Article 5 ter (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 5 quater

Article additionnel après l'article 5 ter

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 5 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 1112-1 du code de la santé publique mettent à la disposition des associations qui promeuvent le don de vie des locaux leur permettant de rencontrer, à leur initiative, les personnes hospitalisées ou leurs proches.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Devant la pénurie de greffons disponibles, il faut encourager le don d’organes. Cela passe par l’information continue, quotidienne, régulière : il s’agit d’une œuvre de longue haleine.

En effet, si le don d’organes est organisé en France selon le principe du consentement implicite, l’opposition fréquente des familles au prélèvement réduit notablement les possibilités d’obtenir des greffons.

Fondamentalement, le dispositif du projet de loi nous satisfait, mais tout ce qui peut concourir à faire entrer dans les familles le débat sur le don d’organes est bienvenu. À ce titre, il faut que les pouvoirs publics communiquent plus et mieux. Chacun d’entre nous doit pouvoir prendre position.

Nous savons que le refus du prélèvement d’organes, souvent d’origine familiale, est dû en fait à une méconnaissance de la volonté réelle de la personne. Ouvrir le débat dans les familles, c’est garantir une baisse du taux de refus de prélèvement d’organes.

Ainsi, l’Espagne, après avoir mené pendant vingt ans une politique volontariste exemplaire en la matière, a enregistré en 2010 un taux de refus de prélèvement inférieur à 16 %, tandis que ce même taux stagne à 30 % dans notre pays. J’ai pris bonne note de l’existence d’une incitation financière chez nos voisins, évoquée tout à l'heure par M. le rapporteur.

Cela prouve, s’il en était besoin, que la population française est bien plus nettement favorable au don d’organes que ne semble l’indiquer ce taux de refus de 30 %, eu égard à notre proximité culturelle avec les Espagnols. L’Espagne, qui était encore sous la coupe de l’Église catholique voilà trente ans, est aujourd’hui en avance sur nombre de questions de société.

Nous proposons de compléter le dispositif du projet de loi en vue de mettre à la disposition des associations promouvant le don de vie des locaux au sein des établissements de santé. Cela permettrait aux patients qui le souhaitent, ou même à leurs proches, de dialoguer avec une personne qui, bien que n’étant pas forcément issue du milieu médical, pourrait les aider à prendre leur décision en leur âme et conscience, après avoir reçu toutes les informations nécessaires. Cela participerait de cette volonté d’ouvrir le débat sur le don d’organes.

Dans le cadre d’une politique d’ensemble visant, pour sauver des vies, à développer le don d’organes et à faire baisser le taux de refus de prélèvement, suivons l’exemple de l’Espagne. Il est nécessaire d’organiser des campagnes d’information régulières, d’accompagner les malades, afin que chacun fasse part de sa volonté profonde à ses proches.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est satisfait par la pratique actuelle, un local étant déjà mis à disposition des associations au sein des hôpitaux. La commission sollicite donc son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est défavorable.

En fait, rien n’interdit aux établissements de santé de mettre des locaux à la disposition des associations qui promeuvent le don de vie pour leur permettre de rencontrer les patients ou leur famille.

En instaurant une obligation de caractère générique sans adaptation particulière, cet amendement tend à créer une nouvelle charge non compensée pour les établissements de santé. Il nous semble difficile d’imposer à ces derniers une telle obligation, susceptible d’être étendue à toutes les associations œuvrant dans le domaine de la santé.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Je voterai contre cet amendement, mais je reconnais qu’il soulève un vrai problème.

Certes, madame la secrétaire d'État, cette question relève certainement du règlement intérieur des hôpitaux. Pour autant, nous vous demandons d’insister auprès de ces derniers pour qu’ils mettent à disposition des associations des locaux permettant d’accueillir dignement des personnes en deuil. Il est important que toutes les informations utiles puissent être données aux familles dans de bonnes conditions, afin que celles-ci soient en mesure de prendre dans le calme et la sérénité une décision très difficile. Comme le soulignait très justement M. Godefroy, même si le défunt avait de son vivant fait part de son consentement au don d’organes, les médecins ne vont jamais à l’encontre de la volonté de la famille. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je voudrais remercier M. Fischer d’avoir repris mon amendement, mais je me suis finalement rangée à l’avis de M. le rapporteur. Outre que cette question relève sans doute du domaine réglementaire, il revient au conseil d’administration de chaque centre hospitalier universitaire de mettre en place une politique volontariste en matière d’accueil, car la parole doit circuler au sein de l’hôpital. Le don d’organes et les problématiques associées ne doivent pas être abordés que sous le seul angle quantitatif.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je n’ai pas repris l’amendement de Mme Hermange : j’en ai déposé un de ma propre initiative ! (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. Pour une fois que vous êtes d’accord !

M. Guy Fischer. Il s’agit là de décisions très difficiles, que les familles doivent prendre alors qu’elles sont plongées dans le deuil et la détresse. Cependant, la qualité des lieux d’accueil importe également quand un médecin doit annoncer une maladie très grave. C’est un moment très difficile à surmonter pour le patient et sa famille, qui doivent pouvoir échanger avec l’équipe médicale dans de bonnes conditions. On sait que, malheureusement, quand on entre dans certains établissements spécialisés dans le traitement des cancers – je pense par exemple à l’hôpital privé Jean-Mermoz, à Lyon –, c’est souvent la vie qui est en jeu.

Il convient donc d’aller vers une humanisation de l’hôpital. Or, dans le même temps, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la suppression de 20 000 lits. On assiste à une concentration des services et des établissements de santé, qui a des conséquences dramatiques. Dans le monde rural, les petits hôpitaux de proximité traversent une période douloureuse. Il faut le souligner ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous avez tout à fait raison, madame Debré, d’insister sur la nécessité d’accueillir dignement les familles. L’hôpital doit en effet avoir à cœur d’améliorer la relation avec les usagers. J’entends bien prolonger, dans mes fonctions actuelles, la politique très proactive de « bien-traitance » que j’avais pu conduire lorsque j’étais secrétaire d’État chargée des aînés.

M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question très importante de l’amélioration de l’accueil des familles dans les hôpitaux, sachant qu’un chantier est en cours.

M. Guy Fischer. Lequel ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est très vague !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 ter
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Article additionnel après l'article 5 quater (début)

Article 5 quater

La Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe prend le nom de « Journée nationale de réflexion sur le don d’organe et la greffe et de reconnaissance envers les donneurs ».

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. À ceux qui s’interrogeraient encore sur l’utilité du bicamérisme, je ferai observer que la rédaction actuelle de l’article 5 quater a été avantageusement substituée, grâce à la subtilité de M. le rapporteur, dont la démarche a été identique à la nôtre, à celle qui était issue des travaux de l’Assemblée nationale et qui prévoyait d’accorder la « reconnaissance symbolique de la nation […] aux donneurs d’organes ». De notre point de vue, une telle disposition était quelque peu pompeuse, pour ne pas dire ridicule…

Toujours grâce au travail de la commission des affaires sociales du Sénat, l'article 5 quinquies, qui tendait à préciser, chose quelque peu étonnante, que la priorité serait accordée aux donneurs vivants d’organes ayant besoin d’une greffe, a ensuite été supprimé.

Il va de soi que nous nous réjouissons que ces dispositions aient été revues. Nous voterons l'article 5 quater. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quater.

(L'article 5 quater est adopté.)

Article 5 quater
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Article additionnel après l'article 5 quater (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 5 quater

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 5 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 1211-6 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 1211-6-1. – Nul ne peut être exclu du don en raison de son orientation sexuelle. »

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. En 2011, en France, un homme homosexuel en bonne santé ne peut toujours pas donner son sang, au même titre que les toxicomanes ou les hétérosexuels ayant des relations sexuelles avec un partenaire connu depuis moins de quatre mois. Est-ce normal ?

Pour vous, madame la secrétaire d'État, la réponse est « oui ». À cet égard, en affirmant que l’homosexualité est un facteur de risque au titre du VIH, vous avez suscité une vague d’indignation. Ces propos ont été ressentis comme ségrégationnistes par nombre d’associations et de personnalités homosexuelles.

M. Guy Fischer. Ils sont discriminatoires !

M. Bernard Cazeau. Pierre Bergé, vice-président de l’association Sidaction, a pour sa part jugé ces propos « insupportables » et estimé qu’il s’agissait de « discrimination ».

L’examen de cet amendement peut être l’occasion de faire un geste fort envers nos concitoyens ainsi stigmatisés. En effet, depuis 1983, les personnes homosexuelles de sexe masculin sont exclues du don du sang. Un arrêté du 12 janvier 2009 stipule que tout homme ayant eu des relations sexuelles avec un homme est interdit de don sanguin.

À ce sujet, je souhaite dissiper un malentendu. Lundi 4 avril 2011, l’Agence de la biomédecine a indiqué à l’Agence France-Presse que les hommes ayant des relations avec des hommes sont exclus du don du sang, mais non pas du don d’organes. Pourtant, la confusion existe dans la tête des responsables des établissements habilités à effectuer des prélèvements d’organes.

J’en veux pour preuve le cas de M. Frédéric Pecharman, qui avait entamé en août 2009, à Toulouse, une grève de la faim pour protester contre le refus de l’Agence de la biomédecine d’accepter un don de moelle osseuse de sa part au motif qu’il ne pouvait pas préalablement donner son sang. Auparavant, il avait annoncé son homosexualité. Ce cas n’est pas unique. D’un point de vue juridique, la décision de cet établissement n’est ni illégale ni légale : elle est les deux à la fois. Voilà un bel imbroglio !

Pour notre part, nous souhaitons adopter une position claire sur ces sujets, en interdisant toute discrimination sexuelle en matière de don. Le Portugal ou l’Italie autorisent déjà les homosexuels à faire des dons de sang et d’organes. L’orientation sexuelle ne doit pas amener à présumer des conduites à risques. Les critères de sélection des donneurs, fixés par le ministère, ne devraient donc pas écarter systématiquement les homosexuels du don de sang. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. En commission, j’avais proposé, en tant que rapporteur, un avis de sagesse sur cet amendement. La commission avait finalement rejeté celui-ci, estimant inutile la précision qu’il tendait à apporter.

Mme la secrétaire d'État précisera sans doute de nouveau dans un instant sa pensée sur ce sujet, qui semble faire polémique.

J’indique que, à titre personnel, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Du point de vue du Gouvernement, il n’y a pas lieu de légiférer sur cette question, qui relève davantage de bonnes pratiques de sécurité sanitaire que de la législation.

Il n’existe aucune contre-indication aux dons d’organes, même en cas de risque résiduel de transmission du VIH. Dans un tel cas, compte tenu de la pénurie de greffons, les avantages de procéder à un prélèvement d’organes l’emportent sur les inconvénients. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La greffe d’organe répond en effet à une nécessité médicale impérieuse, voire vitale pour la personne bénéficiaire.

S’agissant du don de sang, les contre-indications portent sur des pratiques à risques de transmission du VIH. Elles sont très nombreuses et concernent un très grand nombre de personnes, parmi lesquelles on peut citer les chirurgiens, les gynécologues-obstétriciens, ainsi que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. J’y insiste, il s’agit non pas d’une exclusion, mais d’une contre-indication. Celle-ci, qui n’existe pas dans le cadre du don d’organes, s’explique, en matière de don de sang, par le fait que le risque de transmission de maladies infectieuses est démultiplié : d’une part, le nombre de donneurs et de receveurs pour un même don est élevé ; d’autre part, à partir d’un même don peuvent être préparés des produits très divers, tels que du plasma, des plaquettes, des globules rouges.

Je renvoie la Haute Assemblée aux données épidémiologiques fournies par l’INVS : elles montrent que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ont statistiquement des comportements qui les exposent à un risque accru de transmission du VIH. Le nombre de nouvelles infections est ainsi environ 200 fois supérieur parmi eux à ce qu’il est pour la population générale de la France. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que tous les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes présentent un risque accru de transmission du VIH : il s’agit de statistiques, qu’il faut prendre en compte, pour des raisons de sécurité sanitaire, au titre des contre-indications au don de sang. Il ne s’agit surtout pas de stigmatiser quiconque, mais il convient de tenir compte d’une réalité dont les personnes en question sont les premières victimes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas une question de sexe ! Cela n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si j’ai souhaité être cosignataire de cet amendement n° 14 rectifié, c’est parce qu’il me paraît aberrant que, en 2011, la France puisse encore cautionner une telle discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Je rappellerai à mon tour, madame la secrétaire d'État, que l’annexe II de l’arrêté dit « Bachelot » du 12 janvier 2009, érige en « contre-indication » au don de sang et d’organes, sans faire de différence, la donnée suivante : « Homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme ». C’est exactement ce qui y est écrit ! À l’évidence, nos concitoyens homosexuels et bisexuels masculins sont discriminés, car exclus du don de sang et d’organes.

Je n’ai pas été convaincue par les explications que vous avez données, hier, lors la discussion générale, en tentant de revenir sur les regrettables déclarations que vous avez pu faire en commission des affaires sociales.

Non, madame la secrétaire d'État, les critères de sécurité sanitaire ne sont pas différents lorsqu’il s’agit du sang, qui est d’ailleurs un organe, ou d’un autre organe, comme la moelle osseuse. Non, l’homosexualité n’est pas un facteur de risque pour le VIH.

Ce n’est pas l’orientation sexuelle qui est en cause dans la transmission du virus, ce sont les comportements à risques.

Par ailleurs, on essaie de nous convaincre du bien-fondé de cette discrimination au motif que le taux de séropositivité serait plus important chez les homosexuels que chez les hétérosexuels.

Cependant, je me permets de vous rappeler ce que précisait, à juste titre, M. Xavier Bertrand en 2006 : il y a non pas des « groupes à risques », mais des « pratiques à risques ».

Aujourd'hui, les chiffres peuvent être mis en question, puisque plusieurs rapports montrent que les hétérosexuels sont davantage concernés par les nouvelles contaminations que les homosexuels. Le virus progresse donc plus vite chez ceux qui ne paraissent pas constituer un risque pour vous !

Rappelons également que, de nos jours, la sécurité de la transfusion sanguine est assurée à plusieurs niveaux. Elle permet d’écarter la quasi-totalité des dons contaminés.

Comment justifier une interdiction, instaurée en 1983 et qui paraît désormais totalement incompréhensible, alors que nous accusons pourtant une pénurie de dons ? Malheureusement, chaque année, vous le savez, 277 personnes décèdent du fait d’un manque de greffons.

Enfin, au-delà des indications chiffrées, je rappelle qu’en pratique un questionnaire est réalisé au moment du don. Certains citoyens peuvent tout à faire considérer que leur orientation sexuelle, qui ne regarde qu’eux, appartient au domaine de l’intimité de leur vie privée. Il est normal que des hommes ne souhaitent pas indiquer, lors du don, qu’ils ont eu des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Nous connaissons tous des hommes homosexuels qui ont donné ou donnent leur sang. L’interdiction est donc aussi discriminante qu’inefficace.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que le Sénat vote cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, j’ai bien pris note de votre déclaration faite lors de la discussion générale hier après-midi et je ne peux douter de votre sincérité.

Nous avons redéposé cet amendement parce que nous sommes persuadés que la discrimination dont font l’objet les homosexuels masculins, qui se voient refuser la possibilité de donner leur sang ou leurs organes, est parfaitement injuste et inique.

La décision prise en 1983, au nom du principe de précaution, n’a plus aucun sens, alors que l’on sait aujourd’hui pertinemment que ce n’est pas l’homosexualité qui est un facteur de risque pour le VIH, mais que ce sont les comportements qui sont à risques, chez les homosexuels comme chez les hétérosexuels.

Je le redis une fois encore, il n’y a pas de population à risques, il n’y a que des pratiques à risques. L’orientation sexuelle ne doit pas préjuger de conduites à risques et les critères de sélection des donneurs, établis par le ministère de la santé, ne devraient donc pas écarter systématiquement les homosexuels du don.

C’est précisément la fonction de l’entretien médical qui précède le don, notamment le don de sang, que de détecter les pratiques à risques et d’écarter les personnes, hétérosexuelles comme homosexuelles, dont le comportement ne garantit pas la sécurité du don. Une fois le don effectué, le sang donné est analysé pour détecter des maladies telles que l’hépatite B ou C, le paludisme ou le VIH. C’est pareil pour le don d’organes : l’entretien et les examens médicaux approfondis effectués avant un don permettent d’écarter les personnes à risques.

Nous n’ignorons pas certaines données épidémiologiques, mais nous considérons que l’exclusion des homosexuels du don, de sang notamment, est disproportionnée au regard de l’objectif d’assurer la sécurité transfusionnelle.

Dans la directive européenne de 2004, sur laquelle se fonde l’arrêté de janvier 2009 qui exclut les hommes homosexuels du don, on parle bien de comportement à risques et non d’orientation sexuelle. Depuis, cela vient d’être rappelé et vous ne l’ignorez certainement pas, des pays comme le Portugal ont ouvert le don de sang aux homosexuels, au nom de « l’égalité des critères pour tous », sans pour autant mettre en péril la sécurité transfusionnelle.

Voilà pourquoi nous pensons que les homosexuels ne devraient pas être systématiquement écartés du don.

Madame la secrétaire d'État, si, demain, je dois faire appel à un don d’organes, il me sera complètement égal que le donneur soit hétérosexuel ou homosexuel ; je lui en serai infiniment reconnaissant tout au long de ma vie. J’aimerais vous avoir convaincue, par ce court plaidoyer, de la nécessité d’ouvrir la possibilité du don à tout le monde ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Cher collègue Jean-Pierre Godefroy, quand je lis le texte, je n’y vois aucune discrimination et rien qui contredit le don d’organes au regard de l’orientation sexuelle.

Aujourd'hui, nous sommes tous égaux devant la loi. Les législateurs n’ont pas à insérer dans un texte de loi une phrase qui n’y a pas sa place. Ce sont aux médecins, et à eux seuls, de décider si tel ou tel organe est compatible, sain ou porteur d’une pathologie.

La précision proposée est superfétatoire. Je le répète, nous sommes tous égaux devant la loi, quelles que soient nos pratiques sexuelles, notre religion, notre couleur.

M. Jean-Pierre Godefroy. Relisez la circulaire !

Mme Isabelle Debré. Je ne voterai donc pas cet amendement. Pourtant, comme vous, cher Jean-Pierre Godefroy, je suis prête à accepter un don dès lors qu’il est compatible, et quelle que soit sa provenance. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – MM. Bruno Retailleau et Jean-Paul Amoudry applaudissent également.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut supprimer la circulaire !

Mme Isabelle Debré. Je parle du don d’organes !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Jean-Pierre Godefroy a raison, il faut supprimer la circulaire !

L’amendement présenté par nos collègues socialistes vise, et nous partageons ce point de vue, à mettre véritablement un terme à la discrimination que subissent les couples homosexuels masculins, écartés du don de sang et d’organes en raison même de leur orientation sexuelle.

Reconnaissons-le, nous sommes au cœur d’un débat qui nous oppose.

Mme Isabelle Debré. Non, sur le fond, nous sommes d’accord !

M. Guy Fischer. Cette situation, qui date de 1983, ne nous paraît fondée ni du point de vie scientifique ni du point de vue politique.

En janvier 2009, le ministre de la santé a pris, par voie réglementaire, deux mesures clairement destinées à accroître les dons. Il a repoussé l’âge limite du don de sang de 65 à 70 ans et fait passer de 20 à 24 le nombre de dons pouvant être réalisés annuellement. Il faut dire que les besoins sont grands.

Pourtant, aussi grands que les besoins soient, les homosexuels demeurent écartés du don, comme si leur simple orientation sexuelle devait les exclure du droit de participer, eux aussi, au geste altruiste et solidaire que constitue le don de sang ou d’organes.

Selon la logique qui prévaut dans cette discrimination – elle est en tout cas ressentie comme telle par les couples homosexuels –, les couples homosexuels masculins seraient une catégorie à risques pour ce qui est de la contamination aux maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH. Nous ne partageons pas cette analyse et considérons, comme les différents mouvements qui œuvrent aux cotés des personnes atteintes par le sida, qu’il y a non pas des groupes à risques, mais des pratiques risquées.

M. Guy Fischer. Nous voterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Sur ce sujet quelque peu délicat, je dois dire que je me sens plus proche de ce qui a été dit sur la gauche de l’hémicycle que sur la droite.

La raison en est très simple : si une telle précision n’apparaît effectivement pas nécessaire à la lecture de la loi, nous savons que le fait de ne pas l’y inscrire reviendrait à maintenir une pratique que nous devons tous désavouer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Un hétérosexuel est susceptible d’avoir des pratiques à risques, alors qu’un couple homosexuel stable n’en a aucune. L’orientation sexuelle ne doit donc absolument pas être prise en compte. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Comme l’ont dit plusieurs orateurs avant moi, ce sont les comportements qui importent. À partir du moment où nous avons conscience que le problème se pose, il nous appartient d’y répondre.

M. Christian Cointat. Même si, en théorie, un tel ajout n’est pas nécessaire, il faut le voter parce qu’il y a une attente, ne serait-ce que pour éviter aux homosexuels de se sentir discriminés.

Cela m’a fait mal d’entendre, un jour, un collègue et ami homosexuel me dire : « Que voulez-vous, on me dit que j’ai le sang impur… » C’est grave d’éprouver pareil sentiment.

Je voterai donc cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Belle franchise !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je ne pensais pas intervenir, mais je tiens à le faire, et ce dans la ligne de ce qui vient d’être excellemment dit par notre collègue Christian Cointat.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais que vous mesuriez la signification de la pratique d’exclusion que nous évoquons : actuellement, tous les homosexuels sont indignes de participer à ce qui constitue un acte de solidarité humaine.

Il y a là une flétrissure à l’encontre de la totalité de nos concitoyens homosexuels, et je comprends qu’ils la ressentent profondément.

Voilà trente ans, dans ce même hémicycle, j’ai présenté la suppression du délit d’homosexualité, introduit dans notre droit par le gouvernement de Vichy. À trois reprises, dans ce même hémicycle, le Sénat a dit non et voulu conserver cette discrimination pénale honteuse qui subsistait dans notre système juridique.

Depuis lors, heureusement, les esprits ont évolué. Mais, pour toute discrimination fondée sur l’un des qualificatifs qui figurent dans notre droit – le sexe, la race, les opinions religieuses ou philosophiques, ou l’orientation sexuelle –, il demeure cette blessure que l’on cause au fer rouge à un groupe de personnes qui ne le mérite pas.

C'est pourquoi je remercie M. Cointat de son intervention et je voterai avec enthousiasme l’amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Christian Cointat applaudit également.)