M. Gérard Collomb. Les projets de construction de stades dans la perspective de l’Euro 2016 s’inscrivent dans des catégories juridiques très différentes.

Deux stades seront réalisés en maîtrise d’ouvrage publique – ceux de Toulouse et de Saint-Etienne –, quatre seront construits en PPP, c'est-à-dire en partenariat public-privé – ceux de Lille, de Marseille, de Nice et de Bordeaux – et trois bénéficieront de la proposition de loi que vous soutenez aujourd'hui, madame la ministre, à savoir ceux de Nancy et de Lens, ainsi que le Parc des Princes.

Un projet n’est pas abordé ici, parce qu’il échappe à ces catégories : celui du stade de Lyon, qui sera financé uniquement par le club de cette ville, c'est-à-dire sans aucune intervention de fonds publics.

Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Tout simplement parce que Lyon, qui souffre peut-être du désavantage d’être une grande ville, dispose de nombreux clubs sportifs amateurs, auxquels la commune et le Grand Lyon doivent, me semble-t-il, consacrer l’essentiel de leurs efforts de financement.

En outre, les grands clubs ont la possibilité de financer sur des fonds privés ces équipements. C’est le cas, aujourd'hui, de l’Olympique lyonnais, dont les projets s’inscrivent dans le cadre de notre discussion. Ce sera le cas, demain, du club de basket de Lyon-Villeurbanne, l’ASVEL, et du LOU Rugby. Nous consacrons donc l’argent public aux clubs qui n’ont pas les moyens d’en faire autant.

C'est pourquoi nous avons monté un projet aux termes duquel l’Olympique lyonnais financera seul son stade, ce qui emportera un double avantage : la collectivité locale sera épargnée pour le présent, mais aussi pour l’avenir, alors que tel n’aurait pas été le cas avec d’autres montages. Ainsi, nous ne reportons pas sur les générations futures le coût des investissements qui sont réalisés aujourd'hui.

Quel est le rôle de la collectivité dans ce montage ? Tout simplement de faciliter les accès au stade. En l’occurrence, nous prévoyons de créer des transports en commun qui desserviront non seulement le stade, mais également l’est de l’agglomération lyonnaise dans son ensemble, une zone qui était jusque-là défavorisée. Dans cette perspective, madame la ministre, et conformément aux préconisations du rapport Séguin, nous devons prononcer au bénéfice de cet équipement une déclaration d’intérêt général.

Au travers de cet amendement, je propose donc que cette procédure ne soit pas réservée au seul Olympique lyonnais et que l’intérêt général soit déclaré pour tous les stades réalisés dans la perspective de l’Euro 2016.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très clair !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Dufaut, rapporteur. Je considère que cet amendement est dénué de portée normative.

M. Jean-Pierre Sueur. Il a une portée effective !

M. Alain Dufaut, rapporteur. Au demeurant, son objet ne précise pas ce que la déclaration d’intérêt général apporterait aux projets de rénovation de stades, notamment en matière de simplification administrative.

M. Alain Gournac. Les dispositions de cet amendement n’ont aucun intérêt !

M. Alain Dufaut, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, ministre. Premièrement, monsieur Collomb, je pense comme vous qu’il est préférable que les clubs privés construisent leurs équipements grâce à leurs propres financements, car ainsi nous pourrons consacrer l’argent public à des projets destinés aux sports pour tous, entre autres.

Deuxièmement, il ne faut pas exagérer la portée juridique de la déclaration d’intérêt général. Cette procédure, en tout cas telle qu’elle figure dans la loi votée en juillet 2009, ne permet ni de limiter ou d’accélérer les recours ni de réduire les délais d’enquête publique. En réalité, elle n’emporte pas de conséquences juridiques en matière d’urbanisme.

Troisièmement, la loi de juillet 2009 a fixé des conditions particulières à l’adoption d’une déclaration d’intérêt général. Elle exige, notamment, que soit prises en compte les particularités locales et l’avis émis, par exemple, par les conseils municipaux concernés. Au travers de cette proposition de loi relative à l’organisation de l’Euro 2016, nous ne pouvons donc pas poser d’emblée que tous les projets de stade sont déclarés d’intérêt général : il faut procéder à une analyse au cas par cas, sur chaque territoire.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

J'ajoute que notre soutien aux stades se manifeste par un engagement financier – 20 millions d'euros environ pour celui de Lyon – et que nous trouverons une solution pour votre projet innovant, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de la culture.

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À la suite de l’intervention de M. Collomb en défense de son amendement, je formulerai deux remarques, qui porteront successivement sur la forme et sur le fond.

Tout d'abord, je trouve surprenant monsieur Collomb, vous qui êtes souvent prompt à dénoncer les défaillances, les carences ou les désengagements de l’État, que vous en appeliez au Gouvernement pour régler un problème qui relève de votre compétence et dont vous êtes largement responsable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Collomb. J’en appelle au législateur !

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Mon cher collègue, la libre administration des collectivités locales est inscrite dans la Constitution et – passez-moi l’expression – ce principe vaut pour les joies comme pour les peines !

J’en viens à ma remarque de fond, qui est la plus importante.

À mon avis, l’adoption d’un tel amendement ouvrirait la porte à d’innombrables dérogations et porterait atteinte au respect du choix et des décisions des élus locaux. Elle constituerait donc, à mon sens, un déni de démocratie.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. J’ai entendu les propos qui ont été tenus par Mme la ministre ainsi que par M. le vice-président de la commission, qui semble avoir bien écouté les explications qui lui ont été données par ailleurs…

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Je suis capable de réfléchir tout seul !

M. Gérard Collomb. Toutefois, le rapport Séguin visait justement à faciliter la mise en œuvre de projets privés lorsque ni l’État ni les collectivités territoriales n’avaient les moyens de financer de grandes enceintes sportives, ou lorsqu’ils avaient d’autres priorités.

C’est pourquoi Philippe Séguin a proposé, dans la recommandation n° 1 de son rapport, que les nouveaux grands stades et leurs équipements connexes soient reconnus comme ayant un caractère d’intérêt général, de telle sorte qu’il soit possible de desservir des espaces construits par la puissance privée, mais dont les abords seraient aménagés par les collectivités publiques.

Vous dites, madame la ministre, que mon amendement n’a aucune portée juridique. Mais, sachez, que certaines personnes ont déposé auprès du tribunal administratif un recours sur une extension de la ligne de tramway vers le parc Eurexpo, qui se trouve au sud du Grand Stade de l’Olympique lyonnais, arguant du fait que ce dernier n’avait pas obtenu de déclaration d’intérêt général. Sans déclaration d’intérêt général, on ne peut aménager les abords de ce stade pour en faciliter l’accès.

Mme Catherine Troendle. Cela n’a rien à voir !

M. Alain Gournac. Le maire fait ce qu’il veut !

M. Gérard Collomb. Le préfet a soutenu notre position, et le tribunal administratif a décidé qu’il n’était nullement prouvé que ce projet desserve le stade et donc un projet privé. Mais lorsque, demain, nous prolongerons cette ligne, il sera quelque peu difficile d’affirmer que cette extension n’aura pas pour fonction de desservir le stade !

Madame la ministre, nous n’attendons pas que vous nous donniez un blanc-seing. Nous ne vous demandons pas de nous dire qui de l’UMP, des Verts ou du PS a raison. Nous nous débrouillerons au niveau local. Nous voulons tout simplement que vous déclariez d’intérêt général tous les stades construits pour l’Euro 2016.

C’est pourquoi je demande à nos collègues, qui ont évidemment reçu la consigne de ne pas voter cet amendement,…

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Pas du tout !

Mme Catherine Troendle. Nous n’avons pas de consigne !

M. Gérard Collomb. … de penser à demain.

M. le vice-président de la commission m’a reproché tout à l'heure d’en appeler à l’État. Non, monsieur le vice-président, je ne demande pas tout à l’État ; je demande à l’État de droit de respecter le droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendle. En refusant de lancer l’enquête publique pour le Grand Stade de l’Olympique lyonnais et en conditionnant la poursuite de la procédure à la signature de la déclaration d’intérêt général par le Gouvernement, M. Collomb espère déplacer la responsabilité du retard du projet de stade de la communauté urbaine du Grand Lyon vers l’État. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Mais oui !

Mme Catherine Troendle. Cette stratégie ne fera qu’une victime : l’Olympique lyonnais !

Il a été rappelé à plusieurs reprises non seulement par Mme la ministre des sports, mais également par de nombreux élus locaux, qu’il n’existe pas de lien juridique entre les procédures d’urbanisme et la déclaration d’intérêt général.

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Absolument !

Mme Catherine Troendle. M. Collomb devrait apprendre à respecter davantage les principes d’une démocratie décentralisée et de la concertation du public.

C’est pourquoi le groupe UMP votera contre cet amendement.

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Très bien !

M. Jean-Marc Todeschini. Politique de Gribouille !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Mon collègue Gérard Collomb ne sera pas étonné d’apprendre que je voterai contre les amendements qu’il a déposés sur ce texte, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, je voterai contre en tant que sénateur du groupe CRC-SPG, étant totalement solidaire des arguments avancés tout à l'heure par mon ami Jean-François Voguet, au nom de la défense de l’intérêt général, contre les appétits des grands groupes du BTP et contre la marchandisation toujours plus grande du sport en général.

Ensuite, je m’y opposerai également en tant que sénateur du beau département du Rhône, …

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Un beau département, il est vrai !

M. Guy Fischer. … me faisant d’ailleurs l’interprète de nombreuses associations qui n’ont pas été entendues.

Je m’y oppose aujourd’hui comme je me suis toujours opposé aux différents textes législatifs votés en faveur de M. Aulas et de son OL Land. À cet égard, il serait d’ailleurs temps de rompre – c’est là tout le problème du sport professionnel, et plus particulièrement du football – avec la logique financière qui lui est chère et qui a déjà, par deux fois, obligé le Parlement à voter des textes de convenance pour répondre à ses sollicitations.

Il en a été ainsi avec la loi permettant l’introduction en bourse des clubs sportifs, que lui seul demandait et qui n’a d’ailleurs profité qu’à l’Olympique lyonnais. En ce qui me concerne, je n’achèterai pas aujourd'hui des actions de ce club ! Au demeurant, de tous les clubs professionnels, c’est le seul qui ait été introduit en bourse, les autres n’ayant absolument pas suivi la même ligne.

Il en a été aussi de même avec le cavalier législatif introduit dans le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, qui a permis de déclarer d’intérêt général tout équipement sportif, qu’il soit public ou privé, afin d’obliger les collectivités locales à investir dans tous les travaux annexes en vue de valoriser l’installation et de faciliter son accessibilité. Pour ma part, j’estime que cet outil juridique existe déjà. Une nouvelle fois, seul l’OL Land était visé. On a donc déjà délibéré par deux fois sur cette question.

Aujourd’hui, par vos amendements, ce sont de nouvelles dérogations que vous voulez obtenir au seul profit de cette seule et vaste opération immobilière et commerciale.

Vous parlez de stade, mais nous savons bien que se cache derrière cet équipement – je tiens à le dire pour avoir la conscience tranquille ! – une vaste opération immobilière, qui s’avérera, à terme, très juteuse pour les différents promoteurs, avec 1 million de mètres carrés de plancher ! Les enjeux dépassent la raison !

M. Collomb l’a dit, le stade représente certes un marché de 450 millions d’euros, mais les promoteurs sont surtout intéressés par tout ce qui sera fait autour, ainsi que par les plus-values foncières qui viendront après l’investissement public de valorisation du site.

Non content que l’article 2 de cette proposition de loi, dont nous allons débattre, permette aux collectivités d’intervenir financièrement au profit d’intérêts privés, vous nous demandez, mon cher collègue, de voter une disposition législative visant à déclarer d’intérêt général l’ensemble du projet d’OL Land, afin de couper court à toute contestation, lors des consultations obligatoires – vous avez parlé de neuf enquêtes publiques obligatoires – qui doivent s’ouvrir pour les modifications de plans locaux d’urbanisme entraînées par ce projet.

Par ailleurs, concernant ces consultations, vous nous demandez de modifier le droit en vigueur, en vue de freiner, une fois encore, la contestation qui monte autour de ce projet.

Je ne puis vous suivre sur cette voie et me désolidariserai complètement de telles demandes, en votant contre ces amendements. Il est encore temps de revoir cette question, et j’exhorte notre collègue à le faire. Une autre vision, un autre projet est encore possible – et j’ai cru comprendre que la majorité du groupe socialiste était prête à l’élaborer avec nous – pour permettre à notre belle ville de Lyon, à son grand club de foot, à ses supporters et, plus largement, à l’ensemble de sa population de participer à cette grande fête du foot, en accueillant des matchs de l’Euro 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.

M. André Trillard. Je voudrais ramener notre collègue lyonnais à un peu de raison et l’inviter à apprécier les risques.

Voilà précisément dix ans, en 2001, lorsque j’ai été élu président du conseil général de la Loire-Atlantique, le FC Nantes était champion de France. Aujourd'hui, ce club, actuellement seizième, espère se maintenir en deuxième division. Tels sont les aléas du sport. Il existe, dans le sport, un côté cyclique.

Sur ce sujet, chacun doit raison garder et respecter les règles du jeu, en vertu desquelles les victoires des uns et les conséquences heureuses qui s’ensuivent entraînent parfois l’usure des autres. Bien entendu, ce n’est pas ce que je souhaite à l’Olympique lyonnais, mais le risque est là, et le cours de l’action serait alors bien différent…

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 196 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 120
Contre 208

Le Sénat n'a pas adopté.

L’amendement n° 11, présenté par M. Sergent, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi n° 93–1435 du 31 décembre 1993, entre l’État et la société actuellement dénommée Consortium du Stade de France pour le financement, la conception, la construction, l’entretien et l’exploitation du Stade de France, en tant que sa légalité serait contestée au motif que l’article 39.2.3 de son cahier des charges et l’article II.1 de son annexe 8 méconnaissent les règlements de consultation ayant régi la procédure de publicité tendant à son attribution et portent par suite atteinte au principe d’égal accès des candidats à l’octroi de la concession.

La parole est à M. Michel Sergent.

M. Michel Sergent. Le Conseil constitutionnel ayant annulé la loi votée le 11 décembre 1996, soit quinze ans après l’adoption de celle-ci, cet amendement concerne le contrat de concession du Stade de France signé entre l’État et le Consortium du Stade de France, alors dénommé société Consortium Grand Stade SA, en vue de la Coupe du monde de football de 1998.

La décision de signer le contrat de concession ayant été annulée par le tribunal administratif de Paris le 2 juillet 1996, c’est la loi du 11 décembre 1996 qui a validé ce contrat.

Mais cette loi est contestée par un site de revente de billets, Starlight, qui est en litige avec le Consortium du Stade de France et également en conflit avec plusieurs exploitants de salles et producteurs de spectacles qui l’accusent de concurrence déloyale.

Starlight a contre-attaqué par une question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à un particulier ou aux entreprises de contester une loi devant le Conseil constitutionnel.

Ce dernier a considéré que la loi votée a posteriori était contraire à la Constitution, car elle n’indiquait pas le motif précis dont le législateur entendait purger le contrat de concession. Par conséquent, le présent amendement vise à tenir compte de la critique formulée par le Conseil constitutionnel.

Je rappelle – et nous sommes bien dans le cadre de cette proposition de loi – que le Stade de France est actuellement le seul stade noté cinq étoiles par l’Union européenne des associations de football, l’UEFA. Il est donc indispensable qu’il soit disponible pour l’organisation de l’Euro 2016.

À cette fin, plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement doivent y être réalisés, conformément au cahier des charges auquel a souscrit la France. L’UEFA a souhaité que les travaux soient achevés en juin 2014. Comme en 1998, l’annulation du contrat de concession compromettrait notre capacité à respecter cette échéance.

La seule perspective d’un recours empêcherait d’ailleurs la société concessionnaire d’accéder aux financements nécessaires à la réalisation de ces travaux et de procéder à leur amortissement sur la durée restante du contrat de concession.

Quant à l’État, l’application des règles entourant l’exercice de la maîtrise d’ouvrage publique ne lui permettrait sans doute plus, aujourd’hui, de mener ces travaux dans les délais impartis.

La validation législative du contrat de concession est aussi justifiée par l’importance économique du Stade de France, comme elle l’était en 1996. Je rappelle que, dans cette enceinte, cette loi avait été défendue notamment par M. Jean-Patrick Courtois, qui en était le rapporteur.

Pour les entreprises ayant conclu des contrats avec la société concessionnaire, comme pour la société concessionnaire elle-même, l’interruption de tout ou partie de leur activité qui résulterait de la remise en cause du contrat de concession est susceptible d’avoir des conséquences négatives importantes, en particulier sur l’emploi, y compris dans la ville de Saint-Denis et les communes alentour.

Enfin, au regard de la jurisprudence du Conseil d’État en matière de nullité des concessions, les conséquences financières auxquelles s’exposerait l’État dans ce cas ne doivent pas non plus être négligées.

En conclusion, profitant du présent véhicule législatif pour tenter de régler ce problème, j’ai présenté cet amendement afin d’éviter tout vide juridique qui serait très préjudiciable à l’État et à l’ensemble des parties prenantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Dufaut, rapporteur. Le présent amendement portant article additionnel vise à valider le contrat de concession passé entre l’État et la société Consortium du stade de France en 1995. La précédente loi de validation du 11 décembre 1996 a en effet été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel répondant à une question prioritaire de constitutionnalité en février dernier.

Toutefois, considérant que cette décision n’entraîne pas automatiquement l’annulation du contrat de concession et qu’il n’existe donc pas d’urgence à sa validation, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, ministre. En répondant à une question prioritaire de constitutionnalité en février dernier, le Conseil constitutionnel a effectivement considéré que la loi de 1996 qui validait le contrat entre l’État et le concessionnaire du Stade de France était contraire à la Constitution, parce que le législateur, en ne précisant pas le motif d’illégalité dont il entendait purger l’acte contesté, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs.

Je conçois que le rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative » soit préoccupé par cette situation, comme nous l’avons d’ailleurs été.

Pour autant, l’analyse juridique que nous faisons de cette décision diverge quelque peu, puisqu’il ne nous semble pas nécessaire de prendre une nouvelle disposition législative, cela pour deux raisons.

Premièrement, la décision du Conseil constitutionnel n’entraîne pas la nullité du contrat qui lie l’État au concessionnaire. Par conséquent, l’accueil des matchs de l’Euro 2016 au Stade de France n’est pas remis en cause par cette décision du Conseil constitutionnel.

Deuxièmement, une nouvelle disposition législative serait potentiellement de nouveau « sanctionnable », puisqu’elle ne répondrait pas aux critères définis par le Conseil constitutionnel en matière de loi de validation, laquelle suppose de répondre à un objectif d’intérêt général dit « suffisant », motif qui peut être la continuité du service public ou une menace pour la paix publique.

En tout état de cause, un motif purement financier n’est pas considéré comme un objectif d’intérêt général suffisant et serait irrecevable. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Madame la ministre, je vais me permettre de soutenir l’amendement qui vient d’être présenté par notre collègue, en demandant à notre assemblée de s’interroger.

À force de valider a posteriori par la loi, par des propositions partielles, par des lois de validation, des actes constitutifs faute d’avoir légiféré initialement, on aboutit à la situation cocasse du Stade de France. En effet, on s’aperçoit aujourd’hui, seize ans après sa construction, que celle-ci non seulement ne répondait pas aux normes, mais avait été illégale et dérogatoire !

Les deux amendements que nous déposons, M. Michel Sergent et moi-même, visent donc à sortir de cette situation grâce à une véritable loi permettant de consolider juridiquement l’ensemble des constructions sportives.

J’ai entendu les réponses d’un certain nombre de collègues.

J’invite Mme Catherine Troendle, si elle me le permet, à venir dans l’agglomération lyonnaise.

Mme Catherine Troendle. Je la connais !

M. Gérard Collomb. Je me ferai un plaisir de lui faire découvrir le site du Grand Montout, sur lequel sera implanté le stade de football de l’Olympique lyonnais et dont les alentours sont bucoliques ! (Sourires.) Elle verra que ce stade permettra de donner à l’ensemble de ce secteur un nouveau dynamisme !

Je ne partage pas l’avis de mon collègue Guy Fischer, sénateur du Rhône, qui considère le projet économique de l’Olympique lyonnais comme un business plan destiné à garantir l’avenir du club malgré les aléas sportifs que soulignait notre collègue tout à l’heure : au foot, on n’est jamais premier !

M. Gérard Collomb. Autour du stade, il est vrai que l’on développe un hôtel, des locaux de bureaux, des zones commerciales consacrées à l’Olympique lyonnais pour enraciner ce projet sportif dans un véritable modèle économique et faire en sorte que la collectivité locale ne soit pas soumise aux aléas de la conjoncture sportive.

J’interroge mon collègue et ami élu de Vénissieux. De grands groupes, tels que Ikea, Leroy Merlin, tout aussi capitalistiques que l’Olympique lyonnais me semble-t-il, souhaitent s’installer au Puisoz, sur un terrain qui est en friche depuis de nombreuses années et que la municipalité de Vénissieux souhaite aménager. La communauté urbaine de Lyon devra alors construire un échangeur et des routes d’accès. Devrais-je m’opposer à ces demandes, sous le prétexte qu’il s’agit d’un affreux projet au service du capitalisme international, ce qui est d’ailleurs parfaitement exact pour Ikea ?

Qu’il soit conséquent avec lui-même ! Si on renonce au stade parce qu’il y a effectivement un projet économique capitalistique, il faut également renoncer à tous les projets économiques capitalistiques. Si mon collègue me le demande, j’arrêterai demain le projet que je suis en train d’essayer de faire aboutir sur le terrain du Puisoz à Vénissieux, et nous essaierons d’inventer un autre modèle économique que celui que nous avions conçu. (M. Alain Gournac s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.

M. Michel Sergent. Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Vous prétendez que ces questions ne nécessitent pas une loi. Toutefois, les dirigeants du Stade de France, conseillés par un certain nombre de cabinets, m’ont donné une autre analyse de la situation. Vous imaginez d’ailleurs bien que je n’aurais pas présenté cet amendement dans le cas contraire ! En tant que rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », connaissant les indemnités payées tous les ans par l’État, j’avais estimé que nous ne pouvions pas laisser le Stade de France dans cet état.

Parce que nous ne devons pas aggraver la situation financière en laissant un vide juridique, j’ai déposé cet amendement, lequel, me disait-on, était l’unique façon de faire face à ce qui aurait pu être une impasse. Or, madame la ministre, vous m’assurez de l’inverse ; la commission et certains intervenants ont évoqué un autre véhicule législatif. Je ne sais donc plus à quel saint me vouer !

Cet amendement sera-t-il adopté cet après-midi ? Je ne le pense pas ! En effet, ne nous leurrons pas, mes chers collègues : il faut aujourd’hui voter conforme, pour aller vite.

M. Claude Domeizel. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou. Effectivement !

M. Michel Sergent. Demain, on regrettera peut-être de ne pas avoir « blindé » les choses par voie législative.

Très honnêtement, je veux bien vous croire, madame la ministre, et j’aurais probablement grand tort de ne pas le faire. Toutefois, face à la somme des avis divergents qui m’ont été soumis, je ne voudrais pas que, dans la perspective de l’Euro 2016, seul le Stade de France soit pénalisé dans cette affaire. (M. Jean-Jacques Lozach applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre. Je vous répondrai rapidement, monsieur le sénateur, afin de bien préciser la situation.

Tout d’abord, la loi du 11 décembre 1996 concernait non pas le projet de stade lui-même, mais uniquement le contrat qui lie le concessionnaire à l’État.

Ensuite, le Secrétariat général du Gouvernement me confirme que cela ne remet absolument pas en cause le contrat qui lie l’État au concessionnaire, ce qui est même dommage ! En effet, nous aurions peut-être pu renégocier les cinq à sept millions d’euros que nous versons chaque année, ce qui nous aurait arrangés.

Je vous confirme donc que, selon le Secrétariat général du Gouvernement, un nouvel acte législatif n’est pas nécessaire, puisque le contrat n’est pas remis en question.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.