M. Jean-Claude Frécon. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, membre du comité des finances locales, j’ai siégé en tant que suppléant à la Commission consultative d’évaluation des normes. Je souhaite apporter mon témoignage sur son fonctionnement.

Je partage la position de la commission des lois, qui propose d’augmenter le nombre de membres du Conseil national, afin que ceux-ci puissent siéger par sections. Car si l’on conserve la composition de l’actuelle CCEN, nous n’y arriverons pas ! Lorsque j’en étais membre, nous avions parfois une trentaine de textes à examiner, ce qui durait souvent une journée complète. Certains d’entre eux étaient très techniques. Or personne n’est technicien sur tous les sujets. Nous ne pouvions pas tout faire ! Sur un certain nombre de demandes, l’administration nous faisait une proposition, que nous acceptions parce que nous n’avions pas le temps de l’examiner.

À mon sens, il est donc tout à fait judicieux d’augmenter le nombre des représentants qui siégeront au Conseil national. Je le signale, dans l’ancienne instance comme dans la nouvelle, les membres ne sont pas indemnisés, il n’existe pas de jetons de présence. Simplement, pour ceux qui ne sont pas parlementaires, les frais de transport sont remboursés.

Bien que mes propos risquent d’excéder le cadre de cet amendement, permettez-moi, mes chers collègues, d’évoquer à titre d’exemple l’un des dossiers sur lequel j’ai eu l’occasion de me pencher voilà deux ans. Il a fait naître en moi de profonds regrets.

Il s’agissait de la réfection de la cuisine d’un collège. Le conseil général, en interrogeant la CCEN, contestait une décision de l’administration, selon laquelle le plan de travail de cette cuisine devait être installé non pas à 80 centimètres de hauteur, comme prévu initialement, mais à 60 centimètres, en vertu de l’application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, une personne handicapée ne pouvant pas travailler sur un plan de travail situé à 80 centimètres du sol.

Les membres de la CCEN se sont scandalisés d’une telle situation. Ils ont alors demandé si un employé handicapé travaillait effectivement dans cette cuisine. Non ! Il s’agissait simplement de prévoir la possibilité qu’une personne handicapée puisse travailler à ce poste ! Les membres de la CCEN ont demandé à l’administration de réfléchir et ont décidé de réexaminer le dossier quinze jours plus tard.

On nous a alors expliqué qu’il n’était pas possible de faire autrement, car la loi imposait une telle solution. En ne la respectant pas, le conseil général engageait sa responsabilité pénale. Or, avec un plan de travail situé à 60 centimètres du sol, tous les employés non handicapés vont travailler dans des conditions inadaptées et finiront par avoir mal au dos ! Mais aucun texte ne les protège, la responsabilité pénale du conseil général n’est donc pas engagée pour ce qui les concerne ! En revanche, si une personne handicapée devait travailler sur un plan de travail situé à 80 centimètres du sol, la responsabilité pénale du conseil général serait bel et bien engagée.

Vous le comprenez bien, mes chers collègues, face à ce genre de difficultés, il convient de créer des sections spécialisées au sein du nouveau conseil national.

Monsieur le rapporteur, ne serait-il pas possible d’indiquer clairement l’existence de ces sections ? Il me paraît important d’apporter une telle précision, qui permet d’ailleurs de justifier l’augmentation du nombre des membres de cette instance.

Mme la présidente. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.

M. René Garrec. Je souhaite simplement intervenir avant mon collègue Éric Doligé, qui est l’un des auteurs de l’amendement n° 1 rectifié.

Ce matin, en commission des lois, nos représentants, à savoir Philippe Bas, Christian Cointat et moi-même, avons suivi la position de M. le rapporteur sur cet amendement, estimant qu’il était en effet préférable d’augmenter les effectifs du Conseil national, afin que celui-ci puisse travailler en sections.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. J’ai bien entendu ce qui vient d’être dit. M. le rapporteur m’avait expliqué sa position dans une autre enceinte, mais l’amendement était déposé, et son examen permettait de faire passer un certain nombre de messages.

Je suis allé une fois présenter mon rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales à la CCEN. Je n’ai pu que constater la difficulté de cet organe à réunir un nombre suffisant d’élus. L’administration gérait les dossiers complexes et les avis donnés n’étaient pas vraiment ceux des élus.

Je comprends donc parfaitement la réflexion menée en la matière par la commission, qui a estimé souhaitable d’augmenter le nombre des représentants siégeant au sein du Conseil national.

Monsieur le rapporteur, monsieur Frécon, vous avez évoqué un point qui mériterait d’être entendu à l’extérieur de cette enceinte. Nous faisons tous partie d’une dizaine ou d’une vingtaine de structures de ce type, ce qui ne nous rapporte rien, il est bon de le savoir. Il n’y a pas de jetons de présence. Or, bien souvent, les gens pensent que le fait de siéger des journées entières dans ces organismes implique des compensations. C’est faux, je le répète.

Je vous remercie, monsieur Frécon, d’avoir illustré vos propos d’un exemple précis. Nous en connaissons tous des quantités ! Comme ce débat m’intéresse, je me permets de poursuivre la réflexion que vous avez lancée, sachant que je n’interviendrai plus, ensuite, sur ce sujet.

Lorsque j’avais présenté ma proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, deux sujets, je m’en souviens, avaient beaucoup heurté. Le premier concernait l’adaptation des normes à la taille des collectivités. Je cherchais simplement à soulever la question et non à imposer quoi que ce soit !

L’adaptabilité telle que je l’avais présentée a fait long feu. Pourtant, la question revient dans les débats sous des formes diverses et variées, ce qui prouve bien qu’elle méritait d’être posée. Finalement, on arrivera bien, un jour ou l’autre, à discuter vraiment de ce sujet ! Je vous fais d’ailleurs remarquer, mes chers collègues, que de nombreux textes prévoient d’ores et déjà une adaptation de la norme à la taille des collectivités. Nous adopterons peut-être bientôt, en matière électorale, le seuil des communes de 1 000 habitants.

Par ailleurs, je vous ai entendu avec plaisir évoquer la loi du 11 février 2005, qui pose un vrai problème. Quand j’avais osé en parler, je m’étais fait renvoyer, par vous-mêmes, chers amis, dans mes buts… qui étaient aux normes ! (Sourires.) Au demeurant, je suis sûr que nous en reparlerons ici avant 2015.

À mes yeux, il convient de dépasser le cadre strictement politique de nos débats, pour nous engager, de temps à autre, comme c’est le cas ce soir, sur la voie du pragmatisme.

Nous sommes tous conscients que, parfois, nous votons des textes dans un climat particulier qui, précisément parce que cette Haute autorité – ou, plus exactement, ce Conseil national – n’existe pas encore, n’ont fait l’objet d’aucune analyse préalable. Et l’on s’aperçoit par la suite qu’ils sont totalement inapplicables !

J’en suis bien désolé pour mes collègues qui l’ont cosigné, mais je retire finalement mon amendement. J'ai bien entendu nos collègues de la commission des lois, qui nous représentent. Ils se sont exprimés avec sagesse, cette même sagesse dont M. le rapporteur fait preuve sur ce sujet, étant entendu que tel n’est pas toujours le cas. (Sourires.)

M. Alain Richard, rapporteur. Ce ne serait pas drôle ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Je veux dire à Jean-Claude Frécon que la division du Conseil national en sections relève clairement du domaine réglementaire. Le Gouvernement nous ayant entendus, je ne doute pas que, dans le texte réglementaire qui régira le Conseil national, il tiendra compte de la demande que nous avons formulée au cours de ce débat.

Je souscris aux propos qu’a tenus M. Doligé : il nous a paru possible, après réflexion, de transcrire dans le texte de cette proposition de loi l'analyse du Conseil d'État sur la question de l'adaptabilité des normes en conférant au Conseil national un droit de proposition en la matière à l’attention du Gouvernement. Puisque le Conseil national sera entendu avant le Conseil d'État, ce dernier pourra établir un guide, si je puis dire, sur la marge d’adaptabilité.

En tout cas, il est assuré que c’est à ce stade, loi par loi, objet par objet, qu'on peut définir un champ d'adaptabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. Je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Éric Doligé.

Ni dans mes propos ni dans ceux de notre collègue Jean-Claude Frécon il n'était question de revenir sur notre volonté de prendre en compte la situation des handicapés et d'agir en faveur de leur intégration et de leur égalité de traitement. Nous avons simplement voulu dire que, à trop vouloir fixer des normes dans ce domaine, on peut parfois contrevenir à l’objectif d’une meilleure prise en compte des problèmes que rencontrent les handicapés.

Quand, par démagogie, on fait fi du bon sens et de la réalité en créant des normes si drastiques qu’elles sont impossibles à respecter, on ne fait au fond que reculer sur la nécessaire attention et l’indispensable solidarité dues à nos concitoyens handicapés.

Une fois de plus, j’en appelle au bon sens et au refus de toute démagogie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mme la ministre a évoqué tout à l'heure la question de la nomination des conseillers généraux. J'ai lu avec attention le rapport et je me souviens aussi que notre collègue Patrice Gélard s'est demandé s’il convenait de parler de « conseillers départementaux » dans la mesure où le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, que, pour ma part, j’ai voté, n’a pas encore été définitivement adopté. Quand cette loi sera entrée en vigueur et que les conseillers départementaux seront élus par binôme, est-ce seulement l’un des deux membres de ce binôme qui sera membre de ce futur Conseil national ? Je souhaiterais que Mme la ministre nous donne quelques indications sur ce point. Je précise que la réponse, quelle qu’elle soit, ne remettra pas en cause mon soutien à ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 12 rectifié, puisqu’il fait l’objet de la discussion commune.

Tout d’abord, je salue la ténacité de Mme Lipietz. Ensuite, je remercie le Gouvernement d'avoir émis un avis de sagesse sur cet amendement. Enfin, je veux dire que, autant j'apprécie la ténacité, autant je ne comprends pas l'entêtement, en l’occurrence celui de M. le rapporteur, qui s’obstine dans son refus d’introduire tant soit peu de parité dans la composition de ce futur Conseil national. Lui qui est d’ordinaire d’un esprit si subtil, je le trouve quelque peu figé, ce qui me surprend beaucoup. C’est pourquoi j’aurais préféré que, plutôt que d’émettre un avis défavorable, la commission s’en remette à la sagesse de notre assemblée. L’adoption de cet amendement nous permettrait un petit pas supplémentaire vers plus de parité dans nos institutions. (Mme Hélène Lipietz applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Tout le monde a ses limites ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Plancade. Je n’ai pas osé le dire, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. Alain Richard, rapporteur. Toute ma vie, j’ai été un modeste fabricant de textes, en essayant toujours de veiller à leur cohérence. Si nous devions instaurer la parité parmi l’ensemble des différentes catégories de membres constituant le futur Conseil national, si les nominations prononcées par les uns dépendaient des nominations prononcées par les autres, alors nous nous engagerions dans un processus inextricable. Par exemple, s’il revient au président du Sénat de désigner les deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil, on s’attend naturellement – et les travaux préparatoires en feront foi – à ce que ce soient un sénateur de la majorité et un sénateur de l'opposition. À cette fin, le président du Sénat consultera les groupes et lorsque les groupes de la majorité se seront entendus sur le nom d'une femme, cela signifie qu'ils auront décidé, en lieu et place des groupes de l’opposition, que ceux-ci doivent désigner un homme.

M. Philippe Bas. Très juste !

M. Alain Richard, rapporteur. Ce serait une situation inextricable.

C’est bien sûr par étroitesse d'esprit que je m’exprime ainsi, mais il y a tout de même un peu de raisonnement, que j'espère vous avoir fait partager.

À la question posée par Mme Goulet, je ferai une réponse simple : quoi qu'on pense par ailleurs de ce mode de scrutin, il est bien entendu que l’association de deux personnes de sexe différent pendant le processus électoral – ce dispositif sera inscrit dans le code électoral – n’a plus de conséquence sur l’exercice du mandat, et dans le code général des collectivités territoriales qui régira l’exercice par les conseillers départementaux de leur mandat, chacun d'entre eux est pleinement autonome.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Jean Giraudoux a écrit ceci : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Nous devons faire preuve d'imagination. Et puisque le Sénat n’a pas voulu instaurer la parité dans la nomination des parlementaires au Conseil national, peut-être pourrions-nous voter cet amendement, qui a trait à la désignation de quatre, cinq ou six personnes. Bien évidemment, en cas de nomination d’un nombre impair de membres, la parité ne pourra pas, par définition, être respectée, même si l’on peut espérer que ce seront alors les femmes qui seront supérieures en nombre aux hommes. En tout cas, c’est possible et nous devons prendre en compte la réalité sociologique et humaine.

Enfin, je précise que je rectifie mon amendement n° 24 de manière à insérer les mots « à parité » à la fin de l’alinéa 14 de l’article 1er de la proposition de loi. Cette omission provient du fait que j’ignorais s’il fallait faire mention du conseiller général ou du conseiller départemental.

Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, et qui est ainsi rédigé :

1° Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

à parité

2° Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

à parité

3° Alinéa 16

Après le mot :

municipaux

insérer les mots :

à parité

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Loin de moi l'idée que M. le rapporteur puisse être étroit d'esprit.

M. Alain Richard, rapporteur. Il m’arrive de me poser la question ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Plancade. Si c’est ainsi qu’il a interprété mes propos, je lui présente mes excuses. De même, je ne voudrais pas qu’il croie que les difficultés qu’il a soulevées m’avaient échappé. Tel n’est pas le cas et c'est en toute connaissance de cause que je voterai malgré tout cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer le mot :

élu

par le mot :

désigné

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement de coordination visant à remplacer non pas des hommes par des femmes, mais un mot par un autre, je pense que M. le rapporteur nous suivra. En effet, tous les membres du Conseil national n’étant pas élus, certains étant désignés, il convient de désigner des suppléants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Cette formulation étant en effet préférable, la commission suit Mme Lipietz.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Frécon. Puisqu’il est question de coordination, pourquoi ne pas modifier également l’alinéa 16, qui fait référence à dix conseillers municipaux « élus » par le collège des maires de France ? Les suppléants auront été désignés, cependant que les titulaires auront été élus.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Certaines catégories des représentants au Conseil seront nommées – les représentants de l'État –, cependant que d’autres seront élues par différents collèges, selon des modalités définies dans la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales. L’expression dont nous parlons, sur la suggestion de Mme Lipietz, est en facteur commun à la fin. Aussi, « désigné » est le terme propre pour parler de deux types de sélection différents. (M. Jean-Claude Frécon opine.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Après le mot :

suppléant

insérer les mots :

du même sexe que le titulaire

Mme Hélène Lipietz. Il n’a plus d’objet, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié n’a effectivement plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bas et Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Au début, insérer les mots :

La présidente ou

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Mes chers collègues, je vous invite à prêter une grande attention à cet amendement. (Sourires.)

Le texte adopté par la commission des lois concernant la saisine du Conseil national par le Parlement prévoit curieusement qu’il peut être saisi soit par « la Présidente ou le Président d’un groupe parlementaire », soit par « le président d’une assemblée parlementaire ».

Il est regrettable que cette rédaction laisse supposer qu’une femme ne pourrait être présidente de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

M. Éric Doligé. Puisque vous connaissez ma passion pour ces sujets, vous comprendrez à quel point il est important pour moi que cette rédaction soit modifiée, même si nous n’approuvons pas l’idée qu'un président ou qu’une présidente de groupe puisse, pour les raisons évoquées tout à l'heure, soumettre à l’avis du Conseil national une proposition de loi issue de ce groupe et inscrite à l’ordre du jour.

En tout cas, il serait dommage de ne pas reconnaître la possibilité pour l’une de nos assemblées d'avoir une présidente à sa tête.

Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 26

Après les mots :

président

insérer les mots :

ou la présidente

II. - Alinéa 33, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou de la présidente

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Je ferai juste une petite remarque : chassez le naturel, il revient au galop, en l’occurrence à l'alinéa 26. Cette différence de traitement entre les alinéas 26 et 27 est amusante.

Pourquoi ne pas avoir choisi de prendre acte de la parité dans l’ensemble du texte, alors qu’on sait qu’elle sera bientôt une réalité ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je m’efforce en vain de ramener ces discussions à des questions de fabrication de textes cohérents. Il n’existe pas aujourd’hui de norme de rédaction de nos textes législatifs qui réponde à cette question et j'appelle ceux que ce sujet passionne à formuler des propositions, ce qu'ils ont pour l'instant négligé de faire.

Quand il est question dans un texte d’un « président », tout le monde comprend, parce que la langue française est ainsi, qu’il s’agit indifféremment d’un président ou d’une présidente. Aussi, je suggère que nous ne nous servions pas d’un texte dont l’objet est tout autre pour engager des débats sémantiques dont je reconnais la valeur, mais qui appellent un traitement transversal après un débat approfondi par le législateur.

Pardonnez-moi cette déformation, mais j'ai du respect pour les gens qui ont écrit de grands textes. Ils ont soigné leur rédaction. Leurs textes sont restés, ils ne font pas sourire. Quand, au moment de célébrer un mariage dans ma mairie, je lis les différentes formules légales inscrites au code civil, je me retiens de sourire quand je parviens aux deux derniers textes, qui ont été ajoutés audit code. C’est du droit bavard ! Nous ne sommes pas obligés de faire de mauvais textes.

Aussi, ne saisissons pas l’occasion de la rédaction d’un modeste alinéa d’un article du code général des collectivités territoriales pour développer une thématique sur la féminisation des termes de droit, qui mérite un vrai travail d’élaboration de la loi, et de légistique. Je m’efforce simplement de placer les choses dans leur case. (Mme Odette Herviaux ainsi que MM. Alain Néri et Dominique Bailly applaudissent.)

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Si je partage la passion de M. Doligé, et si je reconnais que la féminisation du terme pourrait figurer dans le texte, je tiens à préciser que, à titre personnel, je me considère comme « le ministre » ; je suis plus attachée à la fonction qu’à la féminisation. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame « le » président. (Sourires.)

Mes chers collègues, il nous faut choisir l’un des deux amendements.

M. Philippe Bas. Si nous maintenons la rédaction actuelle de l’alinéa 27 – « La Présidente ou le Président d’un groupe parlementaire peut… » –, nous créons une incohérence avec la rédaction de l’alinéa 26, dont le début est ainsi rédigé : « Le président d’une assemblée parlementaire peut… ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

M. Philippe Bas. Loin de moi la tentation de vouloir, à la faveur de l’examen de ces amendements, régler une question de légistique qui paraît fondamentale, mais je tiens à souligner que nous devons dès maintenant choisir un parti.

Pour ma part, bien qu’étant un des coauteurs de l’amendement n° 4 rectifié, je suis tout prêt à y renoncer pour me rallier à l’excellent amendement de Mme Lipietz, qui a reçu un avis favorable de la commission ce matin. (M. le rapporteur s’exclame.) Cela nous permettrait de faire un choix cohérent.

Mme la présidente. Monsieur Doligé, l’amendement no 4 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Doligé. Je ne veux pas être provocateur…

M. Alain Néri. Un peu tout de même !

M. Éric Doligé. Non, pas du tout !

Le texte présente en effet une incohérence de rédaction. Madame le président, madame le ministre, la rédaction de l’alinéa 26 me convient à la condition que l’on modifie la rédaction de l’alinéa 27.

Dans la mesure où je ne suis pas membre de la commission des lois et dans l’ignorance de ce qui va passer à l’alinéa 27, j’avais déposé l’amendement no 4 rectifié.

Toutefois, monsieur le rapporteur, si vous me confirmez que, à l’alinéa 27, nous en reviendrons à une rédaction plus classique, je retirerai mon amendement.

M. Alain Richard, rapporteur. Je vous le confirme.

M. Éric Doligé. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 4 rectifié.

Mme la présidente. L’amendement no 4 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’amendement no 10 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens afin d’éviter toute polémique et pour rassurer quant aux débats à venir sur l’alinéa suivant.

Tout d’abord, je ne souhaite pas que le groupe UMP utilise l’argument de la féminisation pour demander une modification des modalités de la saisine par le président ou par la présidente, en tout cas par les responsables des groupes parlementaires. J’espère que nous débattrons plus sur le fond que sur le point de savoir si la saisine peut être faite par « le » président ou par « la » présidente du groupe.

Si la rédaction du texte reste fidèle à cet esprit – je rappelle que c’est sur notre initiative que cette réflexion a été introduite en commission –, nous nous rallierons à une réécriture visant à une homogénéisation du texte.

Je prends acte des propos de M. Alain Richard, dont je sais la sincérité, sur la féminisation des noms, que je crois fondamentale. D’ailleurs, Mme Najat Vallaud-Belkacem y revient régulièrement. Cette féminisation n’est pas accessoire. Il ne s’agit pas de se faire plaisir. (Mme Hélène Lipietz opine.) Il s’agit de montrer, à travers des termes importants, que les femmes et les hommes peuvent accéder à des responsabilités. L’Histoire nous montre, que dans des textes respectables, voire fondamentaux, l’usage du terme masculin a entraîné de fait la masculinisation de l’exercice des fonctions.

Je comprends les arguments qui ont été avancés, mais afin de marquer le coup et d’encourager la réflexion, qui est nécessaire, je soutiendrai l’amendement de Mme Lipietz en son état actuel.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Compléter cet alinéa par les mots :

et à l'exclusion des amendements déposés sur un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a pour objet d'exclure les amendements déposés par les parlementaires lors de l'examen des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

En effet, ces textes sont soumis à des contraintes constitutionnelles strictes encadrant leur temps d'examen par le Parlement. Or, il me semble que le délai tel qu’il est actuellement prévu est totalement incompatible avec le mécanisme d'avis prévu par le présent texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de M. Richard ?

M. Alain Richard, rapporteur. Madame la présidente, si vous demandez l’avis de M. Richard, je vous dirai qu’il est hésitant.

Mme la présidente. L’avis de la commission, voulais-je dire.

M. Alain Richard, rapporteur. L’avis de la commission est ferme : la commission est opposée à cet amendement.

Qu’est-ce qui justifie mon hésitation ? Sur mon initiative, et je n’en ai donc pas de regret, nous instaurons un examen préliminaire par le Conseil national d’évaluation des normes, ex-CCEN, d’amendements émanant tant du Gouvernement que des parlementaires.

Dans un cas l’examen est systématique : tout amendement du Gouvernement ; dans l’autre cas, il est sélectif, par exception : il faut qu’un président d’assemblée soumette au Conseil un amendement et que son auteur n’y soit pas opposé.

Cela n’est pas sans inconvénient. Il n’y a pas à cela d’obstacle constitutionnel – je me serais arrêté avant – parce qu’on a donné au Premier ministre le pouvoir de ramener la durée d’examen par le Conseil national à soixante-douze heures. Au fond, si un amendement émanant du Gouvernement soulève des difficultés et donne lieu à un avis défavorable du Conseil national, il sera loisible au Gouvernement de rectifier ledit amendement. Toutefois, il garde en opportunité sa totale souveraineté. Par conséquent, ses prérogatives constitutionnelles d’intervention devant le législateur ne sont pas altérées, et le déroulement en bon ordre du processus législatif n’est pas perturbé grâce à ce délai de soixante-douze heures.

Mais Mme Goulet a parfaitement raison sur un point, lorsque nous avons inclus les amendements parlementaires, nous n’avons pas prévu l’automaticité du délai de soixante-douze heures.

M. Alain Richard, rapporteur. Un amendement est venu rectifier ce point afin que toute saisine du Conseil, par le président d’une assemblée, sur un amendement parlementaire entraîne d’office l’application du délai de soixante-douze heures.

Faut-il pour autant, à cause de ces inconvénients, surmontables, je le répète, retirer les amendements du champ d’examen du Conseil national ? J’appelle les collègues qui ont un peu d’expérience législative à rechercher dans leurs souvenirs, dans l’éphéméride des activités parlementaires, quelles ont parfois été les conséquences de dispositions législatives adoptées par voie d’amendement.

M. Alain Richard, rapporteur. La lecture du rapport du Conseil d’État de 2006, auquel je faisais allusion tout à l’heure, m’a permis de me remémorer, car ce point y figurait, que le deuxième degré, le droit d’appel devant la cour d’assises avait été instauré par amendement. Personne, à l’époque, n’avait évalué les conséquences de cette décision.

Il arrive fréquemment qu’un projet de loi déposé pour des raisons impérieuses, dont personne ne conteste l’utilité, ne trouve pas de place dans le calendrier parlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien sûr !