M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 201, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, né en 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le dispositif des ALD, les affections de longue durée, a été mis en place afin de permettre une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des soins délivrés aux patients souffrant de l’une des « affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ».

Cette conception fonde la particularité de notre système de santé et de sécurité sociale, où « chacun contribue selon ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins », principe défendu par Ambroise Croizat.

Ce fondement est mis à mal, depuis plusieurs années, sous couvert d’objectifs conventionnels de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. C’est ainsi notamment qu’a été créée, par arrêté du 23 décembre 1993, l’ordonnance dite « bizone », entrée en application en 1994.

Cette ordonnance bizone comporte deux zones distinctes : la partie haute est réservée aux soins en rapport avec l’ALD, pris en charge à 100 % ; la partie basse sert à la prescription des soins sans rapport avec l’ALD, remboursés aux taux habituels.

La mise en œuvre de ce nouveau protocole de soins a été accompagnée d’un renforcement de la vérification de la bonne distribution des prescriptions sur l’ordonnance bizone tant par les médecins que par les pharmaciens. On a ainsi assisté à des dérives, avec un véritable dessaisissement des prescripteurs.

Le 14 décembre 2006, dans un point d’information mensuel sur les « contrôles et lutte contre les abus et les fraudes à l’assurance maladie », la Caisse nationale de l’assurance maladie se félicitait de sa politique : « Lancés fin 2005, plusieurs chantiers ont dépassé leurs objectifs en termes financiers comme en termes de dissuasion et de changements de comportements.

« Contrôles sur l’ordonnancier bizone : les dépenses de soins indûment prises en charge à 100 %.

« Seuls les soins en rapport avec une affection de longue durée peuvent être pris en charge à 100 %. […]

« Ces actions ont produit un effet dissuasif et les résultats montrent déjà un premier impact sur les comportements. »

S’il souscrit à l’objectif de réduction du déficit de notre système de protection sociale, le groupe CRC propose des mesures qui ne reposent d’aucune manière sur la culpabilisation des médecins et des usagers, rendus les uns et les autres responsables du déficit, alors même que ce prétendu appel à la coresponsabilité entraîne un important renoncement aux soins.

En outre, cette façon d’utiliser les médecins pour restreindre l’accessibilité aux soins les place dans un rapport de dépendance vis-à-vis des directions de caisses, dont les pouvoirs sont devenus absolus, et dans un rapport de défiance de la part des personnes soignées, qui ne savent plus si les motivations du médecin sont de leur apporter les meilleurs soins ou de faire faire des économies aux caisses de sécurité sociales en observant leurs restrictions.

Depuis plusieurs années, les parlementaires communistes proposent tout au contraire, en suggérant, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs, des recettes nouvelles en mesure de combler à hauteur de plusieurs milliards d’euros le déficit. La majorité de gauche aurait pu et peut encore faire siennes ces propositions.

En ce qui concerne les ordonnances bizones, de l’avis de nombreux professionnels de santé et de syndicats de médecins, cette disposition est un véritable casse-tête ou tout au moins un véritable cas de conscience, tant il est impossible d’établir scientifiquement certaines distinctions. L’arbitraire a donc toute sa place.

Le docteur Poupardin, médecin généraliste à Vitry-sur-Seine, est depuis plusieurs années le symbole, pour ne pas dire la victime, de ces ordonnances. Considérant qu’il est parfois impossible de décider ce qui relève directement de l’ALD ou ce qui lui est lié, qu’on ne peut pas compartimenter la maladie ou les symptômes, mais qu’il faut au contraire les prendre dans leur globalité, il a fait le choix de placer sur la partie haute de l’ordonnance tous les médicaments des patients qu’il suivait dans le cadre d’une ALD.

Pour ma part, je ne prendrai qu’un seul exemple : comment ne pas considérer que le diabète a des effets désastreux sur la santé bucco-dentaire d’un patient et que, par conséquent, les soins dentaires relèvent de cette ALD ? Malheureusement, le docteur Poupardin vient d’être condamné par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne.

La vraie question que ce praticien pose au travers de ce choix est l’accès aux soins pour toutes et tous, notamment pour les personnes aux revenus les plus modestes. En permettant à des patients d’être remboursés à 100 %, il estime leur avoir permis de se faire soigner.

Cette attitude conforme au serment d’Hippocrate interroge d’autant plus quand on connaît le pourcentage de renoncements aux soins, notamment du fait de difficultés financières.

Il y a deux poids et deux mesures ! On condamne à 4 000 euros d’amende ce médecin qui n’a fait qu’exercer en toute conscience son métier alors que quelques praticiens – une minorité – continuent de pratiquer des dépassements d’honoraires, le dernier accord avec le Gouvernement n’y ayant rien changé.

Madame la ministre, ma question est simple : comptez-vous supprimer les ordonnances bizones, soulageant, d’une part, les médecins de ce casse-tête administratif et offrant, d’autre part, aux malades d’ALD des conditions de remboursement leur permettant de se soigner correctement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Marisol Touraine, retenue par des obligations extérieures.

Vous évoquez un sujet qui nous concerne tous et sur lequel les élus de terrain que nous sommes ont souvent été alertés.

Les patients souffrant d’une pathologie réclamant un traitement prolongé et particulièrement coûteux bénéficient d’une prise en charge à 100 % pour les soins relatifs à cette pathologie, au titre des affections de longue durée, ou ALD.

Lorsque le patient souffre, comme vous l’avez souligné, d’une autre pathologie, les soins relatifs à cette dernière sont remboursés au taux habituel.

L’ordonnance bizone permet depuis près de vingt ans de distinguer, parmi les prescriptions, celles qui sont relatives au traitement de l’affection de longue durée de celles qui concernent les autres pathologies du patient.

Pour chacune des affections de longue durée, la Haute Autorité de santé, ou HAS, établit des référentiels scientifiques qui retracent les recommandations de prise en charge. La HAS précise notamment quels médicaments doivent être considérés comme liés au traitement de l’affection de longue durée, donc pris en charge à 100 %.

L’ensemble de ces traitements sont retracés dans le protocole de soins établi avec l’assurance maladie. Le médecin traitant peut également ajouter dans le protocole des actes ou prestations qui ne sont pas prévus par le référentiel, afin d’adapter la prise en charge aux besoins du patient. C’est sur cette base, vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, que le médecin remplit l’ordonnance bizone.

Il faut par ailleurs rappeler que les patients aux revenus les plus modestes peuvent bénéficier de la CMU complémentaire, attribuée sous conditions de ressources, qui leur permet d’être remboursés à 100 % de l’ensemble de leurs soins.

La convention médicale, signée entre les médecins et l’assurance maladie, précisait des objectifs relatifs au bon respect de ces règles de prescription. L’assurance maladie a mené, dans ce cadre, une campagne d’information personnalisée auprès des praticiens, afin de leur permettre de mieux comprendre les règles d’utilisation de l’ordonnancier bizone.

Il est d’ailleurs légitime que le respect des règles de remboursement fasse l’objet de vérifications. Dans le cadre de ces contrôles, le médecin est entendu par le médecin conseil et peut faire valoir ses observations dans le respect de la procédure contradictoire.

En cas d’infraction avérée, la pénalité prononcée – après avis d’une commission paritaire composée pour moitié de médecins – peut faire l’objet d’un recours devant le juge.

La très grande majorité des médecins respectant les règles de prescription, les contrôles ne concernent qu’un nombre très limité d’entre eux : en 2011, quelque 112 médecins ont été contrôlés, pour 61 mises en garde et 9 pénalités prononcées. En regard du nombre de médecins et de prescriptions réalisées, les sanctions sont donc très minoritaires.

Dans ces conditions, je ne peux qu’inviter le professionnel que vous avez évoqué et dont vous connaissez le sens de la déontologie et la pratique à faire appel de cette décision afin de bénéficier d’un second examen de ses prescriptions. Encore une fois, le nombre infime de sanctions prononcées semble accréditer la pertinence de l’ensemble du dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, tout d'abord, je vous remercie d’avoir répondu à ma question au nom de Mme la ministre de la santé.

J’appelle toute votre attention sur le problème que j’ai soulevé et qui va à l’encontre d’une prise en charge globale du patient, lequel se retrouve en quelque sorte morcelé par symptômes. On en vient à perdre de vue combien les pathologies sont liées entre elles. S’il existe des protocoles répertoriant les conséquences des plus lourdes d’entre elles, il faut également prendre en compte les incidences psychologiques de ces affections, qui en entraînent d’autres à leur tour. En effet, ces dernières, qui ne relèvent pas directement de la pathologie initiale, en découlent tout de même.

Par ailleurs, j’ai étudié les publications de la Haute Autorité de santé et je pense qu’il est extrêmement difficile de se prévaloir de sources scientifiques : la médecine n’est pas obligatoirement une science exacte, car elle a affaire à des êtres humains.

De plus, s’il y a effectivement très peu de médecins qui se voient infliger des pénalités, c’est non pas parce qu’ils respectent dans leur très grande majorité les ordonnances bizones, mais plutôt parce qu’ils préfèrent s’arranger avec les caisses. Le docteur Poupardin, lui, a voulu mener ce combat qu’il estime conforme à sa déontologie et à son éthique de médecin. Son comité de soutien est extrêmement important et regroupe des personnes de sensibilités politiques diverses.

Je voudrais également attirer votre attention, madame la ministre, sur ce qui s’apparente à un certain acharnement à son encontre, puisque, tout récemment, avant même que je ne pose ma question orale, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne, M. Filiberti, l’a menacé de saisie s’il ne réglait pas ses pénalités. Il faut que les plus hautes autorités apportent un peu d’apaisement, car ce médecin, reconnu et apprécié dans sa ville de Vitry et dans l’ensemble du Val-de-Marne, n’a fait qu’exercer son métier.

politique de l'association pour la formation professionnelle des adultes pour les français de l'étranger

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 192, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Mme Claudine Lepage. Ma question porte sur le devenir de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, notamment sur les actions de cet organisme à destination de nos compatriotes résidant à l’étranger.

Après la gestion désastreuse de l’ancien gouvernement, l’AFPA a connu une grave crise, aussi bien économique que morale. Elle a aussi été une victime collatérale du basculement des compétences de formation vers les conseils régionaux. Au début du mois de juillet dernier, l’AFPA accusait ainsi pour 2012 un déficit de 12 millions d’euros ; selon le journal Le Monde, il pourrait atteindre aujourd’hui près de 75 millions d’euros.

Le Premier ministre déclarait, lors de la grande conférence sociale au Conseil économique, social et environnemental, que « l’État met tout en œuvre pour assurer l’avenir de l’AFPA ». De fait, le Gouvernement a débloqué, dès la fin du mois de juillet dernier, la somme de 80 millions d’euros. Cette somme, évidemment bienvenue, ne permet malheureusement que d’éponger les dettes sociales de l’association.

La situation financière de l’AFPA reste assurément très précaire : l’association estimait dernièrement ses besoins en fonds propres à 200 millions d’euros. Or la crise économique que nous subissons depuis plusieurs années rend d’autant plus indispensable l’existence d’un organisme tel que l’AFPA, qui, je le rappelle, a contribué à former en 2011 quelque 170 000 stagiaires et 70 000 salariés.

À l’heure où les plans sociaux se multiplient un peu partout sur le territoire, la capacité de l’AFPA à requalifier les salariés est primordiale. Aujourd’hui, alors que la France compte environ 9 millions de pauvres, cette association, qui agit au service des plus défavorisés, doit être sauvée.

L’AFPA constitue également une aide précieuse pour nos compatriotes résidant à l’étranger. En partenariat avec le ministère des affaires étrangères, elle permet aux personnes âgées de plus de 17 ans, demandeuses d’emplois et immatriculées au consulat général de France, de suivre des formations qualifiantes. Ces dernières sont fondamentales, car il va sans dire que la crise économique n’épargne pas nos compatriotes résidant hors de nos frontières.

Certains Français de l’étranger, victimes du chômage et de la précarisation du marché de l’emploi, sont plongés dans des situations de grand désespoir. Au cours de ces dernières années, nombre d’entre eux ont eu plus difficilement accès aux comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle, en raison tout simplement de leur fermeture ou de leur transformation en services de type associatif, parfois moins performants. Certains Français de l’étranger, souhaitant se réinsérer, se tournent donc vers l’AFPA et se portent candidats pour suivre une formation, soit dans la perspective d’un retour en France, soit, forts de nouvelles compétences, pour retrouver un travail dans leur pays d’accueil.

Au vu des conditions économiques que connaît actuellement l’association, je m’interroge. Monsieur le ministre, quelle politique l’AFPA compte-t-elle mettre en place pour pouvoir continuer à aider les Français résidant hors de France à se réinsérer et à retrouver le chemin de l’emploi ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné, j’ai effectivement trouvé l’AFPA dans une situation financière catastrophique lors de ma prise de fonction. Il s’agissait d’une structure au bord du dépôt de bilan. Le Gouvernement s’est alors pleinement mobilisé pour sauver ce formidable outil de formation, sur lequel l’État s’est tant appuyé par le passé.

Le Gouvernement accompagne aujourd’hui le plan global et dynamique proposé par son nouveau président, M. Yves Barou, conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de la conclusion de la grande conférence sociale de juillet dernier. À partir de cette date, le Gouvernement a fait ce qu’il fallait pour assurer à l’association la trésorerie nécessaire. Je puis le confirmer devant vous aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs : la pérennité de l’AFPA sera assurée.

Pour en revenir au cœur de votre question, la formation des Français résidant à l’étranger fait l’objet d’une disposition législative explicite, inscrite dans le code de l’éducation. L’article L. 241-12-2 de ce dernier précise ainsi que « les actions menées à l’égard des Français établis hors de France en matière de formation professionnelle et d’apprentissage relèvent de la compétence de l’État ».

En moyenne, une cinquantaine de Français de l’étranger bénéficient chaque année d’un parcours de formation dans le cadre d’un marché « Formation des publics spécifiques ». En 2011, quarante-six parcours de formation ont été financés pour un coût annuel de 900 000 euros au titre des actions pédagogiques, et de 200 000 euros au titre de la rémunération des stagiaires eux-mêmes. Ce marché a été reconduit le 14 novembre dernier, pour une durée d’un an, renouvelable deux fois. Il représentera, pour les Français résidant à l’étranger, une enveloppe financière annuelle de 974 000 euros, auxquels s’ajouteront 200 000 euros pour la rémunération des stagiaires, dont le nombre oscillera chaque année entre quarante et soixante-dix.

Les ressortissants français à l’étranger appelés à être formés dans ce cadre sont généralement en situation de précarité, voire de grande pauvreté, et ne disposent pas de la qualification suffisante ou appropriée leur permettant de s’insérer localement ou en France. Le dispositif mis en place par le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social vise à permettre aux stagiaires de conduire à leur terme les parcours de formation définis dans le cadre d’un projet d’insertion professionnelle.

À cet effet, et dans une logique de sécurisation, ce dispositif prévoit la mobilisation de prestations indispensables aux spécificités des Français résidant à l’étranger : des prestations de suivi personnalisé, d’hébergement, de restauration et d’accompagnement psychopédagogique viennent compléter les prestations de formation professionnelle pré-qualifiantes et certifiantes.

Par ailleurs, nous cherchons, dans le cadre de la future loi de décentralisation, le moyen d’intégrer ces publics dans le droit commun des actions des conseils régionaux. Cela permettra d’élargir les possibilités de formation. D’ici là, l’AFPA pourra continuer à mener ses missions, notamment parce que le Gouvernement souhaite sauver cet outil indispensable au secteur de la formation professionnelle en France.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces propos tout à fait rassurants, tant sur la pérennité de l’AFPA, qui semble acquise, que sur l’aide que cette association continuera d’apporter aux Français de l’étranger.

avenir de la filière équine

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 124, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le ministre, l’ensemble des acteurs de la filière équine, mais aussi tous les élus concernés par ce secteur d’activité, sont extrêmement inquiets depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 8 mars 2012.

Après les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche, la France, elle aussi, a été condamnée à un relèvement du taux de TVA applicable à la filière équine. L’impact de cette décision sera très fort et laisse présager des conséquences importantes.

Comme vous le savez, c’est l’ensemble du monde équestre qui sera durement affecté, alors même qu’il est indissociable de l’agriculture.

Pourtant, les activités équestres sont par essence liées à l’élevage. Elles contribuent à préserver la diversité biologique. Elles participent également à l’aménagement équilibré du territoire et renforcent la diversification de l’économie rurale. Cette filière agricole est, je le rappelle, forte de plus de 70 000 emplois.

Le 29 mai 2011, le Sénat a adopté une résolution européenne pour appeler au maintien du taux réduit de TVA par l’application du principe de subsidiarité. Malheureusement, la Cour de justice de l'Union européenne en a décidé autrement.

Monsieur le ministre, Ambroise Dupont, en tant que président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage du Sénat, qui rassemble des parlementaires de toutes les tendances politiques, vous a écrit le 21 juin dernier afin d’appeler votre attention sur ce grave problème et connaître les intentions du Gouvernement.

Aujourd’hui, nous en sommes à l’étape suivante, celle qui consiste à mettre en œuvre des dispositifs de substitution. Il est en effet indispensable de garantir des mesures de compensation ciblées, notamment en direction de ceux qui sont les plus durement touchés au sein de la filière.

Selon les représentants de la filière, trois pistes méritent d’être consolidées.

Tout d’abord, pour les éleveurs, il faudrait reconnaître le caractère agricole des ventes des équidés d’élevage. C’est partiellement fait.

Ensuite, pour les agriculteurs diversifiés, il conviendrait d’affirmer la spécificité des entreprises agricoles, qui pourraient être considérées comme des très petites entreprises, des TPE.

Enfin pourrait être envisagé le classement en « établissement sportif » des centres et fermes équestres pour que ces établissements bénéficient d’un taux réduit de TVA.

Ces éléments permettraient notamment d’accroître la visibilité économique de la filière pour les prochaines années.

Le ministre chargé du budget a récemment précisé qu’une « disposition spécifique a été introduite dans le code général des impôts depuis le 1er janvier 2012, par transposition de la faculté ouverte par la directive communautaire TVA de 2006, de façon à continuer d’appliquer le taux réduit de la TVA à des prestations correspondant au droit d’utilisation des animaux à des fins d’activités physiques et sportives ». Il assure qu’« il n’est pas envisagé de supprimer cette disposition qui permet d’appliquer le taux réduit notamment aux activités des centres équestres ».

Dans ce contexte, je souhaite que la filière « course » puisse obtenir de fortes garanties et bénéficier d’un plan global, car les menaces qui pèsent sur son avenir restent réelles, directes et immédiates.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la filière équestre et sur la TVA réduite. À ce titre, vous avez rappelé les arrêts qui ont été rendus par la Cour de justice de l'Union européenne concernant d’autres pays européens. Les mêmes conclusions s’appliquent aujourd'hui à notre pays.

Comme vous l’avez souligné, un débat a déjà eu lieu sur ce sujet au mois de mars et au mois de mai dernier.

La France s’est mise en conformité avec les décisions européennes sur la question des courses. Cependant, comme la Cour de justice de l'Union européenne n’a pas donné d’avis sur tous les aspects afférents aux centres équestres, notre pays plaide en faveur de l’application d’un taux de TVA réduit sur les activités sportives. La discussion avec la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne est en cours.

Comme vous, monsieur le sénateur, j’ai parfaitement conscience que les centres équestres sont indissociables de l’activité agricole et constituent un enjeu dans le monde rural, en termes à la fois d’aménagement du territoire et de vitalité. En outre, par l’activité sportive qu’ils permettent, ils forment aussi un espace dans lequel un certain nombre de jeunes peuvent trouver les moyens de s’épanouir.

Vous savez qu’il y a déjà un manquement et que nous pouvons être condamnés pour manquement sur manquement. C’est pourquoi, dans cette affaire, nous faisons valoir le lien entre centres équestres et activités sportives pour justifier le maintien d’une TVA à taux réduit. Nos juristes sont pleinement impliqués, et nous irons jusqu’au bout.

Sur la filière équestre, de façon plus globale, vous avez évoqué les enjeux et les compensations possibles : j’ai engagé un travail et un dialogue avec l’ensemble des partenaires concernés.

Moi aussi, je pense qu’il faut, sur la base des pistes que vous avez évoquées, trouver les moyens de réorganiser cette filière et de lui permettre de retrouver un équilibre. Il s’agit en effet d’un secteur important non seulement en termes de patrimoine, grâce aux races qui sont préservées dans les centres à activités équines, mais aussi par la place importante que les centres équestres occupent dans le monde rural.

Monsieur le sénateur, le département de la Sarthe – il nous est cher à tous deux ! –, le nord de l’Orne et bien d’autres départements sont directement concernés par ces questions.

Soyez assuré que, face à cette pression très forte de l’Union européenne, le Gouvernement tout entier, par l’intermédiaire du ministre de l’agriculture, résiste et fait valoir ses arguments, lesquels sont aussi les vôtres.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous venez d’apporter.

La filière équine tient une place très importante dans notre territoire : en nombre de licenciés, la fédération française d’équitation est la troisième fédération française derrière celles qui sont chargées du football et du tennis.

En termes d’aménagement du territoire, un travail important reste à faire. Si des solutions pouvaient être trouvées pour que, dans certains domaines en tout cas, un taux réduit de TVA continue de s’appliquer, cela conforterait cette filière et apporterait un plus à nos communes.

conséquences des distorsions de concurrence au niveau européen pour les producteurs français de fruits et légumes

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 202, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Roland Ries. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le contexte de distorsions de concurrence dont souffrent actuellement les producteurs de fruits et légumes français, plus particulièrement les producteurs frontaliers, vis-à-vis de nos voisins européens.

La production de fruits et légumes représente dans notre pays un potentiel de 200 000 emplois qui s’adressent en particulier à des personnels peu qualifiés ou en difficultés d’insertion et à des jeunes dans le cadre d’emplois saisonniers.

Cette production connaît, depuis plusieurs années, un recul continu des surfaces exploitées, donc des volumes produits. Au cours des quinze dernières années en effet, les surfaces cultivées en légumes, à l’exception des légumes secs, ont diminué de 30 % dans notre pays. Ce mouvement est particulièrement marqué pour certains produits comme les asperges, les fraises ou encore les carottes.

Ces produits qui composent notre quotidien alimentaire sont donc aujourd’hui largement importés. Dès lors, la question de notre indépendance alimentaire se trouve posée.

Ce recul des surfaces exploitées s’explique en grande partie par les distorsions de concurrence qui existent à l’échelon européen entre la France et ses voisins directs, l’Espagne et l’Allemagne, deux pays dans lesquels les salaires pratiqués sont souvent bien moindres. En effet, tandis qu’en France le coût horaire du travail est estimé à 12 euros, il est, par exemple, de 6 euros en Allemagne, où n’existe pas, pour l’heure, de salaire minimum.

Ces différentiels de coût de la main-d’œuvre constituent pour le secteur français des fruits et légumes un handicap lourd, qui menace la pérennité de nombreuses exploitations. En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, il s’agit d’un secteur dans lequel le poids de la main-d’œuvre, rapporté au coût de production total, est important, du fait des techniques de récolte souvent peu mécanisables.

Ce problème de distorsion de concurrence en matière de coût du travail, mais aussi de législation sociale, par exemple en ce qui concerne la durée de travail, se pose avec d’autant plus d’acuité pour les exploitants agricoles situés dans les régions frontalières. C’est le cas dans ma région, l’Alsace, où nos exploitants partagent le même marché que leurs concurrents allemands et sont donc touchés de plein fouet par cette concurrence faussée.

Face à cette situation, les précédents gouvernements s’étaient engagés dans des mesures d’allègement de charges. Je pense notamment à l’élargissement successif du dispositif dit « TO-DE », c'est-à-dire « travailleurs occasionnels et demandeurs d’emplois », dont l’objectif est la réduction des charges sur les salaires de ces catégories de personnel.

La solution véritablement efficace, monsieur le ministre, vous la connaissez : c’est une Europe plus intégrée, une Europe de l’agriculture renforcée et coordonnée, une Europe de l’agriculture pensée comme un espace de coopération plus qu’un espace de concurrence, une Europe de l’agriculture qui encourage une « solidarité de production », pour reprendre une expression de Robert Schuman. Cette Europe-là constitue pour les agriculteurs de nos territoires une attente forte. Elle est une attente, mais elle est aussi une urgence.

Monsieur le ministre, depuis les fameux discours de Jean Jaurès au monde paysan, les socialistes ont toujours su prendre la mesure des problèmes posés au monde agricole. C’est pourquoi je souhaite savoir quelles initiatives européennes le Gouvernement entend engager rapidement dans le domaine agricole, afin de parvenir à une plus grande harmonisation de nos systèmes fiscaux et sociaux.