M. Jean Desessard. On vient d’arriver !

M. Philippe Bas. Soit dit en passant, quitte à regretter vos va-et-vient successifs, je préfère que l’évolution de votre réflexion aille dans notre sens, avec la recherche d’un allégement du coût du travail, plutôt qu’en sens contraire, comme au début du quinquennat.

M. Ronan Kerdraon. On peut toujours rêver !

M. Philippe Bas. Il reste que nous devons non seulement nous prononcer sur cette loi de financement de la sécurité sociale en fonction de ce qu’elle contient, mais aussi en fonction de ce qu’elle ne contient pas et qui en transformera l’économie générale et l’interprétation.

J’admets qu’une réforme structurelle du financement de la sécurité sociale ne puisse produire son plein effet à court terme, mais si vous voulez qu’elle soit utile à moyen terme, en allégeant fortement le coût du travail et en faisant contribuer nos importations, il faut que cette réforme soit mise en œuvre dans toute son ampleur dès son entrée en vigueur, le plus tôt possible. Puisque telle n’est pas votre intention, l’effet que nous pourrions en attendre sur la croissance et l’emploi sera malheureusement dilué et tardif. Nous n’avons pas tant d’atouts face à la crise actuelle que nous puissions nous permettre de les gâcher. Les prélèvements, c’est maintenant ; les baisses de cotisation, c’est peut-être, et plus tard ! Ce n’est sûrement pas le bon choix !

Le système de crédit d’impôt, ou plutôt de crédit de cotisations, que vous avez l’intention de mettre en place soulèvera de très sérieuses difficultés d’application qui en diminueront l’efficacité. Surtout, il a pour conséquence de différer d’un an encore le bénéfice de la réforme pour les entreprises, alors même que la progressivité de celle-ci, qui vient s’ajouter, j’ai le regret de le dire, à vos atermoiements de l’année 2012, la rend déjà peu incitative. Je le regrette.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous n’avez rien fait pendant dix ans !

M. Philippe Bas. Il y a pourtant urgence : les comptes sont mauvais, la conjoncture est atone, le chômage s’étend ainsi que les dépenses résultant du versement du revenu de solidarité active et des allocations de logement.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le chômage ne date pas d’il y a six mois !

M. Philippe Bas. On ne peut répondre à cette situation par des mesures cosmétiques dont on attend le plein effet seulement à compter de l’achèvement d’une montée en régime de quatre ans.

S’agissant, par ailleurs, des mesures de recettes que comporte dès maintenant votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, mon sentiment est que vous avez vidé les fonds de tiroirs des administrations.

Mme Christiane Demontès. Vous l’aviez déjà fait !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous aviez tellement raclé, qu’il ne restait même plus de tiroirs !

M. Philippe Bas. Il en résulte un véritable bric-à-brac !

Vous avez vraiment tort de pénaliser les entreprises qui procèdent à la rupture conventionnelle du contrat de travail, car c’est le salarié qui, en réalité, sera pénalisé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Votre politique ne cesse de contredire le sentiment de l’équité dont vous avez pourtant l’habitude de vous prévaloir.

M. Philippe Bas. Ces indemnités ne sont pas un revenu, mais une compensation de la rupture du contrat de travail, une forme de réparation, au moment où un travailleur s’apprête à faire l’expérience du parcours du combattant que représente la recherche d’un emploi. L’application du « forfait social » de 20 %, non pas aux indemnités les plus importantes, mais dès le premier euro d’indemnité, constitue pour l’entreprise une charge que rien ne justifie ; elle transforme la nature de ces indemnités, et elle aura une incidence négative sur leur montant. Vous donnez un coup de canif dans le contrat sur lequel repose le développement remarquable du système de la rupture conventionnelle. Si votre intention est de lui donner un coup d’arrêt, autant le dire franchement et l’assumer clairement devant le monde du travail !

Quant au prélèvement de 0,3 % que vous créez sur une partie importante des pensions de retraite, il est hautement contestable. Il est destiné au financement d’une réforme de la prise en charge de la dépendance que vous aurez du mal à faire aboutir rapidement dans la conjoncture actuelle,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Pas ça, pas vous !

M. Ronan Kerdraon. C’était l’Arlésienne du précédent quinquennat !

M. Philippe Bas. … tandis que la taxe, elle, restera. Dans l’attente de cette réforme, le produit de ce prélèvement n’est pas directement affecté au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui en aurait pourtant bien besoin.

Enfin, on ne peut qu’être surpris de constater que la recette de 2013 sera versée au Fonds de solidarité vieillesse pour diminuer la participation de l’État à ce fonds, sans venir le moins du monde soulager les personnes dépendantes au nom desquelles ce prélèvement est effectué. Ce choix relève d’une forme d’imposture vis-à-vis des retraités. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Christiane Demontès. Vous n’avez pas de leçons à nous donner après ce que vous leur avez fait !

M. Philippe Bas. Ils ne peuvent être contraints de contribuer ainsi, sans rien recevoir d’autre en échange que des promesses pour plus tard.

Et que dire du sort que vous réservez aux travailleurs indépendants ? Vous affichez l’apparence de bonnes intentions : rendre proportionnel le prélèvement social, alors qu’il est aujourd’hui dégressif à cause du plafond qui s’applique aux revenus pris en compte. Mais la réalité de la mesure proposée est tout autre : il s’agit de prélever, dès 2013, plus de 1 milliard d’euros sur le monde artisanal, sous couvert de justice. C’est une mauvaise action, au moment où vous sembliez vous intéresser enfin à la compétitivité de nos entreprises, car vous oubliez sans doute que les artisans sont aujourd’hui les premiers employeurs de France.

Je pourrais m’appesantir aussi sur les dépenses. En ce qui concerne l’assurance maladie, vous relâchez l’effort, certes légèrement, et la Cour des comptes l’a critiqué à juste titre.

Sur les retraites, vous observez le silence, un silence profond, alors que nous savons que les réformes successives de 1993, 2003 et 2010 doivent être prolongées et se poursuivre. Je regrette, à cet égard, que les conclusions du Conseil d’orientation des retraites ne soient connues que le mois prochain, quand nous aurons terminé l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Qu’allez-vous faire pour prolonger la réforme des retraites ? Nous n’aurons pas de réponse cette année, et je crains, car nous nous souvenons de l’expérience du gouvernement Jospin, que vous ne preniez pas à bras-le-corps cette réforme qui continue à préoccuper les Français. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Christiane Demontès. Vous prétendiez que le problème était réglé !

M. Philippe Bas. La réforme doit être permanente, elle doit se poursuivre, mais nous ne comptons pas sur vous pour le faire !

Madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les principales raisons pour lesquelles nous ne voterons pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Philippe Bas. Ce n’est pas que ses ambitions nous paraissent trop élevées. Au contraire, leur modestie,…

M. Jean Desessard. Pour une fois que les socialistes sont modestes ! (Sourires.)

M. Philippe Bas. … l’absence de ligne directrice pour une politique de sécurité sociale soucieuse de préserver notre modèle en l’adaptant, les changements de pied incessants auxquels vous soumettez les Français, l’addition des prélèvements supplémentaires qui résultent de chaque nouveau texte présenté au Parlement depuis six mois, votre silence sur l’avenir des retraites, le peu de gages que vous donnez de votre volonté de mettre en œuvre fermement la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, en particulier à l’hôpital, nous font craindre que les objectifs que vous nous présentez ne puissent être atteints sans nouveaux prélèvements. Cette politique, qui n’en est pas une, conduit à une impasse. Nous ne pouvons donc pas l’approuver. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une caricature !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel nous sommes soumis dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2013 est difficile, car il est très contraint. Les marges de manœuvre financières sont serrées, mais l’enjeu est bel et bien de définir une politique plus juste. Gageons qu’il s’agit là d’un projet de loi de financement intermédiaire, qui permettra d’assainir progressivement la situation économique grevée par les erreurs et les déficits accumulés par les précédents gouvernements de droite, quoi qu’en pense M. Bas. C’est en tout cas un PLFSS responsable et solidaire.

Malgré tout, le projet de loi de financement pour 2013 accompagne de grandes orientations sociales visant par exemple à assurer une retraite digne à nos concitoyennes et à nos concitoyens, un égal accès aux soins, une meilleure protection des salariés et un soutien renforcé des familles modestes.

Au total, 600 millions d’euros supplémentaires ont été crédités à la branche famille afin de limiter l’ampleur du déficit à 2,7 milliards d’euros au lieu de 3,3 milliards d’euros. Ce n’est pas rien !

Des mesures nouvelles sont proposées par le Gouvernement, malgré le contexte tendu, afin de soutenir les familles, notamment les plus exposées à la crise.

Le Gouvernement propose ainsi une méthode et des objectifs afin d’adapter l’offre en matière d’accueil de la petite enfance. Mme la ministre Dominique Bertinotti a par exemple engagé une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, non seulement les parents, mais aussi les professionnels et les élus, dans quatre régions françaises métropolitaines. Il s’agit de mieux appréhender les besoins des familles, de faire connaître les bonnes pratiques locales afin, ensuite, de définir les axes prioritaires qui seront intégrés à la convention d’objectifs et de gestion qui sera conclue entre l’État et la CNAF pour la période 2013-2016.

Cette méthode est prometteuse, car il existe de fortes disparités dans les territoires tant en termes de qualité des réponses proposées que de places disponibles. On constate ainsi un écart allant de 26 à 76 places d’accueil pour 100 enfants selon les territoires. Les concertations locales permettront de s’appuyer sur des expériences concrètes qui pourront être analysées, voire généralisées. Cette méthode est la bonne, elle a fait ses preuves.

Les objectifs sont non seulement quantitatifs, mais également qualitatifs, car augmenter le nombre global de places d’accueil ne suffit pas. Il faut adapter l’offre aux lieux de vie des familles et combiner les réponses le plus souvent. Il faut aussi poursuivre la professionnalisation des personnels en charge de la petite enfance. Ces réponses doivent se construire avec l’ensemble des acteurs locaux impliqués.

L’État jouera, en lien avec la CNAF, les collectivités et les familles, son rôle stratégique de cadrage de la politique globale en matière d’accueil de la petite enfance et garantira un accès équitable à ces services sur l’ensemble du territoire national. Agir ainsi, c’est permettre aux parents d’exercer une activité professionnelle. C’est aussi concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes sur le plan professionnel et dans la prise en charge des responsabilités familiales.

Parallèlement, le PLFSS pour 2013 vient en aide aux familles modestes confrontées à des difficultés pour financer l’accueil de leurs enfants.

Aujourd’hui, les familles doivent faire l’avance des frais de garde pour l’assistante maternelle ou pour la garde à domicile, en attendant le remboursement de l’aide de la CAF à terme échu. Il est proposé ici de mettre en place, à titre expérimental pour une durée de deux ans, un système de tiers payant pour les ménages ayant des ressources inférieures au montant du RSA dans un premier temps. L’aide de la CAF sera alors versée directement à la salariée. La famille s’acquittera du solde de la rémunération auprès d’elle. Cette mesure sera particulièrement appréciée des familles qui confient leur enfant à une assistante maternelle, notamment en milieu rural, où ce mode d’accueil est le plus fréquent. Nous ferons bien sûr un bilan de cette expérimentation avant de la généraliser.

Voici une méthode qui mérite de devenir plus systématique afin d’innover dans le secteur social : expérimenter grandeur nature, évaluer, analyser avant, le cas échéant, de généraliser.

Une autre mesure est proposée, à la suite des travaux de l’Assemblée nationale, en faveur des familles surendettées risquant d’être expulsées de leur logement. Il s’agit de permettre le rétablissement automatique de toutes les allocations logement, à l’instar de l’aide personnalisée au logement, dès lors qu’un dossier de surendettement est jugé recevable. Le rétablissement de ces droits devrait permettre à ces ménages une sortie plus rapide de l’ornière financière dans laquelle elles se trouvent.

Toutefois, une politique en faveur des familles ne se résume pas aux mesures inscrites à la branche familles du PLFSS. Chaque budget doit pouvoir supporter la part relative aux actions en faveur des enfants, des jeunes et des familles relevant de ses responsabilités. Ainsi, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance prévu pour soutenir la politique de protection de l’enfance assurée par les conseils généraux ne peut être abondé uniquement par le budget de la sécurité sociale. En effet, la prise en charge par les départements des mineurs isolés étrangers impacte leurs budgets alors même que ce jeune public relève principalement des politiques liées à l’entrée sur le territoire. Je me réjouis d’ailleurs des discussions qui se sont enfin engagées entre l’Assemblée des départements de France et les ministères concernés afin de trouver des solutions adaptées à la prise en charge de ces jeunes et tenables pour les départements.

Une politique en faveur des familles ne se réduit pas non plus à une politique nataliste. Ce doit être un engagement global misant fortement sur la jeunesse, sur l’avenir. Elle doit prendre en compte les familles dans toute leur diversité, de composition, de lieu d’habitation, de parcours de vie, de niveau de revenus, d’origines culturelles, d’état de santé. Les familles doivent pouvoir trouver des réponses adaptées à leurs besoins tout au long de leur vie et sans discrimination.

Toutes les mesures votées ou actuellement en discussion visant à favoriser l’égalité entre les familles, d’une part, et entre les femmes et les hommes, d’autre part, sont autant de jalons qui construisent l’environnement familial et sociétal de notre jeunesse. Car tout se tient !

L’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, soit une hausse de plus de 70 euros par enfant, a été un signe fort pour les trois millions de familles les plus modestes qui en ont bénéficié. Elle a concerné, dans une large majorité, des familles monoparentales. Dans 85 % des cas, ce sont les mères qui sont à la tête de ces familles. De même, se reposer la question de la scolarisation en maternelle dès l’âge de deux ans constitue un axe fort d’une politique familiale plus juste.

Par ailleurs, le PLFSS pour 2013 corrige une iniquité flagrante à l’égard des familles homoparentales, laquelle a d’ailleurs été signalée par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. À la suite des travaux de l’Assemblée nationale, un amendement visant à créer un « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » sera discuté. Il vise à permettre au compagnon ou à la compagne de la mère qui sera présent lors de l’arrivée de l’enfant de bénéficier de ce congé rémunéré de plein droit.

L’ensemble des mesures d’aide aux familles joue incontestablement un rôle de redistribution, particulièrement en temps de crise. Les collectivités locales, notamment via les centres communaux d’action sociale, les CCAS, soutenus notamment par le milieu associatif, complètent l’aide apportée aux familles rencontrant d’importantes difficultés.

Il nous faudra résolument poursuivre nos efforts pour que les familles les plus modestes soient davantage aidées, comme l’a d’ailleurs souligné Mme la rapporteur Isabelle Pasquet. Je pense notamment aux familles monoparentales, qui sont les plus exposées financièrement, comme le montre le rapport annuel du Secours catholique publié la semaine dernière. Il vaut mieux aider précocement plutôt que de compenser ensuite par des mesures de protection de l’enfance très coûteuses financièrement, mais aussi socialement. Je pense également au congé de maternité, dont sont privées les femmes en situation de précarité face à l’emploi, car elles n’ont pas suffisamment droit aux indemnités journalières. Dans le département de la Loire-Atlantique, la CAF et la CPAM estiment que ces femmes étaient au moins 10 % en 2011. Il nous faut revoir cette question afin de favoriser une plus grande équité.

Nous devons repenser notre système d’aide aux familles afin de renforcer ses fonctions de redistribution et de réduction des inégalités, comme le préconise d’ailleurs la Cour des comptes dans son rapport pour 2012. Une remise à plat s’impose pour redonner une cohérence d’ensemble aux différentes aides. La Cour des comptes insiste sur la nécessité de revoir l’économie d’ensemble des prestations familiales sous conditions et modulables en fonction des ressources des ménages, d’une part, en renforçant l’aide aux familles vulnérables et, d’autre part, en réformant la prestation d’accueil au jeune enfant en ciblant plus étroitement les familles bénéficiaires.

Je souscris tout à fait à ces préconisations, qui vont dans le sens d’une plus grande justice redistributive, car les familles nous attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le système hospitalier public français est un atout majeur pour la qualité des soins dispensés aux populations. L’excellence de la médecine qui y est pratiquée, la force de son maillage territorial, bien qu’il ait été mis à mal par les précédents gouvernements, la disponibilité des équipes médicales et paramédicales, le haut niveau de formation dispensé aux internes, l’application des tarifs opposables, l’accueil de tous les patients, sans distinction de pathologie et d’origine, tel est en quelque sorte l’ADN des hôpitaux publics. Je pense, madame la ministre, que nous sommes d’accord pour convenir que ce sont autant de différences avec le secteur privé lucratif.

Vous avez annoncé la présentation prochaine d’un projet de loi contenant une disposition symbolique : la réintroduction, dans le code de la santé publique, de la notion de service public hospitalier. Cela nous apparaît d’autant plus important que Nicolas Sarkozy et son gouvernement, notamment avec la loi HPST, dont nous souhaitons d’ailleurs l’abrogation, avaient entrepris une œuvre de destruction du service public hospitalier, transformant l’hôpital en « entreprise de soins » et réduisant la démocratie en son sein.

M. Philippe Bas. Ce sont les 35 heures qui ont détruit l’hôpital public !

Mme Laurence Cohen. Cela ne vous plaît pas, mais c’est la réalité !

En confiant de plus en plus de missions de service public aux structures commerciales, en permettant l’émergence de groupements de coopération sanitaire alliant établissements publics et lucratifs,…

M. Philippe Bas. Bonne mesure !

Mme Laurence Cohen. … Nicolas Sarkozy a tenté de faire croire que, au final, il n’y avait plus de différences entre les hôpitaux publics et les cliniques privées. Se faisant, il a oublié une réalité : les dépassements d’honoraires dans les structures publiques sont l’exception, quand les tarifs prohibitifs dans les cliniques sont légion. Nous attendons donc avec impatience ce projet de loi.

Cette volonté d’assimilation du public et du privé n’est pas récente. L’instauration de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques y participe pleinement. Vouloir comparer, puis aligner les prix des établissements publics de santé sur ceux des cliniques privées, c’est méconnaître leurs différences fondamentales, que j’ai mentionnées au début de mon propos. Les soins non programmés coûtent incontestablement bien plus chers que les soins programmés. Les fragilités sanitaires et sociales des publics soignés dans les hôpitaux sont évidemment bien plus importantes que celles des patients ayant les moyens financiers d’opter pour des soins dans des cliniques commerciales. Le gel de cette convergence contre nature est donc heureux. Or, si ce gel permet de limiter les dégâts, le projet de loi ne revient pas sur les erreurs du passé, et les tarifs ayant déjà fait l’objet de cette convergence ne seront malheureusement pas revus. Cela nous apparaîtrait pourtant particulièrement nécessaire.

De même, il nous apparaîtrait indispensable de doter les établissements publics de santé des moyens financiers dont ils ont besoin. Or l’évolution du taux de l’ONDAM, fixé cette année à 2,6 % pour les hôpitaux, nous semble insuffisante. Il faudrait au moins porter ce taux à 3 %, ne serait-ce que pour permettre aux hôpitaux de faire face aux dépenses contraintes, liées par exemple à l’amélioration des rémunérations ou encore à la hausse des prix de l’énergie ou des dépenses propres aux hôpitaux.

D’après les estimations de la Fédération hospitalière de France, cette année encore, l’effort financier exigé des établissements publics de santé serait de 650 millions d’euros, soit, à peu de choses près, le montant exigé en 2012. Chaque établissement aujourd’hui rogne sur le matériel médical, la maintenance, jusqu’à celle des ascenseurs ! Cet effort financier a également eu pour effet la suppression de 8 000 postes, ce qui a aggravé les conditions de travail, déjà mauvaises, des personnels et réduit, de fait, la qualité des soins dispensés aux patients. Les salariés de l’AP-HP, le plus important CHU d’Europe, que j’ai auditionnés la semaine dernière, sont tout à fait éloquents et alarmants. Ils traduisent une réelle souffrance au travail, comme en atteste la hausse du nombre des suicides, dont on ne parle pas.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous sommes inquiets. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous demandons un moratoire sur la fermeture des établissements publics de santé et sur les regroupements de leurs services. On nous oppose l’argument de la sécurité, mais les hôpitaux de proximité, tout comme les cliniques d’ailleurs, constituent parfois la seule structure de soins vers laquelle les patients peuvent s’orienter.

Comment justifier par exemple que, pour des raisons de sécurité, on impose aux femmes enceintes de faire, en Guadeloupe, plus d’une heure de bateau pour se rendre au CHU de Pointe-à-Pitre ? Est-ce véritablement plus sûr que d’accoucher à la maternité de Marie-Galante ? Nous ne le pensons pas.

Vous souhaitez à juste titre, madame la ministre, établir un pacte de confiance pour l’hôpital. Nous soutenons ce pacte, à condition qu’il institue une véritable démocratie sanitaire, qu’il redonne le pouvoir aux personnels, à leurs syndicats, aux patients et aux élus, et qu’il mette fin à la toute-puissance des directeurs des agences régionales de santé.

Bien entendu, les mesures que nous proposons exigent le respect d’une condition préalable : sortir du paiement à l’acte et mieux prendre en compte les missions de service public. La commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs remis un rapport fort intéressant allant ce sens.

Enfin, ne pouvant intervenir plus longuement, je voudrais dire notre inquiétude face à la proposition, qui a été formulée par le Gouvernement et qui figure au sein du présent PLFSS, visant à autoriser les hôpitaux à émettre des billets de trésorerie. Nous aurions pour notre part préféré que la Caisse des dépôts et consignations puisse être autorisée à proposer des prêts à taux zéro aux hôpitaux.

L’insuffisance de l’ONDAM, l’autorisation d’émettre des billets de trésorerie, la mesure adoptée sur votre initiative, madame la ministre, concernant la biologie hospitalière, ainsi que la hausse de la taxe sur les salaires nous paraissent des mesures peu compatibles avec votre objectif de renforcement du service public hospitalier.

Le groupe CRC n’y souscrit pas. C’est pourquoi nous nous exprimerons sur chacune des mesures touchant à l’hôpital, au cas par cas. Nous espérons que les choses évolueront ainsi dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me livrerai pas à la critique des propositions budgétaires émises par le Gouvernement, car d’autres l’ont déjà fait, ou le feront.

M. Alain Fauconnier. Comme d’habitude !

M. Serge Dassault. Je tiens simplement à formuler quelques remarques. Tout d’abord, il faut le reconnaître, le déficit de nos installations hospitalières est dû, en grande partie, aux 35 heures. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Ronan Kerdraon. Cela faisait longtemps ! On a bien fait de venir !

M. Jean-Pierre Plancade. M. Dassault est un homme fidèle à ses convictions…

M. Serge Dassault. Or vous ne voulez pas le comprendre.

Les 35 heures ont eu pour conséquence l’augmentation du nombre de personnels et l’aggravation du déficit. Il faut bien que quelqu’un paie. Car lorsqu’on ne travaille pas, cela coûte plus cher !

Je voudrais également vous faire remarquer que, si le budget de la sécurité sociale est indépendant du budget de l’État, il n’y a qu’un seul financeur, le contribuable.

En outre, le déficit de la sécurité sociale ne s’ajoute pas, pour le moment, à celui du budget voté dans la loi de finances. Il est soigneusement rangé dans un organisme, appelé la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, où les déficits accumulés sont financés par des emprunts qui s’ajoutent à ceux du budget de l’État. À la fin de l’année 2012, ils atteindront 1 800 milliards d’euros au sens de Maastricht. C’est ce que l’on appelle pudiquement des dépenses hors budget.

Toutefois, au moment où chacun essaie de réduire les charges sur salaires de façon substantielle, sans pour autant y arriver, je voudrais vous soumettre une solution. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Écoutez bien, car elle n’est pas facile à exposer.

M. Ronan Kerdraon. On est venu pour cela.

M. Serge Dassault. Je vous propose de réduire les charges sur salaires de 55 %, sans aucune augmentation d’impôt ou de TVA, tout en finançant totalement le budget de la sécurité sociale, y compris son déficit. Cette opération facilitera en outre les embauches, les augmentations de salaire et les ventes, tout en réduisant les coûts de production.

Je vous rappelle, avant tout, que les charges pesant sur les salaires des entreprises sont de deux ordres. Il existe, d'une part, des charges liées directement aux salariés, finançant les retraites, les indemnisations du chômage et les accidents de travail, et, d'autre part, des charges liées à la maladie et la famille, la CRDS et la CSG, qui sont déterminées par le Gouvernement.

Je vous propose de dissocier totalement ces deux types de charges.