M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Vous comprendrez que je ne sois pas du tout d’accord avec les éléments d’information apportés par notre collègue Catherine Procaccia, s’agissant notamment du faible nombre de contrats concernés.

Les contrats représentent aujourd'hui de 1 à 5 milliards d’euros !

Mme Catherine Procaccia. Non ! C’est une évaluation erronée !

M. Daniel Dubois. Certes, je la rejoins totalement quand elle dit que l’on assiste depuis trois mois à une décollecte dans l’assurance vie et que cela pose un problème en cette période de crise économique. D’ailleurs, on n’en parle pas suffisamment, car ces fonds constituent des recettes pérennes très importantes pour alimenter l’économie.

Mais l’argument de Mme Procaccia va à mon avis à l’encontre de l’intérêt de l’assurance vie. En effet, la transparence est, selon moi, la mère de l’exemplarité. Or, par les temps qui courent, elle est absolument nécessaire pour redonner de la confiance.

Cela étant, je le répète, cet amendement reprend les termes d’une proposition de loi déposée par notre collègue Hervé Maurey et adoptée à l’unanimité par le Sénat. Nos collègues avaient donc été convaincus de l’intérêt de ce texte, qui visait à renforcer la transparence sur les actions engagées par les assureurs pour rechercher les bénéficiaires des contrats d’assurance, ainsi que sur l’état du stock de contrats non réclamés.

Ma chère collègue, vous dites qu’il faut prévoir un critère d’âge. Mais certaines personnes contractent une assurance vie pour des personnes beaucoup plus jeunes. Voilà pourquoi il faut que les recherches concernent tout le monde.

L’encours des contrats non réclamés fait l’objet de nombreuses estimations ; il se situerait, selon les estimations, entre 700 millions et 5 milliards d’euros – les compagnies d’assurance sont incapables de nous fournir un chiffre précis ! –, et ce malgré deux interventions du législateur, en 2005 et en 2007.

Comme l’avait reconnu Hervé Novelli, alors secrétaire d’État chargé de la consommation, « l’existence d’un stock constitue un échec », et le dispositif mérite une fois de plus d’être complété.

Aussi, après un travail approfondi de la commission des lois, le Sénat avait été unanime pour adopter cette proposition de loi, qui avait pour objet d’interroger annuellement, et sans critère d’âge, le fichier des décès – ce n’est pas parce que l’on meurt jeune que l’on doit être exclu de cette recherche ! –, afin de permettre aux assureurs de prévenir la perte de contact avec leurs assurés.

Actuellement, l’obligation concerne seulement les assurés de plus de 90 ans – il est vrai que l’on vit plus longtemps – sans contact avec l’assureur depuis deux ans, pour des contrats de plus de 2 000 euros. J’observe d’ailleurs que tous les autres contrats passent à la trappe.

La proposition de loi permettait aussi de renforcer la transparence sur les recherches, en obligeant les assureurs à rendre compte des recherches réalisées chaque année, et sur l’état du « stock » des assurances vie non réclamés.

Ces avancées avaient été soutenues par le Gouvernement, qui les avait jugées « efficaces et proportionnées ».

Les sénatrices et sénateurs du groupe de l’Union centriste y sont d’autant plus attachés aujourd’hui que, depuis trois mois, le contrat de confiance entre les assureurs et les assurés semble être fragilisé.

Fait rare depuis nombreuses années, l’assurance vie, qui reste le produit préféré des Français, avec un encours de plus de 1 375 milliards d’euros, connaît une décollecte. C’est vrai, je le répète et j’y insiste, on n’en parle pas suffisamment dans la problématique du financement de l’économie.

Cette confiance est économiquement utile puisqu’elle concerne un produit de long terme dont on connaît toute l’importance pour le financement de l’économie.

Cette confiance est moralement indispensable, car il n’est pas normal que les sommes souscrites ne profitent pas à leurs bénéficiaires.

Je ne doute donc pas que notre assemblée saura renouveler cette unanimité, avec le même soutien de la commission et du Gouvernement, et je regrette, ma chère collègue, votre position.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. Je vote contre !

M. Jean Bizet. Moi aussi !

M. Pierre Hérisson. Moi également !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.

Article additionnel après l'article 6 bis
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Articles additionnels après l'article 6 ter

Article 6 ter

Après l’article L. 211-5 du code des assurances, il est inséré un article L. 211-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-5-1. – Tout contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211-1 mentionne la faculté pour l’assuré, en cas de réparation d’un véhicule ayant subi un dommage garanti par le contrat, de choisir le réparateur professionnel auquel il souhaite recourir. Cette information est également délivrée, dans des conditions définies par arrêté, lors de la procédure de déclaration du dommage. » – (Adopté.)

Article 6 ter
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Article 7

Articles additionnels après l'article 6 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 183 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé:

I. - Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° L'article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« d) des actes de reproduction, de commercialisation et d'exploitation des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quel que soit l'objet du modèle déposé. » ;

2° Après le 8° de l'article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La reproduction, la représentation et l'adaptation totale ou partielle des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quel que soit la nature et la consistance de l'œuvre protégée. »

II. - Cette modification entre en vigueur le 1er janvier 2014.

La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Cet amendement a pour objet d'ouvrir le marché des pièces de rechange visibles, utilisées pour les réparations de véhicules automobiles notamment.

Actuellement, ces pièces sont protégées dans le code de la propriété intellectuelle au titre des dessins et modèles. Or la France est l'un des rares pays européens à maintenir le monopole des constructeurs sur ce marché. Actuellement, aucun pays frontalier avec le nôtre n'applique une telle protection. On constate d'ailleurs que les prix des pièces de rechange dans ces pays sont nettement inférieurs – parfois 50 % moins cher ! – à ceux qui sont pratiqués en France.

Il s'agit ici d'exclure la protection des pièces détachées au titre des dessins et modèles sur le marché secondaire des pièces de rechange. En revanche, l'ensemble complexe lui-même reste, à juste titre, protégé. En effet, la protection, au titre des dessins et des modèles pour la conception de la nouvelle pièce destinée au marché primaire, c'est-à-dire celui de la fabrication d'ensembles complexes neufs, n'est pas remise en cause.

L'ouverture du marché à la concurrence devrait donc conduire à une baisse des prix des pièces concernées, qui bénéficierait aux consommateurs et serait de nature à renforcer leur pouvoir d'achat.

Il nous semble que compte tenu de la faible part des pièces produites en France par les constructeurs, les dispositions de cet amendement n’auront pas d’impact négatif sur l’emploi dans le secteur de la construction automobile.

Enfin, j’ajoute que l’ouverture de ce marché pourrait faire émerger de nouveaux acteurs et créer ainsi des emplois.

L’augmentation du pouvoir d’achat consécutive à une baisse des prix et la création d’emplois, telles sont les justifications du dépôt de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 179 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, MM. J. Gautier et Cambon, Mmes Bruguière et Deroche, M. Milon et Mme Jouanno, est ainsi libellé :

Après l'article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« d) Des actes de reproduction, de commercialisation et d'exploitation des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, et cela quel que soit l'objet du modèle exposé. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. La portée de mon amendement est certes plus restreinte que celle de l’amendement précédent, mais je ne reviendrai pas sur les arguments avancés par notre collègue Raymond Vall.

Pour ma part, je constate surtout que les prix des pièces détachées ont augmenté beaucoup plus vite que l’indice des prix à la consommation. Selon certaines sources, l’augmentation est de 26 %, contre 7 % pour les prix à la consommation.

Tous les propriétaires de voiture ont contracté – du moins je l’espère ! – une assurance automobile. Or, en cas de sinistre automobile, on voit bien les répercussions de l’augmentation du prix des pièces détachées sur la cotisation d’assurance, car, toujours selon le même principe que je défends, ce sont les assurés qui paient.

Je ne sais si c’est également le cas en province, mais, à Paris, on peut souvent voir des voitures dont le rétroviseur ou les pare-chocs sont rafistolés avec du sparadrap. En effet, la plupart des chocs se produisent à l’avant et à l’arrière du véhicule, avec des conséquences peu importantes. Or, la voiture est pour nombre de personnes le seul moyen de se déplacer. D’où des réparations de fortune.

Pour avoir lu divers documents sur ce sujet, je crois savoir qu’un certain nombre des pièces détachées fournies par les constructeurs automobiles ne sont pas fabriquées en France. Ce n’est donc pas pour maintenir l’emploi dans notre pays que l’on doit protéger les pièces détachées. D’ailleurs, concurrence ne signifie pas mauvaise qualité. Certains équipementiers affirment qu’ils pourraient vendre librement les mêmes pièces que celles qu’ils fournissent aux constructeurs.

Enfin, vous le savez, mes chers collègues, lorsque les collectivités locales lancent un appel d’offres, elles excluent la plupart du temps tous les réparateurs indépendants, et ce tout simplement pour des raisons de garantie et de prix. Or, cela leur coûte, au final, beaucoup plus cher.

Je le sais bien, le Gouvernement va sans doute me rétorquer qu’il faut maintenir les emplois du secteur de la réparation automobile.

J’avais d’ailleurs déjà posé une question sur ce sujet, et le ministre concerné m’avait répondu qu’il s’agissait d’une question de sécurité. Monsieur le secrétaire d'État, je vous le dis d’emblée : ne me dites pas la même chose ! Je veux bien entendre parler de sécurité pour les pièces mécaniques, mais quid de la sécurité quand il s’agit d’un pare-chocs ou d’une portière ? Je ne crois pas que la sécurité de l’automobiliste soit menacée.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Et les crash-tests ?

Mme Catherine Procaccia. Moi, je vois la façon dont nous pourrions essayer de diminuer les coûts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Il faut mesurer les avantages pour le consommateur qu’il y aurait à libéraliser ce marché, qui représente 360 millions d’euros annuels, mais aussi les inconvénients éventuels en termes d’emplois, sachant que 71 % des pièces « protégées » de Renault et de PSA sont fabriquées sur le territoire national.

Les arguments « pour » et les arguments « contre » s’opposent terme à terme. L’Autorité de la concurrence s’est saisie du sujet, et elle rendra son avis au printemps prochain.

Dans ces conditions, la commission s’est ralliée aux propositions de M. Bourquin, visant à mettre en place un Observatoire des prix et des marges, qui devra remettre un rapport au Parlement.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 183 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 179 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Procaccia l’a parfaitement expliqué, il s’agit d’un vrai sujet, qui a toute sa place dans ce projet de loi visant notamment à renforcer la protection des consommateurs dans la mesure où l’ouverture à la concurrence entraînerait une baisse des prix pour les consommateurs. Il est donc absolument normal que nous nous posions cette question dans le cadre de ce projet de loi.

D’ailleurs, nous avons longuement eu cette discussion à l'Assemblée nationale, en commission notamment, puis ici au Sénat lors de l’examen du projet de loi par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il est donc normal que nous consacrions un peu de temps en séance publique à un sujet aussi important.

Si un certain nombre de pays qui ont libéralisé ce secteur ont effectivement, du coup, obtenu des avantages conséquents pour les consommateurs, j’observe que les deux pays européens qui sont très attachés à conserver le système actuel, lequel se retrouverait fragilisé par l’adoption de ces amendements, présentent la même caractéristique : une industrie automobile puissante ; je veux parler de la France et de l’Allemagne. Or ce n’est évidemment pas un hasard !

Le dispositif actuel tel qu’il est prévu contribue, dans la chaîne de fabrication et la chaîne commerciale, à solidifier notre industrie automobile, avec l’ensemble des sous-traitants.

J’ai bien entendu, monsieur Vall, votre argument selon lequel la concurrence pourrait créer de nouveaux emplois en France. Mais soyons honnêtes et disons-nous la vérité : si l’argument plaidant en faveur de la baisse des prix pour les consommateurs a du poids, celui qui plaide en faveur de la création d’une industrie des pièces détachées en France ne tient pas la route une seconde.

En effet, on trouve aujourd'hui dans le sillage des constructeurs des PME qui fabriquent les pièces détachées. À cet égard, vous avez parfaitement anticipé ma réponse, madame Procaccia, : je vais évidemment vous parler des emplois qui s’y attachent.

Au regard de la crise économique mondiale que nous connaissons actuellement, il importe – et c’est un point sur lequel nous pouvons être unanimes ! – que nous veillions les uns et les autres à protéger les emplois dans notre pays.

Il faut bien savoir que 70 % des pièces protégées des grands constructeurs français sont produites en France : à Vesoul, à Flins, à Cergy-Pontoise, à Villeroy ou encore, monsieur Hérisson, en Haute-Savoie, avec les entreprises de décolletage. L’industrie automobile a évidemment tissé des liens forts avec les sous-traitants.

On le voit bien, se heurtent deux intérêts qui sont d’ailleurs tous les deux liés au pouvoir d’achat : d’un côté, le pouvoir d’achat au travers de la baisse des prix des pièces, ce que provoquerait la libéralisation, et, de l’autre, le pouvoir d’achat au travers du maintien des emplois dans certaines filières, avec des entreprises de sous-traitance qui sont installées sur tout le territoire.

Je veux que chacun mesure bien la difficulté du débat, et ce d’autant plus que, comme vous, je me suis posé un certain nombre de questions. J’ai même fait davantage : je me suis amusé à regarder comment les choses fonctionnaient en Allemagne, dont je citais l’exemple tout à l'heure.

En Allemagne, les constructeurs veillent bien à ce qu’une part importante des avantages qu’ils tirent de la protection des pièces détachées puisse profiter à l’ensemble de la chaîne, et notamment aux sous-traitants. Cette préoccupation est très intéressante, et d'ailleurs assez cohérente avec la politique de nos voisins et amis allemands !

Une telle préoccupation n’est pas suffisamment développée dans notre pays.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Exactement !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle Éric Besson et moi-même avons veillé, au nom du Gouvernement, à obtenir un certain nombre d’engagements de la part des constructeurs.

J’ajoute, à propos notamment de PSA dont le cas est très discuté en ce moment, que Philippe Varin, président de PSA, lorsqu’il a été reçu par le Président de la République le 17 novembre dernier, a clairement confirmé les engagements pris devant le Gouvernement et rappelés à plusieurs reprises par l’entreprise, à savoir que la démarche de performance de PSA ne comportera aucune mesure de licenciement ou d’âge et aucun plan de départ volontaire.

Au moment où la représentation nationale est en réalité en train d’arbitrer entre, d’une part, l’intérêt direct des consommateurs et, d’autre part, le maintien d’un avantage dont bénéficient notre industrie, les sous-traitants et, partant, les emplois industriels, il est évidemment essentiel de savoir que nos partenaires industriels jouent le jeu !

Deux courriers contenant des engagements précis ont d'ailleurs été adressés fin septembre au Gouvernement.

Dans le premier, M. Varin, président du groupe PSA, s’est engagé à se montrer attentif à l’évolution des prix des pièces protégées et à suivre en la matière une « politique de modération ». Il s’est également engagé à ce que les équipementiers des sites de Vesoul continuent à bénéficier d’investissements significatifs de la part de PSA. Enfin, il s’est engagé à considérer avec attention la contribution à la création apportée par ce partenaire fournisseur à l’occasion de chaque nouveau projet de véhicule.

On le voit, ces engagements sont précis.

Comme vous le savez, le Gouvernement n’a pas adopté la procédure accélérée sur ce texte. Chacun ici a donc le temps de vérifier que les engagements pris seront tenus, et il nous appartient de le faire !

Dans le second courrier, émanant de Renault, Carlos Ghosn prend des engagements de même nature.

Les entreprises en question doivent être comptables des engagements qu’elles ont pris. Il est donc très important que nous ayons un débat approfondi. Ainsi, nous devons évidemment nous poser plusieurs questions : celle du prix, celle de la préservation des emplois, de l’activité et du développement des sous-traitants de l’industrie automobile, celle du maintien et du développement de l’empreinte industrielle de la France.

De toute façon, si l’on déstructurait notre industrie automobile, c’est à coup sûr le consommateur qui serait perdant au final.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’instar de la discussion que nous avons en ce moment, le débat qui a eu lieu sur cette question à l’Assemblée nationale fut très riche. Des députés de toutes sensibilités sont intervenus, pour défendre des amendements allant dans le même sens que les vôtres. Mais ces derniers ont tous été retirés, les auteurs d’amendements ayant, dans un vrai élan d’unanimité, mesuré l’importance de protéger les emplois et la chaîne des sous-traitants sur tout le territoire.

Madame Procaccia, monsieur Vall, je souhaite que vous retiriez vous aussi vos amendements. Je préfère cette solution à un avis défavorable, parce que je comprends parfaitement dans quel esprit vous les avez déposés.

De son côté, le Gouvernement s’engage à tenir précisément informée la Haute Assemblée de ce que deviendront les engagements qu’ont pris les constructeurs et qu’ils doivent tenir !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut à mon avis défendre non pas seulement les assurances vie, mais aussi notre industrie. Abroger les droits de dessins et modèles applicables aux pièces automobiles serait une erreur économique majeure.

L’automobile, en France, c’est 130 000 salariés, 82 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un volume d’exportations de 40 milliards d’euros.

Renault et Peugeot occupent les deux premières places au palmarès des principaux déposants de brevets.

La directive européenne 98/71/CE du 13 octobre 1998 permet de protéger pendant vingt-cinq ans au maximum les dessins et modèles d’un produit, s’agissant des pièces visibles des composants. Il s’agit là de propriété intellectuelle !

Une proposition de directive européenne du 14 septembre 2004 révisant la directive de 1998 suggère la suppression de ces droits, arguant de ce que la mise en concurrence ferait baisser le coût des pièces automobiles.

Tout d'abord, cette protection est légitime, parce qu’elle concerne les pièces de tous les secteurs de l’économie. D'ailleurs, mes chers collègues, la protection n’est pas une spécificité française : l’Allemagne et le Japon protègent évidemment leurs industries automobiles.

En Allemagne, des associations de consommateurs ont régulièrement intenté des procès pour dénoncer cette situation. Elles ont systématiquement été déboutées, la protection des dessins et modèles étant une nécessité.

Abroger les droits des dessins et modèles serait une erreur économique ; ce serait peut-être également sans bénéfice pour le consommateur. En effet, m’étant livré à une première analyse de la situation des pays ayant procédé à une telle abrogation, je me suis aperçu que l’impact de la mesure n’était pas si important.

Les perdants de cette libéralisation seraient évidemment les constructeurs et les équipementiers, mais également leurs salariés. On parle en ce moment d’ « acheter français ». Mais pour « acheter français », il faut « produire français » ! Or 71 % de ces pièces sont fabriquées sur le territoire national.

En outre, des sites très importants de Renault – on a parlé de celui de Vesoul, mais il y en a d’autres – seraient directement concernés.

Les gagnants seraient les copieurs, en Chine ou à Taiwan, et la grande distribution qui importe des pièces de ces pays.

En outre, l’abrogation des droits des dessins et modèles ne serait pas complètement sans conséquence sur la sécurité des véhicules, certaines pièces automobiles ayant une importance capitale pour assurer cette dernière.

Je présenterai tout à l'heure un amendement visant à créer un « observatoire de la formation des prix et des marges des pièces de rechange permettant la réparation des véhicules automobiles » : je ne nie pas, en effet, qu’il puisse y avoir certains abus, et cet amendement s’inscrit dans ce débat. Mais nous ne devons en aucun cas handicaper notre industrie automobile, surtout dans la période actuelle.

En France, le déficit du commerce extérieur est abyssal ; la désindustrialisation est massive. On ne va pas en plus créer un désavantage compétitif, sous prétexte que la mise en concurrence ferait baisser les prix pour les consommateurs !

Dois-je rappeler ici que la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, qui reposait essentiellement sur les mêmes motivations, s’est traduite par un appauvrissement des agriculteurs et des petites et moyennes entreprises et par un gain pour la grande distribution ?

Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles ces amendements doivent à mon avis être retirés. Il importe que la Haute Assemblée défende l’industrie française !

Cependant, je retiens que les abus doivent être combattus ; l’observatoire des prix dont je proposerai la création dans l’amendement suivant pourrait y contribuer.

Vous le savez, les engagements ne suffisent pas. Les intentions, c’est bien ; mais ce qui compte, c’est la réalité des actes !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je serai très bref, mon collègue Martial Bourquin venant de défendre excellemment notre industrie, non sans gravité d'ailleurs.

Je suis tout à fait d’accord avec lui : il serait quand même paradoxal que l’on accélère le processus de forte désindustrialisation que connaît actuellement notre pays en libéralisant les prix dans ce domaine !

Pour autant, je rappelle que le projet de loi que nous examinons actuellement porte sur la protection des consommateurs.

À cet égard, j’estime que nous devons être vigilants sur la différence de prix qui existe avec nos pays voisins ; elle a été évoquée.

L’amendement suivant tend à mettre en place un observatoire de la formation des prix et des marges. Cette proposition nous permettrait de mieux connaître la dimension du problème et, loin de toute précipitation, de réfléchir véritablement aux mesures qui s’imposeront demain.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. « M. Automobile » va s’exprimer !

M. Gérard Cornu. Les pièces détachées sont trop chères : nous partageons unanimement ce constat.

Pour autant, l’adoption des amendements présentés par M. Vall et Mme Procaccia pèserait lourd en termes d’emplois.

Je rappelle qu’il ne s’agit ici que de la protection, en termes de propriété industrielle et de droits d’auteur, des pièces visibles, les pièces non visibles étant pour leur part déjà libres de droits.

Je rejoins la position de Martial Bourquin, qui, lui aussi, connaît bien le dossier : on peut constater dans le monde entier que les pays producteurs – l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud et, bien sûr, la France – n’ont pas libéralisé le marché des pièces visibles. Ce n’est pas un hasard ! En effet, leur devoir, c’est de protéger leurs constructeurs.

Certes, onze pays de la zone européenne ont abrogé les droits qui pesaient sur ce marché. Mais ce ne sont pas des pays constructeurs ! Il est forcément plus facile de libéraliser quand on n’est pas un pays producteur.

Il est vrai toutefois qu’il existe des anomalies. Ainsi, n’étant pas un pays constructeur, la Belgique a libéralisé le marché des pièces visibles. Or, quand on habite le Nord de la France, il est facile d’aller chercher des pièces en Belgique !

Je considère donc, comme M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, que l’adoption de ces amendements pèserait lourd en termes d’emplois, et je souhaite donc vivement que leurs auteurs les retirent.

Pour ma part, je me rangerais facilement à l’amendement n° 123 rectifié bis déposé M. Bourquin, qui traduit bien, à mon avis, la préoccupation qui s’exprime au Sénat. Mais, si nous adoptions l’amendement de M. Vall ou celui de Mme ¨Procaccia, l’amendement de M. Bourquin n’aurait plus d’objet !

Certes, M. le secrétaire d’État a pris des engagements ; mais il s’agit là d’un problème récurrent, et très ancien que Martial Bourquin et moi-même avons déjà évoqué au sein du groupe d’études « Automobile ». Et, à chaque fois, on nous a donné des assurances…

J’ai cru comprendre que les deux amendements de M. Martial Bourquin – les amendements nos 123 rectifié bis et 122 rectifié bis – étaient complémentaires. En effet, l’un tend à la création d’un observatoire et l’autre vise à demander la remise rapide d’un rapport.

Il est vrai que notre assemblée a déjà voté la remise d’au moins d’une dizaine de rapports et que je suis d’habitude défavorable à ce genre de demande. Mais, en l’occurrence, un tel rapport serait extrêmement intéressant, à la condition toutefois que nous obtenions des résultats très rapidement : dans un délai de six mois, comme le prévoit l’amendement.

Je me rangerais donc facilement à l’amendement de M. Martial Bourquin, car, pour traiter définitivement ce problème récurrent, nous devons, au-delà des engagements pris par le ministre, créer un observatoire qui rende ses conclusions dans les six mois.

Je pense non seulement aux constructeurs, mais aussi aux équipementiers de premier rang et de deuxième rang qui irriguent toute la France. Mme Catherine Procaccia évoquait très justement les véhicules dont les rétroviseurs sont rafistolés avec du sparadrap ! Ce problème a également des incidences sur les cotisations d’assurance. En effet, le prix des pièces détachées étant excessif – c’est un constat que nous partageons unanimement –, les contrats d’assurance sont de plus en plus chers !

Certes, nous parvenons au même constat sur ce problème, mais, franchement, les amendements nos 183 rectifié et 179 rectifié bis ont des conséquences très lourdes sur l’emploi. J’espère que le groupe UMP me suivra pour décider la création d’un observatoire qui rendrait rapidement des conclusions. C’est important, et un tel sujet doit recueillir l’unanimité au Sénat.