M. Philippe Adnot. Jamais ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même si je ne l’ai pas vu, je crois avoir deviné qui a dit « Jamais ! » (Nouveaux sourires.) Vos collègues députés ont trouvé un dispositif qui me paraît équilibré et auquel le Gouvernement est attaché. Pour cette raison, je demande également le rejet de l’amendement n° 181.

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, j’ai très bien compris vos propos sur les amendements visant à dénoncer les effets de seuil et à instaurer de nouveaux seuils : ces amendements auront des inconvénients comparables à ceux que nous dénonçons.

En ce sens, tous les amendements qui sont présentés sont des amendements de repli par rapport à la seule bonne mesure permettant d’éviter les effets de seuil, qui aurait été de voter les amendements identiques de suppression de l’article 2 présentés par M. Gaudin et par M. Marseille.

Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement intéressé par votre argumentation selon laquelle la justice – et c’est une définition que je compte utiliser au cours des années qui viennent dans cette enceinte – se mesure au fait de savoir si le financement qui est proposé repose ou non sur les générations futures. C’est une définition qui me paraît assez tentante.

En effet, en partant de ce principe et en passant à ce crible un certain nombre de choses, on peut partager l’idée qu’il faut supprimer la loi TEPA, qui porte 4,5 milliards d’euros à la charge des générations futures, mais on pourrait aussi être tenté de supprimer les 20 milliards d’euros que coûtent les 35 heures, qui pèseront sur les générations futures, soit quatre fois plus que ce qui nous est présenté aujourd’hui !

M. Daniel Raoul. Cela faisait longtemps !

M. Christophe Béchu. On pourrait, dans le même état d’esprit, objecter que le mini-plan de soutien à l’automobile qui a été présenté aujourd’hui pèsera sur les générations futures afin de faire bénéficier d’avantages fiscaux pouvant aller jusqu’à 7 000 euros des personnes qui, vous en conviendrez, ne constituent pas les foyers fiscaux qui faisaient le plus d’heures supplémentaires et qui sont la cible, ce soir, du Gouvernement, en termes d’appauvrissement et de diminution de leur pouvoir d’achat. (M. Jean-Claude Lenoir opine.)

Alors, dans ce domaine aussi, faites preuve d’un peu de cohérence ! Si la justice, qui consiste à épargner le budget de l’État afin d’alléger la charge des générations futures, s’applique pour la loi TEPA, allez au bout de votre logique : dans ce cas, la priorité ce n’était pas la hausse des impôts, c’était la baisse des dépenses publiques. Or c’est le choix que vous avez refusé de faire, alors même que l’état de grâce politique qui suit une victoire vous aurait permis de faire passer des mesures, certes douloureuses, mais plus courageuses. Lorsque vous aurez à le faire dans un contexte qui sera dégradé et aggravé par les décisions que vous nous proposez encore ce soir, là, on reparlera de votre conception de la justice ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, je regrette que vous ayez considéré qu’il n’était pas possible de donner satisfaction aux entreprises qui vont avoir des problèmes administratifs à appliquer cette mesure en plein trimestre.

Ce n’est pas au mois d’août que les heures supplémentaires vont être effectuées ; la question que je vous ai posée relève donc du mois de septembre. Reculez du mois de septembre au mois d’octobre !

Vous pourriez ainsi à la fois donner le signal que, tout en étant ferme sur les mesures – et je suis prêt à voter l’article 2 –, vous comprenez les problèmes administratifs des entreprises. Accepter la date du 1er octobre, ce ne serait pas remettre en cause votre texte, ce serait faire preuve de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié quater.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean Desessard. Vous allez trop vite, monsieur le président !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On peut ralentir, si vous le souhaitez ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 rectifié ter est présenté par Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Fleming, P. Dominati, Béchu, Cardoux, César, Cambon, Gournac et Courtois, Mmes Des Esgaulx et Farreyrol, MM. J.P. Fournier et P. André, Mmes Deroche et Bruguière, M. B. Fournier, Mme Sittler et MM. Leleux, Revet, Savary, Mayet, Reichardt, P. Leroy, Houpert et Couderc.

L'amendement n° 178 rectifié bis est présenté par Mme Lamure.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La section 4 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-19. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 241-18, dans les entreprises relevant d’un secteur d’activité où, en application d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu, la durée hebdomadaire de travail est supérieure à la durée légale et ouvrent droit au paiement d’heures supplémentaires mensualisées, quel que soit l’effectif, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. »

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié ter.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement vise tout simplement à exclure les entreprises dont la durée du travail, fixée par une convention ou un accord collectif national de branche étendu, serait supérieure à la durée légale du travail.

C’est par exemple le cas pour l’hôtellerie-restauration. La durée fixée est en effet de 39 heures et elle englobe des heures supplémentaires mensualisées auxquelles les salariés et les entreprises sont attachés.

M. le président. L’amendement n° 178 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 12 rectifié ter ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement.

Bien entendu, je vous renvoie à l’argumentation qui a été précédemment développée. Un certain nombre de critiques ont justifié les positions exprimées sur tout ce qui a trait au dispositif TEPA. Je vous rappelle que l’article 2 maintient déjà l’exonération pour les entreprises de moins de 20 salariés.

En outre, le secteur de la restauration, qui semble visé par les auteurs de l’amendement, bénéficie d’autres niches fiscales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis, monsieur le président, pour les raisons qui viennent d’être avancées par le rapporteur général et que je reprends à mon compte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je regrette de nouveau que l’on ne tienne pas compte de la situation spécifique d’une branche, l’hôtellerie-restauration, où il existe un dialogue social et des dispositions conventionnelles et où la durée du travail et les conditions de recrutement ne sont pas les mêmes que dans les autres secteurs.

Sans doute faudrait-il regarder de façon réaliste la situation de cette branche, notamment, mais pas seulement, au regard du taux de TVA. Monsieur le ministre délégué, je trouve que vous avez répondu de façon lapidaire à la question posée par nos collègues, qui me semblait mériter une explication plus fournie.

Pour ma part, n’ayant pas été convaincu par les réponses de la commission et du Gouvernement, je voterai l’amendement, qui, je le souligne, avait été préparé par Caroline Cayeux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 34

I - Après les mots :

Pour l’année 2012,

insérer les mots :

après affectation préalable de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

II – Après le mot :

affectée

supprimer les mots :

, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission des affaires sociales concerne la compensation par l’État des exonérations de cotisations de sécurité sociale. C’est une question sur laquelle notre commission porte traditionnellement un regard vigilant.

Cette compensation reposait sur l’affectation à la sécurité sociale d’un certain nombre de recettes fiscales provenant des droits sur les tabacs et alcools et d’une fraction de l’impôt sur les sociétés. Le Gouvernement a considéré que ce mécanisme perdrait sa raison d’être avec la suppression de la plus grande part des exonérations. Les recettes correspondantes reviendront donc à l’État et l’opération sera financièrement neutre pour la sécurité sociale.

Il conviendra néanmoins d’assurer la compensation des pertes de recettes pour les exonérations qui seront maintenues au profit des entreprises de moins de 20 salariés, soit environ 500 millions d’euros par an. Nous avons bien noté, monsieur le ministre, l’engagement du Gouvernement de nous présenter, dans l’un des textes financiers de l’automne, un nouveau dispositif, qui pourrait être mis en place en 2013. Nous souhaitons bien évidemment un mécanisme garantissant intégralement la compensation sur la base des pertes de recettes effectivement constatées.

Par ailleurs, en 2010 et en 2011, le produit des impôts et taxes affectés au titre de la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires a été sensiblement inférieur au manque à gagner enregistré par la sécurité sociale. L’État lui est redevable de 341 millions d’euros. L’article 2 prévoit l’apurement de cette dette dès 2012. Bien entendu, la commission des affaires sociales se réjouit que cet engagement soit expressément inscrit dans le projet de loi ; toutefois, la rédaction retenue nous semble ambiguë.

Pour le scientifique que je suis, le terme « déduction » utilisé dans l’alinéa 34 de l’article 2 évoque davantage la soustraction que l’addition. Or nous savons que l’intention du Gouvernement est bien que le versement de 341 millions d’euros en règlement de la dette de l’État s’ajoute à celui qui est dû à la sécurité sociale pour la compensation au titre de l’année 2012.

Notre amendement vise donc simplement à clarifier la rédaction de l’article sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'article 2.

M. Vincent Delahaye. L’an passé, les sénateurs centristes ont conduit dans cet hémicycle un débat sur le bilan de la défiscalisation des heures supplémentaires. Ce dispositif de défiscalisation devait à l’origine répondre à trois objectifs majeurs : contourner le blocage de la législation en vigueur relative à la durée hebdomadaire du travail, qui est inopérante dans certains secteurs d’activité ; accroître le pouvoir d’achat des salariés en valorisant les revenus du travail plutôt que les revenus de transfert ou de substitution ; dynamiser l’activité économique et favoriser à moyen terme la création d’emplois.

La défiscalisation des heures supplémentaires a trouvé une vertu dans le contexte de la crise : elle a permis de sauver des emplois. Les entreprises ont pu, par ce dispositif, protéger leurs employés en ajustant leur masse salariale et répondre à leurs commandes alors que la conjoncture était désastreuse. En un mot, sans les heures supplémentaires, le choc de chômage que nous connaissons aujourd’hui se serait sans doute produit dès la fin de l’année 2009.

M. David Assouline. N’importe quoi !

M. Vincent Delahaye. Le coût pour nos finances publiques aurait alors été exorbitant. Ce constat a été établi par la DARES, par l’INSEE et également par l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les heures supplémentaires, c’est 528 000 entreprises, plus de 4 millions de salariés et 900 millions d’heures travaillées par an !

Pour vous, le contingent d’heures supplémentaires est substituable à un emploi. C’est votre vision de l’emploi ! Mieux vaut que tout le monde ait un emploi à 35 heures par semaine en étant rémunéré au SMIC que d’offrir la possibilité de travailler davantage pour agrémenter ses revenus.

Or la question n’est plus d’arbitrer entre le droit aux loisirs et le droit au travail. Il s’agit aujourd’hui de protéger nos entreprises et leurs salariés au moment même où, comme le président Arthuis l’a rappelé à de nombreuses reprises, la fermeture de l’usine d’Aulnay agit comme un électrochoc.

Mes chers collègues, nous sommes nombreux sur ces travées à avoir directement vécu le monde de l’entreprise. Et nous pouvons vous le dire, on n’embauche pas pour les mêmes raisons que l’on attribue des heures supplémentaires. Mais je crois que, au fond, vous le savez bien. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi ne pas pousser votre raisonnement jusqu’au bout ? Si les heures supplémentaires sont parfaitement substituables à l’emploi, interdisez-les donc et la messe sera dite ! Les chiffres de l’INSEE nous montreront assez vite si vous avez fait fausse route.

La réalité, c’est que vous cherchez surtout le rendement, mais vous n’aurez que la colère sociale en retour. Que direz-vous, mes chers collègues, à vos concitoyens lorsqu’ils viendront vous voir pour se plaindre de leur impossibilité de travailler davantage ? Croyez-vous qu’il suffira de leur dire que c’était une mesure de Nicolas Sarkozy et que leur peine devant leur fiche de paie s’effacera dès qu’ils verront leur nouveau collègue, si tant est que l’entreprise soit en mesure d’embaucher ? (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)

Pour notre part, nous, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine, ne sommes pas prêts à prendre de tels risques et à jouer avec le revenu et l’activité de nos concitoyens. (M. David Assouline s’exclame.) Sans aucune mesure de protection des entreprises, sans aucune mesure en faveur de la compétitivité, sans aucune mesure pour diminuer la dépense publique – ce projet de loi de finances rectificative présente le grave inconvénient de ne proposer que des recettes supplémentaires et pas d’économies sur les dépenses –, nous ne pourrons cautionner une telle erreur de diagnostic. (M. Aymeri de Montesquiou applaudit.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Demande de réserve (début)

Article 3

I. – Les personnes mentionnées à l’article 885 A du code général des impôts sont redevables au titre de l’année 2012 d’une contribution exceptionnelle sur la fortune assise sur la valeur nette imposable de leur patrimoine retenue pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2012.

Toutefois, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I qui, domiciliées en France au 1er janvier 2012, ne le sont plus à la date du 4 juillet 2012, ne sont redevables de la contribution que sur la valeur nette imposable au 1er janvier 2012 de leurs seuls biens situés en France.

II. – La contribution mentionnée au I est liquidée selon le tarif suivant :

(En %)

Valeur nette imposable du patrimoine

Tarif applicable

N’excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

0,55

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,75

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €

1

Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €

1,3

Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €

1,65

Supérieure à 16 790 000 €

1,80

III. – Le montant de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2012 avant imputation, le cas échéant, des réductions d’impôt mentionnées aux articles 885 V, 885-0 V bis et 885-0 V bis A du code général des impôts est imputable sur la contribution. L’excédent éventuel n’est pas restituable.

IV. – 1. La contribution est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l’impôt de solidarité sur la fortune.

2. Les personnes mentionnées au I du présent article qui ne relèvent pas du 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts souscrivent au titre de la contribution, au plus tard le 15 novembre 2012, une déclaration auprès du service des impôts de leur domicile au 1er janvier 2012, accompagnée du paiement de la contribution.

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l'article.

M. Albéric de Montgolfier. L’article 3 revient sur une réforme récente, celle de l’ISF, qui était indispensable. Je ne reviendrai pas sur les différents effets néfastes de cet impôt, qui ont, depuis longtemps, été soulignés, j’évoquerai simplement deux raisons qui justifiaient cette réforme.

La première, c’est tout simplement la baisse des rendements des revenus du patrimoine. Je rappellerai simplement que, lorsque l’impôt sur les grandes fortunes a été instauré en 1982, son taux marginal supérieur était de 1,6 %. À l’époque, le rendement moyen des placements était beaucoup plus élevé. En 1983, le taux de l’emprunt dit Mauroy était de 10 % au-dessus de l’inflation. Le taux de l’impôt était en corrélation avec les revenus que pouvaient procurer le patrimoine. On sait ce qu’il est advenu des revenus du patrimoine par la suite. Aujourd'hui, avec un taux marginal de 1,8 %, le taux est bien évidemment confiscatoire.

La seconde raison, c’est l’augmentation du nombre de contribuables à l’ISF. En 1998, 192 000 personnes étaient éligibles à l’ISF ; ce nombre est passé à plus de 565 000 en 2008. En dix ans, leur nombre a bien plus que doublé, sans que cela soit le signe d’un doublement de la richesse française. Cet accroissement est simplement le résultat d’une forte augmentation du prix de l’immobilier, notamment pour les résidences principales, tout particulièrement en région parisienne. L’impôt était devenu impossible à supporter pour un certain nombre de contribuables, qui n’avaient pas des revenus en conséquence.

C'est la raison pour laquelle la réforme votée récemment a bien sûr abaissé le taux de l’ISF, mais également supprimé l’impôt pour les patrimoines de moins de 1,3 million d’euros.

Aujourd'hui, avec l’article 3, on revient sur cette réforme récente, ce qui pose, à mon avis, trois difficultés d’ordre juridique.

Tout d’abord, les contribuables qui ont un patrimoine compris entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros – ils n’avaient donc pas à faire de déclaration d’ISF – vont se trouver brutalement soumis à l’impôt. Obligés finalement de faire une déclaration, ils vont être victimes du caractère rétroactif de cette disposition.

Ensuite, il y a la question du complément d’impôt. Le ministre a dit qu’il s’agit d’une contribution exceptionnelle, certainement pour éviter la critique de la rétroactivité. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, on reprend purement et simplement l’ancien barème et on nous annonce qu’il y aura sans doute un impôt sur la fortune qui s’inspirera de l’ancien dispositif. Le caractère rétroactif de cet impôt est donc évident, un point que le Conseil constitutionnel devra examiner.

Enfin, comme il n’y a ni plafonnement ni bouclier fiscal, certains contribuables devront payer plus que leurs revenus. Je vous rappelle que l’impôt a longtemps été assorti d’un dispositif correctif appelé le plafonnement, qui a existé sous différentes formes. Puis il y a eu le bouclier fiscal, qui permettait d’éviter qu’un contribuable n’ait à payer plus que ses revenus. Avec la contribution exceptionnelle qui nous est aujourd'hui proposée à l’article 3, cette situation pourra se produire.

Prenons l’exemple d’une veuve ou d’une personne ayant de faibles revenus, propriétaire d’un appartement d’une certaine superficie à Paris. Au-delà de 1 million d’euros, elle devra payer l’ISF. Si elle touche une pension de réversion ou une retraite ou si elle n’a que de faibles revenus, elle pourra avoir à payer 120 %, 130 %, voire 140 % de ses revenus ! L’impôt deviendra alors confiscatoire ! Le Conseil constitutionnel devra se pencher sur ce point.

Pour ces trois raisons, et sans s’étendre sur l’ensemble de l’ISF, mais en évoquant simplement cette contribution exceptionnelle, le groupe UMP vous proposera un amendement visant à supprimer l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.

M. Philippe Marini. S’agissant de l’article 3, nous observons qu’il tend à créer une surtaxe exceptionnelle. Monsieur le ministre, nous voudrions en savoir plus : quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d’impôt sur la fortune ? S’agit-il de rétablir l’ISF de façon pérenne, au moins pour la législature à venir, tel qu’il était avant l’aménagement raisonnable auquel nous avons procédé en 2011 ?

Les parlementaires, les contribuables, les investisseurs, les personnes qui viendront sur le territoire français ont le droit de savoir ce que sera le régime de la fiscalité du patrimoine après le 1er janvier 2013.

La surtaxe présentée comme exceptionnelle l’est-elle vraiment ? Ne serait-elle pas simplement une idée astucieuse pour éviter de se poser la question, et d’avoir à la résoudre, du plafonnement de toutes les fiscalités – fiscalité du patrimoine, fiscalité du revenu et fiscalité locale – par rapport au revenu disponible du contribuable ou du foyer fiscal ?

Là encore, monsieur le ministre, nous avons le droit de savoir !

Au demeurant, vous savez fort bien que, sur le plan du respect des droits fondamentaux, la question d’un plafonnement est absolument cruciale. Elle l’est d’autant plus que, parmi les engagements qui ont été pris par le Président de la République, figure cette tranche à 75 %, que, paraît-il, vous avez vous-même découverte de manière un peu fortuite pendant la campagne électorale, monsieur le ministre.

Si l’on combine la création de cette tranche avec la surtaxe pérennisée – l’ISF d’avant la réforme de 2011 –, respecte-t-on les droits fondamentaux du contribuable ? Ma question est très sérieuse !

Par ailleurs, je rappelle que, dans sa rédaction actuelle, l’article 3 ne prévoit pas de reporter la décote mise en place en 2011 pour les patrimoines compris entre 1,3 million d’euros et 1,4 million d’euros.

De ce fait, la contribution exceptionnelle est plus forte pour les patrimoines proches de 1,3 million d’euros ; elle est décroissante jusqu’à 1,4 million d’euros et, enfin, progressive jusqu’à 1,65 million d’euros, niveau de patrimoine auquel la contribution devient équivalente à celle qui correspond à un patrimoine de 1,3 million d’euros. Le jeu arithmétique de la formule est tout de même assez surprenant !

En 2011, conscients de cet effet pervers, nous l’avions corrigé par un procédé de décote.

En effet, si j’ai bien compris – il faudrait que vous me le confirmiez –, pour un patrimoine de 1,3 million d’euros, le montant de la surtaxe est de 1 250 euros ; pour un patrimoine de 1,35 million d’euros, la surtaxe n’est plus que de 605 euros et pour un patrimoine de 1,4 million d’euros, elle devient même négative – de vingt euros – et retrouve un niveau de 1 230 euros pour un patrimoine de 1,65 million d’euros.

Monsieur le ministre, vous reconnaissez-vous dans le calcul, l’échelle que je viens de vous présenter ?

Pour ma part, je m’interroge sur ce dispositif. La contribution est présentée comme exceptionnelle et indépendante de l’ISF, ce qui est une grande astuce puisqu’elle est calculée sur la base de l’ISF ! Cet article ne pose-t-il pas un problème de constitutionnalité du point de vue de l’équité et de l’égalité des contribuables devant l’impôt ?

Telles sont les observations que je tenais à formuler alors que nous commençons l’examen de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 103 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 139 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, Maurey, Marseille, Capo-Canellas, Dubois et Roche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l’amendement n° 103.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement vise à supprimer l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012.

Non seulement une telle disposition revient sur une mesure que nous avons votée il y a seulement un an, mais, de surcroît, aucun mécanisme de plafonnement en lien avec l’impôt sur le revenu n’est prévu, ce qui peut conférer à la contribution un caractère confiscatoire pour certains contribuables.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l’amendement 139 rectifié.

M. François Zocchetto. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements prévoient de supprimer la contribution exceptionnelle sur la fortune, qui est prévue à l’article 3. Bien entendu, la commission émet un avis défavorable, car la suppression de cet article serait contraire au principe de redressement des comptes publics dans la justice – c’est notre préoccupation, monsieur le ministre.

Ce que prétend le groupe UMP ne me semble pas très convaincant car, monsieur Marini, la contribution exceptionnelle ne devrait pas poser de risques constitutionnels puisqu’elle ne s’appliquera que cette année. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Nous croyons savoir que tel était le raisonnement tenu par le Conseil d’État, saisi de ce texte par le Gouvernement.