M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’année prochaine, on revient à l’ISF version 2011 !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De même, la contribution ne sera pas néfaste aux entreprises car elle a un caractère provisoire.

Au final, il s’agit de la mesure la plus pertinente pour assurer que les plus fortunés paient leur juste écot au redressement des finances publiques (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx est dubitative.), alors que le précédent Gouvernement avait cru bon de diviser l’ISF par deux.

Enfin, pour réagir à certains propos qui ont été tenus, je précise que c’est bien parce que le Gouvernement doit aujourd'hui faire face à un déficit de 84 milliards d’euros qu’il faut essayer de trouver des solutions. Et c’est bien parce qu’il n’y a aujourd'hui que 69 % des dépenses courantes de notre pays qui sont couvertes par des recettes régulières que la question de ce redressement urgent de nos finances publiques est posée !

Cette mesure est absolument nécessaire ; elle a une force d’exemplarité. Dans ces conditions, il nous faut la soutenir pleinement et donc rejeter ces deux amendements.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que fera-t-on en 2013 ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On trouvera l’argent ailleurs !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de ces deux amendements.

Monsieur le président de la commission des finances, si l’article 3 s’inscrit dans un contexte, il ne trace pas de perspective pour l’avenir.

Le contexte est bien connu : la réforme de l’ISF menée l’année dernière a abouti à en diminuer le rendement en le divisant par deux et la perte de recettes pour l’État qui en a résulté a été très mal compensée.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous – pardonnez-moi, donc, de me répéter –, si la compensation prévue par le gouvernement précédent et votée par la majorité qui le soutenait passait par la mise en place d’une exit tax et d’une taxation de trusts, ces dispositions n’auront pas été opératoires en 2012, puisque, quand je suis arrivé au ministère du budget, aucune des instructions nécessaires à leur mise en œuvre n’avait été signée par les précédents ministres en charge.

J’ai également déjà eu l’occasion de dire que, pour financer – bien mal – cette réforme, il a été fait appel non pas à celles et ceux qui peuvent le plus, comme cela a exagérément été affirmé, mais, en vérité, aux classes moyennes, via une augmentation considérable du droit de partage. De 1,1 %, ce dernier avait d’abord été porté à 2,2 % – soit une hausse de 100 % – à l’initiative du rapporteur général de l’Assemblée nationale, puis à 2,5 % sur l’initiative de la majorité sénatoriale de l’époque.

Que je sache, les plus aisés ou les plus fortunés de nos concitoyens ne sont pas les seuls à vouloir divorcer ou sortir d’une indivision ! Les classes moyennes peuvent elles aussi être concernées.

La présentation de la réforme faite à l’époque était donc exagérément flatteuse ! En vérité, tout le monde a contribué à son financement. En outre, en termes de finances publiques, il s’agissait d’une erreur, car ce n’est pas au moment où l’on avait besoin de recettes supplémentaires qu’il fallait diminuer celle-là !

J’en veux pour preuve que, dans les semaines qui ont suivi l’adoption de la réforme, la majorité précédente a dû refuser d’indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu, augmenter la CSG pour les salariés – 600 millions d’euros –, augmenter le taux réduit de TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Autant d’impôts que vous gardez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bref, elle a dû solliciter l’ensemble de nos concitoyens quand certains l’étaient manifestement beaucoup moins ! (M. Alain Fauconnier s’exclame.)

Voilà le contexte ! D’ailleurs, je me garderai bien d’omettre que dans ce contexte se situe un élément de notre droit fiscal dont aucun orateur n’a pour le moment fait état : le bouclier fiscal. Il fut, paraît-il, supprimé au moment même où cette réforme intervenait.

Si cela intéresse les sénateurs, je suis prêt à leur communiquer, via le président de leur commission des finances,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … le document qui prouve que, cette année, au titre du bouclier fiscal, l’État a restitué 730 millions d’euros,…

M. Alain Fauconnier. Excellent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … à un nombre de contribuables en réduction par rapport à l’année précédente, car, parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal, le nombre des contribuables les moins fortunés a diminué, quand celui des plus aisés a augmenté.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela signifie que la restitution moyenne opérée au titre du bouclier fiscal a nettement augmenté…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et que 90 à 95 % des 730 millions d’euros ainsi restitués ont été concentrés sur un nombre de contribuables encore plus réduit qu’auparavant.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au final, en cette année 2012, les contribuables éligibles à l’ISF ont payé moitié moins que les autres années et ceux d’entre eux qui, en outre, étaient éligibles au bouclier fiscal ont continué à en bénéficier. Il me semble que ce traitement très préférentiel réservé à nos contribuables les plus aisés peut difficilement s’expliquer en l’état de nos finances publiques.

Devant ce constat, et parce que nous estimons que l’effort doit être juste, nous vous proposons d’annuler l’avantage dont bénéficient ces contribuables,…

M. Alain Fauconnier. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … d’une part, en maintenant les cotisations qu’ils doivent au titre de l’ISF tel que prévu par l’ancienne majorité et, d’autre part, en leur demandant d’acquitter cette contribution exceptionnelle.

Monsieur Marini, cette dernière n’existait pas avant 2012, elle n’existera pas après 2013 et ne préfigure en rien – en tout cas, je ne dispose pour l’heure d’aucun d’élément en ce sens – ce que pourrait être un ISF réformé à nouveau.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne sera pas plus léger que l’ancien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, en souhaitant que vous suivrez l’avis du rapporteur et du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article, qui est nécessaire non seulement à la restauration de nos finances publiques, mais aussi au sentiment de justice fiscale qui, ces dernières années, a exagérément fui le cœur et l’esprit de nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Albéric de Montgolfier Et l’effet de seuil, monsieur le ministre ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et la décote ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avec la réforme de l’ISF votée l’année dernière, l’entrée dans le barème se fait de manière progressive et suivant un lissage pour les patrimoines compris entre 1,3 million d’euros et 1,4 million d’euros. C’est ce que l’on appelle la décote.

Le président de la commission des finances a raison de faire remarquer que, précisément parce qu’elle est en miroir de cette réforme, la taxation exceptionnelle semble présenter un inconvénient : une forme de dégressivité au-delà d’un certain niveau de patrimoine et jusqu’à un autre niveau de patrimoine.

Mais, en vérité, il faut considérer l’ensemble puisque la cotisation acquittée au titre de l’ISF réformée l’année dernière s’impute sur la taxation exceptionnelle. Ce sont donc bien deux impôts différents.

Monsieur Marini, je le répète : cette contribution n’existait pas avant, elle n’existera pas après.

Mais, dès lors que la cotisation ISF s’impute sur cette taxation exceptionnelle, il me paraît audacieux d’indiquer que l’une et l’autre sont indépendantes : c’est l’ensemble qu’il faut considérer, et cet ensemble est bien progressif.

Mme Annie David. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Si je reviens sur l’articulation du dispositif que propose le Gouvernement, cette contribution concernera les assujettis actuels à l’ISF, contribuables dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros. Elle sera calculée selon le même barème progressif que celui qui a été utilisé pour le calcul de l’ISF dû au titre de 2011 : six tranches imposées de 0,5 % à 1,8 %. La cotisation d’ISF au titre de 2012, payée en sus, sera imputée sur cette contribution, de sorte que le contribuable paiera, au final, l’équivalent de l’ancien ISF.

En effet, le Gouvernement ne pouvait toucher au barème de l’ISF dès cette année, car le caractère rétroactif d’une telle mesure aurait pu poser des problèmes de constitutionnalité flagrants. C’est pourquoi il crée cette contribution exceptionnelle pour recouvrer un montant de recettes équivalant, au final, à ce qui aurait été perçu avec l’ancien barème, après imputation de la cotisation d’ISF versée en 2012. Malgré vos dénégations, monsieur le ministre, et en dépit d’une argumentation un peu spécieuse, nous savons tous que, dès l’automne, le Gouvernement proposera, dans le projet de loi de finances pour 2013, de revenir à l’ancien barème de l’ISF.

Nous sommes donc en droit de nous demander si le Gouvernement va ramener à 800 000 euros le seuil d’assujettissement à l’ISF que nous avions relevé à 1,3 million d’euros. Il s’agissait pourtant d’une mesure de justice fiscale, car elle concernait des ménages qui devenaient redevables de l’ISF principalement du fait de la hausse des prix de l’immobilier.

Votre idée revient donc à complexifier à nouveau le barème de l’ISF, autour de six tranches, alors que nous l’avions simplifié avec seulement deux taux. Certes, les taux avaient été allégés – 0,5 % au lieu de 1,8 % pour la plus haute tranche –, mais il s’agissait de taux purement théoriques car, en fait, le taux réel moyen pratiqué pour la plus haute tranche était de 0,22 %, grâce à l’optimisation fiscale que pouvaient se payer les contribuables les plus fortunés.

Enfin et surtout, la mise en œuvre, en 2012, de cette contribution exceptionnelle, en plus de l’ISF, tous deux sans aucun plafonnement, va aboutir à l’incongruité d’une imposition confiscatoire pour plusieurs milliers de contribuables, qui vont devoir payer plus d’impôts qu’ils n’ont de revenus disponibles, comme l’ont souligné nos collègues Albéric de Montgolfier et Marie-Hélène Des Esgaulx.

Outre le problème d’inconstitutionnalité qu’elle pose – le président de la commission des finances l’a rappelé – et que nous ne manquerons pas de soulever dans notre saisine du Conseil constitutionnel, cette contribution exceptionnelle met donc en lumière les excès d’une certaine idéologie reposant sur la stigmatisation de nos compatriotes les plus fortunés.

Pour notre part, du côté de cet hémicycle, nous ne partageons pas cette vision de lutte des classes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), nous croyons au mérite et encourageons la réussite, et pensons qu’il vaut mieux tenter de rendre les pauvres plus riches que les riches plus pauvres, pour utiliser une formule un peu simpliste, mais qui illustre parfaitement le fossé idéologique qui nous sépare !

C’est dans cet esprit que le groupe UMP a déposé cet amendement de suppression, que nous voterons tous avec conviction.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je comprends que le Gouvernement veuille tenir sa promesse de campagne de faire payer les riches. Cette mesure correspond tout à fait à l’engagement pris, c’est d’ailleurs la seule de ce projet de loi de finances rectificative qui atteigne cet objectif !

Les membres de la commission des finances sont destinataires de documents toujours très intéressants : M. le rapporteur général nous a remis un tableau récapitulant les incidences financières des mesures nouvelles comprises dans ce projet de loi de finances rectificative. J’ai été surpris de constater que cette contribution exceptionnelle sur la fortune, d’un montant de 2,3 milliards d’euros en 2012, était annulée en 2013 : en cumulant le rendement prévu sur ces deux années, le total est égal à zéro !

Sur un total de 11,7 milliards d’euros de recettes nouvelles, les mesures principales de ce projet de loi de finances rectificative sont donc la suppression de la TVA sociale, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui représente 3 milliards d’euros, et l’augmentation du forfait sur l’épargne salariale. Par conséquent, la lecture de ce tableau prouve que l’objectif affiché de faire payer les riches ne correspond pas tout à fait à la réalité !

Monsieur le ministre, j’aimerais donc savoir ce qu’il en est réellement : le tableau que nous avons reçu est-il exact ou donne-t-il une vision tronquée de la réalité ? Cette contribution exceptionnelle est-elle appelée à durer ? Il me semble que vous avez annoncé sur les ondes qu’elle serait maintenue jusqu’au retour à l’équilibre budgétaire, ce qui risque de prendre du temps ! En effet, les prévisions optimistes de croissance que vous nous avez présentées la semaine dernière paraissent déjà totalement inactuelles aujourd’hui.

Cette contribution est-elle destinée à durer ? Si oui, combien de temps ? Combien est-elle censée rapporter au final : rien du tout, comme l’indique le tableau, ou 2,3 milliards d’euros, voire 4,6 milliards d’euros, si elle est maintenue l’année prochaine ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.

M. Alain Bertrand. Je ne souhaitais pas prendre la parole, pour ne pas allonger les débats, mais il est vrai que, dans une des principales maisons de la République, ceux-ci sont plus intéressants qu’une partie de pétanque !

Depuis deux ou trois jours, nous discutons du procédé mis en place par le Gouvernement pour trouver 7 milliards d’euros afin de remplir les caisses laissées vides par la précédente majorité. Or nous passons notre temps à nous demander si, à la marge, avec des systèmes de décote, quelques milliardaires ne risquent pas d’être trop imposés, alors que notre pays compte quatre millions de chômeurs et dix millions de pauvres !

Pour que le débat fût digne, à mon goût, il aurait convenu de parler tout simplement de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Nous devrions en effet nous effrayer, tous ensemble, de constater que, plus on gagne d’argent dans notre pays, moins on paye proportionnellement d’impôt !

Prenons un exemple très simple : quelqu’un qui gagne 1 000 euros par mois, paie son impôt au centime près…

M. Albéric de Montgolfier. À 1 000 euros par mois, on ne paie rien !

Mme Annie David. Sauf si on est célibataire !

M. Alain Bertrand. Dans certains cas, on paie, mon cher collègue ! Croyez-moi, je suis inspecteur des impôts à la retraite…

Celui qui gagne 30 000 euros par an paie toujours au centime près, mais pour celui qui gagne 100 000 euros, la progressivité est bien moindre ; quand on gagne 200 000 euros par an, la progressivité s’effondre, et si l’on gagne 500 000 euros par an, on n’en parle même plus, parce que l’on est mieux conseillé et qu’il existe de nombreuses niches…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alors, révisons les niches !

M. Alain Bertrand. Je pensais donc que nous allions poser cette question à M. le ministre !

Quand il n’était pas encore Président de la République, M. Hollande a pris l’engagement de s’attaquer au problème de l’emploi, du chômage, de la pauvreté, de l’égalité des territoires. Maintenant qu’il est élu, nous devons nous demander comment nous pouvons aider le Gouvernement à financer ces politiques de manière juste ?

Je pensais donc que nous aborderions la question des niches à l’impôt sur le revenu. Nous en bénéficions tous, parce que nous payons une femme de ménage, ou que sais-je encore, mais les plus démunis n’en bénéficient pas, ou moins ! Nous aurions pu proposer à M. le ministre du budget de ramener le plafonnement de ces niches de 15 000 euros par an à 2 000 euros, de manière à rapporter 20 milliards d’euros ou 30 milliards d’euros d’argent frais, qui nous permettraient de commencer à remettre le pays en ordre.

Mme Annie David. Exactement !

M. Alain Bertrand. Chers collègues de l’opposition, vous oubliez très largement de parler du million de chômeurs en plus depuis 2007, vous oubliez très largement de parler des 600 milliards d’euros de déficit supplémentaires que vous laissez, vous oubliez de dire que vous avez stoppé quasiment tout l’appareil productif par absence de stratégie !

Dans cette maison de la République, revenons-en à des principes justes : l’égalité des citoyens devant l’impôt et la restauration de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Individuellement, tous les gens honnêtes paieront ce qu’ils doivent ; collectivement, nous en paierons peut-être moins et nous pourrons remettre le pays en marche, parce que nous disposerons de recettes justes supplémentaires. Il faut arrêter de faire des cadeaux, surtout aux plus riches ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite apporter une précision en réponse à M. Delahaye.

Nous avons effectivement établi un tableau qui permet d’évaluer le rendement de l’ensemble des dispositions comprises dans ce projet de loi de finances rectificative : une colonne précise les montants prévus pour 2012 et une autre colonne indique la base créée pour 2013. En ce qui concerne la cotisation exceptionnelle, le tableau indique bien que 2,3 milliards d’euros sont prévus pour l’année 2012, mais comme cette mesure est exceptionnelle et n’est pas supposée être renouvelée, nous avons fait figurer un zéro pour 2013.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Supposée !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Bien entendu ! Cette présentation est conforme à l’explication que vient de donner M. le ministre : il s’agit bien d’une cotisation exceptionnelle.

Mon cher collègue, j’espère vous avoir donné les éclaircissements nécessaires pour vous permettre de voter en toute connaissance de cause.

Quant à nous, nous avons le souci de préserver les recettes recherchées par le Gouvernement, c’est pourquoi, je le rappelle, la commission demande le rejet des amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. J’ai applaudi M. Bertrand, comme nos autres collègues, mais je souhaite rappeler que l’amendement n° 77, présenté par Mme Beaufils, qui tendait à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, a été rejeté et que seul le groupe CRC l’a voté. Nous préférons les actes aux belles paroles !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 139 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - I. - L’impôt est calculé sur l’ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :

«

Valeur nette imposable du patrimoine

Tarif applicable %

 

N’excédant pas 800 000 €

0

 

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

0,55

 

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,75

 

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €

1

 

Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €

1,3

 

Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €

1,65

 

Supérieure à 16 790 000 €

1,80

« II. - Le tarif ci-dessus est évalué et fixé par la loi de finances. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Ainsi que l’ont montré la discussion générale et le début de notre débat, le présent projet de collectif budgétaire marque une évidente rupture avec la pratique fiscale des dix dernières années.

Avec le présent article, l’occasion nous est donnée de débattre de l’impôt de solidarité sur la fortune, puisque la création d’une contribution exceptionnelle, ayant l’apparence, la couleur et les contours dudit impôt, est proposée au vote du Parlement.

Concrètement, la « réforme » de l’impôt de solidarité sur la fortune votée au printemps de 2011 avait permis, alors même que la situation des comptes publics était fort loin d’autoriser ce type de gracieuseté, de restituer 2 milliards d’euros, plus ou moins, aux redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. En ce sens, j’approuve les propos de M. le ministre sur la question du bouclier fiscal. Au moment du vote de la loi de finances pour 2012, nous avions rappelé que le coût de la mesure s’élevait à 1,8 milliard d’euros auquel il fallait ajouter 750 millions d’euros, ce qui représentait une perte de 2,55 milliards d’euros pour les caisses de l’État.

La moitié des redevables de l’ISF, c’est-à-dire environ 310 000 foyers fiscaux si l’on en croit les chiffres disponibles, étaient exonérés du paiement de l’impôt par cette réforme. Leur cotisation s’établissait, dans les faits, entre zéro euro et 1 250 euros, nonobstant l’imputation de personnes à charge ou de réductions de droits diverses.

Comme nous avions eu l’occasion de le souligner, l’essentiel des 2 milliards d’euros que l’État consacrait à alléger l’ISF concernait, au premier chef, non pas ceux qui étaient dès lors exonérés, mais plutôt ceux qui restaient imposables, puisque le taux maximal d’imposition du tarif passait de 1,8 % à 0,5 %, ce qui représente, pour donner un exemple, 13 000 euros de remise d’impôt pour chaque million d’euros de patrimoine au-dessus du plancher de l’ancienne dernière tranche du tarif.

Aujourd’hui, il nous semble cependant nécessaire d’aller au plus simple. Il est évident que la loi de finances pour 2013 comportera une nouvelle formule de l’ISF, plus en conformité avec ce que l’on peut attendre de cet utile impôt. Le débat mené à l’Assemblée nationale n’a d'ailleurs jamais fait mystère d’une telle orientation.

C’est la raison pour laquelle, conformément à notre position de principe, nous vous proposons, dès ce collectif 2012, de procéder au rétablissement du tarif de l’article 885 U du code général des impôts, dans sa version antérieure au vote du collectif du printemps 2011.

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Poncelet, Türk, Retailleau, Bizet, J.L. Dupont et P. Dominati et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… – Le redevable de la contribution mentionnée au I peut imputer sur celle-ci, dans les mêmes limites et selon les mêmes modalités que celles applicables à l’impôt de solidarité sur la fortune, les versements effectués au titre des souscriptions au capital ou augmentation de capital de petites ou moyennes entreprises européennes, en vertu des I à VI de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, à condition que ces versements n'aient pas déjà été imputés sur l'impôt de solidarité sur la fortune.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans un contexte de resserrement de crédits, nos petites entreprises ont plus que jamais besoin de financement pour se développer et conquérir des parts de marchés.

L’objet de cet amendement est de permettre à la contribution exceptionnelle d’assurer, à titre exceptionnel, au regard de la gravité de la situation de nos entreprises, une partie de ce financement en lui appliquant, dans les mêmes limites et selon les mêmes conditions, le dispositif de l’article 885-0 V bis du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exclusion de l'application des articles 885 I bis à quater du code général des impôts

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise un objectif très précis. Comme je l’ai rappelé tout à l'heure, l’article 3 est comme une célèbre boisson…

Les règles fiscales en vigueur en matière d’impôt de solidarité sur la fortune sont inscrites dans un certain nombre d’articles du code général des impôts définissant tout d’abord la qualité des contribuables, ensuite la teneur du patrimoine imposable – avec les exemptions d’assiette les plus diverses – et enfin les conditions d’application, l’ISF étant finalement assorti de plusieurs « niches » fiscales sur lesquelles il faudrait un jour bel et bien se pencher.

Nous ne savons pas combien coûte l’exemption des biens professionnels de l’assiette de l’impôt – à notre avis, plusieurs milliards d’euros et probablement plus que ce que rapporte l’impôt lui-même –, mais nous savons par contre que le dispositif ISF-PME et les dons représentent une dépense fiscale de plus de 700 millions d’euros – pour 1,4 milliard d’euros, c’est-à-dire une misère ou presque, investis dans les PME et les fondations – et que le dispositif Dutreil, dont il est ici question, coûte rien de moins qu’un peu plus de 120 millions d’euros supplémentaires !

Il s’agit ni plus ni moins de libérer de l’ISF les parts sociales détenues par les actionnaires minoritaires de sociétés cotées ou non, en fonction de leur participation à un « pacte d’actionnaires », fondé sur la conservation des titres.

Notons que si le dispositif coûte aujourd’hui une bonne centaine de millions d’euros au budget de l’État, il n’induit aucunement que les entreprises concernées se dispensent de pratiquer des plans sociaux et des délocalisations d’activités, bien au contraire !

Le problème que pose cette contribution exceptionnelle, dès lors qu’elle se cale sur l’actuel ISF, c’est que le dispositif Dutreil, dont l’utilité est limitée mais le coût réel, va aussi jouer contre le rendement de la contribution puisque l’assiette imposable est la même.

C’est à cette situation que notre amendement tente de remédier en permettant de fait de faire entrer dans les caisses de l’État, qui en ont bien besoin, quelques dizaines de millions d’euros qui en seraient ainsi distraits.