proposition de loi relative au prix du livre numérique

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Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 3

Article 2

(Texte de l’Assemblée nationale)

Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.

Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage.

Le premier alinéa ne s’applique pas aux livres numériques, tels que définis à l’article 1er, lorsque ceux-ci sont intégrés dans des offres proposées sous la forme de licences d’utilisation et associant à ces livres numériques des contenus d’une autre nature et des fonctionnalités. Ces licences bénéficiant de l’exception définie au présent alinéa doivent être destinées à un usage collectif et proposées dans un but professionnel, de recherche ou d’enseignement supérieur, dans le strict cadre des institutions publiques ou privées qui en font l’acquisition pour leurs besoins propres, excluant la revente.

Un décret fixe les conditions et modalités d’application du présent article.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 5 bis

Article 3

(Texte du Sénat)

Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l’article 2, s’impose aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France.

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Article 3
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Article 7

Article 5 bis

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

L’article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat d’édition garantit aux auteurs, lors de la commercialisation ou de la diffusion d’un livre numérique, que la rémunération résultant de l’exploitation de ce livre est juste et équitable. L’éditeur rend compte à l’auteur du calcul de cette rémunération de façon explicite et transparente. »

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Article 5 bis
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7

(Texte de l’Assemblée nationale)

Un comité de suivi composé de deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions chargées des affaires culturelles auxquelles ils appartiennent, est chargé de suivre la mise en œuvre de la présente loi. Après consultation du comité de suivi et avant le 31 juillet de chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique, comportant une étude d’impact sur l’ensemble de la filière.

Ce rapport vérifie notamment si l’application d’un prix fixe au commerce du livre numérique profite au lecteur en suscitant le développement d’une offre légale abondante, diversifiée et attractive et favorise une rémunération juste et équitable de la création et des auteurs, permettant d’atteindre l’objectif de diversité culturelle poursuivi par la présente loi.

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Sur les articles 2, 3, 5 bis et 7, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Lucienne Malovry, pour explication de vote.

Mme Lucienne Malovry. Je tiens tout d’abord à remercier M. le ministre de son engagement constant en faveur de la création et de la diversité culturelle. Je remercie également notre rapporteur de la qualité de son travail et de son écoute.

Avec le développement du numérique, le secteur du livre connaît une révolution technologique sans précédent depuis Gutenberg, ce qui l’expose également à des risques. Le législateur se doit d’anticiper certaines dérives qui pourraient se révéler dévastatrices pour l’objet culturel singulier que constitue le livre.

À l’aube du trentième anniversaire de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », qui a instauré le système du prix unique du livre papier, il semblait nécessaire d’adapter le cadre législatif aux évolutions technologiques de notre temps, l’objectif étant, comme à l’époque, de garantir la diversité de l’offre et la protection des droits d’auteur.

Notre groupe se réjouit qu’un cadre législatif sécurisant soit ainsi proposé grâce à une initiative parlementaire.

Réunis en commission mixte paritaire, sénateurs et députés sont parvenus à un accord sur les quelques points de divergence résultant des deux lectures. Cette démarche consensuelle confère d’autant plus de force à ce texte législatif.

Je tiens également à souligner un élément concernant l’extension du champ d’application du texte à l’ensemble des libraires qui exercent leur activité sur le territoire national : le retour à la rédaction proposée par le Sénat doit garantir une concurrence loyale. Il faudra continuer le combat en ce sens, monsieur le ministre.

Comme l’a expliqué notre rapporteur, cette loi devrait être qualifiée de « loi de police » en vertu des engagements internationaux de la France et de l’Union européenne, au titre de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, de 2005.

Bien évidemment, le groupe UMP votera en faveur de ce texte qui, je le rappelle, est le premier au monde à réguler le commerce du livre numérique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Je voterai évidemment avec enthousiasme cette proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en félicitant la commission de la culture et le Gouvernement, qui ont permis de la faire aboutir.

Mais je voudrais également relayer la mise en garde de notre collègue Jack Ralite sur les risques de contournement qui existent en Europe.

Avec la commission des finances, nous nous sommes rendus à un séminaire à Bruxelles et nous avons échangé avec la Commission européenne sur plusieurs sujets, dont le livre numérique. Je me souviens avoir entendu M. Barroso lui-même, et vous conviendrez qu’il est un homme important, affirmer que le livre numérique était un service et non un livre ! (M. Jack Ralite s’exclame.)

Le risque que le livre numérique soit mis en vente non pas par des libraires, mais seulement par des trusts à l’image d’Amazon existe donc bel et bien.

À mon sens, la proposition de loi doit être comme une borne par rapport à certaines erreurs européennes.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, je suis comme vous tous heureux, et doublement heureux, en tant qu’auteur de proposition de loi, mais également en tant que président de la commission de la culture !

À l’issue de ces débats, en effet, nous avons pu aboutir à un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat à l’unanimité des forces politiques représentées au sein des deux assemblées !

C’est évidemment un geste politique fort, et il était indispensable pour faire comprendre notre état d’esprit : nous sommes conscients de la menace réelle qui continue à peser et nous avons la volonté de voir la législation en France, mais aussi ailleurs, évoluer pour y faire face.

La loi que nous nous apprêtons à adopter devra préserver le secteur de la librairie des dangers que font peser les grandes plateformes internationales et garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable. Bien entendu, ce n’est qu’une première étape.

Le livre numérique ne doit plus être traité comme un service. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, mon cher collègue, le livre numérique est, pour nous, un bien culturel. Nous voulons qu’il soit reconnu comme tel au niveau international.

C’est pourquoi j’apporte mon total soutien à l’action de Jacques Toubon dans sa mission sur l’adaptation de la fiscalité culturelle à l’ère numérique, même si nous sommes bien conscients que la conjoncture économique n’est pas favorable et que les États membres ont parfois d’autres priorités que la culture.

Nous devons rappeler à la Commission européenne son engagement en faveur de la protection et de la promotion de la diversité culturelle, puisqu’elle a ratifié la convention de l’UNESCO de 2005. Le texte que nous allons adopter aujourd’hui en est une traduction concrète. Nous étions un certain nombre à nous être mobilisés jadis pour qu’une telle législation soit adoptée. La convention doit être appliquée, et la Communauté européenne a le devoir de tirer toutes les conséquences de son propre vote.

Mes chers collègues, la commission de la culture vous proposera très bientôt, en liaison avec la commission des affaires européennes, d’adopter une résolution en ce sens. Je suis persuadé que nous serons entendus.

En tout état de cause, il nous restera toujours le plaisir de la lecture. Et, puisque nous parlions tout à l’heure de bonheur, je conclurai par une très belle formule de Montesquieu, disponible sur livre papier comme sur livre numérique et homothétique (Sourires) : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. » Ce soir, je n’ai pas besoin de lecture : je n’ai pas de chagrin ! (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
 

8

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse
Discussion générale (suite)

Régulation du système de distribution de la presse

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, de la proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse, présentée par M. Jacques Legendre (proposition n° 378, texte de la commission n° 475, rapport n° 474).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse
Article 1er

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 2 avril 1947, qui réglemente la distribution de la presse, appelée plus communément « loi Bichet », est l’une de ces grandes lois sacrées qui régissent le secteur de la presse, aux côtés de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou encore de la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l’Agence France-Presse. On ne doit donc s’en approcher qu’en tremblant.

Ce n’est pas un hasard si ces lois, icônes de la République, ont perduré jusqu’à nos jours, en ne subissant que quelques modifications marginales.

La loi Bichet constitue un héritage précieux de la Résistance qui a consacré un certain nombre de principes fondamentaux qu’il nous appartient de préserver dans un environnement de la diffusion de la presse profondément bouleversé par les mutations technologiques.

C’est pourquoi la proposition de loi que j’ai déposée se cantonne, dans le strict cadre du titre II de la loi Bichet, à rénover la gouvernance opérationnelle du système de distribution de la presse afin de garantir l’effectivité des principes suivants : la liberté de la diffusion de la presse, la maîtrise par les éditeurs de la distribution de leurs titres et l’égalité de traitement entre tous les titres, quel que soit leur poids économique, dans l’accès au système coopératif de distribution de la presse.

Dans ce texte, j’ai tenu compte des multiples réflexions qui ont été conduites sur la modernisation des mécanismes de régulation du secteur de la distribution de la presse.

Le Livre vert des états généraux de la presse écrite, remis au chef de l’État en janvier 2009, appelait au respect des principes fondamentaux de la loi Bichet, à la professionnalisation de la composition du Conseil supérieur des messageries de presse, le CSMP, ainsi qu’au renforcement de son pouvoir décisionnel, dans la logique d’une autorégulation plus efficace et proactive.

M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, proposait, lui, en revanche, dans son rapport, de transformer le CSMP en une autorité complètement indépendante de la profession, dont les membres ne seraient plus issus des entreprises ou des organisations professionnelles du secteur et dont le pouvoir de régulation serait considérablement renforcé. Dans ce schéma, le conseil rénové se serait appuyé, en amont, sur des commissions spécialisées associant à titre purement consultatif les acteurs de la distribution de la presse.

Enfin, dans un rapport consacré au redressement financier de l’entreprise Presstalis, M. Bruno Mettling recommandait une voie intermédiaire qui adosserait à un CSMP complètement professionnalisé une autorité indépendante chargée de contribuer au règlement des différends et de contrôler l’activité normative du Conseil afin de garantir l’effectivité des principes d’indépendance et d’impartialité de la distribution de la presse.

Nous nous sommes inscrits, en collaboration étroite avec notre collègue David Assouline, dans une démarche constructive de dialogue direct avec les différents représentants de la profession et de l’État, dans la mesure où ce dernier consent des sommes significatives à la distribution de la presse d’information politique et générale. En conséquence, le texte que j’ai déposé reprend le principe d’une régulation bicéphale, déjà esquissé dans le rapport de M. Mettling.

Nous accordons ainsi une place substantielle à l’autorégulation en confiant à un CSMP intégralement professionnalisé un pouvoir décisionnel renforcé afin de mettre en œuvre les réformes urgentes préconisées par les états généraux de la presse écrite. La proposition de loi vise à instituer également une procédure de conciliation des différends entre les acteurs de la distribution de la presse devant le CSMP, préalablement à tout recours contentieux.

Nous consacrons le rôle consultatif des commissions spécialisées qui devront permettre au CSMP d’appuyer ses décisions sur une expertise reconnue et diversifiée. En somme, nous institutionnalisons le rôle proactif que le CSMP avait cherché à développer sous l’impulsion de son président, M. Jean-Pierre Roger, en lui donnant désormais une base juridique solide.

Parallèlement au renforcement du CSMP, nous avons créé une nouvelle autorité de régulation de la distribution de la presse chargée de deux missions principales.

D’une part, en cas d’échec de la procédure de conciliation devant le CSMP, elle constituera un cadre efficace de règlement des différends entre les acteurs du secteur, conformément au souhait que vous avez exprimé, monsieur le ministre, lors de votre intervention au congrès annuel de l’Union nationale des diffuseurs de presse, en février 2011. À l’image de ce qui vaut déjà pour le CSMP, les frais de fonctionnement de cette structure seront pris en charge par la profession.

D’autre part, cette nouvelle autorité conférera un caractère exécutoire aux décisions normatives prises par le CSMP afin d’apporter des garanties d’indépendance et d’impartialité aux règles applicables à l’ensemble du secteur.

La commission de la culture a souhaité renforcer la légitimité de ce dispositif en clarifiant le contenu et l’articulation des responsabilités respectives du CSMP et de l’autorité de régulation.

Pour ce faire, elle a adopté les amendements proposés par le rapporteur avec mon soutien. Nous avons tenu compte, en particulier, de la nécessité de prévenir tout risque de conflit d’intérêts et d’entente tacite sur des questions aussi délicates que l’évolution des barèmes tarifaires des messageries de presse ou le contrôle de leur comptabilité.

Je voudrais rappeler que le principe d’une régulation bicéphale du secteur de la distribution de la presse a été voulu par le CSMP lui-même. J’entends cependant, ici et là, que la commission de la culture du Sénat placerait désormais le CSMP sous la tutelle d’une autorité extérieure à la profession. Ce n’est pas le cas, car nous avons toujours veillé, dans le texte de la commission, à préserver la prééminence du CSMP en matière de production normative.

Dans sa nouvelle composition, le CSMP est entièrement professionnalisé et il accorde une place très largement majoritaire aux éditeurs et aux messageries. C’est, du reste, justifié par le principe selon lequel les éditeurs doivent garder la maîtrise de la distribution de leurs titres, les messageries constituant leurs mandataires directs. C’est ce principe qui justifie la prééminence du CSMP dans l’élaboration des règles de la distribution de la presse.

Toutefois, il est nécessaire de s’assurer que son activité normative sera encadrée par une autorité qui en garantira la transparence, l’indépendance et l’impartialité. En somme, c’est la légitimité des décisions du CSMP que cette autorité s’emploiera à renforcer afin de prévenir un recours systématique à la voie contentieuse.

Je vous signale que, si cette autorité n’existait pas, ce serait un coup terrible porté à la confiance des petits distributeurs, dépositaires et diffuseurs de presse qui, minoritaires au sein du CSMP, remettraient alors en cause la légitimité d’un dispositif qui apparaîtrait concentré dans les seules mains des plus puissants, influencé par les conflits d’intérêts et exposé aux risques d’ententes systématiques.

Je pense que nous avons ainsi abouti à un texte équilibré offrant des bases juridiques solides à une gouvernance opérationnelle et proactive du secteur de la distribution de la presse. Je tiens à remercier notre collègue David Assouline, avec lequel j’ai eu le plaisir de travailler en concertation étroite depuis plusieurs mois, de son implication déterminée dans ce chantier législatif passionnant.

Mes chers collègues, je fais le vœu qu’un très large consensus se dégage au sein de notre assemblée, comme cela s’est produit dans notre commission, en faveur d’une modernisation ambitieuse et responsable des mécanismes de régulation institués par la loi Bichet.

En matière de gouvernance dans le secteur de la presse, la commission de la culture a su démontrer que les exigences de liberté, d’indépendance et de pluralisme de la presse devaient nous conduire à privilégier une concertation approfondie et un dialogue constructif qui nous permettent de dépasser les clivages partisans. Tel est l’esprit de la proposition de loi dont nous avons à débattre aujourd'hui et à laquelle, je l’espère, le Sénat donnera son approbation. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.  – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. David Assouline, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à rendre hommage à la loi Bichet dont la pertinence ne s’est jamais démentie depuis l’après-guerre.

Il s’agit là d’un de ces joyaux législatifs de la Résistance, adoptés dans un climat consensuel et constructif, qui consacrent un certain nombre de principes fondamentaux indispensables à la vitalité du débat démocratique dans notre pays. Y figurent, en particulier, la liberté de la diffusion de la presse imprimée et l’égalité de traitement entre tous les titres, quel que soit leur poids économique, au sein du système coopératif de distribution de la presse.

C’est précisément cette exigence de climat consensuel sur le plan politique et de concertation étroite avec la profession qui a présidé au dialogue constructif que le président de la commission de la culture, Jacques Legendre, et moi-même avons conduit avec les acteurs du secteur et l’État. Je partage d’autant plus l’ambition de ce texte qu’il est également l’aboutissement législatif des préconisations que j’avais formulées dès 2011 dans mon rapport pour avis sur les crédits de la presse rendu dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Dans cet esprit, nous avons avancé de façon responsable et ciblée, en nous focalisant sur la réforme de la gouvernance du secteur de la distribution de la presse et en ne modifiant pas le titre Ier de la loi Bichet, dont les principes fondamentaux gouvernent le système de distribution de la presse depuis l’après-guerre. Je souhaite vivement que les deux assemblées adoptent la même conduite et ne touchent pas au titre Ier de la loi Bichet. Nos travaux, sinon, seraient dénaturés.

L’ensemble des acteurs de la profession établissent un diagnostic partagé des difficultés qui affectent le secteur de la distribution de la presse et qui appellent une réforme urgente de sa gouvernance.

D’une part, le développement de la diffusion de la presse sur des supports numériques va sensiblement bouleverser le rapport du lecteur à l’acte physique d’achat d’un titre de presse et commence, d’ores et déjà, à exercer une pression importante sur la vente au numéro de la presse imprimée.

D’autre part, le secteur de la distribution de la presse est exposé à des déséquilibres industriels majeurs.

D’un côté, le niveau 3 du circuit de distribution, c'est-à-dire les diffuseurs de presse – marchands de journaux, petits kiosquiers, etc. –, constitue depuis trop longtemps le parent pauvre de la régulation du secteur et se retrouve tout en bas de la chaîne de valeur de la distribution. D’un autre côté, le niveau 1 des messageries de presse connaît lui aussi désormais des difficultés financières considérables, liées aux tensions qui pèsent sur les logiques de mutualisation des coûts et de solidarité coopérative devant exister entre les différentes catégories de presse.

Faute d’une légitimité solide inscrite dans la loi, le CSMP actuel ne peut adopter que des recommandations qui n’ont pas nécessairement valeur exécutoire. En parallèle, les contentieux se multiplient auprès de l’Autorité de la concurrence, en l’absence de structure de règlement des différends au sein du secteur de la distribution de la presse.

Devant ce diagnostic partagé, l’ensemble de la profession s’est accordée sur la nécessité de mettre en place un CSMP professionnalisé qui garantisse la représentation de tous les acteurs de la profession. En contrepartie, elle a entériné le principe de l’adossement à cette instance d’autorégulation d’une autorité indépendante qui garantira la légitimité de ses décisions, en veillant au respect des principes d’indépendance et d’impartialité régissant la distribution de la presse. C’est ce mécanisme de régulation bicéphale, qui préserve la prééminence du CSMP en matière normative, que reprend la proposition de loi du président de notre commission, en cohérence avec les préconisations finales du rapport de M. Bruno Mettling.

Il nous est cependant apparu nécessaire, au stade de la discussion en commission, d’apporter des modifications à ce schéma afin de garantir, d’une part, sa fonctionnalité, et, d’autre part, sa légitimité aux yeux de tous les professionnels, y compris ceux qui sont minoritaires au sein du CSMP. Il nous a semblé, en effet, indispensable de préciser et d’élargir le contenu des responsabilités de l’autorité de régulation indépendante afin qu’elle ne soit pas une coquille vide. C’est ce que nous avons fait, en veillant toujours à ne jamais remettre en cause la force de décision et l’efficacité de gouvernance du CSMP. En renforçant la légitimité du dispositif, nous permettrons que diminue le recours intempestif à la voie contentieuse ; c’était bien le but visé au travers de cette proposition de loi.

Ainsi, les modifications adoptées par notre commission, en accord avec son président, ont visé deux objectifs fondamentaux.

D’une part, nous avons souhaité garantir la pérennité du système coopératif de distribution de la presse en précisant que le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse constitue une mission fondamentale et prioritaire des deux instances de régulation.

D’autre part, dans le respect de la prééminence normative du CSMP, nous avons pris soin de rééquilibrer les rapports entre ce dernier et l’autorité indépendante de régulation, afin de garantir l’effectivité des principes de transparence, d’indépendance et d’impartialité dans la régulation économique sectorielle.

Je veux le rappeler solennellement : l’un des objectifs fondamentaux de la régulation du secteur de la distribution de la presse réside dans la préservation de ses équilibres mutualistes et le respect des principes de solidarité coopérative. C’est pourquoi, en accord avec une jurisprudence ancienne, nous avons cherché à exclure, s’agissant des conditions de dérogation à l’exclusivité des contrats de groupage qu’encadrera le CSMP, l’hypothèse d’une situation où l’éditeur réserverait la part la moins rentable de sa distribution au système coopératif, tout en assurant à meilleur coût la distribution de la part la plus rentable.

Je rappelle que les états généraux de la presse écrite avaient déjà pris soin de cantonner les dérogations au principe d’exclusivité, sous des conditions strictes, à des cas bien précis, d’ores et déjà définis par voie contractuelle entre les messageries de presse et les éditeurs. Les précisions apportées par la commission de la culture visent, dans cette logique, à encore mieux prévenir tout risque de contournement systématique par les éditeurs des messageries de presse en vue d’assumer eux-mêmes les activités de distribution les plus rentables et, à terme, tout risque de remise en cause des équilibres économiques du système coopératif, fondé sur une nécessaire mutualisation des coûts.

Notre commission entend également prévenir de façon effective tout risque d’entente, de coordination des pratiques ou de conflits d’intérêts dans l’élaboration par le CSMP des règles de la distribution de la presse, compte tenu de sa nouvelle composition, intégralement professionnalisée.

En conséquence, nous avons pris soin de préciser que toutes les décisions de portée générale prises par le CSMP seront transmises à l’autorité de régulation, qui seule décidera de leur conférer un caractère exécutoire, que ces décisions interviennent dans le cadre de la mission générale du CSMP visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ou dans le cadre de ses compétences énumérées au nouvel article 18-6 de la loi Bichet.

Dans le même ordre d’idées, nous avons introduit deux nouvelles compétences d’avis au profit de l’autorité de régulation, en ce qui concerne la qualité du contrôle comptable des messageries exercé par le CSMP et l’évolution des conditions tarifaires des messageries de presse.

En effet, la prédominance des éditeurs au sein du CSMP ainsi que la présence de représentants des messageries elles-mêmes risqueraient de susciter des soupçons d’ententes ou de pratiques concertées si cette compétence d’avis demeurait exclusivement entre les mains du CSMP. Bien entendu, les messageries de presse demeurent libres de fixer leurs tarifs comme elles l’entendent, dans le strict respect du droit du commerce et de la concurrence. C’est pourquoi l’autorité de régulation, et non plus le CSMP, ne formulera qu’un avis.

Lors de l’examen du texte en commission, j’ai pu relever, à la suite de l’adoption des amendements, un certain nombre d’interprétations parfois contradictoires.

D’un côté, certains redoutent que le CSMP ne soit trop encadré, voire empêché d’exercer une gouvernance efficace par une autorité indépendante exerçant un plus grand rôle. Je leur dis qu’instituer une autorité de régulation de pure façade limiterait la portée et la légitimité des décisions et de la mise en œuvre des règles de régulation. D’un autre côté, les petits distributeurs, dépositaires et diffuseurs de presse, en minorité au sein du CSMP, s’inquiètent d’une autorégulation largement dominée par les éditeurs et les messageries de presse et réclament que l’autorité de régulation indépendante ait des pouvoirs renforcés.

Face à ces positions divergentes, je rappelle que notre souci a justement été de mettre en place un dispositif équilibré qui, d’une part, conserve au CSMP toute sa réactivité et sa fonctionnalité afin de faciliter la mise en œuvre des réformes urgentes, et, d’autre part, repose sur des garanties de transparence, d’indépendance et d’impartialité de nature à rassurer les niveaux 2 et 3 de la distribution de la presse, dont la représentation est minoritaire au sein du CSMP.

Cet équilibre subtil, à la préservation duquel je suis attaché, nous l’avons atteint dans le texte de la commission, après avoir écouté tous les acteurs concernés.

Mes chers collègues, j’ai trouvé une très grande satisfaction à conduire, en accord avec le président de notre commission, un travail de concertation approfondi en vue d’améliorer les conditions de régulation d’un secteur qui a son originalité et sa particularité, un secteur très technique mais fondamental pour la vitalité de notre vie démocratique : celui de la distribution de la presse. C’est la preuve que, sur des sujets aussi délicats que la régulation sectorielle des médias, il est possible, avec de la bonne volonté et des principes d’indépendance, de liberté et de pluralisme de la presse chevillés au corps, d’établir une convergence de vues. Il faut continuer à travailler ensemble en ce sens. (Applaudissements.)