M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui rencontre actuellement, avec M. le Premier ministre, les organisations non gouvernementales, dans le cadre de la préparation de la conférence environnementale. Mme Batho m’a demandé de bien vouloir vous communiquer un certain nombre d’éléments de réponse.

Votre préoccupation est légitime : votre question met en exergue l’urgence du lancement de la transition énergétique, engagement que le Président de la République a pris avec force devant les Français. En particulier, ce dernier a souhaité que les énergies renouvelables soient massivement développées et qu’elles puissent bénéficier d’un cadre clair et stable pour la durée du quinquennat, afin de donner à ces filières la visibilité nécessaire et d’inscrire leur développement dans la durée.

Le débat national et citoyen sur la transition énergétique sera lancé à l’automne prochain, à l’issue de la conférence environnementale qui se tiendra au mois de septembre. Il aboutira à une loi de programmation pour la transition énergétique dès 2013.

Ce débat doit permettre de lancer une grande politique de sobriété et d’efficacité énergétiques et de réunir les conditions du développement massif des énergies renouvelables, sur lequel le Président de la République s’est engagé en fixant un objectif très ambitieux : celui de réduire la part de la production d’électricité d’origine nucléaire en France de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.

Dans ce cadre, monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’importance de la filière éolienne terrestre pour la diversification de notre bouquet énergétique et la réindustrialisation de nos territoires.

Le développement de cette énergie constitue l’une des clés de la réussite de la transition énergétique et écologique : d’ores et déjà compétitive d’un point de vue économique – ce point est essentiel –, l’énergie éolienne est également dotée de l’un des plus forts potentiels de développement, à court et moyen terme, dans notre pays. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, nous avons donc besoin de la filière éolienne pour réussir la transition énergétique.

Cependant, et vous le relevez à juste titre, cette filière est aujourd’hui en difficulté. Vous le savez, les règles régissant l’implantation d’éoliennes ont été fixées à la suite du Grenelle de l’environnement, au terme de débats vifs et parfois controversés. Comme le rappelle l’article auquel vous faites référence, il en est résulté un ralentissement du développement de la filière sur nos territoires, qui a pris du retard vis-à-vis des objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » européen et repris par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Permettez-moi de rappeler ces objectifs : l’éolien terrestre doit atteindre une puissance installée de 19 000 mégawattheures à l’horizon 2020. Or, à la fin de mars 2012, seule une capacité de 6 870 mégawattheures seulement était raccordée au réseau. Le ralentissement du rythme d’installation de nouvelles capacités de production n’est pas satisfaisant, car il a des conséquences sur l’industrialisation des territoires, notamment dans votre région, monsieur le sénateur.

Le mandat donné au Président de la République par les Français est clair : opérer le redressement industriel du pays et diversifier notre bouquet énergétique. Concernant la filière éolienne, deux leviers d’actions sont d’ores et déjà identifiés : la planification régionale, d’une part, déjà engagée avec les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, et les schémas régionaux éoliens qu’il s’agira de conforter et, d’autre part, un cadre réglementaire prenant en compte les enjeux environnementaux et paysagers.

Lors du débat sur la transition énergétique, il nous faudra réexaminer la réglementation ainsi que les problèmes d’acceptabilité locale. Il s’agira également de lever l’incertitude juridique qui freine actuellement le développement de la filière et d’adapter les systèmes de soutien tarifaire dans les différentes filières pour rendre possible l’essor des technologies, au moindre coût et dans la durée.

Vous m’interrogez également, monsieur le sénateur, sur le contentieux introduit par l’association Vent de colère contre le tarif d’achat de l’électricité éolienne, qui préoccupe à juste titre les entreprises du secteur. Le Conseil d’État a décidé de ne pas trancher sur la nature des dispositifs de soutien et de procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne. Vous avez raison de souligner que cette procédure prendra du temps et qu’elle inquiète la filière, soumise à une incertitude qui complique encore les projets d’investissement dans les éoliennes, avec le blocage des financements par les banques.

Au nom de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, je tiens donc à rassurer les professionnels de la filière en rappelant que nous veillerons à ce que les contrats d’achat existants ne soient pas remis en cause au titre de l’arrêté en vigueur et à ce que le cadre juridique soit conforté, afin de ne pas fragiliser le développement des nouveaux projets.

Je réaffirme donc aujourd’hui le soutien du Gouvernement au développement de la filière éolienne terrestre et son ambition d’en faire un acteur essentiel de la réussite de la transition énergétique voulue par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La Bourgogne est exemplaire dans ce domaine, puisqu’elle fait partie des sept régions qui ont déjà approuvé leur schéma du climat, de l’air et de l’énergie.

L’urgence prioritaire, vous l’avez dit, consiste à sécuriser le tarif d’achat de l’électricité éolienne terrestre. Cependant, quand on sait qu’il s’écoule près de dix ans entre le dépôt d’un dossier et l’installation d’une éolienne, il serait souhaitable d’assouplir le carcan administratif décourageant, avec ses zones de développement de l’éolien, ou ZDE, ses permis de construire éoliens, ses schémas régionaux éoliens, ou SRE, ses installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE. Il faudrait aussi supprimer la règle des cinq mâts minimum, car certains petits projets sont tout à fait viables, et réduire le nombre des recours abusifs, puisque 80 % des recours sont rejetés.

Il conviendrait également d’améliorer l’équilibre économique des projets, de faire évoluer les règles de balisage des éoliennes, pour améliorer leur acceptabilité, et de créer des centres français d’expertise et d’innovation sur l’éolien, afin de favoriser l’éclosion de clusters.

Il me semble également souhaitable de substituer les schémas régionaux éoliens aux zones de développement de l’éolien, parfois sources de conflits d’intérêts pour les élus communautaires, et de corréler le tarif de rachat aux prix de marché, ce qui permettrait à l’énergie éolienne de devenir plus rapidement compétitive.

Enfin, monsieur le ministre, nous devons offrir un cadre juridique adapté à l’éolien participatif et citoyen qui tend à se développer, non seulement en Bourgogne, mais aussi dans l’ensemble de notre pays.

L’amélioration des délais de raccordement et l’appui aux plans de formations régionaux afin d’améliorer la compétence des salariés sont autant de pistes sur lesquelles le Gouvernement devrait travailler dans l’urgence pour accélérer le développement acceptable de l’énergie éolienne sur notre territoire.

modalités d’élaboration des zones de développement de l’éolien

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 13, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre délégué, ma question prolonge le débat que vient d’ouvrir mon collègue François Patriat, mais sur un autre registre.

Comme vous le savez, la loi du 10 février 2000 définit la procédure permettant l’implantation d’éoliennes sur notre territoire, notamment avec la création de zones de développement de l’éolien. Cette création est décidée soit sur l’initiative de communes, soit sur l’initiative d’un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI : c’est ce dernier cas qui m’amène à vous interroger.

Que se passe-t-il concrètement ? Les conseils municipaux doivent se prononcer sur l’initiative prise par un EPCI en vue de la création d’une zone de développement de l’éolien. Je ne souhaite pas aborder la question de fond qui a été soulevée par mon collègue François Patriat, à savoir s’il faut encourager ou non le développement de cette énergie, même si j’ai mes convictions sur ce point. J’insiste sur le fait que, lorsqu’un conseil municipal est amené à donner son accord, l’implantation future des éoliennes n’est pas encore connue précisément.

Sur l’initiative d’associations manifestement hostiles au développement de l’éolien, des procédures pénales sont engagées et des plaintes pour prise illégale d’intérêt visent des conseillers municipaux, voire des maires, qui ont participé à un vote sur la création d’une zone de développement de l’éolien. Or, au moment où la question a été posée devant le conseil municipal, il était impossible de savoir à quel endroit précis une éolienne serait implantée. En l’occurrence, ces conseillers municipaux ont participé au vote en toute bonne foi. Dans une phase ultérieure, lorsqu’il s’est agi d’accorder un permis de construire, les élus propriétaires des terrains concernés se sont retirés de la salle du conseil et n’ont pas participé à la délibération, pour éviter précisément de s’exposer à tout soupçon de prise illégale d’intérêt.

Aujourd’hui, dans le département de l’Orne, un certain nombre d’élus vivent une situation embarrassante. Des maires ont été entendus encadrés par des gendarmes : on leur a demandé des explications parce qu’ils avaient participé à la séance au cours de laquelle la création d’une zone de développement de l’éolien avait recueilli l’accord de leur conseil municipal.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous m’indiquiez les mesures que le Gouvernement compte prendre pour modifier la législation et la réglementation actuelles, afin d’éviter que des élus de bonne foi ne se retrouvent dans une telle situation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Lenoir, je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser l’absence de Mme Delphine Batho pour les raisons que je viens d’indiquer à votre collègue François Patriat.

Je reconnais bien dans votre question l’expertise qui est la vôtre en matière d’énergie, ainsi que votre engagement dans la vie de votre département. Je saisis cette occasion pour saluer celles et ceux qui s’impliquent dans la vie quotidienne des territoires en assumant des responsabilités et en exerçant des mandats locaux, tâche dont la difficulté est grande, particulièrement dans les petites communes rurales. Vous m’interrogez sur la spécificité de la réglementation entourant l’implantation d’éoliennes sur nos territoires, dans votre département comme ailleurs en France.

Comme vous le mentionnez très justement, l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000 prévoit que la création des zones de développement de l’éolien, ou ZDE, est proposée par la ou les communes dont le territoire est compris dans le périmètre déterminé. La délibération des conseils municipaux concernés doit notamment être fournie dans le dossier de demande de création.

L’implantation en ZDE constitue aujourd’hui une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier de l’obligation d’achat. La création préalable d’une ZDE est donc un élément clé pour la viabilité d’un projet éolien terrestre, bien que cette création ne préjuge en rien – vous l’avez souligné dans votre question, monsieur le sénateur – de l’implantation effective future d’éoliennes.

Vous avez également raison en affirmant que des membres de conseils municipaux, notamment en zone rurale, peuvent être propriétaires de terrains potentiellement inclus dans le périmètre de la ZDE demandée. La question de la légalité des délibérations auxquelles aurait pris part un élu local intéressé est alors légitime.

Cela étant, les règles relatives à la participation d’un élu intéressé à l’une des délibérations concourant à la création de la ZDE ne présentent pas de spécificité au regard du droit commun, même si de nombreux recours que l’on peut parfois qualifier d’abusifs – M. Patriat l’a souligné – sont intentés contre ces décisions de création. Il faut donc recourir aux deux conditions traditionnellement retenues par la jurisprudence et par les textes pour déterminer dans quelle mesure la participation d’un élu à une séance du conseil municipal est susceptible d’entacher d’illégalité la délibération : ces conditions sont l’intérêt personnel de l’élu, d’une part, et son influence sur le sens de la délibération, d’autre part.

Je ne vois pas de raison de ne pas appliquer ces règles générales aux délibérations préliminaires à la création d’un parc éolien. Pour répondre à votre question, il convient dès lors de procéder à une analyse au cas par cas.

Concernant la première condition, à savoir l’intérêt personnel de l’élu, la seule circonstance que des conseillers municipaux soient propriétaires de parcelles situées à l’intérieur d’une ZDE ne suffit pas a priori à les considérer comme personnellement intéressés. En effet, au stade de la création de la ZDE, leur intérêt particulier n’est, en général, pas distinct de l’intérêt général des autres habitants de la commune susceptible d’accueillir un parc éolien.

Pour autant, il arrive souvent que, derrière un projet de ZDE, se cache en fait un projet unique de parc éolien avec un opérateur déjà identifié. Dans un tel cas, si les conseillers propriétaires des terrains sont les seuls intéressés, l’analyse peut être différente. Mais telle n’est pas la situation que vous avez évoquée dans votre question, monsieur le sénateur.

Dans l’hypothèse où la condition d’intérêt serait remplie, la participation du conseiller municipal intéressé entacherait d’illégalité la délibération uniquement si sa présence lors de la séance ou des travaux préparatoires a pu avoir une influence sur le vote. La présidence d’un maire intéressé peut, à ce titre, être considérée comme entraînant une présomption d’influence. Mais la seule présence au cours du vote d’un conseiller municipal intéressé ne peut suffire à établir l’illégalité de la délibération se prononçant sur la création de la ZDE. Là encore, chaque cas d’espèce doit être apprécié sereinement et souverainement par la justice : les comptes rendus des débats peuvent notamment éclairer d’un jour particulier tel ou tel dossier.

Plus généralement, la question que vous soulevez est révélatrice de la complexité du cadre législatif et réglementaire qui entoure le développement de l’éolien en France.

En tant qu’énergie renouvelable parmi les moins coûteuses, la filière éolienne doit constituer le socle qui nous permettra d’atteindre les objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables et de réussir la transition énergétique.

Compte tenu du retard pris par rapport aux objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » et le Grenelle de l’environnement – je vous rappelle que nous n’avons pour l’instant accompli que le tiers de l’effort à consentir d’ici à 2020 –, il est urgent de réexaminer la réglementation et les problèmes d’acceptabilité locale liés au développement de l’éolien, en étudiant notamment les pistes suggérées par François Patriat. Nous le ferons lors du débat sur la transition énergétique qui sera lancé à l’automne prochain, au terme de la conférence environnementale. Nous vous remercions par avance de bien vouloir vous associer à ce débat sur la nécessaire simplification qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

L’éolien doit se développer dans les meilleures conditions de sécurité juridique, qu’il s’agisse du développement des projets ou de la situation des élus qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, prennent leurs responsabilités et répondent aux attentes de nos concitoyens ainsi qu’aux orientations politiques fixées par le Gouvernement : il est donc important que nous puissions sécuriser leur intervention dans la vie publique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, j’ai été particulièrement sensible aux propos que vous venez de tenir. Ceux-ci ne me surprennent pas : nous nous sommes connus dans une autre assemblée et j’apprécie votre courtoisie. Vous avez eu des mots particulièrement chaleureux pour l’action des élus locaux sur nos territoires ruraux. Ces élus sont tout à fait exemplaires et je suis sûr qu’ils apprécieront l’échange auquel nous participons l’un et l’autre.

Comme vous le soulignez, dans un territoire rural, on s’aperçoit que la plupart des élus siégeant dans un conseil municipal peuvent être concernés par un projet de zone de développement de l’éolien. J’ai remarqué, pour l’avoir recensé, que, dans la majeure partie des communes, les deux tiers des conseillers municipaux sont propriétaires de parcelles susceptibles d’être concernées par l’implantation d’une zone de développement de l’éolien. Certains ne participent pas à la séance du conseil municipal consacrée à la décision d’implanter une telle zone, mais il se pose alors un problème de quorum. On nous répond que l’affaire peut-être renvoyée à la fois suivante, mais ces façons d’agir ne sont guère rationnelles.

Vous avez évoqué des questions réglementaires et législatives liées au développement de l’éolien. Saisissant l’occasion qui m’est donnée par cette question orale et sachant que vous transmettrez mes observations à votre collègue Mme Delphine Batho, je me permets de souligner qu’il est nécessaire d’entreprendre une réforme des conditions dans lesquelles l’éolien est implanté.

Aujourd'hui, il existe un schéma régional éolien – celui de la Bourgogne a été évoqué tout à l’heure – qui est déjà un dispositif assez lourd, auquel il convient d’ajouter les zones de développement de l’éolien. Enfin, il faut compter avec les IPCE, les installations classées pour la protection de l’environnement. L’ensemble de ce système est extrêmement lourd.

Pour ma part, j’ai le sentiment que tout ce qui concerne la zone de développement de l’éolien est superfétatoire. En disant cela, je ne cherche nullement à favoriser le développement de l’éolien ou, au contraire, à le freiner. Je dis simplement que notre arsenal juridique comprend déjà des outils permettant de vérifier que l’implantation des éoliennes peut être assurée sans préjudice pour les populations. Sans influencer d’une façon ou d’une autre le développement de la filière éolienne, un vaste chantier est ouvert.

Je terminerai en ayant une pensée pour les élus, pour les maires qui sont entendus, encadrés par des gendarmes, ceux-ci n’étant d’ailleurs pas en cause. Les problèmes posés sur nos territoires sont évidemment très lourds. J’exprime ici très vivement le souhait, monsieur le ministre, que le cas de ces élus, de ces maires soit étudié avec beaucoup d’attention. Vous avez dit qu’ils le seraient au cas par cas. J’insiste pour que l’incertitude juridique qui pèse sur eux, le pénal étant aujourd'hui au centre du débat, puisse être levée.

problèmes rencontrés par les caisses d'allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 24, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la situation très dégradée du fonctionnement de plusieurs caisses d’allocations familiales.

Cette question, madame la ministre, je l’ai déjà posée au gouvernement précédent, qui n’a pas daigné me répondre. Je sais que vous n’êtes nullement responsable de cette situation. Cependant, vous êtes aujourd’hui en charge de ces politiques publiques et c’est donc naturellement que j’attire votre attention sur la dégradation des conditions d’accueil des allocataires de la branche famille de la sécurité sociale.

En effet, dans de nombreuses caisses, l’ensemble des structures n’assurent plus tous les jours l’accueil du public, ni la réception des appels téléphoniques, ni celle du courrier, au prétexte d’assurer prioritairement le traitement du paiement du revenu de solidarité active, le RSA, et des allocations.

Loin d’être isolée, cette situation semble s’être étendue et devient récurrente. Ainsi, ces derniers mois, les caisses de la Loire, de l’Essonne et du Val-de-Marne ont interrompu l’accueil des allocataires pendant de longues périodes pour résorber le retard pris dans le traitement des dossiers, sans d'ailleurs y parvenir complètement.

Les conseils d’administration des caisses font état de difficultés chroniques liées à la diminution des effectifs imposée par la convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État en 2009, alors que la charge de travail s’est considérablement alourdie du fait de la crise.

En effet, il semble que pour faire face à la mise en place du RSA, s’il avait été convenu de recruter 1 200 agents supplémentaires, il était aussi prévu de les supprimer après l’afflux des premiers dossiers d’inscription, comme si, cette période passée, il n’y aurait plus besoin de moyens supplémentaires pour gérer ces nouvelles missions.

D’ores et déjà, il semblerait que 1 000 emplois aient été supprimés.

Cette situation engendre, vous vous en doutez, de nombreuses tensions dans les caisses et le développement d’un sentiment d’exaspération et de colère : d’une part chez les personnels, qui ont l’obligation, dans ces circonstances, d’effectuer des heures supplémentaires et d’assumer parfois de lourdes charges de travail dans un climat de tension ; d’autre part chez les usagers, qui voient l’instruction de leurs dossiers retardée et les temps d’attente aux guichets s’allonger, sans compter les erreurs et les contentieux qui risquent de se multiplier.

Dans ces conditions, je vous demande, madame la ministre, quelles dispositions d’urgence vous comptez prendre pour attribuer au réseau des caisses d’allocations familiales les moyens d’assurer la continuité du service public aujourd’hui mise à mal et d’inscrire dans le cadre de la future convention d’objectifs les moyens nécessaires pour répondre à cet objectif de qualité, au plus près des besoins et des attentes des allocataires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur Favier, vous faites état des problèmes rencontrés par certaines caisses d’allocations familiales et des conséquences qu’ils peuvent avoir sur l’accueil du public.

Je tiens tout d’abord à rappeler la vocation de ces caisses d’allocations familiales, qui ont un rôle essentiel dans l’accueil des allocataires, souvent en grande difficulté. Je suis d’accord avec vous, nous devons permettre à ces structures et aux agents qui les animent d’accomplir leur mission, qui est, comme vous l’avez souligné, une mission de service public.

Depuis 2009, les CAF doivent faire face à une charge de travail accrue, parce qu’elles prennent en charge des missions nouvelles, comme le RSA ou le RSA jeunes, et parce que la crise a accru mécaniquement le volume de demandes qui leur sont adressées. Chaque année, les CAF traitent plus de 80 millions de pièces administratives, reçoivent près de 20 millions de visites et répondent à des millions d’appels téléphoniques.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre hommage aux agents, qui font preuve d’un grand sens du service public pour faire face aux demandes qui leur sont adressées en grand nombre.

Cette charge de travail a contraint certaines CAF à prendre des mesures comme la fermeture temporaire des points d’accueil ou des lignes téléphoniques. Ces mesures, qui ne devaient être qu’exceptionnelles, se sont réitérées depuis 2009, même si, en 2011, elles ont été moins fréquentes que lors des deux années précédentes.

Ces situations ne peuvent nous satisfaire. Elles ne sont pas acceptables pour les usagers qui, le cas échéant, ne peuvent pas accéder à leurs droits dans de bonnes conditions. Elles ne sont pas non plus acceptables pour les agents dont les conditions de travail sont dégradées et qui souffrent de ne pouvoir apporter aux familles l’accompagnement dont elles ont besoin.

Il nous faut trouver des solutions. Pour cela, nous fixerons des exigences et des objectifs, en étroite collaboration avec les acteurs, dont l’expérience est reconnue. C’est tout le sens de la future convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, que nous négocierons dès la rentrée et qui déterminera les moyens mis à la disposition des CAF. Parmi les objectifs que nous fixerons, soyez assuré, monsieur le sénateur, que figureront l’accès aux droits et la qualité du service.

Sans attendre la future convention d’objectifs et de gestion, des mesures ont déjà été mises en œuvre pour lutter contre la dégradation des conditions d’accueil dans les CAF.

Tout d’abord, les gestionnaires et le conseil d’administration de la CNAF, où siègent notamment les partenaires sociaux et les associations familiales, ont cherché à apporter des solutions. En particulier, ils ont décidé de mutualiser les plateaux téléphoniques. Cela semble envisageable dans la mesure où, en 2011, les fermetures d’accueils téléphoniques ont baissé, en nombre d’heures, de 70 % par rapport à 2010.

Ensuite, le rapport de l’IGAS sur la convention d’objectifs et de gestion de la période 2009-2012 fera sans nul doute le bilan de l’atelier de régulation des charges, qui permet qu’une CAF puisse aider une autre CAF à traiter ses dossiers. En fonction de ce qu’indiquera ce bilan, nous déciderons s’il faut ou non renforcer cette mesure.

Enfin, ne nous leurrons pas, dans un contexte budgétaire contraint, les solutions sont aussi à chercher du côté de la mutualisation des moyens mis à la disposition des CAF. Elles sont également à rechercher du côté de la simplification des procédures administratives. Un énorme chantier est à mener pour simplifier ces procédures administratives.

J’y tiens tout particulièrement. En effet, c’est non seulement une mesure de bonne gestion, car les agents de la branche famille doivent pouvoir se concentrer sur leur mission d’accueil et d’accompagnement sans avoir à porter la charge de procédures aujourd'hui bien trop lourdes, mais c’est aussi et surtout une mesure d’égalité, dans la mesure où il n’est pas acceptable que certaines familles vulnérables soient découragées d’accéder à leurs droits par une complexité excessive des démarches.

Travailler ensemble, associer les intelligences, promouvoir les bonnes pratiques : c’est ainsi que l’on garantira le bon accueil du public et les bonnes conditions de travail des agents, dans une logique de responsabilité budgétaire.