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Devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la question orale avec débat n° 11 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Nicole Bricq attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

« Elle fait observer que sur les soixante-quatre permis exclusifs de recherche octroyés, seuls trois ont été abrogés. Or, le groupe pétrolier Total, qui avait exclu de recourir à la fracturation hydraulique, a déposé le 12 décembre 2011 un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris demandant l’annulation de l’abrogation de son permis de Montélimar. À cela s’ajoute le fait que la loi votée l’été dernier, outre qu’elle est permissive par rapport à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en n’interdisant pas le recours à des techniques alternatives, est aussi contraire au droit de l’environnement - non-respect des procédures de transparence, de consultation et de participation publiques, d’études d’impacts, d’enquête publique...

« Le rapport d’Arnaud Gossement, qui a été remis au ministre le 12 octobre 2011, recommande pourtant précisément “de faire évoluer le droit minier dans le sens d’une meilleure information et participation du public et d’une évaluation environnementale renforcée”. Il souligne la nécessité d’assurer une participation “continue, directe et indirecte à tous les échelons territoriaux pertinents” et ce, en amont des projets. Or le Gouvernement a prévu un chantier de dix-huit mois pour “la refonte et la modernisation” du code minier. Et il ne souhaite pas non plus inscrire à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier qui instaure pourtant, bien que a minima, une procédure de consultation du public. De leur côté, les industriels qui ont déclaré ne pas avoir recours à la technique interdite demeurent détenteurs de leur permis et rien ne les empêche d’utiliser d’autres techniques de fracturation de la roche-mère qui seraient pourtant tout aussi dommageables pour l’environnement. Tout récemment, on apprenait encore qu’une demande de prolongation d’un permis de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux au large des côtes de Marseille et de Toulon serait en cours d’instruction, et ce sans que, à nouveau, le public y ait été associé.

« Aussi, le groupe socialiste, apparentés et rattachés, a déposé le 27 juillet 2011 une nouvelle proposition de loi, n°775 rectifié, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbure. En effet, à travers ces questions de transparence et d’association des citoyens, c’est bien aussi un choix de société, celui de s’engager ou non dans une nouvelle phase d’exploitation de ressources fossiles, qui est ici posé.

« Pour toutes ces raisons, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation. »

La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question.

Mme Nicole Bricq, auteur de la question. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cas où certains l’auraient oublié, la question de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique est toujours d’actualité ; c’est le sens de notre interpellation au Gouvernement.

Ma question est motivée par trois constats.

Premièrement, la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, dite « loi Jacob », n’a rien réglé.

Deuxièmement, aucune suite n’a été donnée au rapport que M. Gossement a remis au Gouvernement quant à l’intervention démocratique dans le processus.

Troisièmement, les partisans de l’exploitation des gaz et huiles de schiste reprennent l’offensive.

Je reprendrai ces trois constats.

La loi Jacob n’a rien réglé sur le fond. Elle était censée calmer la colère des élus locaux et des citoyens ayant découvert que le Gouvernement avait octroyé des permis exclusifs de recherche de gaz et d’huiles de schiste dans leur territoire sans aucune concertation. Elle devait offrir un cadre juridique suffisamment solide pour que le doute ne soit plus permis.

Depuis le vote de cette loi, trois permis exclusifs de recherche ont été annulés. L’octroi de ces permis, à Nant, à Villeneuve-de-Berg et à Montélimar, avait provoqué une vive indignation et la mobilisation des élus et citoyens des territoires qu’ils recouvraient ; certains de mes collègues le confirmeront dans quelques instants.

Pour autant, ces trois annulations font perdurer le doute. D’abord, seuls trois permis sur les soixante-quatre qui ont été déposés ont été annulés. Ensuite, l’un des trois permis abrogés, concédé au groupe Total, ne mentionnait pas le recours à la technique interdite. Enfin, les explications de Mme la ministre ne sont pas convaincantes.

En effet, Mme Kosciusko-Morizet a justifié l’annulation du permis accordé à Total par le manque de crédibilité du rapport rendu par le groupe pétrolier, dans le cadre de la loi du 13 juillet 2011. Elle a évoqué l’utilisation de la fracturation hydraulique, technique que le groupe pétrolier nie utiliser, indiquant respecter la loi et s’engageant à ne procéder qu’à des carottages verticaux pour l’exploration. Total vient d’ailleurs de déposer un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris demandant l’annulation de l’abrogation de son permis.

Dans le même temps, le Gouvernement justifie le maintien des soixante et un autres permis par le fait que « les détenteurs n’ont pas prévu de rechercher des gaz et huiles de schiste ou y ont renoncé pour se limiter à des gisements conventionnels », ajoutant que tous ont pris « l’engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique ».

Une telle césure entre les différents détenteurs de permis est assez incompréhensible. Tous les rapports sont écrits et disponibles sur le site du ministère. Certains disent même ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Comment alors faire le tri entre les groupes industriels en qui il faudrait avoir confiance et ceux qui ne le mériteraient pas ? Pourquoi ne pas abroger les soixante et un autres permis ?

Un dernier élément, tout récent, vient s’ajouter au doute sur l’efficacité de cette loi. Il s’agit de l’achat récent de six parcelles par la société Vermilion, dont cinq sont situés dans le Bassin parisien, et certains plus précisément dans l’Essonne. Pourquoi un tel investissement, alors qu’une loi est censée empêcher la fracturation hydraulique et que nous ne connaissons pas plus en 2012 qu’en 2010 ou en 2011 de technique alternative ?

Les annulations surtout nous interpellent plus qu’elles nous rassurent. Notre méfiance est d’autant plus justifiée que, nous le savons à présent, le Gouvernement a, dans un laps de temps assez court, tenu des propos très différents sur la capacité à identifier les forages conventionnels et les forages non conventionnels : durant les débats relatifs à la loi Jacob, il était impossible de faire une telle distinction. Quelques mois plus tard, dans le cadre de l’abrogation de trois permis sur les soixante-quatre, cela devenait possible. Les techniques d’analyse ont-elles évolué ? S’agit-il d’une volonté du Gouvernement ?

Cette distinction est au cœur de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, car la question n’est pas de savoir, comme nous l’avons signalé très tôt, ici, au Sénat, quelle technique doit être interdite ou autorisée. Non, la question est plutôt de savoir s’il faut décider d’exploiter ou non les huiles et les gaz de schiste.

Interdire une technique, comme vous l’avez fait, c’est potentiellement en accepter une autre. Serait-elle moins polluante ? Fera-t-elle l’objet d’une plus grande concertation avec les élus et les citoyens ? Nous n’avons pas la moindre réponse à ces questions essentielles. Rien ne sera réglé, pour nous, tant que l’inscription dans le code minier de la distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ne sera pas à l’ordre du jour. C’est la seule façon de garantir la sécurité juridique.

La « commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux », créée par la loi Jacob, pose également la question de la sécurité juridique. Lorsqu’elle sera mise en place, ce qui semble compliqué d’après les échos qui nous parviennent du Conseil d’État, elle servira de caution à des expérimentations. C’est du reste pour cette raison, si j’ai bonne mémoire, que le groupe socialiste n’avait pas voulu voter la création de cette commission. Notamment, elle permettra certaines expérimentations qui testeront la fracturation hydraulique, technique dont les risques sont pourtant connus, ou toute autre technique de remplacement.

Cette commission ouvrirait donc potentiellement la voie à l’exploration et à l’exploitation, à terme, des hydrocarbures de roche-mère. L’entrain avec lequel l’Union française des industries pétrolières, l’UFIP, souhaite voir cette commission installée ne peut que renforcer nos inquiétudes, j’y reviendrai.

Comment cette commission fera-telle la distinction entre exploration et exploitation ? Nous ne le savons pas.

La réforme du code minier est donc essentielle pour éviter la moindre dérive et assurer une sécurité juridique qui, à ce jour, n’est pas garantie.

Mais pourrons-nous nous en remettre au bon vouloir du Gouvernement, qui n’est pas avare de revirements ?

Ainsi, la France avait toujours été favorable à la directive européenne sur la qualité des carburants, document où les sables bitumineux sont désignés comme constituant la forme de pétrole la plus néfaste pour le climat. Pourtant, notre pays se serait exprimé le 2 décembre dernier, lors de la réunion des experts européens, contre la définition d’une valeur d’émissions de gaz à effet de serre propre aux sables bitumineux. Si cette information était avérée, il s’agirait bien là d’un revirement, ce qui motive notre méfiance à l’égard de la position du Gouvernement, qui ne semble pas durable.

Nous devons agir afin d’analyser toutes les conséquences de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Nous le savons, les logiques économiques et les logiques environnementales n’obéissent pas souvent aux mêmes règles de temporalité. Aux États-Unis, où 50 000 puits ont déjà été forés, l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels bouleverse l’équilibre du marché et les stratégies des entreprises.

Les enjeux économiques sont importants et la tentation de développer cette production en Europe est réelle. La Pologne professe l’ambition d’être « le Qatar de l’Europe centrale », la Bulgarie vient de refuser l’exploitation, mais le débat n’est pas tranché en France, d’où l’importance de la refonte du code minier, toujours d’actualité après la remise du rapport Gossement.

Deuxième constat, la refonte du code minier reste posée après le rapport Gossement.

La loi Jacob n’offre pas de cadre juridique solide, mais elle ne garantit pas non plus la transparence dans les procédures d’attribution des permis de recherche, la population des territoires concernés n’étant ni consultée ni a fortiori associée à la décision.

Affirmant vouloir remédier à cette situation, le Gouvernement s’était engagé à présenter au Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier. Ce texte devait instaurer une procédure de consultation du public préalablement à la délivrance d’un permis exclusif de recherche, ainsi que sur les demandes de prolongations des permis ainsi délivrés. Il devait instaurer la même procédure pour les demandes de prolongations de concession.

Cependant, le Gouvernement n’a pas lié la parole aux actes. Un projet de loi a bien été déposé le 11 avril 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais il n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour, pour des raisons d’encombrement, nous dit-on. Nous en concluons que le Gouvernement se satisfait de la seule loi Jacob et ne compte pas favoriser l’exercice démocratique en la matière.

Pourtant, le rapport Gossement remis à la ministre de l’écologie le 12 octobre dernier ne vise-t-il pas, précisément, à articuler le droit minier et le droit de l’environnement ? Il préconise une réforme de l’État, lui-même, tant dans son organisation administrative que dans la répartition des compétences avec les collectivités territoriales.

Deux des quarante propositions du rapport prévoient, ainsi, la création de commissions départementales des mines chargées de se saisir des projets en amont et d’associer le public dès l’instruction de la demande de permis de recherche et d’un « haut conseil des ressources minières » dans le but d’instaurer un dialogue à cinq : État, collectivités locales, syndicats, organisations non gouvernementales et entreprises. Cet appel au dialogue ne semble pas soulever l’enthousiasme, ni du côté du Gouvernement ni du côté des industriels du secteur…

J’en arrive à mon troisième constat : il semble que les partisans de l’exploration reprennent l’offensive.

Un très récent colloque organisé à Paris par le Club Énergie & Développement, un des nombreux épigones de la filière pétrolière, intitulé « Le bouquet énergétique dans tous ses états », a retenu notre attention, tout particulièrement une table ronde organisée autour des hydrocarbures non conventionnels et intitulée « L’interdiction française : comment en sortir ? » On ne saurait être plus explicite !

Mme Nicole Bricq. J’évoquais, il y a quelques minutes, le recours du groupe Total et son engagement, comme tous les autres, à ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Or, dans un entretien diffusé le 28 janvier 2012 sur une grande radio nationale, son président-directeur général a déclaré que « le code de conduite » de Total ne lui interdisait pas de recourir à la fracturation. Pis, lors d’un petit-déjeuner du groupe d’études de l’énergie du Sénat, le même PDG a affirmé que la ministre de l’écologie « n’avait pas le monopole de l’interprétation de la loi », indiquant que le rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies donnerait raison à Total.

Cela ne ressemble pas à un signe de soumission à une loi, celle de juillet 2011, qui serait claire et offrirait la sécurité juridique voulue. C’est une preuve supplémentaire de l’insécurité dans laquelle nous nous trouvons.

Enfin, l’UFIP, toujours elle, au cours d’une conférence de presse tenue le 1er février dernier, a appelé la France « à mettre en valeur les ressources en hydrocarbures sur son territoire pour favoriser la réduction de sa dépendance en matière d’énergie » et a demandé un débat public « constructif et rationnel » sur l’exploitation des gaz de schiste – est-ce à dire que les débats menés jusqu’à présent n’étaient ni constructifs ni rationnels ? –, un débat libéré de « toute considération idéologique ». Que vient faire l’idéologie ici ? Dans les luttes qui se mènent sur le terrain, ce sont des élus de toute couleur politique qui se mobilisent ! On appréciera la place que tient l’idéologie dans ce débat…

L’UFIP poursuit en demandant la « mise en place rapide de la commission de suivi prévue par la loi de 2011 » afin que « citoyens et élus soient mieux impliqués dans les consultations sur les projets pétroliers ».

La ligne blanche est franchie, et ce que nous avions prédit se réalise. À la mobilisation citoyenne répond maintenant celle des intérêts privés. Le secteur pétrolier n’a pas désarmé et prépare, à l’évidence, l’après-présidentielle. Il s’est engagé dans une stratégie qui allie bataille judiciaire et attente de jours meilleurs, preuve manifeste de la faiblesse de la loi Jacob.

À cela s’ajoute, il faut le souligner, l’attentisme de la Commission européenne et sa lenteur à modifier la réglementation. Elle se satisfait des failles dans les règles en vigueur au sein des États, notamment de l’absence d’évaluations obligatoires de l’impact environnemental pour les activités d’exploration et de la rareté des consultations publiques.

Toutes ces raisons, chers collègues, justifient donc que le Sénat connaisse la position du Gouvernement sur les permis qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation, ainsi que les motifs qui l’ont conduit à ne pas revenir devant le Parlement, comme il s’y était engagé, pour réformer le code minier.

Tel est le sens de cette question orale et de cette interpellation, monsieur le ministre. Nous attendons, bien sûr, de votre part des réponses motivées et documentées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier est entrée en vigueur la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

Lors de l’examen du texte, un amendement a été adopté, sur l’initiative du groupe centriste, tendant à créer une commission nationale d’orientation chargée d’évaluer les techniques d’exploitation autres que la fracturation hydraulique. Comme l’application de ces dispositions est d’ordre réglementaire, j’en profite pour vous demander, monsieur le ministre, quand et selon quelles modalités cette commission sera effectivement créée.

Pour le reste, je souhaite profiter de ce débat pour réitérer nos interrogations sur un certain nombre de points.

Tout d’abord, je rappelle que la loi interdit l’utilisation de la fracturation hydraulique pour le pétrole et le gaz non conventionnels. Mais cette technique reste a priori régulière pour le pétrole et le gaz conventionnels, ainsi que pour la géothermie. J’en déduis que ce qui pose problème aux opposants aux gaz de schiste, ce sont non pas tant les méthodes d’extraction, puisqu’elles restent régulières pour les hydrocarbures conventionnels, que l’exploration et l’exploitation de ces nouvelles sources d’énergie.

Cette opposition me paraît assez surprenante. On le sait tous, la France a encore une consommation incompressible d’hydrocarbures. Je suis d’ailleurs surpris que les partisans d’une telle interdiction totale ne soient pas choqués par le montant de la facture de nos importations d’hydrocarbures : 65 milliards d’euros en 2011, contre 45 milliards d’euros en 2010. Une facture de 65 milliards d’euros, ce n’est pas rien dans la balance commerciale, et les prix à la pompe pour nos concitoyens n’ont jamais été aussi élevés.

Ensuite, la France dispose-t-elle, oui ou non, d’un important potentiel d’hydrocarbures non conventionnels ?

Selon le rapport des députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, le potentiel d’hydrocarbures non conventionnels représenterait, pour ce qui est du gaz, une centaine d’années de consommation française ! Le Bassin parisien disposerait quant à lui de réserves d’huile de schiste représentant la moitié du champ pétrolifère de la mer du Nord !

Mme Nicole Bricq. Formidable ! On ne fera plus de maïs, ni de blé, ni de betterave !

M. Daniel Dubois. On peut avoir, madame Bricq, un avis différent du vôtre !

M. le président. La parole est à M. Dubois, et à lui seul, mes chers collègues.

M. Daniel Dubois. Mais, pour connaître la mesure et la cartographie précise de ces réserves, des forages d’exploration doivent être autorisés sous contrôle public.

Et si le potentiel est avéré, faut-il l’ignorer ? Nous pensons que non,…

M. Daniel Dubois. … sous réserve, bien sûr, que des techniques de forage permettent d’en maîtriser l’impact sur l’environnement.

M. Claude Bérit-Débat. Il n’existe pas de technique sans impact sur l’environnement !

M. Daniel Dubois. Je n’ai pas terminé !

Certains soulignent effectivement la grande quantité d’eau nécessaire au forage. Si le problème est là, soyons cohérents et interdisons la fracturation hydraulique pour toutes les activités minières, ou du moins, celles qui utilisent de l’eau potable.

Le faisons-nous ? Non.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas pareil !

M. Daniel Dubois. D’autres arguments se fondent sur le risque élevé de pollution des nappes phréatiques, comme cela a pu se produire aux États-Unis.

M. Daniel Dubois. Pour nous, cet argument fausse le débat, puisque, dans notre pays, les conditions de forage et les normes de tubage sont beaucoup plus strictes qu’aux États-Unis. Il est en outre avéré que ces fuites provenaient de malfaçons.

Cet exemple américain a été largement utilisé pour attiser l’inquiétude de nos concitoyens, mais nous considérons que ces fuites ne sont pas une fatalité. Nous devons au contraire tirer les enseignements de ces erreurs, encadrer strictement les normes techniques, mais ne pas renoncer par peur.

Enfin, d’autres agitent le chiffon rouge de l’enrichissement des compagnies pétrolières, alors que l’intérêt du débat est technique, scientifique et bien sûr économique.

Mme Évelyne Didier. Et l’environnement ?

M. Daniel Dubois. Je pense donc, comme l’ensemble des membres de mon groupe, qu’il faut conjuguer économie et environnement dans ce débat, plutôt que de les opposer.

En revanche, il est certain que pas un euro ne sera investi dans la recherche et l’approfondissement des techniques existantes de fracturation pneumatique ou de fracturation utilisant du propane liquéfié – pourtant utilisée au Canada –, faute que soit autorisée l’exploration visant à connaître le potentiel de notre pays.

Je le répète, la France ne doit pas transiger sur ses normes environnementales, comme cela a été fait aux États-Unis. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais défendons au moins une position « ouverte à la recherche », soutenant les initiatives novatrices au service de notre politique énergétique, dans le respect du « pacte environnemental » et du développement durable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Au lieu de cela, la majorité sénatoriale dit vouloir renoncer purement et simplement à ce potentiel énergétique.

Je préfère, pour ma part, que la France maîtrise l’impact social et environnemental de l’exploitation de ses hydrocarbures, plutôt qu’elle importe à prix fort du gaz russe, voire – vous l’avez vous-même cité, madame Bricq – du gaz de schiste polonais, qui ne devrait pas mettre trop de temps à être commercialisé sur notre territoire. Et je ne suis pas certain que, en Pologne, les règles d’exploitation soient aussi strictes que celles que l’on aurait pu exiger chez nous.

Mme Nicole Bricq. Il y a une raison !

M. Daniel Dubois. C’est pourquoi, mes chers collègues, il est impératif de ne pas nous plaquer des œillères. Restons attentifs et ouverts aux conclusions des premiers rapports que le Gouvernement voudra bien transmettre sur ce sujet. Mieux informés, nous pourrons peut-être évoluer sur cette législation. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste a voté contre la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

En effet, ce texte est caractérisé par des ambiguïtés majeures s’ajoutant au manque de transparence du Gouvernement dans la conduite de ce dossier.

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple de ces ambiguïtés, le principal critère de décision pour abroger ou non un permis exclusif de recherche, à savoir la déclaration par le titulaire du permis de l’utilisation ou non de la technique dite « de la fracturation hydraulique », laisse à l’évidence une part trop importante à l’interprétation. Le recours de Total contre la décision d’abrogation du permis de Montélimar confirme que la loi actuelle n’apporte pas la protection nécessaire aux citoyens des territoires concernés.

Mme Nicole Bricq. Et voilà !

M. Michel Teston. Cela explique que notre groupe ait déposé, à la fin de juillet 2011, une nouvelle proposition de loi dont l’objectif principal est la mise en place d’un cadre juridique sécurisé qui suppose, à notre avis, l’abrogation des permis litigieux et l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux.

Notre texte vise donc d’abord à modifier le code minier en introduisant la distinction entre les permis de recherche d’hydrocarbures conventionnels et les permis de recherche relatifs aux « hydrocarbures de roche-mère », pour reprendre les termes proposés par la mission interministérielle qui a été chargée d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de l’exploitation de ces hydrocarbures.

Le rapport d’étape déposé par cette mission le 21 avril 2011 souligne à plusieurs reprises l’inadaptation du code minier aux recherches d’hydrocarbures de roche-mère et, par voie de conséquence, la grande méconnaissance des procédures, des techniques et des effets, notamment environnementaux, de leurs éventuelles exploration et exploitation.

Il faut noter que le rapport final de la mission, qui devait initialement être déposé pour le 31 mai 2011, ne l’a toujours pas été. Il nous semble donc indispensable, en préalable à toute autre disposition, d’introduire une claire distinction entre les hydrocarbures de roche-mère et les hydrocarbures conventionnels, de façon à réduire le légitime doute face à toute demande de permis exclusif de recherche.

En effet, les sociétés minières qui interviennent dans la recherche d’hydrocarbures sont aujourd’hui confrontées à la raréfaction mondiale des hydrocarbures conventionnels. Elles voient dans les mines d’hydrocarbures de roche-mère non seulement d’éventuelles nouvelles ressources énergétiques, mais aussi des profits pour l’avenir.

Si le législateur ne fait pas évoluer le code minier, il n’est donc pas inenvisageable que les sociétés titulaires d’un permis de recherche d’hydrocarbures « conventionnels » en profitent pour effectuer sur le même territoire des recherches d’hydrocarbures de roche-mère, comme cela s’est probablement produit, notamment dans le Bassin parisien, en Seine-et-Marne.

À ma connaissance, dans la région Rhône-Alpes, quatre demandes de permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures liquide ou gazeux – sans précision supplémentaire – sont actuellement en cours d’instruction : deux dans l’Ain, un en Isère et un autre entre Lyon et Annecy.

Les habitants de ces territoires ont d’ores et déjà manifesté leurs grandes inquiétudes, qui sont amplifiées par la totale imprécision de ces demandes : on ne sait ni le type d’hydrocarbures qui pourraient être recherchés ni quelles techniques seraient utilisées.

L’information des citoyens, la concertation, en particulier avec les élus locaux, sont donc absolument nécessaires. C’est la raison pour laquelle le texte de notre proposition de loi prévoit d’introduire dans le code minier des dispositions systématiques de participation et d’information des populations suffisamment en amont, ainsi que d’évaluation environnementale des projets, c’est-à-dire principalement des études d’impact et des enquêtes publiques.

Ces mesures figurent d’ailleurs parmi les recommandations du rapport remis par Arnaud Gossement au Gouvernement le 12 octobre 2011.

J’ai débuté cette intervention en soulignant le manque de transparence du Gouvernement sur ce dossier ; je la terminerai en mettant en avant le non-respect par le Gouvernement d’un engagement pris devant la représentation nationale.

Mme la ministre de l’écologie s’était engagée à soumettre au Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Or le texte n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour du Parlement, nous privant d’un débat sur les modifications à apporter au code minier.

Monsieur le ministre, on est bien loin des bonnes intentions du Grenelle de l’environnement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)