M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il faudrait relire de temps en temps l’ordonnance !

M. Robert Badinter. Rendons témoignage à ceux qui ont réalisé cette grande œuvre et aux magistrats qui l’ont appliquée !

Aujourd’hui, on nous explique qu’il s’agit d’une autre jeunesse, plus dangereuse. La dangerosité ne se mesure pas à la taille ou à la grosseur des biceps et un frêle adolescent armé sera toujours plus dangereux qu’un grand costaud du même âge.

Mais ce qui est certain, c’est que vous avez commis dans ce texte, monsieur le garde des sceaux, une double erreur conceptuelle, au-delà de la perspective erronée que j’évoquais et de l’oubli du fait que l’adolescent est un être en devenir.

La première erreur, c’est de croire que la menace de sanctions toujours plus dures suffira à dissuader les adolescents tentés par la délinquance.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous n’avons pas changé l’échelle des sanctions ! Ce sont les mêmes !

M. Robert Badinter. Le durcissement des peines par les juridictions qui les prononcent est une réalité.

La seconde erreur, beaucoup plus grave, concerne les juridictions elles-mêmes. Vous créez un tribunal correctionnel devant lequel seront dorénavant jugés des mineurs de 16 à 18 ans, non plus par des magistrats spécialisés et des accesseurs spécialisés, eu égard à leur expérience et à leur vocation,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !

M. Robert Badinter. … mais par des citoyens échevins, et dont seul le président devra être un juge des enfants, grâce à la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Robert Badinter. Au lieu de maintenir une juridiction tout entière spécialisée, vous plaquez des éléments de spécialisation sur une juridiction par nature pour adultes.

Enfin, s’agissant de la césure, je la prends comme un tempérament. La vraie réponse, c’est la comparution devant le juge qui, à ce moment, commence le traitement approprié.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est cela, la césure !

M. Robert Badinter. Non, la césure, c’est autre chose ! Cette « rigidification » ne servira à rien !

Vous avez entendu les protestations extraordinaires, qui n’ont pas mobilisé l’opinion publique, de tous les magistrats de la jeunesse, vous avez constaté le tollé suscité par votre projet au sein des instances internationales qui s’intéressent à la défense des droits de l’homme ou au devenir des enfants !

Je vous le demande : pourquoi avoir élaboré ce texte ? Pour afficher que l’on agit afin de lutter contre la violence croissante des jeunes ? Mais les plus dangereux des jeunes dont il est question sont âgés, nous dit-on, de 16 à 18 ans. Or la politique menée depuis 2002 est inspirée par celui qui, ministre de l’intérieur à l’époque, est devenu ensuite Président de la République ! Nous l’avons entendu si souvent s’exprimer à ce sujet ! Faites le calcul : ceux qui ont 18 ans aujourd'hui en avaient très exactement 9 en 2002, lorsque le puissant ministre de l’intérieur a fait connaître sa volonté de lutter contre la violence et la délinquance des jeunes. Cette politique, qui va à l’encontre de tous les principes ayant animé jusqu’à présent la justice des mineurs, a douloureusement échoué. On parlait jadis de la « génération Mitterrand » : la génération de ceux qui ont actuellement 18 ans n’aura connu que M. Sarkozy. C’est triste à dire, et je regrette d’avoir à le constater, mais cet échec est dû au fait que les voies empruntées n’étaient pas les bonnes ! Or vous persévérez, hélas ! sinon de votre propre chef, en tout cas comme l’exécutant de volontés que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « la justice est rendue au nom du peuple français, désormais elle sera rendue aussi par le peuple français » : c’est ainsi que le chef de l’État annonçait, le 3 février dernier, la réforme essentielle que nous allons voter aujourd’hui.

En effet, le texte qui nous est soumis a pour objet de renforcer le lien, aujourd’hui trop distendu, entre la population et l’institution judiciaire. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Le groupe UMP est notamment convaincu que la participation des citoyens à la prise de décisions parfois difficiles améliorera leur connaissance d’une institution complexe.

Ce texte constitue une étape nouvelle et majeure, qui matérialise la volonté du Gouvernement d’établir une justice plus proche du citoyen, plus réactive, prenant mieux en compte les attentes légitimes des Français. L’intervention des citoyens assesseurs viendra nourrir l’esprit civique de chacun, dans la mesure où juger est un acte de citoyenneté et d’implication dans la vie de la cité.

L’extension de la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale procède de la volonté de poursuivre la démocratisation de notre vie politique et constitue une impérieuse nécessité. Elle permettra, dans le respect du cadre constitutionnel et conventionnel, de répondre au sentiment d’incompréhension croissante qu’éprouvent nos concitoyens devant leur justice. Il ne fait nul doute que les citoyens seront demain, comme ils le sont déjà aujourd’hui en matière criminelle, de bons juges.

Si le cadre conventionnel – au premier chef la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – n’impose aucune exigence concernant le caractère professionnel ou non des membres des juridictions, le cadre constitutionnel, sous réserve que certaines garanties soient respectées, permet aujourd’hui d’associer davantage les citoyens au fonctionnement de la justice pénale.

Notre groupe se satisfait pleinement des modalités de désignation, largement inspirées du fonctionnement de la cour d’assises, que le travail parlementaire a permis d’élaborer. La qualité des citoyens assesseurs, leur capacité à prendre des décisions éclairées sur des faits parfois complexes et leur sens des responsabilités seront ainsi parfaitement pris en compte.

Bien sûr, la présence de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, les cours d’assises et les juridictions de l’application des peines imposera l’octroi de moyens financiers et de postes supplémentaires, tant de magistrats que de greffiers. Le Gouvernement a pris des engagements sur ce point, et le groupe UMP lui fait confiance.

Il s’agit de renforcer la cohérence de notre système pénal, en garantissant une certaine continuité de notre chaîne pénale, puisque, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, 80 % des dossiers soumis aux juridictions chargées de l’aménagement des peines concernent des personnes condamnées par une cour d’assises. Il nous semble donc cohérent que des citoyens puissent participer à la prise d’une décision qui conduira à aménager un verdict pris initialement par une juridiction composée de jurés. Cela accroîtra la confiance dans la justice pénale de notre pays.

Je souhaite ouvrir une parenthèse pour évoquer le champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, c'est-à-dire composé de trois magistrats professionnels et de deux citoyens assesseurs.

En effet, le Sénat, sous l’impulsion du rapporteur, avait souhaité modifier la version initiale du texte, qui répondait à un principe de spécialisation en matière de violences aux personnes, censées être d’une approche plus simple.

Or, notre collègue rapporteur, M. Jean-René Lecerf, ne s’est pas montré convaincu par cette définition du périmètre de compétence, estimant qu’une telle spécialisation « conduit à “cibler” une catégorie de délinquants qui, le plus souvent, se recrutent au sein d’une frange particulièrement démunie de la population » et regrettant que « d’autres formes de délinquance moins sociologiquement “marquées” continueront de relever des seuls magistrats professionnels ». Il déplorait le fait qu’« un grand nombre de délits portant atteinte aux personnes échapperont […] à cette formation du tribunal correctionnel ».

C’est pourquoi nous avions élargi la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne à l’ensemble des atteintes aux personnes passibles d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans, ce qui permet d’inclure des formes de délinquance d’origine plus diverse que celle des faits de violences aux personnes, au délit d’usurpation d’identité et aux infractions prévues par le code de l’environnement et passibles d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement.

Nous nous réjouissons aujourd’hui que cette position ait primé lors de la réunion de la commission mixte paritaire, pour aboutir à un texte plus lisible et compréhensible par nos concitoyens. Outre qu’il permettra la représentation des citoyens dans les tribunaux correctionnels et les juridictions de l’application des peines, le projet de loi simplifiera l’organisation de la justice en matière criminelle.

En ce qui concerne la cour d’assises, le débat a été animé ici même et à l’Assemblée nationale. Le dispositif issu d’un échange permanent entre les deux chambres nous paraît judicieux et équilibré, propre à permettre le bon fonctionnement de notre justice.

Ainsi, comme nous l’avions souhaité lors de l’examen du texte au Sénat, afin de répondre aux deux difficultés réelles de la justice criminelle que sont l’engorgement du rôle des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires, le jury de jugement de la cour d’assises sera rénové, et le nombre de jurés réduit à six en première instance et à neuf en appel, ce qui permet d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, comme nous l’avions alors déjà signalé, notre groupe se satisfait du remplacement de la lecture de l’arrêt de mise en accusation par un rapport oral du président.

Rendre obligatoire la motivation des arrêts en matière criminelle, et pas seulement en cas de condamnation, constitue une autre avancée importante.

L’autre volet du projet de loi, relatif à la réforme de la justice des mineurs, est nécessaire pour adapter notre système judiciaire à l’évolution de la société.

Vous aviez, monsieur le garde des sceaux, émis le souhait que l’on puisse « juger les mineurs délinquants dans les meilleures conditions, notamment grâce à une connaissance plus fine de leur personnalité, tout en respectant l’exigence de célérité qui permet de donner pleinement son sens à la sanction ». Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté réaffirmée du Gouvernement.

Nous faisons tous le même constat, que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle : l’évolution de la délinquance des mineurs constatée au cours de ces dernières années est doublement préoccupante. D’une part, le nombre de mineurs mis en en cause pour des faits de délinquance tend à progresser ; d’autre part, les faits commis par les mineurs, qui sont de plus en plus souvent des atteintes aux personnes, s’aggravent.

Nous devons donc adapter les outils juridiques dont dispose l’autorité judiciaire à cette problématique évolutive, dans le respect des principes de primauté de l’éducatif sur le répressif, d’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge et de spécificité de la procédure pénale applicable aux mineurs.

Les modifications apportées à l’ordonnance du 2 février 1945 permettront un traitement plus rapide et plus lisible de la délinquance des mineurs, conformément au souhait des Français.

Quant à la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs, nous sommes convaincus qu’elle permettra d’améliorer la lutte contre la récidive de ces derniers.

La réduction des délais de jugement des mineurs auteurs d’infractions passe par un préalable, l’amélioration de la connaissance de la personnalité du mineur, ainsi que par une adaptation des modes de poursuite.

Ce texte comporte donc des avancées majeures en ce sens, mais aussi en vue d’une plus grande implication des parents.

Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail minutieux et équilibré réalisé par le rapporteur, notre collègue Jean-René Lecerf, ainsi que par les membres de la commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.

Mes chers collègues, le groupe UMP, convaincu de la nécessité de cette double réforme, votera ce texte ambitieux non seulement pour notre système judiciaire, mais également pour les Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux intervenants dans la discussion générale.

Je remercie M. Magras du soutien qu’il vient d’apporter au Gouvernement. Il est méritoire qu’il soit resté ferme dans ses convictions après avoir entendu les orateurs qui l’ont précédé ! (Sourires.)

Je suis extrêmement surpris par la peur du peuple qui semble habiter les trois orateurs de l’opposition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Selon eux, il ne faudrait pas de citoyens dans les tribunaux correctionnels, ce serait quelque chose d’affreux !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle démagogie ! Les juges sont des citoyens !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. De quoi avez-vous peur ? Dans une tribune publiée par un journal du soir, l’un d’entre vous a écrit qu’il ne fallait pas faire siéger de citoyens ordinaires au tribunal correctionnel. En France, monsieur Badinter, il n’y a pas des citoyens ordinaires et des citoyens extraordinaires ; il y a des citoyens français ! Pourquoi avoir peur d’eux ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n’avons pas peur ! Vous n’avez pas les moyens de les payer ni de les former !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Sueur, ne ramenez pas tout à l’argent, ce n’est pas respectueux des citoyens !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la démagogie !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je voudrais tout de même rappeler que cela fait longtemps que des citoyens siègent aux côtés des magistrats. Je tiens à redire ici que le Gouvernement n’éprouve aucune méfiance à l’égard des magistrats professionnels. M’avez-vous entendu une seule fois les critiquer ? Je ne l’ai jamais fait,…

M. Robert Badinter. Cela aurait été un comble !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … parce que je n’ai aucune envie ni aucune raison de le faire ! Finissons-en avec cet amalgame !

Par ailleurs, on nous explique qu’il ne faut pas de citoyens assesseurs pour juger les majeurs, mais qu’il en faudrait, qui ne soient pas les mêmes, pour juger les mineurs !

M. Robert Badinter. Ils doivent être spécialisés !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Voilà un raisonnement un peu complexe à comprendre !

Concernant la composition du tribunal correctionnel, je m’étonne vivement qu’aucun des trois orateurs de l’opposition n’ait évoqué la cour d’assises des mineurs. Il est d’ailleurs surprenant que vous ne l’ayez pas réformée lorsque vous aviez la possibilité de le faire !

Je rappelle que la cour d’assises des mineurs, qui existe depuis 1951 si ma mémoire est bonne, est présidée par le président de la cour d’assises normale, que les jurés sont des jurés de la cour d’assises normale et que les assesseurs sont dans la mesure du possible des juges des enfants, sinon d’autres magistrats. Si vos convictions correspondent vraiment à vos propos, que n’avez-vous réformé la cour d’assises des mineurs ? En réalité, vous vous opposez pour vous opposer ! L’anti-sarkozysme n’est pas une politique !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

PROJET DE LOI SUR LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ET LE JUGEMENT DES MINEURS

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE

Chapitre IER

Dispositions relatives aux citoyens assesseurs

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 1er

Article 1er A 

[article transféré après l’article 9 sexies]

(Supprimé)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 1er bis

Article 1er

Le titre préliminaire du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;

2° Il est créé un sous-titre Ier intitulé : « De l’action publique et de l’action civile » comprenant les articles 1er à 10 ;

3° Il est ajouté un sous-titre II ainsi rédigé :

« SOUS-TITRE II

« DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU JUGEMENT DES AFFAIRES PÉNALES

« Art. 10-1. – Les citoyens peuvent être appelés, comme jurés, à composer le jury de la cour d’assises constitué conformément à la section 2 du chapitre III et au chapitre V du titre Ier du livre II.

« Ils peuvent également être appelés, comme citoyens assesseurs :

« 1° À compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels dans les cas prévus aux articles 399-2 et 510-1 ;

« 2° À compléter le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel dans les cas prévus aux articles 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 ;

« 3° (Supprimé)

« Art. 10-2. – Il est établi annuellement, pour chaque tribunal de grande instance, une liste de citoyens assesseurs dont le nombre est fixé par arrêté du ministre de la justice.

« Art. 10-3. – Peuvent seules être inscrites sur la liste annuelle des citoyens assesseurs établie pour chaque tribunal de grande instance les personnes remplissant les conditions suivantes :

« 1° Ne pas avoir été inscrites la même année sur la liste annuelle du jury d’assises en application des articles 263 et 264 ;

« 2° Ne pas avoir exercé les fonctions de juré ou de citoyen assesseur au cours des cinq années précédant l’année en cours et ne pas avoir été inscrites, l’année précédente, sur une liste annuelle du jury ou sur une liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Satisfaire aux conditions d’aptitude légale prévues aux articles 255 à 257 ;

« 4° Résider dans le ressort du tribunal de grande instance ;

« 5° et 6° (Supprimés)

« Art. 10-4. – Les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes ayant été inscrites par le maire sur la liste préparatoire de la liste annuelle du jury d’assises établie, après tirage au sort sur les listes électorales, dans les conditions prévues aux articles 261 et 261-1.

« Les personnes inscrites sur la liste préparatoire en sont avisées par le maire qui les informe :

« 1° Qu’elles sont susceptibles d’être désignées soit comme juré, soit comme citoyen assesseur ;

« 2° Qu’elles peuvent demander par lettre simple, avant la date fixée par le décret mentionné à l’article 264-1, au président de la commission prévue à l’article 262 d’être dispensées des fonctions de juré ou de citoyen assesseur en application de l’article 258.

« Le maire adresse en outre aux personnes inscrites sur la liste préparatoire un recueil d’informations dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État. Les réponses au recueil d’informations sont adressées directement par les personnes concernées au président de la commission instituée à l’article 262.

« Art. 10-5. – La liste annuelle des citoyens assesseurs de chaque tribunal de grande instance est dressée, après établissement de la liste annuelle du jury d’assises, par la commission instituée à l’article 262. La commission est alors présidée par le président du tribunal de grande instance. Le bâtonnier siégeant au sein de la commission est celui de l’ordre des avocats de ce tribunal.

« La commission examine la situation des personnes inscrites sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort. Elle exclut :

« 1° Les personnes qui ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 10-3 ;

« 2° Les personnes auxquelles a été accordée une dispense en application de l’article 258 ;

« 3° Les personnes qui, au vu des éléments figurant dans le recueil d’informations ou résultant d’une consultation des traitements automatisés prévus aux articles 48-1 et 230-6, ne paraissent manifestement pas être en mesure d’exercer les fonctions de citoyen assesseur ; il en va notamment ainsi si ces éléments font apparaître des raisons de contester leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité.

« La commission peut procéder ou faire procéder à l’audition des personnes avant leur inscription sur la liste annuelle.

« La commission délibère dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 263.

« La liste annuelle des citoyens assesseurs est arrêtée lorsque le nombre de personnes inscrites atteint celui fixé en application de l’article 10-2. Elle est alors adressée au premier président de la cour d’appel et aux maires des communes du ressort du tribunal de grande instance.

« Le premier président s’assure que la liste a été établie conformément aux exigences légales et avise les personnes retenues de leur inscription.

« Art. 10-6. – Le premier président de la cour d’appel peut prononcer le retrait de la liste annuelle d’un citoyen assesseur :

« 1° Lorsque survient un des cas d’incompatibilité ou d’incapacité prévus à l’article 10-3 ;

« 2° Lorsque, sans motif légitime, la personne ne s’est pas présentée à l’audience à laquelle elle devait participer ;

« 3° Lorsque la personne a commis un manquement aux devoirs de ses fonctions, à l’honneur ou à la probité.

« Si, en raison du nombre des retraits prononcés en application du présent article ou des décès constatés, le bon fonctionnement de la justice se trouve compromis, le premier président convoque la commission mentionnée à l’article 10-5 afin de compléter la liste.

« Art. 10-7. – Le service des audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le premier président de la cour d’appel.

« Le service des audiences du tribunal correctionnel et du tribunal de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le président du tribunal de grande instance siège de ces juridictions.

« Il est procédé aux répartitions prévues aux deux premiers alinéas pour chaque trimestre. Les citoyens assesseurs doivent être avisés quinze jours au moins avant le début du trimestre de la date et de l’heure des audiences au cours desquelles ils sont appelés à siéger comme titulaires ou peuvent être appelés comme suppléants. Toutefois, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut appeler à siéger sans délai, avec son accord, un citoyen assesseur soit en cas d’absence ou d’empêchement du titulaire et de ses suppléants, soit lorsque la désignation d’un citoyen assesseur supplémentaire apparaît nécessaire en application de l’article 10-8, soit en cas de modification du calendrier des audiences imposée par les nécessités du service.

« Art. 10-8. – Lorsqu’un procès paraît devoir entraîner de longs débats, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut décider qu’un ou plusieurs citoyens assesseurs supplémentaires assistent aux débats. Ces citoyens assesseurs supplémentaires remplacent le ou les citoyens assesseurs qui seraient empêchés de suivre les débats jusqu’au prononcé de la décision.

« Art. 10-9. – Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines sont désignés parmi les citoyens assesseurs inscrits sur les listes annuelles des tribunaux de grande instance du département où la cour a son siège. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur les listes annuelles des autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel. Le premier président informe les présidents des tribunaux de grande instance de son ressort des désignations auxquelles il a procédé.

« Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein du tribunal correctionnel ou du tribunal de l’application des peines sont choisis parmi les citoyens assesseurs figurant sur la liste annuelle du tribunal de grande instance siège de la juridiction. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur la liste annuelle de l’un des tribunaux de grande instance limitrophes appartenant au ressort de la même cour d’appel. Le premier président informe le président du tribunal de grande instance de son ressort des désignations auxquelles il a été procédé.

« Sauf exception justifiée par les nécessités de la bonne administration de la justice, un même citoyen assesseur ne peut être désigné pour siéger au cours de l’année à la fois au sein d’un tribunal correctionnel ou d’une chambre des appels correctionnels et au sein d’un tribunal de l’application des peines ou d’une chambre de l’application des peines.

« Art. 10-10. – Chaque citoyen assesseur ne peut être appelé à siéger, y compris comme assesseur supplémentaire, plus de dix jours d’audience dans l’année.

« Toutefois, lorsque l’examen d’une affaire se prolonge au-delà de la durée prévue au premier alinéa, le citoyen assesseur est tenu de siéger jusqu’à l’issue du délibéré.

« Art. 10-11. – À l’ouverture de la première audience à laquelle ils sont appelés à siéger, les citoyens assesseurs inscrits sur la liste annuelle prêtent le serment suivant :

« “Je jure et promets d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les éléments soumis aux débats de la juridiction ; de ne trahir ni les intérêts du prévenu ou du condamné, ni ceux de la société, ni ceux de la victime ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de me rappeler que tout prévenu est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de me décider d’après les moyens soutenus par le ministère public et par la défense et suivant ma conscience et mon intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre ; de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de mes fonctions.”

« Art. 10-12. – Les citoyens assesseurs désignés pour siéger à une audience ne peuvent être récusés que :

« 1° Pour l’une des causes de récusation prévues à l’article 668 pour les magistrats ;

« 2° S’il existe une raison objective de contester leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité.

« Cette récusation peut être demandée par le ministère public ou les parties avant l’examen au fond.

« Les trois magistrats de la juridiction statuent sur la demande de récusation.

« Le citoyen assesseur qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir le fait connaître avant l’examen au fond. Le président de la juridiction peut alors l’autoriser à se faire remplacer par un citoyen assesseur dans les formes prévues à l’article 10-7. En début d’audience, le président rappelle les dispositions du présent alinéa.

« Art. 10-13. – L’exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique.

« Est puni d’une amende de 3 750 € :

« 1° Le fait pour une personne inscrite sur la liste préparatoire mentionnée à l’article 10-4 de refuser, sans motif légitime, de se prêter aux opérations permettant de vérifier qu’elle remplit les conditions pour exercer les fonctions de citoyen assesseur ;

« 2° Le fait pour une personne désignée pour exercer les fonctions de citoyen assesseur de ne pas se présenter, sans motif légitime, à l’audience à laquelle elle doit participer.

« Art. 10-14. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent sous-titre. Il précise, en particulier :

« 1° Les modalités selon lesquelles les citoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d’exercer leurs fonctions, d’une formation sur le fonctionnement de la justice pénale ainsi que sur le rôle des citoyens assesseurs ;

« 2° Les modalités et le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Les modalités de l’indemnisation des citoyens assesseurs. »