M. Jean-Jacques Hyest. Professionnellement parlant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parle bien sûr de vos parcours en tant qu’avocat, magistrat, professionnel de la justice. Pardonnez-moi ce raccourci qui a pu créer une certaine émotion chez quelques-uns d'entre vous ! (Sourires.)

Puisque vous connaissez les choses de l'intérieur, si j’ose dire, à tout le moins eu égard à votre expérience directe, monsieur Mézard, je vous propose que nous nous retrouvions très rapidement pour travailler ensemble sur le sujet.

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels après l'article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative aux juridictions de proximité
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Alfonsi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à rapprocher la justice des citoyens

Cet amendement n’a plus d’objet.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je remercie le Sénat d'avoir adopté à l'unanimité cette proposition de loi.

Notre débat aura été extrêmement utile dans la perspective de la prochaine réforme de la justice de proximité qui nous attend. Nous avons deux années devant nous.

Mme Klès et M. Détraigne vont mener à bien la mission que nous leur avons confiée, et nous attendons le rapport qu’ils rendront à l’issue de celle-ci. Quant à vous, madame la garde des sceaux, comme à votre habitude, vous vous apprêtez à travailler assidûment sur ce thème.

Dans un an, nous pourrions fixer un premier rendez-vous pour envisager les contours d’un futur texte de loi. D’ores et déjà, notre réflexion peut se nourrir des nombreuses suggestions qu’ont faites tous ceux qui ont pris part à ce débat, et que je remercie.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à midi.)

M. le président. La séance est reprise.

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux juridictions de proximité
 

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Accord de coopération avec l'Algérie dans le domaine de la défense

Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (projet n° 133, texte de la commission n° 142, rapport n° 141).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire
Article unique

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à saluer le travail effectué par la commission de la défense, sous la houlette de son président, Jean-Louis Carrère, dont je sais que le programme de travail comprend un large volet consacré à l’Algérie, dans le cadre des relations entre la France et le Maghreb.

Je salue également Jean-Pierre Chevènement, qui, non seulement au titre de ses fonctions parlementaires, mais aussi via la présidence de l’association France-Algérie, créée en 1963 sous l’égide d’Edmond Michelet, a accompli un grand travail au sujet des relations entre la France et l’Algérie.

Mon intervention traduit la volonté du Gouvernement d’aborder cette relation entre la France et l’Algérie dans l’ensemble de ses composantes. Je songe notamment à la question mémorielle, à laquelle je suis très sensible, et au sujet de laquelle nous avons pu, il y a peu, nous exprimer.

Nous nous inscrivons dans une approche dynamique. C’est le souhait du Président de la République et du Gouvernement de s’orienter vers l’avenir et de construire un partenariat stratégique très fort entre les deux pays.

Après avoir été limitées pendant de nombreuses années, les relations militaires et de défense entre la France et l’Algérie sont entrées, depuis 2000, dans une nouvelle dynamique. En 2003, la visite d’État à Alger du Président Jacques Chirac, puis celle du chef d’état-major des armées – la première depuis l’indépendance – ont illustré la volonté des deux pays de relancer leur coopération en la matière.

Cette politique s’est concrétisée par diverses actions : concertations à haut niveau, stages, exercices, enseignement du français, et bien d’autres choses encore. Toutefois, ces initiatives restaient jusqu’à présent dépourvues de cadre juridique adapté, puisque la coopération militaire bilatérale ne reposait que sur la convention de coopération technique du 6 décembre 1967. À cette époque, la coopération entre les deux pays était d’une nature différente.

Des négociations ont été engagées en 2002, et à leur terme la France et l’Algérie ont signé, le 21 juin 2008, un accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense, qui définit, d’une part, le cadre des initiatives menées dans ce domaine et prévoit, d’autre part, des dispositions relatives au statut des membres du personnel français et algérien.

Cet accord décrit les modalités, les procédures et les garanties qui doivent désormais entourer les activités de coopération entre nos deux pays. Il recense une douzaine de domaines de défense dans lesquels une coopération sera développée au bénéfice des deux parties. On peut citer, notamment, l’organisation d’exercices conjoints, la tenue d’escales de navires de guerre et de visites dans les bases et unités, ou encore l’acquisition de systèmes d’armes, d’équipements et de matériels de défense.

Cet accord fixe par ailleurs le rythme des réunions de concertation qui permettront de garantir l’équilibre et la réciprocité de la relation. Une commission mixte plénière annuelle est prévue, précédée par quatre sous-commissions, respectivement nommées « stratégique », « militaire », « armement » et « santé ». La première constitue le cadre privilégié d’échanges de vues et d’analyses sur les questions de défense et de sécurité. L’intitulé des trois autres est suffisamment explicite.

D’autres articles de l’accord traitent du statut des personnels, du règlement des contentieux et différends ainsi que du soutien financier et logistique des activités. Néanmoins, les dispositions figurant dans l’accord sont rédigées de manière à ménager une grande souplesse dans les arrangements qui seront définis au cas par cas pour la programmation d’exercices communs.

La partie algérienne a ratifié l’accord le 27 mai 2009, mais la procédure de ratification française a buté sur la question de l’extradition des personnels passibles de la peine de mort. La section des finances du Conseil d’État a en effet rejeté, le 2 juin 2009, le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord et a subordonné la poursuite du processus d’approbation de l’accord à la conclusion d’un échange de lettres interprétatif qui assurerait une interprétation de l’accord conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles relatives à la peine de mort.

Mme Nathalie Goulet. Encore heureux !

M. Kader Arif, ministre délégué. Dans cette perspective, la France a, en accord avec les autorités algériennes, communiqué à celles-ci, le 15 mai 2011, une déclaration interprétative unilatérale précisant que, en vertu de sa Constitution et de ses engagements internationaux, la France ne pourrait pas remettre aux autorités algériennes des personnels civils ou militaires, ou des membres de leur famille susceptibles d’encourir la peine capitale en Algérie.

Le ministère des affaires étrangères algérien y a répondu de manière positive par note verbale du 2 août 2011. Le Conseil d’État a accepté la validité de cet échange de notes valant déclaration interprétative, dans son avis du 22 juin 2012. Le Conseil des ministres a, enfin, adopté le projet de loi de ratification le 4 juillet 2012.

L’approbation de cet accord par la France et son entrée en vigueur confirmeront le renouveau de la coopération franco-algérienne de défense, que j’ai évoqué il y a quelques instants, et qui est déjà constaté dans les faits, et permettront un développement attendu de part et d’autre. De plus, sa ratification pourrait intervenir dans un contexte bilatéral favorable, marqué en particulier par la visite en Algérie du Président de la République, prévue à ce stade pour le mois de décembre prochain.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, signé à Alger le 21 juin 2008, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation.

Pour conclure, je tiens à saluer de nouveau le travail accompli par l’ensemble des sénateurs, en particulier par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Namy, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France et l’Algérie ont conclu, le 21 juin 2008, un accord de coopération dans le domaine de la défense. Ce texte fournit un cadre juridique adapté à cette coopération déjà active et appelée à se développer à la demande même de l’Algérie.

Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, ce texte, élaboré sous la présidence de Nicolas Sarkozy, marque l’aboutissement de négociations lancées en 2002, sous la présidence de Jacques Chirac. Il s’inscrit donc dans une politique française de long terme, que le Président François Hollande souhaite poursuivre avec « un nouvel élan donné à la relation bilatérale », selon les termes mêmes du courrier adressé à son homologue algérien à l’occasion de la fête nationale du 5 juillet 2012.

Avant de présenter le contenu de cet accord, je tiens à le situer dans le contexte de notre relation bilatérale.

Vous le savez, l’élection de M. Bouteflika à la présidence de la République algérienne en avril 1999, sur un programme de réconciliation nationale, a permis à la France de reprendre contact avec l’Algérie, après la tourmente de la guerre civile qui a marqué ce pays durant la décennie quatre-vingt-dix. Le présent texte est le fruit de ce rapprochement. Souhaité par Alger, conclu après la visite d’État du Président Sarkozy de décembre 2007, il a déjà été ratifié, côté algérien, par décret présidentiel en 2009.

Ce texte, signé en 2008 par les deux ministres de la défense de l’époque, a été adopté en Conseil des ministres le 4 juillet 2012. Ce délai de quatre ans est dû à des remarques formulées sur le texte par le Conseil d’État, notamment en raison des problèmes d’application de la peine de mort.

J’en viens à présent à la coopération de défense entre la France et l’Algérie, qui s’est longtemps limitée à l’envoi en France d’une trentaine de stagiaires algériens chaque année. L’Algérie est intéressée par notre enseignement militaire supérieur – notamment par les formations dispensées par l’école de guerre ou l’école du commissariat – et par des spécialités au titre desquelles la maîtrise de ses forces est insuffisante.

Cet intérêt a conduit l’Algérie à prendre financièrement en charge la scolarité de certains de ses militaires. Parallèlement, la direction de la coopération de sécurité et de défense, relevant du ministère des affaires étrangères, propose également – mais sur le budget français – des formations en France visant à l’enseignement et à la maîtrise du français ou permettant à des élèves officiers de suivre les cours du service de santé des armées ou des écoles militaires de l’armée de terre, de l’air et de la marine.

Ce texte, soumis à notre examen, reprend les dispositions classiques des accords de ce type et va permettre de donner un cadre juridique clair à une coopération en croissance entre nos deux pays.

En effet, certains aspects de l’accord sont déjà mis en œuvre, comme le fonctionnement de l’instance de concertation, la commission mixte franco-algérienne, qui établit le contenu de la coopération, l’organise et la coordonne. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, cette instance est divisée en quatre sous-commissions. Ces organes se réunissent depuis 2008. La quatrième commission mixte s’est tenue à Marseille au début de 2012 et les quatre sous-commissions, « stratégie », « militaire », « armement » et « santé militaire », à la fin de 2011.

Quelles sont les nouveautés qu’apporte ce texte ? Les deux points forts de ce dernier sont le renforcement de la concertation entre les autorités militaires des deux pays et l’établissement d’un cadre juridique approprié à l’échange de troupes.

Ce texte reprend l’ensemble des éléments traditionnels d’un accord de coopération dans le domaine de la défense. Il ne saurait néanmoins être assimilé à un accord dit de défense, dans la mesure où il ne comporte pas de clause d’assistance en cas de menace ou d’agression extérieure, ou encore de crise interne.

La France a déjà conclu de nombreux accords de ce type avec un grand nombre d’États très divers, dont le Maroc. Il apparaît donc à la commission que cet accord de coopération et de défense avec l’Algérie est indispensable au renforcement de la relation bilatérale encore très limitée dans ce domaine.

Élaboré à la demande de l’Algérie, ce texte est mutuellement bénéfique. En effet, il renforce le statut de puissance régionale de ce pays, répond à son désir de se familiariser avec le modèle occidental d’organisation militaire et de faire bénéficier ses personnels de l’exemple des atouts spécifiques de nos forces.

Pour la France, la stabilité de l’Algérie commande largement celle de la Méditerranée occidentale. De plus, le rôle que peut jouer ce pays en faveur du règlement de la question malienne renforce encore l’importance d’une relation aussi confiante que possible.

Alger attache à l’adoption de ce texte par Paris une importance que nous ne mesurons peut-être pas totalement. Nos partenaires considèrent en effet que, nonobstant sa portée pratique, ce texte revêt une valeur symbolique forte de la qualité de notre relation bilatérale.

Cette relation s’est déjà approfondie sur le plan économique depuis 2010, notamment grâce à l’action de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, nommé en septembre 2011 représentant spécial du gouvernement français, et confirmé à ce poste le 28 août dernier, pour faire avancer plusieurs dossiers d’investissement français.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime que c’est en progressant dans des réalisations concrètes que la relation entre la France et l’Algérie pourra trouver une forme d’apaisement, et peut-être de réconciliation, à l’image de celle intervenue entre la France et l’Allemagne dans les années soixante. Elle propose donc d’adopter cet accord.

M. Robert Hue. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de débattre d’un texte qui entend enfin construire un partenariat bilatéral tourné vers l’avenir.

L’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire doit ouvrir une nouvelle ère dans les relations franco-algériennes.

Ce texte, aboutissement d’un processus lancé en 2003, a été signé par nos deux pays le 21 juin 2008. Il marque une étape importante dans la mise en place d’un nouveau partenariat stratégique entre l’Algérie et la France, puisque la coopération bilatérale ne reposait jusqu’alors que sur la convention de coopération technique du 6 décembre 1967.

En effet, la coopération circonscrite par ce nouvel instrument couvre un large domaine, défini à l’article 2 du titre Ier, « Objets et formes de la coopération ». Elle concerne notamment la stratégie, la lutte antiterroriste, la formation des personnels, la tenue d’escales navales, la santé militaire, la technologie et la recherche scientifique.

Le pilotage de cette coopération est assuré par la mise en place d’une commission mixte franco-algérienne dont les dispositions sont précisées à l’article 3.

Toutefois, ne commettons pas de contresens : cet accord entre nos deux pays n’est pas une alliance militaire, mais bien une coopération dans le domaine de la défense. À ce titre, au travers de ses dix-sept articles, ce texte revêt une importance stratégique de premier ordre.

En outre, même si aucune disposition ne concerne directement la problématique de la zone sahélienne, et de la crise malienne en particulier, il est évident que l’Algérie est un acteur incontournable dans tout processus d’apaisement des tensions à l’échelle de cette région.

Dotée de robustes institutions de défense, l’Algérie dispose de renseignements et d’une expertise en contre-terrorisme pour avoir combattu pendant dix ans le groupe islamique armé, et d’une influence auprès des Touaregs pour avoir plusieurs fois facilité des pourparlers entre l’État malien et la rébellion.

Il faut rappeler que, depuis avril, des membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, leurs alliés touaregs d’Ansar Dine et les djihadistes du mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest, ou MUJAO, sont présents dans le nord du Mali et souhaitent imposer une partition de ce pays, qui partage plus de 1 400 kilomètres de frontière avec l’Algérie.

Il est aussi nécessaire de garder à l’esprit que le Sahel est devenu un haut lieu de trafics en tout genre, en particulier d’armements depuis le conflit libyen en 2011.

Cependant, si cet accord est d’un intérêt stratégique majeur, il reste à mes yeux imparfaits, car dépourvu d’articles spécifiques liés à la problématique environnementale. Plus précisément, l’absence d’un volet proprement environnemental, établissant un mécanisme de prévention écologique des conflits au sein de l’article 2, constitue une faiblesse non négligeable de ce texte.

Mes chers collègues, en matière de défense et de géopolitique, la question environnementale n’est pas accessoire. Elle revêt même une dimension stratégique essentielle. En effet, dans les années à venir, si l’on en croit Harald Welzer dans son ouvrage Les Guerres du climat, « de plus en plus d’hommes disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Des conflits violents opposeront tous ceux qui prétendront se nourrir sur une seule et même portion de territoire ou boire à la même source en train de se tarir. Bientôt la distinction entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuiront leur environnement, entre les réfugiés politiques et les réfugiés climatiques […] ne sera plus pertinente, tant se multiplieront des guerres nouvelles générées par la dégradation du milieu ».

Ainsi, la crise environnementale du Sahel illustre parfaitement cette problématique et souligne l’importance de la mise en place d’un dispositif de prévention écologique des conflits.

Comme le rappelle l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la menace conjuguée de la sécheresse, de la hausse des prix des denrées alimentaires, des déplacements de population et de la pauvreté chronique touche en 2012 des millions de personnes, alors qu’une nouvelle crise alimentaire est aux portes de la région du Sahel.

L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont récurrentes dans la région avec plus de 16 millions de personnes directement menacées cette année.

La sécheresse a réduit la production céréalière du Sahel de 26 % par rapport à l’année dernière. De graves pénuries de fourrage conduisent à la transhumance précoce et à des changements dans les voies empruntées par le bétail, ce qui amplifie les tensions entre communautés et aux frontières.

La situation est aggravée par les prix élevés des denrées alimentaires et une diminution des envois de fonds en raison de la crise économique mondiale et du retour des migrants en provenance de Libye. La détérioration de la sécurité dans les zones du nord du Sahel aggrave encore plus la situation.

Protéger les moyens d’existence des ménages les plus vulnérables ; renforcer la résilience des éleveurs, des agro-pasteurs et des agriculteurs ; appuyer la gestion et la conservation des ressources naturelles comme l’eau, les arbres et le sol ; mettre en œuvre des interventions d’urgence intégrées pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en direction des familles les plus vulnérables, en particulier les femmes ; renforcer la gestion et la réduction des risques de catastrophe aux niveaux local, national et régional ; soutenir la coordination et renforcer enfin la gestion de l’information sur la sécurité alimentaire et les systèmes d’alerte précoce : telles sont, notamment, les priorités pour la région.

Des capacités d’intervention rapide sont nécessaires pour empêcher une nouvelle détérioration de la situation de la sécurité alimentaire et éviter une crise alimentaire et nutritionnelle à grande échelle. Outre les activités d’urgence et de réhabilitation, des interventions à moyen et long terme sont nécessaires pour inverser enfin le cycle de pénuries alimentaires et de crises dans le Sahel et s’attaquer à la vulnérabilité structurelle.

Mes chers collègues, il est essentiel de comprendre, je ne le répéterai jamais assez, que la paix et le développement durable sont intimement liés.

Ces réserves faites, je voterai en faveur de ce traité, qui ouvre une nouvelle ère, je l’espère tournée vers l’avenir, dans les relations entre nos deux pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq ans après le début des négociations, la France et l’Algérie ont enfin trouvé un cadre juridique satisfaisant pour coopérer en matière de défense. Conclu sous la présidence de Nicolas Sarkozy, cet accord de coopération, avec les responsabilités qui en découlent, mérite la plus grande attention de part et d’autre de la Méditerranée.

En effet, avec plus de 35 millions d’habitants et un territoire de 2 millions de kilomètres carrés, l’Algérie est l’un des plus vastes États africains, dont la situation géostratégique est singulière. Tant par son ouverture sur la Méditerranée que par ses frontières communes avec le Mali, la Libye, le Niger, le Maroc et la Tunisie, l’Algérie demeure une puissance régionale incontestable.

Une puissance qu’elle a également acquise en matière de défense, à laquelle l’Algérie consacre 3,3 % de son PIB – en ces temps de disette économique et à l’heure où les Européens rabotent leurs budgets consacrés à la défense, ce budget est évidemment remarquable et nous laisse parfois rêveurs.

Cet investissement important de défense permet ainsi à ce pays de disposer d’une armée professionnelle, entraînée et bien équilibrée de 400 000 hommes. Grâce à cette capacité d’intervention militaire significative, l’Algérie participe naturellement à bon nombre de coopérations multilatérales dans le domaine de la défense.

L’Algérie est partie prenante à l’initiative « 5+5 défense » depuis 2004, qui associe cinq États du nord de la Méditerranée – France, Espagne, Italie, Portugal et Malte – et cinq États du sud – Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Libye. L’Algérie joue à ce titre un rôle essentiel dans la sécurité de cette région.

Elle est par ailleurs membre de l’Union africaine, au sein de laquelle elle a participé à la création de la force africaine en attente, ou FAA, qui doit être opérationnelle en 2015, ce projet visant à assurer la paix, avec notamment une force d’intervention d’urgence déployable rapidement en cas de crise grave sur l’ensemble de continent.

Je tiens également à rappeler que, malgré des moyens plus modestes, l’Algérie est membre du dialogue méditerranéen de l’OTAN, le DM, et qu’elle est représentée dans les instances de l’Alliance atlantique par le biais d’un ambassadeur à Bruxelles. Cela montre l’importance du rôle joué par l’Algérie dans ce secteur géographique de la planète.

De plus, l’Algérie a développé des relations militaires bilatérales avec des pays aussi importants que la Russie, le Royaume-Uni et la Turquie, et vingt-cinq pays ont installé des attachés militaires à Alger.

Enfin, et nous ne pouvons que nous en féliciter, en 2010, un comité d’état-major opérationnel conjoint, le CEMOC, a été créé entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Celui-ci, installé à Tamanrasset, a pour objectif de lutter contre le crime organisé et le terrorisme. Vous en conviendrez, mes chers collègues, il y a beaucoup à faire dans cette partie du monde.

Aussi était-il plus que temps qu’un partenariat de défense intervienne entre la France et l’Algérie, car, comme l’a très justement souligné notre excellent rapporteur, Christian Namy, ce texte succède à un accord de coopération technique militaire qui datait du mois de décembre 1967, et dont les dispositions étaient à l’évidence dépassées.

La convergence entre le France et l’Algérie est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un pays avec lequel beaucoup nous unit et, paradoxalement, beaucoup nous divise en même temps. Nous devons réussir à décomplexer nos relations bilatérales, qui ont trop souffert de gestes et de mots rouvrant à chaque fois les blessures passées.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir, au nom de notre groupe, de la ratification de cette convention, qui doit permettre au Président de la République de se rendre à Alger au mois de décembre avec un accord qui place, enfin, les relations franco-algériennes sous un nouveau jour et ouvre une nouvelle page de la coopération entre nos deux pays. C’est du moins ce que nous espérons.

Je note au passage que le Sénat aura beaucoup contribué à ce que nous espérons être la réussite du voyage du Président de la République en Algérie, en adoptant la proposition de loi sur la reconnaissance du 19 mars 1962 comme date officielle de la fin des hostilités en Algérie et, aujourd’hui, en autorisant l’approbation – je le souhaite en tout cas – de cet accord de défense. Nous formulons beaucoup d’espérance dans ce voyage présidentiel et nous espérons que le chef de l’État reviendra avec des résultats importants.

Notre groupe votera donc ce texte, mais souhaite formuler quelques recommandations.

Il serait notamment souhaitable que le Président Hollande incite bien évidemment l’Algérie à s’impliquer plus directement et plus clairement dans l’affaire du Sahel, comme l’ont rappelé les orateurs précédents.

Cette implication nous semble indispensable à l’émergence d’une future solution. Personne n’imagine qu’une solution puisse être trouvée sans que l’Algérie joue tout son rôle dans la résolution de ces conflits. Par ailleurs, vous permettrez au président du groupe d’amitié France-Maroc de souhaiter que l’Algérie prenne aussi des initiatives pour résoudre le différend qu’elle entretient de longue date avec le Maroc, ce qui pourrait conduire à une ouverture de la frontière commune. Je rappelle que 160 000 soldats marocains sont affectés à la garde de cette frontière, alors qu’ils seraient plus utilement employés à lutter contre les mouvements terroristes sévissant dans la région.

De même est-il temps que soit prise en compte la situation des quelque 150 000 réfugiés regroupés dans le camp de Tindouf et qui subsistent dans des conditions humanitaires vraiment préoccupantes, pour ne pas dire lamentables.

Monsieur le ministre, notre relation bilatérale doit solder les dossiers du passé pour mieux résoudre les difficultés actuelles et regarder vers l’avenir.

À l’occasion d’une interview accordée au Journal du dimanche, le 21 octobre dernier, vous avez déclaré : « Il faut qu’avec l’Algérie nous puissions tourner la page ensemble, ce qui signifie que les Algériens soient eux aussi capables de faire des gestes. » Nous souhaitons saluer ces propos.

Il faudra donc que, à Alger, le Président de la République discute avec les Algériens d’une urgence de stabilité au Sahel. C’est bien là l’un des résultats essentiels que nous attendons de cette future visite.

Le 8 novembre dernier, malgré un débat houleux, nous avons tous appelé de nos vœux l’établissement de nouvelles relations entre nos deux pays.

Ces accords de défense sont l’occasion d’écrire un nouveau chapitre de notre histoire.

Ce projet de loi, parce qu’il crée les conditions d’une coopération bilatérale en matière de défense dont l’objectif est la résolution des crises, représente une formidable occasion pour nos deux pays. En réalité, si chacun respecte ses engagements et assume ses responsabilités, c’est une promesse de paix supplémentaire qui sortira aujourd’hui de cet hémicycle.

Nul ne peut nier l’influence que peut exercer l’Algérie dans la crise malienne et dans la lutte contre AQMI. N’oublions pas qu’au cours de la décennie quatre-vingt-dix et, plus récemment, en 2007, Alger et l’Algérie en général ont été eux-mêmes la cible de vagues d’attentats meurtriers.

Le peuple algérien fut l’une des premières victimes de la lâcheté des djihadistes et des groupes tels que le mouvement islamique armé, le MIA, le groupe islamique armé, le GIA, et le groupe salafiste pour la prédication et le combat, le GSPC.

Avant de conclure, je souhaite appeler votre attention sur un dernier point. Le vent du printemps arabe souffle encore du Maghreb au Machrek. Les braises des révolutions sont encore incandescentes et les nouveaux régimes sont encore chancelants.

Sans jugement ni condescendance, nous ne pouvons qu’encourager ces transitions dans la mesure où elles expriment les attentes d’une génération dont la soif de liberté est proportionnelle à l’espoir et aux souffrances qu’elles ont endurées.

L’histoire n’a eu de cesse de le prouver : toutes les transitions politiques comportent leurs lots de violences et les révolutions sont souvent mères des pires excès.

Aussi, puisqu’en 2014 le peuple algérien se rendra aux urnes et que la succession du Président Bouteflika est d’ores et déjà ouverte, il importe que l’Algérie demeure un pôle de stabilité responsable, sans céder à d’obscures sirènes. Il y va de la paix dans toute l’Afrique.