moi connaissons bien.

La mise en œuvre de la loi du 3 juin 2010 exigeait donc un dispositif transitoire. Nous y arrivons avec cette proposition de loi, chacun y ayant mis du sien. C’est une issue heureuse qui, pour autant, ne vaut pas validation globale de la loi relative au Grand Paris.

Si ce texte permettra d’engager la réalisation des projets en matière de transports, sous réserve bien sûr de mobiliser les financements nécessaires et de définir clairement et rapidement le partage de la maîtrise d’ouvrage, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre, hier et aujourd’hui encore,…