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Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Article 1er

Soins psychiatriques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Mme Christiane Demontès. Il n’y a pas de ministre !

M. Jean-Pierre Michel. Ça ne change rien !

M. Jacky Le Menn. On peut la remplacer !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trois, est reprise à vingt-deux heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Rappel au règlement (début)

Article 1er (suite)

M. le président. Au sein de l’article 1er, nous en sommes parvenus à vingt-trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 45 rectifié est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 87 est présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.

Mme Isabelle Pasquet. Les alinéas 2 à 20 de l’article 1er ouvrent la possibilité de préférer, quasi systématiquement, des soins psychiatriques en ambulatoire à toute forme d’hospitalisation dans un établissement de santé adapté.

Certes, comme disait Dostoïevski en son temps, « ce n’est pas en enfermant ton prochain dans une maison de santé que tu prouveras ta raison », mais ce n’est pas davantage en enfermant son prochain dans une « camisole chimique » à son domicile personnel que l’on prouvera sa raison !

Si la mise en place de soins psychiatriques réalisés en ambulatoire peut apparaître, notamment pour les soins sans consentement, « bénéfique pour le patient » et respectueuse de « son autonomie » puisqu’elle se présente comme une alternative à l’enfermement des personnes atteintes de troubles mentaux, il ne s’agit en réalité que d’un trompe-l’œil.

En effet, la substitution des soins psychiatriques imposés sous forme ambulatoire à une hospitalisation obligatoire n’aura aucune incidence sur l’autonomie du patient, car, qu’il soit en hôpital ou à son domicile, celui-ci sera toujours contraint de subir des soins. Et quels soins ? À l’évidence, des soins médicamenteux, puisque à domicile l’encadrement dont il pourrait bénéficier dans une structure médicale adaptée n’existerait plus !

De surcroît, en consacrant la possibilité de dispenser des soins sans consentement à domicile, la nouvelle rédaction de l’article L. 3211–1 du code de la santé publique aura des conséquences dramatiques pour les familles de ces malades, lesquelles devront, outre les prendre en charge et veiller au respect de leur obligation de soins, assumer seules la responsabilité civile du fait des patients qui leur seront confiés.

De même, et sans même parler des logements insalubres, si ces soins psychiatriques sous forme ambulatoire sont censés favoriser un maintien à domicile des personnes atteintes de troubles mentaux, quid des personnes malades sans famille ou ayant rompu tout contact avec celle-ci qui feront l’objet de soins sans consentement ? Qui veillera au respect de l’obligation de soins ? D’ailleurs, de manière générale, les familles restent perplexes quant à la réalité pratique d’une prise en charge des malades sous forme ambulatoire.

Voici ce que dit ainsi le père d’une personne souffrant de maladie mentale : « Cette loi est inutile. On n’évoque ni l’accompagnement du malade ni la question du logement. On ne traite que de la contrainte. Qui accompagnera les personnes sous contrainte ? Qui les logera ? Rien n’est dit. » Cela, nous devons aussi l’entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 87.

M. Jacky Le Menn. Mes collègues de la commission des affaires sociales reconnaîtront cet amendement visant à supprimer les alinéas 2 à 20 de l’article 1er puisqu’il leur avait été présenté par le rapporteur initial ; nous reprenons cet amendement que nous avions voté alors.

Le présent projet de loi prévoit la création de soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète, c’est-à-dire en ambulatoire, voire à domicile.

Si l’objectif de diversification des modes de prise en charge est louable, les soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète ne font l’objet d’aucune définition précise dans le texte et soulèvent ainsi de nombreuses interrogations.

Par exemple, que contiendrait le protocole de soins nouvellement édicté ? Quelles seraient les conditions de sa mise en œuvre ? Quelles seraient les personnes habilitées à avoir connaissance de ce protocole ? Que faire si le protocole n’était pas respecté par le malade ? Autant de questions qui restent en suspens, alors même que le dispositif doit entrer en vigueur le 1er août prochain, soit dans moins de trois mois !

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que de nombreuses craintes aient été exprimées par les praticiens et les familles.

La première de ces craintes a trait à la contrainte supplémentaire qui pèserait sur le malade. En effet, la dérogation au droit de tout malade de consentir aux soins qu’il reçoit serait étendue, dans la mesure où la contrainte serait exercée non plus seulement au sein d’un établissement hospitalier, mais aussi hors de ses murs. Autrement dit, la contrainte « s’exporterait ». Or, par définition, la contrainte s’oppose au consentement, facteur pourtant essentiel à la réussite des traitements thérapeutiques relatifs à la maladie mentale, comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale.

D’un point de vue médical, il est donc primordial d’encadrer davantage la pratique des soins psychiatriques sans consentement prenant une forme autre que l’hospitalisation complète.

En outre, dès lors que les soins précités auraient lieu en ambulatoire, voire à domicile, le contrôle de leur nécessité et de leur proportionnalité deviendrait plus difficile.

Il s’ensuit logiquement que le dispositif prévu par le projet de loi est excessivement attentatoire aux libertés publiques. Les libertés individuelles, d’aller et venir, le droit au recours, le respect de la vie privée, la protection du domicile sont autant de droits fondamentaux insuffisamment réaffirmés et garantis par le projet de loi.

Enfin, envisager la pratique de soins sans consentement en ambulatoire, voire à domicile, nécessite de prendre en considération l’organisation et les moyens des services médicaux psychiatriques. Or le contexte actuel est marqué par une insuffisance de ressources et des difficultés en matière de recrutement, notamment d’infirmiers, voire de psychiatres.

Aussi le système d’expertise sur lequel reposent le jeu des – nombreux – certificats et les examens effectués par le collège des soignants, nouvellement créé, requiert-il une augmentation et une meilleure répartition des effectifs sur le territoire.

En somme, ce projet de loi est, en l’état, tout à fait inapplicable. Par conséquent, il serait déraisonnable, voire irresponsable, de valider le dispositif envisagé par le Gouvernement, qui consiste à étendre la pratique des soins psychiatriques sans consentement en dehors des établissements hospitaliers.

L’ampleur et la portée d’une telle réforme sont trop importantes pour faire l’économie d’une concertation approfondie avec les praticiens et les familles.

À ce stade de la réflexion, qui n’en est qu’à ses prémices, il est préférable d’en rester à la situation actuelle : une hospitalisation sans consentement assortie de sorties d’essai lorsque la santé mentale du patient le permet, d’où le dépôt de cet amendement.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 477 rectifié, présenté par Mme Payet et M. Détraigne, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

faisant l'objet de

par les mots :

recevant des

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à proposer une modification rédactionnelle de l’intitulé du chapitre Ier.

En effet, il semble regrettable que figure dans l’intitulé comme dans les dispositions du projet de loi un nombre considérable de locutions telles que : « fait l’objet » à propos de personnes qui souffrent de troubles mentaux mais qui n’en demeurent pas moins des personnes.

Cette maladresse est indiscutablement péjorative et mérite d’être corrigée.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « prévus par la loi et notamment par les chapitres II et III du présent titre » sont remplacés par les mots : « prévus par les chapitres II, III et IV du présent titre et ceux prévus à l’article 706–135 du code de procédure pénale »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'article L. 3211–1 du code de la santé publique indique qu'une personne ne peut recevoir des soins sans consentement, « hormis les cas prévus par la loi et notamment par les chapitres II et III du présent titre ».

Cette formulation paraît trop imprécise. Dans un souci de lisibilité de la loi, il convient de dresser la liste exhaustive des dispositions législatives qui permettent de déroger au principe du consentement aux soins.

Cela permettra en outre de supprimer un « notamment », ce qui plaît toujours à la commission des lois.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La prise en charge dans les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour est privilégiée lorsque l’état du patient le permet. » ;

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Le projet de loi que le Gouvernement nous propose d’adopter n’est pas à une contradiction près.

Il prévoit en effet, en plus des soins réalisés sous contrainte en secteur hospitalier, des soins prodigués hors les murs, mais ni au sein des CMP, les centres médico-psychologiques, ni dans les établissements de secteur auxquels nous sommes attachés : il s’agirait de soins en ambulatoire, sans d’ailleurs que le projet de loi comporte une quelconque précision sur cette notion.

On sait toutefois que ces soins ambulatoires ne reposeront pas sur le secteur ou sur les CMP que votre politique n’a de cesse d’étouffer financièrement, au point que le nombre de ces structures qui ferment augmente jour après jour.

Tout laisse à croire que les soins ambulatoires seront en réalité des soins réalisés au domicile du patient et de ses proches et reposeront sur un suivi assuré par des médecins libéraux.

Tout cela n’est pas pour nous rassurer, car nous connaissons tous la situation de la médecine psychiatrique libérale, marquée avant tout par un vieillissement des professionnels, par un accès conditionné par des listes d’attente et par le fait qu’un nombre grandissant de psychiatriques libéraux optent pour le secteur 2, ce qui nuit à la régularité des consultations, régularité indispensable pour assurer le suivi psychiatrique propre aux pathologies dont peuvent souffrir les patients dont il est question.

Telles sont les raisons qui nous conduisent à proposer dans l’intérêt du patient, qui doit être notre seul guide en la matière, que les soins soient dispensés dans des structures spécialisées, avec des personnels compétents, qu’il s’agisse de centres médico-psychologiques ou d’hôpitaux de jour, qui sont des lieux de soins au sens large, des lieux où l’on parle, des lieux où l’on mesure l’état du patient, des lieux de rencontre, bref, des lieux propices aux activités de socialisation indispensables au succès thérapeutique.

Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.

M. le président. L'amendement n° 280, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 15

Rédiger ainsi ces alinéas : 

« Art. L. 3211-2-1. - Une personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est prise en charge par tous les outils thérapeutiques de la psychiatrie adaptés à son état. Cette prise en charge peut être dispensée dans :

« 1° Des unités d’hospitalisation temps plein ;

« 2° Des unités alternatives à l’hospitalisation temps plein, des lieux de consultations, des lieux d’activités thérapeutiques, et dans le lieu de vie habituel du patient.

« Lorsque les soins sont dispensés dans un des lieux prévus au 2°, un programme de soins du patient est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil. »

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Cet amendement précise que les soins psychiatriques destinés à des personnes souffrant de troubles mentaux qui altèrent leur capacité à consentir peuvent avoir lieu indifféremment, et selon évaluation médicale, à la fois dans des unités hospitalières à temps plein, c'est-à-dire 24 heures sur 24, et dans tous les autres lieux où interviennent habituellement les équipes psychiatriques pour les autres malades.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 490 rectifié, présenté par M. Lorrain, est ainsi libellé :

Amendement n° 280, alinéa 3

I. - Remplacer les mots :

sans son consentement

par les mots :

auxquels elle n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux

II. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce programme ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient et pour tenir compte de l'évolution de son état de santé.

III. - Compléter cet amendement par trois alinéas ainsi rédigés :

« La définition du programme de soins et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre délivre au patient l’information prévue à l’article L. 3211–3 et recueille son avis ; cette information porte notamment sur les modifications du lieu de la prise en charge qui peuvent s’avérer nécessaires en cas d’inobservance du programme de soins ou de dégradation de l’état de santé. À l'occasion de l'établissement de ce programme, le patient est informé de son droit de refuser les soins et des dispositions du second alinéa de l'article L. 3211–11.

« Dans le respect du secret médical, le programme de soins précise les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité. Lorsque ces soins psychiatriques comportent un traitement médicamenteux, le programme de soins peut en faire état. Le détail du traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d’administration et la durée, est prescrit sur une ordonnance distincte du programme de soins.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le programme de soins et ses modifications sont notifiés au patient et transmis au représentant de l’État dans le département. »

La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Ce sous-amendement, que je présente à titre personnel, vise à compléter, en apportant de nouvelles précisions, l’excellent amendement d’Alain Milon, qui clarifie grandement le concept de soins sans consentement hors hôpital.

Tout d’abord, je vous suggère de parler non plus de « soins sans consentement » – cette phraséologie m’est un peu difficile –, mais de « soins psychiatriques auxquels une personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ». Je crois que ce changement marque mieux la distinction entre, d’une part, l’obligation faite au patient de se soigner et, d’autre part, les modalités des soins, qui feront l’objet d’une discussion entre le psychiatre et le malade.

Ensuite, je vous propose de mieux préciser les conditions de modification du programme de soins et de prévoir un entretien entre le psychiatre et le malade, au cours duquel le médecin recueillera l’avis de ce dernier.

Enfin, je vous propose également de prévoir que le détail des traitements médicamenteux ne figurera pas sur le programme de soins.

J’espère que cette nouvelle rédaction apaisera les inquiétudes qui peuvent naître, et permettra ainsi d’avancer dans la recherche d’un véritable consensus sur cette réforme.

J’ajoute que j’ai intégré – et j’en suis heureux – un amendement de notre collègue M. Lecerf qui prévoit que le patient est informé de son droit de refuser les soins.

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 14 et 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Au travers de cet amendement n° 47, nous proposons de supprimer, par cohérence avec notre amendement précédent, les soins sans consentement réalisés en ambulatoire.

Il y a eu un important débat à l’Assemblée nationale sur ce sujet, le rapporteur du projet de loi ayant systématiquement rappelé aux députés de l’opposition que les soins ambulatoires n’étaient pas des soins réalisés à domicile. Or l’alinéa 14, que nous vous proposerons également de supprimer, est explicite : « Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domiciles […] ».

Je le précise afin que ce point soit clair, nous ne sommes pas opposés à ce que les psychiatres des établissements de santé décident que, compte tenu de l’état de santé du patient, celui-ci sera soigné en dehors d’une structure hospitalière dans laquelle les soins sont dispensés sous contrainte. L’internement, aussi utile soit-il, doit en effet demeurer l’exception.

En revanche, nous sommes opposés à ce que les patients qui subissent le manque criant de moyens des établissements psychiatriques et des établissements de jour soient livrés à eux-mêmes ou de fait placés sous la responsabilité de leurs proches, ce qui soulève des interrogations du point de vue tant du secret médical que de la responsabilité pénale éventuelle que l’on pourrait leur opposer. C’est pourtant bien ce que vous proposez à cet article.

De la même manière, nous contestons le fait que le soin d’établir des protocoles revienne au Conseil d’État. Nous considérons en effet que la médecine psychiatrique repose sur un équilibre entre, d’une part, le respect de la volonté des patients lorsqu’ils ont la capacité de la faire valoir et, d’autre part, la confiance accordée aux psychiatres, et ce d’autant plus que la procédure est encadrée, même imparfaitement, par le juge des libertés et de la détention. Nous estimons que ces protocoles sont des carcans qui, en enserrant les médecins, porteront atteinte aux intérêts des patients. C’est pourquoi nous y sommes opposés.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter en faveur de notre amendement de suppression des alinéas 14 et 15.

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La prise en charge dans les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour est privilégiée lorsque l’état du patient le permet.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. L’alinéa 14 a trait aux soins ambulatoires sans consentement, et plus spécifiquement à ceux qui sont dispensés à domicile.

Actuellement, compte tenu de la loi de 1990, la prise en charge d’une personne sans son consentement ne peut s’effectuer qu’au travers d’une hospitalisation complète. Dans les faits, ces situations représentent 21 à 22 % de l’ensemble des hospitalisations. J’observe d’ailleurs que le rapport de l’IGAS de 2005 recommandait de mettre fin à cette solution univoque et de rechercher d’autres modalités de prise en charge sous contrainte, l’hospitalisation devant demeurer un cadre symbolique.

L’intérêt du patient doit demeurer au centre de nos préoccupations. Tout doit être mis en œuvre pour que ces personnes bénéficient des soins appropriés et nécessaires, afin qu’elles puissent devenir de plus en plus autonomes et libres. Dans cette optique, il nous semble nécessaire que, quand l’état de santé de la personne le permet, ces soins soient effectués dans des structures spécialisées par des professionnels compétents.

Il ne s’agit donc pas d’imposer des choix thérapeutiques aux psychiatres. Ces derniers doivent conserver le choix de l’outil thérapeutique qu’ils jugent le plus approprié au regard de l’état clinique du patient. Pour autant, compte tenu de la situation existante, il nous semble que le fait de privilégier la prise en charge au sein des centres médico-psychologiques, les CMP, ou bien via une hospitalisation de jour, participe non seulement de la nécessaire recherche de l’amélioration de la santé du patient, mais aussi de la reconnaissance du travail effectué dans ces structures comportant des psychiatres.

En effet, ces espaces de soins constituent le premier lieu de référence et d’implantation des équipes polyvalentes de secteur. Ces dernières regroupent des médecins psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières, des assistants sociaux, des psychomotriciens, des orthophonistes et des éducateurs spécialisés. Unités de coordination et d’accueil en milieu ouvert, elles organisent les actions de prévention, de diagnostic, de soin, de suivi. Ce sont les « structures pivot » qui sont le plus à même d’élaborer les stratégies thérapeutiques permettant de réduire la durée d’hospitalisation et de réinsérer la personne. Il s’agit donc d’une solution alternative aux soins ambulatoires d’office.

Étant donné le manque patent de professionnels, de CMP mais aussi de places en hospitalisation de jour, les soins ambulatoires possèdent certes bien des vertus comptables, mais c’est avant tout la santé de nos concitoyens et son amélioration que nous devons favoriser. En outre, l’étude d’impact mentionne le fait que « l’offre ambulatoire comprend essentiellement les prises en charge en centres médico-psychologique », qui demeurent la structure pivot du secteur.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 260 est présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 453 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 260.

M. Jean Desessard. Je vous propose de supprimer la référence au « protocole de soins » tout au long du projet de loi. L’argumentation que je vais développer vaut donc pour tous les amendements de coordination qui découlent de celui que je présente maintenant.

Tous les psychiatres et les psychologues que j’ai rencontrés en amont de cette discussion disent que leur cœur de métier, c’est la relation humaine. Ces médecins redoutent une médicalisation excessive de leur profession.

L’établissement d’un protocole de soins signifie la fin du traitement individualisé et personnalisé des patients. Ce protocole impliquerait en effet de définir les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité. Comme si la guérison était un processus figé, immuable, qui s’établit « dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État » !

La relation entre le soignant et la personne qui est soignée ne peut dépendre d’un tel protocole ! De la même façon que l’obligation de soins sous contrainte n’a aucun sens, ce protocole est aux antipodes de la manière de fonctionner des équipes soignantes.

Depuis cinq ou six ans, dans certains hôpitaux, des unités mobiles ont été mises en place. Ces petites unités s’appuient sur l’entourage des malades pour les convaincre de se soigner : elles travaillent sur le consentement aux soins, grâce à l’établissement d’une relation de confiance. Une fois la confiance établie, le soignant et le soigné élaborent un contrat thérapeutique. Le terme « contrat » a toute son importance : oui, le psychiatre et le patient peuvent se mettre d’accord sur la marche à suivre.

Or, le projet de loi parle de protocole de soins, comme s’il était impossible de négocier avec les patients. Le médecin doit impliquer le patient dans le soin, sans contrainte. Les malades mentaux peuvent comprendre et dialoguer.

Ce protocole de soins n’est pas adapté à la réalité clinique : il faut du cas par cas, et non un protocole identique pour tous.

C’est pourquoi je vous invite à supprimer cette disposition qui méconnaît un élément essentiel de la psychiatrie : dans un état de crise, un patient doit pouvoir faire confiance à ses soignants. En tout état de cause, les décisions de soins doivent être prises à travers un véritable dialogue, et non contre la volonté du patient.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 453 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’alinéa 15 précise que, lorsque les soins psychiatriques sans consentement prennent la forme de soins ambulatoires, un protocole de soins est établi, qui définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

Or les prescriptions médicales relèvent d’un contrat tacite entre le médecin et son patient et sont fondées sur les principes du code de déontologie. Elles ne sauraient donc être contraintes par un protocole de soins dont le contenu – les types de soins, les lieux de leur réalisation, leur périodicité – serait prédéfini par décret, et qui serait soumis aux interprétations des autorités administratives.

C’est pourquoi nous proposons purement et simplement de supprimer l’alinéa 15.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

après avis de la Haute autorité de santé.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement prévoit que la Haute Autorité de santé, la HAS, soit consultée avant la prise du décret en Conseil d’État.

D’une certaine manière, mes chers collègues, toute société n’a que la psychiatrie qu’elle mérite. Or ce projet de réforme n’est que la marque d’une mutation anthropologique voulue par ce gouvernement : « assujettissement », « procédure légale » sont les maîtres mots de la démarche.

Le protocole de soins reste un élément clé de ce projet de loi mais, en tant que tel, il porte toutes les contradictions de ses inspirations. La démarche thérapeutique dans laquelle il s’inscrit devrait, nous semble-t-il, dépendre d’abord de l’expertise de la Haute Autorité de santé, afin que le décret en Conseil d'État n’alimente pas la confusion entre anomalie, anormalité et illégalité.

L’avis préalable de la Haute Autorité de santé permettra – c’est le sens de cet amendement – que les types de soins, leur périodicité et leur contenu soient arrêtés en tenant compte des recommandations admises par la profession, et non des injonctions de la dernière circulaire du ministère de l’intérieur.

Le protocole pourra, par exemple, chercher à préserver toutes les chances d’insertion du malade. L’épidémiologie psychiatrique et la sociologie ont pu démontrer que le gradient social avait un rôle dans la distribution de la plupart des troubles mentaux. D’où l’intérêt, mes chers collègues, de cet appel à la Haute Autorité de santé. C'est pourquoi il nous paraît préférable que le décret en Conseil d'État soit précédé de son avis.