M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a transformé les anciens territoires d’outre-mer en collectivités d’outre-mer et a ainsi permis que la Polynésie française bénéficie de ce régime d’autonomie prévu à l’article 74 de notre loi fondamentale.

Cette mutation, qui a été effectuée par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, est intervenue vingt ans après l’instauration de la véritable autonomie, consacrée en 1984.

Avec ce nouveau statut de collectivité d’outre-mer, le Parlement, accordant sa confiance à la Polynésie française, a permis que notre autonomie fasse un bond considérable. De nouvelles compétences nous ont été accordées. De même, notre assemblée peut désormais adopter des lois du pays. Mieux, le Parlement accepte de faire accéder la Polynésie française à l’exercice de compétences régaliennes, comme la procédure pénale ou la protection de l’emploi local...

Malheureusement, force est de le constater, les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays depuis 2004 ont été incapables de mettre à profit cet outil extraordinaire au service de notre développement économique, social et environnemental. Ils ont été incapables de sortir notre pays de la crise.

Bien au contraire ! Sept ans après, la Polynésie est en état de cessation de paiement. On oblige le gouvernement à vendre nos biens, les entreprises font faillite, des milliers de travailleurs ont été licenciés et la grande pauvreté s’est installée en Polynésie !

Sur le plan politique, la situation est désespérée. Le mode de scrutin retenu n’a pas permis de dégager une forte majorité à l’assemblée. Au contraire, c’est l’instabilité institutionnelle qui a prévalu et qui persiste.

Le Gouvernement a donc décidé de modifier le mode de scrutin par la loi du 7 décembre 2007. Le nouveau mode de scrutin, imposé par M. Estrosi, a encore aggravé l’instabilité institutionnelle, puisque les gouvernements n’ont cessé d’être renversés. Le gouvernement actuel est le neuvième en sept années. Comment un pays pourrait-il progresser dans ces conditions ?

À ce sujet, permettez-moi de vous préciser que M. Estrosi n’a pas tenu compte du vœu émis à l’époque par la très grande majorité des formations politiques représentées à l’assemblée, et que nous n’aurions sans doute pas connu une telle situation s’il avait été davantage à notre écoute.

Aujourd’hui, nous allons à nouveau adopter un mode de scrutin, et il faut remercier le rapporteur, M. Christian Cointat, qui nous propose un mode de scrutin plus conforme aux vœux émis à l’unanimité par les formations politiques polynésiennes.

Toutefois, certains ajustements sont encore indispensables, et je compte vous persuader de la nécessité de procéder à de telles modifications.

Tout d’abord, toutes les formations politiques représentées à l’assemblée sont d’accord pour que la Polynésie française ne forme qu’une seule circonscription, divisée en sections.

Tout le monde s’accorde également sur la nécessité d’introduire une prime majoritaire qui se calcule à l’échelle de l’ensemble de la Polynésie française et non pas à celle de chaque section. Toutefois, c’est à l’unanimité que les représentants vous proposent l’introduction d’une prime de 25 % du nombre des élus à l’assemblée, soit quinze sur cinquante-sept, au lieu de 33 %, soit dix-neuf sur cinquante-sept.

En effet, s’il est certain que notre pays a besoin d’une majorité stable et forte à l’assemblée, il est clair aussi que l’opposition ne doit pas être réduite à quelques élus. Le contrôle et la critique des actions du gouvernement sont une nécessité en démocratie, et ce débat doit avoir lieu à l’assemblée.

Ensuite, le découpage des sections qui nous est soumis pour les îles du Vent aboutit à de fortes disproportions : 66 602 personnes pour la première section, contre 72 901 pour la deuxième et 55 180 pour la troisième !

Pour ces raisons, je vous propose un découpage des îles du Vent en quatre sections d’égale importance : première section, 42 557 personnes ; deuxième section, 55 180 personnes ; troisième section, 47 092 personnes ; quatrième section, 49 854 personnes.

Ce découpage des îles du Vent en quatre sections présente le grand avantage de rendre la taille des sections plus homogène et plus égale entre les sections des îles du Vent et la section des îles sous le Vent, cette dernière ne comportant que 33 165 personnes.

Par ailleurs, ce découpage de l’ancienne circonscription des îles du Vent en quatre sections suscitera immanquablement de nouvelles vocations parmi les hommes et les femmes, plus particulièrement parmi les maires bien implantés dans ces nouveaux terroirs.

Enfin, ce découpage permettra, comme vous le souhaitez, madame la ministre, un renouvellement de la classe politique. Ainsi, ce nouveau mode de scrutin, la constitution d’une circonscription unique comprenant neuf sections, la prime attribuée à la liste ayant obtenu la majorité des suffrages sur l’ensemble de la Polynésie française et le seuil des 10 % des suffrages exprimés pour qu’une liste puisse se maintenir au second tour seront des conditions qui, si elles sont retenues dans la loi définitive, nous feront atteindre notre objectif, c’est-à-dire un retour à la stabilité.

La formation qui gagnera les élections disposera d’une majorité assez forte pour lui assurer la stabilité et pour donner au président qu’elle élira la capacité d’inscrire son action dans la durée, ce que la Polynésie n’a pas connu depuis sept ans.

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à reconnaître que ces nouvelles règles électorales doivent s’appliquer sans attendre. En effet, aujourd’hui, le gouvernement de M. Oscar Temaru ne dispose plus de la majorité à l’assemblée de la Polynésie française et l’instabilité nous guette de nouveau.

Ne serait-il pas incohérent de constater que le système actuel ne permet pas la stabilité, ne serait-il pas illogique de faire voter une loi par le Parlement pour y remédier tout en différant son application de deux années ? Soyons lucides, soyons crédibles : si nous proclamons que cette loi est bonne, il faut l’appliquer immédiatement ! Comment justifier d’attendre jusqu’à 2013 alors que nous savons que la situation économique et financière de notre pays est au plus bas ? Jamais nous n’avons connu un tel désastre. Cette situation continuera à se dégrader, et plus rapidement qu’on ne le pense !

Chers collègues, nous devons agir. Décidons l’abréviation du mandat de l’assemblée de la Polynésie française, rendons la parole au peuple polynésien, n’attendons pas que celui-ci descende dans la rue. Faisons-lui confiance !

M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, ce fut la départementalisation de Mayotte et l’évolution statutaire de la Guyane et de la Martinique ; dans quelques semaines, ce seront les institutions néo-calédoniennes et dans un futur plus lointain celles de la Guadeloupe ; aujourd’hui, c’est le fonctionnement des institutions de la Polynésie française : le Sénat est ainsi amené une nouvelle fois à se pencher sur la question cruciale de la gouvernance politique d’une collectivité ultramarine.

La multiplication de ces débats institutionnels peut être appréciée sous deux angles différents. Le premier consiste à proclamer le dynamisme démocratique en vigueur dans ces différents territoires au nom de la nécessaire adaptation des institutions aux spécificités locales. Le second, auquel je me rallie, voit plutôt dans ces débats incessants la démonstration que la France ne parvient toujours pas à mettre en place un réel modèle de développement pour les outre-mers, les errements des modes de gouvernance n’étant que la face la plus visible des difficultés qui frappent sans distinction les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer.

Le projet de loi organique qui nous est aujourd’hui soumis illustre particulièrement ce propos. Depuis l’instauration de la Polynésie en territoire d'outre-mer en 1946, l’évolution institutionnelle de ce territoire s’est caractérisée, au travers des lois de 1977, de 1984 et de 1996, par un transfert progressif de l’exercice des principales compétences aux assemblées élues par la population. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, taillée sur mesure, on le sait, a marqué une profonde rupture institutionnelle destinée à apporter à la Polynésie française l’autonomie à même de la mettre sur le chemin du développement.

Cependant, comme M. le rapporteur l’a rappelé, ce nouveau statut n’a pas permis de mettre en place la stabilité escomptée. Malgré la réforme de la loi électorale opérée par la loi organique du 7 décembre 2007, les crises de gouvernement ont prospéré et se sont succédé au gré des retournements d’alliances électorales, entraînant la formation de onze gouvernements en sept ans. Le présent texte entend remédier à ces dysfonctionnements chroniques en empruntant deux voies : la réforme du mode de scrutin et la rationalisation du fonctionnement des institutions.

S’agissant de la réforme du mode de scrutin, je ne suis pas sûr que la redéfinition des circonscriptions électorales ainsi que le relèvement du seuil d’accès au second tour et de la prime majoritaire suffisent, en eux-mêmes, à garantir un meilleur fonctionnement de l’assemblée de la Polynésie française. Pour tout dire, même si je conviens de l’immensité du territoire polynésien, de l’hétérogénéité de ses îles et du fait que le scrutin proportionnel permet l’expression du pluralisme, je pense que ces mesures introduiront surtout un nouveau facteur de complexité qui alourdira un processus électoral déjà particulièrement pesant dans une collectivité de 2,5 millions de kilomètres carrés.

En vue de la rationalisation du fonctionnement des institutions, le projet de loi organique entend mettre fin, à juste titre, à des pratiques peu compatibles avec la transparence que requiert l’exercice d’un mandat. Je pense au cumul dans le temps des fonctions ou au recrutement de cabinets pléthoriques qui fait naître le soupçon du népotisme. La rationalisation de la motion de défiance constructive et de la motion de renvoi budgétaire devrait également favoriser l’apaisement des relations entre l’assemblée et le gouvernement de la Polynésie française.

Néanmoins, je demeure perplexe quant à la pertinence de l’ensemble de ces modifications au regard de la finalité des institutions et du développement économique et social.

Comme de nombreuses collectivités ultramarines, pour ne pas dire comme toutes les collectivités ultramarines, la Polynésie française est confrontée à de graves problèmes qui affectent non seulement son économie, mais aussi sa cohésion sociale.

Entre 2008 et 2009, le PIB a reculé de 3 %, l’emploi a chuté de 7 %, la dette a bondi de 13 milliards de francs Pacifique et représente 76 % des recettes de fonctionnement du « pays ». L’agence Standard & Poor’s a abaissé sa note financière de BBB+ à BBB–. La Polynésie française n’a pu emprunter que 12,8 milliards de francs Pacifique sur les 19,5 milliards nécessaires au budget en 2010 : un scénario à la grecque, en somme, malgré les transferts financiers de l’État.

Comme le relevait en 2010 la mission conjointe de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration, il est aujourd’hui urgent de casser la spirale négative des finances publiques, de réduire le périmètre et le coût des structures publiques et de redresser les comptes sociaux. On le voit bien, la priorité n’est donc absolument pas la mise en place d’une réforme institutionnelle, si nécessaire soit-elle.

La profonde crise qui frappe la Polynésie française nécessite des réponses rapides et efficaces auxquelles le délitement du débat institutionnel n’apporte, assurément, que des solutions indirectes. La question du mode de gouvernance n’est, en réalité, qu’un outil dont la seule finalité doit être la mise en place de conditions propices à un véritable développement endogène. J’en parle aujourd’hui d’autant plus volontiers que, en tant que représentant de Saint-Pierre-et-Miquelon, je porte naturellement un regard particulier sur les effets que le mode de gouvernance a sur le développement d’une collectivité ultramarine située à des milliers de kilomètres de la métropole. Pour un territoire de 6 000 habitants, mon archipel a la particularité de voir se superposer deux niveaux de collectivité, en sus des relations que chacun de ces niveaux doit entretenir avec le représentant de l’État.

Cette organisation assez lourde pour un si petit territoire ne nous permet cependant pas d’utiliser toutes les possibilités d’autonomie prévues à l’article 74 de la Constitution. Je songe, en particulier, à la coopération régionale avec nos voisins canadiens. En effet, les accords de coopération régionale signés avec eux en 1994 n’ont toujours rien apporté en matière économique, notamment en raison des lourdeurs administratives. Or le potentiel de dynamisme et d’échanges commerciaux apporterait une bouffée d’oxygène à Saint-Pierre-et-Miquelon et à l’État.

On constate donc bien que l’organisation institutionnelle ne saurait être une finalité si elle ne s’accompagne pas d’une vision de long terme adaptée à la collectivité.

Madame la ministre, les collectivités ultramarines des trois océans pâtissent aujourd’hui de graves retards. Ne cédons pas à l’illusion totale de la gouvernance ! Ce qu’elles veulent véritablement, ce sont les moyens de sortir d’un assistanat sclérosant pour pouvoir tenir demain toute leur place au sein de la République.

Malgré les incertitudes que je viens d’évoquer, le groupe RDSE dans son ensemble votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française comme aux prérogatives de son gouvernement et de son assemblée et aux modalités de gestion des affaires locales ne peut nous faire oublier que les plus récents textes de loi trouvant application sur ces archipels, à la fois proches et lointains, ont manifestement échoué à répondre aux enjeux du développement des sociétés locales et aux attentes des populations.

On peut même se demander si les mesures préconisées dans ce projet de loi suffiront à placer le fenua sur la voie du progrès économique et social, un progrès s’appuyant sur les potentiels et les capacités de la population locale, sur l’environnement et sur les ressources disponibles, et fondé sur l’activation de valeurs démocratiques essentielles.

Le projet de loi, portant à la fois sur les conditions d’élection de l’assemblée de la Polynésie française et sur la manière dont les affaires locales peuvent être gérées par modification de la loi organique, pourrait ne pas suffire à atteindre ces objectifs généraux.

En ce qui concerne les conditions d’élection de l’assemblée de la Polynésie française, nous avons à peu près tout connu.

Dans la loi de 1952, premier texte sur l’organisation des pouvoirs publics, l’assemblée de la Polynésie française, à l’époque assemblée territoriale des Établissements français d’Océanie, comptait vingt-cinq membres répartis en dix-neuf circonscriptions, dont douze membres pour six circonscriptions pour les îles du Vent, cinq élus dans autant de circonscriptions pour les îles Sous-le-Vent, deux pour les Marquises, les Australes, les Tuamotu et Gambier.

Dans le texte de 2004, si le nombre des élus était passé à cinquante-sept, le législateur, à la demande notamment de notre collègue Gaston Flosse, avait institué cinq circonscriptions avec une prime majoritaire égale au tiers des élus dans chaque circonscription, tiers évidemment arrondi à l’entier supérieur au besoin. Mais voilà, le résultat du premier scrutin fut plutôt inattendu...

En effet, la plus importante des circonscriptions, celle des îles du Vent, avait voté en faveur de l’UPLD – l’Union pour la démocratie – d’Oscar Temaru, qui s’était retrouvé avec une majorité réelle, quoique faible, au sein de l’assemblée...

La réforme de 2007 a retiré la prime majoritaire aux listes arrivées en tête et a conduit à la désignation d’une assemblée contrôlée a priori par les partis proches de l’UMP, mais la suite a largement prouvé que les choses n’étaient pas aussi simples.

Il serait sans doute trop long d’épiloguer sur les mouvements les plus divers, d’alliances, de séparations et de mésalliances parfois, qui ont rythmé la vie politique locale depuis 2004. Toujours est-il que l’un, qui avait les faveurs du temps, a fini par les perdre, et que d’autres, censés prendre sa place, n’ont pas réussi à rassembler leur camp.

Au fil de péripéties diverses, Oscar Temaru est aujourd’hui président de la Polynésie française et Jacqui Drollet président de l’assemblée de la Polynésie française. Le leader du Tavini et son allié historique du Mana occupent les deux fonctions essentielles de la vie politique locale : voilà où nous en sommes.

L’instabilité politique n’est cependant, selon nous, qu’un élément du dossier et traduit plutôt, à notre sens, la prégnance de bien des questions dépassant les seuls problèmes de stratégie politique et de combinaisons électorales des uns et des autres. Que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ait pour ambition de répondre à ces difficultés est, évidemment, une bonne chose. Mais encore faut-il tenir compte de ce que disent les élus locaux et tirer les leçons d’expériences pour le moins difficiles. De ce point de vue, le texte de la commission des lois, qui prévoit que la Polynésie française ne constitue qu’une seule et même circonscription électorale, divisée en sections électorales représentatives de tout ou partie des archipels, nous semble autrement plus pertinent que le projet de loi initial, qui prévoyait un maintien du découpage actuel et, accessoirement, le retour de la prime majoritaire dans des proportions importantes.

Le résultat auquel est parvenue la commission des lois peut constituer une meilleure base de débat. Il nous semble toutefois perfectible et les amendements déposés sur l’article 1er montrent que c’est effectivement le cas.

Nous pouvons d’ailleurs noter que, comme nous l’avons vu récemment pour le texte relatif à la Guyane et à la Martinique, le Gouvernement maintient l’option d’un mode de scrutin proportionnel avec prime – fortement inspirée du mode de scrutin des élections régionales en métropole – pour ce qui concerne l’élection de l’assemblée unique du territoire.

On peut s’en féliciter, chercher à améliorer le dispositif – nous sommes pour notre part partisans d’une proportionnelle intégrale –, mais on peut aussi constater qu’en métropole, en lieu et place d’un mode de scrutin proportionnel, les électeurs et électrices pourraient être amenés à voter en 2014 pour des conseillers territoriaux à double casquette – conseiller régional et général – élus au scrutin majoritaire à deux tours...

Pourquoi ce qui serait bon et juste pour l’outre-mer n’aurait pas vocation à trouver application en métropole ? Cela étant, on peut quand même se demander quel est le bien-fondé du sectionnement électoral si ce n’est à tout le moins de faciliter l’ancrage des élus – le texte de la commission prévoit que chaque parti devra présenter des candidats domiciliés dans la section – et s’il y a forcément lieu de multiplier les sections.

L’examen des articles devrait nous permettre d’aller plus loin sur l’ensemble de ces questions, qui ne sont, de toute manière, pas encore tranchées et qui s’accommodent d’ailleurs assez mal de la procédure accélérée voulue par le Gouvernement.

Comme nous ne voulons pas croire que cette procédure va de pair avec l’octroi d’un prêt de 41,9 millions d’euros par l’Agence française de développement au gouvernement de Polynésie et l’affirmation par le ministère d’une exigence de « rationalisation » des dépenses des institutions polynésiennes, je dirai quelques mots des autres dispositions du texte.

Non content de rétablir la prime majoritaire, outil de la stabilité de son point de vue – peut-être faudrait-il aller jusqu’au bout et découper les archipels en cantons ? –, le Gouvernement a proposé de limiter de fait les pouvoirs de contrôle de l’assemblée territoriale sur le président et le gouvernement de Polynésie Française.

Les choix opérés dans le texte initial ne risquaient-ils pas de créer les conditions de la prolongation d’un gouvernement désavoué, sans qu’il soit possible de définir une alternative claire et nette à celui-ci ? Mettre en minorité un gouvernement était possible, mais comme proposer une politique alternative demandait une majorité plus importante, on ne pouvait laisser les Polynésiens face au choix entre rien et le chaos, ce qui aurait pu amener de fait une instabilité encore plus grande, résolue dans les faits par la seule intervention de l’État, c’est-à-dire du haut-commissaire.

En effet, les enjeux polynésiens sont tels – chômage plus élevé qu’en métropole, situation préoccupante des activités économiques et de la jeunesse, problèmes de logement, enjeux de l’éducation et de la formation – que les choix budgétaires à venir s’annoncent délicats et qu’il conviendra sans doute de créer les conditions d’une large mobilisation des forces vives de la société pour qu’ils trouvent une traduction à la hauteur des attentes.

Le développement économique et social harmonieux du fenua passe par le dialogue, la confrontation démocratique et équilibrée des idées ; nous devons faire en sorte que ce texte y contribue. La discussion qui commence montre qu’il y a encore à faire. C’est évidemment en fonction de ce que sera le texte de la « petite loi » que nous nous déterminerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on a longuement débattu de la réforme des collectivités territoriales en métropole, réforme dans laquelle je me suis beaucoup investie, il est à mon sens important de ne pas oublier les collectivités plus éloignées comme la Polynésie. En effet, les Français de Polynésie ont beau être éloignés géographiquement de notre assemblée et de notre territoire métropolitain, ils suivent de très près le travail parlementaire que nous effectuons.

Aujourd’hui, leur collectivité souffre d’une forte instabilité politique qui nuit dangereusement au fonctionnement de leurs institutions et à leur situation économique et sociale, comme cela a déjà été rappelé. Il me semble donc important, pour ne pas dire primordial pour la Polynésie de retrouver un équilibre institutionnel avec une majorité stable à l’assemblée de Polynésie française. Tel est l’objet du projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui.

Je commencerai par féliciter, pour le travail qui a été accompli, la commission et son rapporteur, Christian Cointat, dont je salue également les qualités d’écoute, liées à une très bonne connaissance de la Polynésie.

Plusieurs amendements ont été adoptés en commission des lois qui améliorent considérablement à notre sens, madame la ministre, le texte initial. Certaines de ces dispositions devraient enfin permettre aux institutions polynésiennes de retrouver une stabilité.

Je pense notamment à l’instauration d’une circonscription unique, divisée en huit sections, qui permettra à chaque liste, qui devra se présenter sur l’ensemble des sections, de proposer un projet pour l’ensemble du pays. Cela devrait contribuer à renforcer le sentiment d’unicité de la Polynésie tout en garantissant la diversité de la représentation. Une majorité devrait se dégager puisque la prime majoritaire d’un tiers des sièges, soit dix-neuf sièges, sera attribuée à la liste qui remportera l’élection à l’échelle du pays.

Toutefois, il est un point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, point crucial pour le pluralisme, qui, vous le savez, est une valeur qui me tient particulièrement à cœur. Il s’agit du seuil d’accessibilité au second tour pour l’élection des représentants de l’assemblée de Polynésie, qui est fixé à 10 % des électeurs inscrits. Il me semble essentiel de modifier cette disposition si l’on veut que le pluralisme puisse s’exercer aussi en Polynésie. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement à l’article 2 qui vise à modifier le seuil d’accessibilité en le portant à 10 % des suffrages exprimés.

Cela se justifie d’autant plus que le texte initial intègre des composantes très majoritaires, ou plutôt trop majoritaires, devrais-je dire, d’un scrutin. On a en effet une circonscription unique et une prime majoritaire égale à un tiers des sièges. En introduisant un seuil de 10 % des suffrages exprimés, on rétablirait un certain équilibre, sauvegardant le pluralisme et permettant aux petites formations de survivre et de pouvoir être représentées et écoutées.

Je rappelle d’ailleurs qu’aucune loi électorale régissant un scrutin de liste à deux tours ne dispose à ce jour que le seuil d’accessibilité au second tour doit être égal à 10 % des électeurs inscrits. Pour les élections des conseils municipaux, le seuil est fixé à 10 % des suffrages exprimés et pour l’élection des conseillers à l’assemblée de Corse, il est fixé à 7 % des suffrages exprimés. En outre, un seuil de 10 % des inscrits peut aboutir, en fonction de l’abstention, à un seuil voisin de 20 % des suffrages exprimés, ce qui est loin d’être négligeable.

Bien sûr, nous avons examiné ce point en commission des lois ce matin, et ma proposition n’a pas, je dois le dire, reçu un accueil favorable. Je n’oublie pas que notre collègue Richard Tuheiava a, quant à lui, déposé un amendement qui fixe le seuil d’accessibilité à 12,5 % des suffrages exprimés, ce qui est un progrès par rapport au texte actuel ; nous verrons, au cours de la discussion, comment concilier nos positions.

Comme l’a dit à plusieurs reprises le président de la commission des lois, il faut veiller à la stabilité, mais je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut arguer de l’instabilité pour effacer le pluralisme. Pluralisme et stabilité peuvent toujours se conjuguer.

Cela dit, à moins d’un bouleversement majeur du travail de la commission des lois, nous voterons très certainement ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quatre ans – quatre ans seulement ! – se sont écoulés depuis la dernière modification de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

La loi organique du 7 décembre 2007, dite « loi Estrosi », qui devait tendre – c’était son intitulé exact – à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, a été un échec, tout au moins sur le premier point : elle n’a pas atteint l’objectif principal qui lui a été fixé, à savoir celui d’assurer une stabilité politique dans le fonctionnement des institutions de la collectivité d’outre-mer de Polynésie française.

Ainsi, neuf renversements de gouvernement par l’adoption de motions de censure, puis de motions de défiance sont intervenus, onze gouvernements en à peine sept ans se sont succédé. N’est-il pas temps de s’interroger sur la pertinence d’une nouvelle modification du système électoral, qui ne serait qu’une pommade superficielle, destinée, une fois de plus, à masquer le fond du problème ?

Mes chers collègues, n’observons-nous pas encore la situation démocratique polynésienne du mauvais côté de la lorgnette ? Sommes-nous sûrs et certains d’avoir analysé avec toute l’honnêteté intellectuelle nécessaire la problématique politique polynésienne ? Sommes-nous sûrs et certains d’avoir identifié objectivement et traité scrupuleusement les « racines du mal » ?

En effet, plutôt que de nous appesantir sur les symptômes, nous sommes-nous réellement intéressés aux causes profondes de la maladie ?

Depuis l’adoption par le Parlement de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française en 2004 – je vous fais grâce du contexte local dans lequel celui-ci a été voté... –, depuis les joutes politiciennes locales de tous bords qui se sont ensuivies trop souvent, sous le regard « bienveillant » de « Paris » – permettez-moi ce cynisme, madame la ministre, car vous savez que vous n’êtes pas visée personnellement depuis cette tribune –, il est devenu évident dans la conscience politique collective polynésienne qui prévaut au niveau local que la stratégie parisienne n’a cherché, à partir de 2007, où c’est devenu énorme, qu’à remplacer la classe politique au pouvoir par une autre,… une autre classe politique qui travaillerait bien évidemment dans le sens de la continuité des acquis institutionnels au sein de l’article 74 de la Constitution.

Cette autre classe politique locale n’aura pourtant jamais réussi à complètement s’affranchir et s’émanciper des stigmates du passé, que ce soit sur le plan judiciaire ou sur le plan financier. Plus particulièrement, elle continue, sous le couvert d’une approche politique plutôt centriste donc modérée, de se qualifier néanmoins d’autonomiste pour continuer de séduire « Paris ».

Cette autre classe politique n’aura jamais vraiment réussi à dépasser les clivages idéologiques d’antan, clivages vivaces, je le concède, tant le poids de l’histoire politique polynésienne reste lourd et a tendance à s’alourdir d’année en année.

La simple vérité, à mes yeux, est criante et pourtant on ne la voit pas, ou du moins refuse-t-on de la voir, par tolérance ou par sympathie, mes chers collègues. La vérité, c’est qu’il est difficile de bien poursuivre quand on a mal commencé.

Toute l’histoire politique polynésienne nous révèle, sans détour ni évitement, comment les choses avaient mal commencé et comment, en près d’un siècle, l’État d’alors a dû dépenser une énergie colossale ainsi que des sommes d’argent vertigineuses en direction de ses possessions ultramarines du Pacifique, dont la Polynésie française, pour tenter de camoufler ce « mauvais démarrage » grâce à des artifices institutionnels qui se révèlent hors de prix aujourd’hui : une véritable fuite en avant, légitimée en cela par la stratégie gaullienne des années cinquante et soixante.

Le reste, tout le monde le connaît : la véritable politique coloniale ultramarine dans le Pacifique n’aura été, pendant ces quarante dernières années, qu’un difficile rapport de forces entre, d’une part, les ambitions internationales d’un complexe militaro-industriel puissant qui a gouverné la politique énergétique nationale et, d’autre part, les exigences budgétaires de Bercy qui ont permis de gommer l’ampleur de la dette publique nationale aux yeux des Français de l’hexagone.

C’est vous dire quels avaient pu être les défis humains relevés par certaines personnalités telles que Maurice Lenormand, Pouvanaa a Oopa, qui fut sénateur, ou certains mouvements politiques locaux tels que le FLNKS ou le Tavini Huiraatira-FLP, pour ne prendre que les exemples calédonien et polynésien, personnalités ou mouvements qui ne s’inscrivaient certainement pas dans la logique de l’époque.

Depuis 2004, la gouvernance territoriale en Polynésie française a connu une profonde mutation, un choc démocratique terrible, sans commune mesure dans toute l’histoire polynésienne, et l’histoire continue d’ailleurs de s’écrire sous nos yeux. À partir de 2007, elle a connu un second virage sans précédent, la gouvernance nationale ayant connu un changement brutal.

Plus rien n’allait être comme avant : le traditionnel schéma politique et financier Paris-Papeete allait durablement, devrais-je dire définitivement, voler en éclat.

Et, du coup, l’outil institutionnel statutaire polynésien a entamé, lui aussi, une phase de mutations profondes de 2004 à 2007, car il s’est révélé de plus en plus inadapté, surdimensionné et coûteux au regard de la nouvelle forme de gouvernance locale, aux antipodes de celle qui était programmée.

Mais également cet outil statutaire allait se retrouver en déphasage complet par rapport aux attentes des acteurs du tissu économique et social polynésien, lui-même surdimensionné et « dopé » par l’ère nucléaire, tissu qui allait subir un choc existentiel sans précédent dont tous les effets n’ont pas encore été ressentis.

Pis, une longue série d’effets collatéraux allait s’ensuivre. Je me limiterai toutefois à la problématique de la très théorique libre administration des communes polynésiennes. Non seulement cet exemple n’est pas innocent, mais le Sénat est le lieu institutionnel parfait pour l’évoquer.

Ainsi, la gouvernance polynésienne locale à l’échelon communal allait, elle aussi, affronter de plein fouet les effets d’une mutation profonde.

Il n’avait alors échappé à personne – mais cela n’avait pas non plus gêné grand-monde ! – que les communes polynésiennes, qui bénéficiaient jusqu’alors d’une situation budgétaire et sociale plutôt confortable, étaient dans une situation d’« exception institutionnelle ». Vous avouerez, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal de constater qu’une collectivité territoriale de la République régie par l’article 74 puisse compter en son sein une autre collectivité territoriale de rang constitutionnel identique et que, dans le même temps, la première puisse maîtriser la fiscalité de la seconde, financer 95 % de son fonctionnement, présider son comité de répartition des fonds de fonctionnement et d’investissement, lui imposer de facto de nouvelles compétences, tout en inscrivant angéliquement dans sa loi statutaire le principe de libre administration des collectivités territoriales reconnu à la seconde.

Nos communes polynésiennes ont commencé, à partir de 2004, à subir les effets d’une rupture de la gouvernance clientéliste d’alors, ainsi que nos brillants collègues Bernard Frimat et Christian Cointat l’ont relevé dans leur rapport de 2008, adopté par la commission des lois, et à se heurter à la dure réalité du paradoxe institutionnel que je viens de rappeler.

Madame la ministre, mes chers collègues, il y a une autre donnée qui n’a peut-être pas été suffisamment relevée par nos deux éminents collègues à l’époque. Nous ne leur en tenons pas rigueur parce qu’elle n’avait pas encore été, à l’époque, suffisamment éprouvée dans le temps : bon nombre de représentants à l’assemblée de la Polynésie française exerçaient également les fonctions de maires dans diverses communes polynésiennes sans que ce conflit d’intérêts, à peine avoué, ait alors pris de réelle ampleur, l’ancien système gommant suffisamment les travers d’une telle situation.

Ainsi, le paradoxe découlant de la présence d’une collectivité territoriale de la République au sein d’une autre collectivité territoriale de la République n’engendrait pas de réels conflits d’intérêts au plan local tant que les choses allaient dans le sens – permettez-moi l’expression – de « l’axe politique dominant ».

Mais que s’est-il passé lorsque les intérêts locaux d’une libre administration des communes polynésiennes, notamment dans l’exercice de compétences légales budgétairement encombrantes, pour le transfert desquelles elles n’avaient pas eu droit à la parole, se sont heurtés aux intérêts légitimes locaux d’une autre collectivité territoriale – la Polynésie française –, qui s’est démocratiquement, par les urnes, trouvée en posture de méfiance, et quelquefois de défiance, par rapport aux intérêts de l’exécutif national ?

La conséquence directe a été claire : les maires, notamment des archipels, qui étaient également représentants à l’assemblée de la Polynésie française ont amorcé, puis adopté, une posture politique gouvernée par les intérêts géographiques locaux des populations qui les ont élus.

L’appellation, devenue injustement péjorative, d’îliens, avec les travers connus que celle-ci évoque en termes de nomadisme politique à l’assemblée de la Polynésie française, est née de ce comportement politique insulaire qui défie les lois de la démocratie à l’occidentale et dont la cause remonte en réalité aux racines du dispositif institutionnel et statutaire de la collectivité d’outre-mer de la Polynésie française.

A-t-on traité de cette problématique en 2007, lors de l’examen de la loi Estrosi par le Parlement ? Non !

L’a-t-on intégrée dans le projet de loi organique déclaré d’urgence, qui a été déposé en avril 2011, après que M. Temaru a été réélu à la présidence de la Polynésie française ? Pas davantage !

A-t-on intégré le fait que la gestion en bonus pater familias de la Polynésie française aurait exigé que cette collectivité dispose du temps nécessaire pour remettre sereinement à plat son modèle économique, voire son modèle de développement ? Sur ce point très précis, j’ai eu l’occasion, madame la ministre, de vous poser l’année dernière une question d’actualité à l’occasion d’un grave conflit social qui avait bloqué la ville de Papeete.

Que devrions-nous considérer d’abord, le modèle institutionnel ou le modèle économique ? Lequel doit s’adapter à l’autre ?

Mon analyse est sans compromission, mes chers collègues : au fond, la réponse à cette question est tout simplement de savoir de quel côté on se place pour l’aborder et la traiter.

Et je prends la liberté et la responsabilité de faire céder mon propos à la séduction de l’évidence, ici à cette tribune nationale.

Si la priorité est le développement économique et social de la collectivité ultramarine polynésienne, passant obligatoirement par une refonte globale du modèle existant, qui a atteint ses limites, alors nous nous placerons du côté des intérêts prioritaires de la Polynésie, laquelle n’attend que cela. Une trêve institutionnelle de courte ou de moyenne durée ne saurait faire que le plus grand bien à nos populations, à notre peuple polynésien. Les Calédoniens ont bénéficié, parce que la situation de crise des années 1980 avait atteint un paroxysme en 1988, date à laquelle on approcha de la guerre civile, d’un cadre institutionnel contractuel sous le parrainage de l’État. Les Polynésiens n’ont pas pu bénéficier d’un tel privilège, même à partir de 2004, quand tout a été fait pour démettre des rênes du pouvoir la classe politique émergente dite « indépendantiste » ou, je préfère ce terme, « souverainiste ».

En revanche, si la priorité est la sécurisation institutionnelle du statut, régi par l’article 74 de la Constitution, de collectivité d’outre-mer de la Polynésie française au sein de la République, passant par un nouveau « lifting statutaire » du système électoral destiné à garantir la pérennité des acquis institutionnels et régionaux dans l’outre-mer, zone géopolitique émergente, et à favoriser l’émergence d’une classe politique plutôt « compréhensive » des intérêts supérieurs de la nation, alors nous serions bien dans une stratégie d’État destinée à garantir ses intérêts prioritaires.

D’évidence, c’est le second choix qui s’impose à nous avec l’examen de ce texte qui, pourtant, recèle des intentions louables.

Un autre élément embarrassant relatif au débat sur la stabilité des institutions de la Polynésie française a aussi été escamoté au nom de la tradition républicaine, alors même que la Constitution française ne l’interdit pas formellement.

En effet, la stabilité politique aurait pu être assurée en repensant le mode d’élection du président de la collectivité d’outre-mer de la Polynésie française.

Dans l’article 1er de la loi organique, il est écrit que la « Polynésie française se gouverne démocratiquement par ses représentants élus ».

Aux yeux des acteurs économiques et sociaux en Polynésie française, mais aussi des partenaires politiques et des organisations intergouvernementales de la région Pacifique, l’instabilité politique en Polynésie française se manifeste concrètement – avouons-le ! – par le renversement du président élu et, par un effet domino, du gouvernement.

Instaurer un régime présidentiel en déconnectant l’élection du président du bon vouloir des représentants de l’assemblée de la Polynésie française assurerait la pérennité de la première institution de cette collectivité d’outre-mer au sein de la République.

Une des pistes à explorer serait l’élection au suffrage direct, solution que le Gouvernement semble écarter d’emblée – nous en avons déjà discuté –, au nom d’une tradition jacobine à peine avouée, tradition qui n’avait pourtant pas privé celui-ci d’accorder en 1989 le régime du gel du corps électoral aux élections provinciales et territoriales en Nouvelle-Calédonie mais également la valeur législative complète aux lois de pays adoptées par le congrès de cette autre collectivité d’outre-mer au sein de la République.

En d’autres termes, ce qui serait choquant dans l’une des collectivités d’outre-mer ne le serait pas dans une autre…

Pourtant, la légitimité du président de la Polynésie française élu n’en serait que renforcée et ne dépendrait plus des alliances de circonstances évoquées dans l’exposé des motifs du projet de loi organique dont nous discutons cet après-midi.

Dans un contexte économique dégradé, il est impossible à un responsable de gouvernement de mener à terme une quelconque politique, quel qu’en soit le domaine, lorsque la propre échéance de ses fonctions est incertaine. Il est impératif pour le président que la durée de son mandat soit fixée, tout comme pour le pilote de l’avion d’avoir un cap et de s’y tenir. C’est pourquoi je ne souscris pas à l’abréviation anticipée d’un mandat.

Bien entendu, l’option d’une élection au suffrage direct nécessite de concevoir différemment les missions et les relations des différentes institutions entre elles. Je dois avouer avoir pensé à déposer quelques amendements en ce sens. Mais la tâche s’est révélée trop compliquée pour le faire dans le cadre de ce texte.

Si l’option d’une élection au suffrage direct du président de la Polynésie française ne recueille pas forcément l’aval de tous en raison de sa ressemblance avec celle du Président de la République et de la tradition jacobine de l’unicité de la République française, il n’en demeure pas moins que le collège électoral qui élirait le président de la Polynésie française au plan local pourrait être élargi. Le corps de grands électeurs définis pourrait être renouvelé sur la même périodicité.

Ce sont des pistes que j’ouvre devant vous, madame la ministre, mes chers collègues, et sur lesquelles je vous invite à réfléchir. Le moment viendra où nous aborderons de nouveau cette problématique.

Dans l’attente d’une révision plus complète du statut de la Polynésie française qui conférerait à celle-ci une réelle autonomie et non pas une pseudo-souveraineté factice au plan territorial, je vous proposerai aujourd'hui quelques retouches du texte de la commission. Je tiens à souligner le travail que celle-ci, et particulièrement son rapporteur, a effectué en adoptant quelques modifications de fond, notamment le principe de l’unicité du territoire de la Polynésie française au même titre que celui de l’unicité de la République.

À mon sens, l’unicité est le socle du modèle institutionnel et démocratique de la Polynésie de demain, même si vous ne semblez pas l’accepter.

Les quelques modifications de fond qu’a adoptées la commission des lois me pousseront à voter en faveur du projet de loi organique, même s’il reste, à mon avis, nécessairement provisoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)