M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Bailly. Encore trois minutes, monsieur le président.

M. le président. Le temps de parole imparti était de vingt minutes !

M. Gérard Bailly. L’activité touristique est déterminante, même sur des périodes courtes. Elle apporte une vitalité supplémentaire à nos territoires ruraux et, comme je l’ai déjà souligné, elle est nécessaire pour nos services de proximité, nos commerces, nos artisans.

Les touristes comme les résidents savent apprécier les manifestations culturelles et sportives, les fêtes de pays et les marchés locaux, des manifestations importantes, et même capitales, souvent organisées avec dévouement par des bénévoles. Ce sont des atouts indéniables, de vraies valeurs. Veillons à ce que cette flamme ne faiblisse pas, car les conséquences en seraient graves !

Je sais aussi l’importance de nos PME et PMI, véritable richesse de nos territoires ruraux.

Ce sont ces petites et moyennes entreprises qui procurent du travail de proximité aux populations actives locales et qui incitent les habitants à s’installer dans nos territoires, à y rester et à y vivre, parfois loin des grandes métropoles. Elles sont facteur de croissance, facteur d’image, facteur d’équilibre des territoires. Nous devons avoir pour souci permanent de leur apporter les moyens de poursuivre ici leurs activités ; je pense plus particulièrement au désenclavement numérique que j’ai déjà évoqué.

Un accompagnement de mesures fiscales doit être poursuivi, plus particulièrement dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR, ou de montagne.

M. le président. Concluez, mon cher collègue.

M. Gérard Bailly. J’en viens donc à ma conclusion, et en reste là au sujet des PME. (Marques de regret sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Cornu. C’est dommage !

M. Gérard Bailly. Je suis bien conscient de ne pas voir abordé tous les sujets,…

M. Gérard Bailly. … tous les nouveaux défis à relever par le monde rural. Cependant, d’autres collègues vont intervenir qui ajouteront d’autres idées et arguments permettant de définir des priorités, des actions indispensables, comme je viens de le faire, afin que ces territoires ne soient pas victimes de la rareté des crédits publics, de la faiblesse des investissements, notamment numériques, et du désenclavement.

Comme vous le savez, ce sont souvent les plus petits qui disparaissent et sont plus fragilisés ; d’où la vigilance nécessaire, que j’ai rappelée à plusieurs reprises dans mon propos.

Le gouvernement actuel a en son sein une ministre chargée de l’égalité des territoires, qui assurera, je pense, une veille permanente sur les territoires ruraux, plus particulièrement sur les campagnes éloignées des grandes métropoles, mais aussi en matière d’égalité fiscale, éducative et sanitaire.

M. Alain Fauconnier. Qu’en avez-vous fait ?

M. Gérard Bailly. J’ai foi dans ces territoires car, élection après élection, des élus de tous bords se battent et se dépensent sans compter pour chacune des parcelles de leur pays, de leur secteur économique et de leur production.

M. le président. Terminez, monsieur Gérard Bailly !

M. Gérard Bailly. Mais pour se battre, il faut des armes, ces armes égales apportées par la solidarité européenne et nationale.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Parlement doit aussi être vigilant, et plus encore en ces temps, pour relever ces défis.

M. le président. Vous parlez depuis vingt-cinq minutes !

M. Gérard Bailly. Je conclus. J’ai foi en toutes ces possibilités que pourra apporter la ruralité à notre pays, et que je viens de rappeler. Je pense que demain plus qu’hier, davantage encore qu’aujourd’hui, les habitants de nos métropoles et de nos grandes agglomérations auront besoin de ces espaces pour se détendre, se distraire et se reposer. Que chacun dans ce pays comprenne la complémentarité villes-campagnes, c’est mon vœu le plus cher ! Que nos territoires ruraux aient foi en l’avenir ! Comme l’a dit le général de Gaulle, « la fin de l’espoir, c’est le commencement de la mort ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, un autre débat, tout aussi important, est prévu à dix-sept heures, qui sera présidé par le président du Sénat lui-même. Je vous demande par conséquent de respecter les temps de parole qui ont été décidés par vos groupes lors de la conférence des présidents. Je fais appel à votre sens des responsabilités.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les nouveaux défis du monde rural, demandé par notre groupe, est important. Il intervient quelques jours après l’accord des chefs d’État et de gouvernement sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, qui marque une diminution globale et progressive des crédits consacrés à la politique agricole commune, de l’ordre de 13 % ; pour la France, la baisse devrait représenter 3 %.

M. Gérard Larcher. Alors que s’ouvre à la fin de cette semaine le Salon de l’agriculture, on doit s'interroger sur le sens profond de cette évolution, sur les défis généraux que doit relever le monde rural et ne pas oublier qu'il n'y a pas d’avenir pour les « campagnes », pour reprendre le titre du rapport d’information de Gérard Bailly et Renée Nicoux, sans une agriculture performante et de qualité, sans une gouvernance qui n'en fasse pas des territoires supplétifs, sans un engagement volontariste qui les équipe. Les campagnes façonnent les paysages et les rendent attractifs.

J'utilise les termes « monde rural », car c'est bien ce qui caractérise la ruralité aujourd'hui. Ce n’est pas un ensemble homogène, comme le note très bien le rapport d’information. Certains territoires ruraux attirent et se développent, en particulier certaines zones périurbaines et les parties littorales où l’héliotropisme joue un rôle important. À l'inverse, un certain nombre d'autres territoires continuent de décliner et rencontrent de réelles difficultés, qui sont notamment liées à l’enclavement géographique mais aussi technologique. Il faut remédier à cet enclavement technologique, c'est indispensable au développement du maillage des petites et moyennes entreprises sur ces territoires. Je me rappelle à ce propos les nombreux débats que nous avons eus ici sur l'accès au haut débit et au très haut débit, condition sine qua non du développement de ces territoires. (M. Jackie Pierre applaudit.)

Les territoires les plus fragiles sont d'ailleurs souvent ceux qui se consacrent à l'élevage : cela représente 55 % des exploitations et une majorité du territoire agricole. Certains de ces territoires sont-ils condamnés à un inexorable déclin ?

Trois conditions me paraissent essentielles pour relever ces défis.

Tout d’abord, la gouvernance de ces territoires. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est bien la question de la gouvernance de ces territoires qui est posée. En effet, n'en doutons pas, un certain nombre de réformes qui nous sont ici proposées conduiront ces territoires à ne plus être représentés – et c'est un élu urbain et périurbain qui vous le dit ici ! – que de manière marginale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – Mme Bernadette Bourzai et M. Alain Fauconnier s’exclament.)

Je prends l'exemple du département du Gard. Quand le territoire des Cévennes ne sera plus représenté que par un très grand canton, alors que l'ensemble de la représentation se fera le long de la côte, croyez-vous que ce territoire rural pèsera d'un quelconque poids dans la décision politique ?

M. Rémy Pointereau. Il ne pèsera rien du tout !

M. Gérard Larcher. Nous, assemblée des territoires, nous sommes l'assemblée de la correction des zones qui sont pauvres démographiquement, mais qui ont besoin d'un avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Nous allons le faire !

M. Gérard Larcher. C’est le sens profond du Sénat, qui n'est pas l'homothétie de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Luc Fichet. Et la fermeture des services publics ?

M. Gérard Larcher. En tant qu'élu urbain d'un territoire de 1,4 million d'habitants, je crois pouvoir dire que c'est la responsabilité bien particulière que nous avons ici, au Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

Mes chers collègues, l'annonce de la diminution des dotations de l'État aux collectivités territoriales…

M. Jackie Pierre. Catastrophe !

M. Jean-Luc Fichet. Dix milliards d'euros !

M. Gérard Larcher. … pèsera beaucoup moins sur la commune de Rambouillet que sur les communes voisines du sud-Yvelines ou de l'Eure-et-Loir…

M. Gérard Larcher. … où les dotations de l'État représentent 50 % du budget de fonctionnement de ces communes.

Si nous ne sommes pas très attentifs à ces communes et à ces intercommunalités rurales, au-delà du problème de la répartition des pouvoirs, c'est celui de l'avenir même de ces territoires et de leur vitalité qui sera posé.

Voilà pourquoi je voulais poser très clairement, eu égard à la responsabilité qui est la mienne, la question – essentielle ! – de la gouvernance du territoire rural. (M. Jackie Pierre ainsi que Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Daniel Dubois applaudissent.) Sinon, nos débats n'auront été qu’une succession de bla-bla et le territoire rural sera progressivement gommé au profit des territoires urbains.

M. Gérard Larcher. Cela ne signifie pas qu'il faut opposer territoire rural et territoire urbain,…

M. Gérard Cornu. Tout à fait !

M. Gérard Larcher. … bien au contraire. Le lien entre territoires ruraux et villes est tout à fait essentiel et les villes doivent considérer le territoire rural non pas uniquement comme un lieu de recréation ou d’espace, mais comme un élément majeur du développement économique du pays.

Monsieur le ministre, vous êtes sans doute, parmi les ministres, celui qui porte l'un des rares excédents budgétaires de notre pays, en tout cas en matière de commerce extérieur.

M. Charles Revet. Grâce à l'agriculture !

M. Gérard Larcher. Et cette année s'annonce plutôt bonne.

En d’autres termes, la troisième condition, au-delà de la gouvernance et de l'aménagement du territoire, c’est une agriculture performante (M. Jackie Pierre applaudit.),…

M. Gérard Larcher. … une agriculture qui produise. Quand nous prenons un certain nombre de décisions, notamment en ce qui concerne les normes, veillons à ne pas faire de l'agriculture d'aujourd'hui ou de demain la sidérurgie d'hier. Il nous faut être particulièrement attentifs à ce sujet.

Je prendrai un exemple qui peut sembler marginal, mais auquel les Bretons seront sensibles : les normes liées au bien-être animal et leurs incidences dans le secteur des poules pondeuses. En tant que vétérinaire, je sais combien le bien-être animal est important. Pourtant, nous allons assister à la disparition de 20 % des 9 000 exploitations consacrées aux poules pondeuses, tout simplement parce que les éleveurs seront financièrement dans l’incapacité de s'adapter à l'application brutale de cette norme.

M. Jackie Pierre. Tout à fait !

M. Charles Revet. C’est exact !

M. Gérard Larcher. Au-delà, nous voyons les prix pour les consommateurs augmenter et nous allons importer sans traçabilité un certain nombre de productions avicoles et de production d’œufs de pays extérieurs. On marche un peu sur la tête…

Il faut également tenir compte de la fragilité des filières et on voit en ce moment combien cette question est sensible. Se pose aussi celle du revenu agricole. Si les Yvelines sont naturellement assez peu agricoles, le sud du département est un territoire céréalier. Certes, je me réjouis que le revenu des céréaliers augmente, mais je relève que le revenu des éleveurs du Perche, tout proche de mon département, est plus de deux fois moins important, que celui des éleveurs de bovins est de 10 000 euros encore inférieurs. Je note également que, pour les maraîchers, vous avez supprimé l'exonération partielle des cotisations patronales pour ceux qui viennent aider à la récolte. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous considérons aujourd'hui que vous avez pris des décisions allant contre la compétitivité de l'agriculture française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Daniel Dubois applaudissent également.)

Monsieur le ministre, à un moment où nous devons installer de jeunes agriculteurs, il a été décidé de baisser largement – le rapport de notre collègue Gérard César l’a montré – les dotations à l'installation des jeunes agriculteurs. En fait, le territoire rural est une chance pour la France…

M. Gérard Larcher. … et c'est un défi que nous devons relever. C'est bien ce défi-là que Gérard Bailly a tracé dans ces propos.

Il faut une nouvelle agriculture intégrée qui soit orientée vers des circuits courts, vers des labels d’indication géographique protégée, les IGP, mais qui soit aussi une force exportatrice, car le monde aura besoin demain de l'Europe pour se nourrir ; ne l'oublions pas et chassons ces clichés d’une agriculture qui ne serait qu'un aménagement du territoire ou de son paysage. Nous avons besoin de cette nouvelle agriculture. Comme ancien ministre du travail, je n'oublie pas que l'industrie agroalimentaire est l'un des rares secteurs où nous avons évité la désindustrialisation. Nous devons prendre en compte cette réalité.

Monsieur le ministre, voilà pourquoi ces défis me semblent exiger une autre politique de gouvernance des territoires, c'est-à-dire de choix de représentation de ces territoires, une politique volontariste d'aménagement du territoire et, je l’affirme très clairement, d’un soutien à l'agriculture et à la filière agroalimentaire, notamment les productions animales dans les temps qui viennent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – MM. Pierre-Yves Collombat et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour que le monde rural soit mis à l’honneur aujourd'hui devant notre assemblée et que nous prenions le temps de débattre de son avenir. La question qui nous occupe est aussi vaste que complexe, aussi cruciale que d’actualité.

Il y a quelques semaines, mon collègue Gérard Bailly et moi-même avons présenté un rapport d’information sur l’avenir des campagnes pour la délégation sénatoriale à la prospective. Pour autant, aujourd'hui, nous en avons lui et moi une interprétation quelque peu différente.

M. Charles Revet. C’est normal !

Mme Renée Nicoux. Pour envisager cet avenir, il a fallu dresser un état des lieux. Il est alarmant. Ce constat nous a permis d’établir un scénario d’évolution de nos territoires ruraux inacceptable, qui conduirait, si rien n’était fait pour l’inverser, à sacrifier purement et simplement nos campagnes.

Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle est paradoxale. En effet, alors même que le dynamisme démographique des territoires ruraux est avéré depuis près de trente ans avec un nouvel exode urbain, que les Français aspirent de plus en plus à s’y installer,...

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Renée Nicoux. ... que les innovations techniques, sociales et économiques y sont de plus en plus intéressantes, alors même que beaucoup ont enfin pris conscience que les territoires ruraux sont avant tout une chance pour la France et non une charge, le risque de les voir définitivement transformés en espace de relégation n’a jamais été aussi fort.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant majeur pour ces territoires. Le contexte économique, politique et social actuel augure des changements sociétaux profonds qui, dans les prochaines années, auront un impact sur nos modes de vie.

Si les territoires ruraux ne prennent pas leur place, pleine et entière, dans des réformes qui seront inévitablement menées, ils seront condamnés. Or les défis sont nombreux.

Mes collègues qui viennent d’intervenir l’ont souligné, même si je ne partage pas tout à fait leur analyse, l’agriculture traverse une crise, certes inégale selon les secteurs, mais importante et durable. Le détricotage de la PAC, la concentration des exploitations, la régression des surfaces agricoles, le problème de renouvellement des générations sont autant de facteurs qui mettent à mal notre modèle agricole et impactent la vie et le paysage de nos territoires ruraux.

Même s’il ne faut pas que la ruralité soit réduite à la seule place de l’agriculture dans le monde rural, personne ne peut nier que ce secteur d’activité est important et joue un rôle primordial dans notre société par la production d’alimentation et par la façon dont est façonné notre environnement.

L’artificialisation des sols se poursuit. Entre 2003 et 2009, elle a affecté l’équivalent d’un département, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’aménagement du territoire, la qualité des paysages et le maintien des activités agricoles.

La crise énergétique a des conséquences profondes sur les populations rurales. Le mitage urbain génère des coûts supplémentaires en termes de transport et d’énergie. L’éloignement croissant entre le lieu de travail et le lieu de vie est de plus en plus contraignant financièrement. En effet, si un Français sur quatre réside dans une commune rurale, seul un Français sur huit y travaille.

La sociologie des populations rurales peine à se diversifier et s’accompagne d’un vieillissement global et d’un phénomène inquiétant d’immigration de la pauvreté urbaine vers les campagnes.

Les services publics de proximité se raréfient, conséquence inévitable de la révision générale des politiques publiques…

M. Jean-François Husson. On verra avec la MAP !

Mme Renée Nicoux. … qui oblige à des efforts de mutualisation souvent difficiles. Or, sans services publics, il n’y a ni attractivité ni maintien des populations.

De la même manière, l’offre de santé se rétracte dans les territoires les plus fragiles. Le groupe de travail sénatorial sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire qu’a présidé notre collègue Jean-Luc Fichet y revient longuement dans son rapport.

En somme, et j’espère que vous excuserez la noirceur du tableau que je suis en train de dresser, monsieur le ministre, mes chers collègues, les inégalités territoriales s’accroissent et nous risquons d’arriver, tôt ou tard, à un point de non-retour.

Pour autant, il n’est bien évidemment pas trop tard. Sinon, nous ne serions pas là aujourd’hui pour débattre.

La situation est paradoxale, car, malgré ces constats alarmants, une réelle prise de conscience du potentiel de nos « campagnes » a eu lieu ces dernières années.

Des projets, souvent innovants, fleurissent, portés par des acteurs dynamiques et créatifs. Des complémentarités se développent entre les territoires. De jeunes générations viennent s’installer avec de véritables projets de vie. Des filières agricoles, qualitatives et durables, se développent également, souvent portées là aussi par des jeunes.

Tous les ingrédients d’un développement harmonieux de nos territoires existent. Les graines sont en terre et c’est à nous, décideurs politiques et législateurs, de les aider à pousser.

Nous œuvrons déjà en ce sens dans nos collectivités et il est désormais temps de le faire au niveau national, dans un cadre législatif et réglementaire rénové.

Dans le rapport que nous avons présenté sur l’avenir des campagnes, nous identifions quatre leviers de croissance majeurs, indispensables à la mise en place d’une véritable politique structurelle de développement à long terme de toutes nos campagnes, dans leur diversité.

Le premier levier concerne la gouvernance de nos territoires, et donc la question cruciale de l’organisation et du pilotage des politiques publiques.

La réforme proposée se préoccupe de la proximité, nécessaire pour une meilleure prise en compte de la ruralité. Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu tout à l’heure, d’éloigner la décision des territoires.

Il est aujourd’hui indispensable de renouer avec une véritable politique d’aménagement du territoire, passant nécessairement par une simplification des normes, lesquelles ne sont pas récentes, monsieur Larcher, mais dont l’extrême profusion pénalise lourdement, non seulement les entreprises, mais aussi les communes rurales, dépourvues de moyens pour les mettre en œuvre.

M. le président. Veuillez conclure, madame Nicoux.

Mme Renée Nicoux. De même, une véritable politique nationale d’aide en ingénierie territoriale est plus que jamais nécessaire pour apporter un appui technique aux élus locaux. (M. Gérard César marque son impatience.)

Par ailleurs, il est indispensable de mener des politiques différenciées en fonction des réalités locales. En tant qu’élue d’un territoire dit de montagne, j’insiste sur ce point : les spécificités géographiques ou démographiques doivent être prises en compte. Une application indifférenciée de la loi sur l’ensemble du territoire, qui ne prendrait en compte ni les coûts ni les temps de transport, renforcerait les inégalités.

M. le président. Il vous faut conclure, ma chère collègue.

Mme Renée Nicoux. Il me semble que notre groupe accuse un certain retard dans l’utilisation de son temps de parole par rapport au groupe UMP, dont le premier orateur a dépassé de cinq minutes le temps qui lui était imparti, monsieur le président.

M. le président. Je me dois de faire respecter les décisions de la conférence des présidents.

Mme Renée Nicoux. Je souhaite terminer ! Finalement, et c’est peut-être ici le point le plus important, il faut renforcer des politiques de redistribution et de solidarité nationale, pour éviter que ne se forment des poches de pauvreté dans les territoires. Une meilleure répartition des financements est essentielle, tout comme la mise en place effective d’une véritable péréquation entre les territoires.

Le deuxième levier identifié est l’accès aux services et équipements publics.

Le troisième levier a trait à la mobilité. Le désenclavement de nos campagnes est indispensable pour leur développement. Un accès satisfaisant aux réseaux physiques, que ce soit pour les entreprises et les populations, est indispensable. Il faut donc sanctuariser les financements nécessaires pour l’entretien et le développement des dessertes routières et ferroviaires.

Le quatrième levier concerne l’accès au très haut débit. C’est une condition sine qua non de l’attractivité de nos territoires. C’est une nécessité à la fois pour maintenir ou attirer des entreprises en zone rurale, et répondre à une attente très forte de la population.

De plus, à l’heure où nous voulons développer le télétravail, la télémédecine, la téléformation ou l’e-commerce, il serait incompréhensible d’exclure ceux qui, par définition, du fait de leur isolement géographique, seraient les plus susceptibles d’y avoir recours.

Chacun le sait, et je termine par ce point, les défis qui attendent les campagnes sont nombreux et de taille. L’un des principaux est celui des moyens, alors que les campagnes disposent de nombreuses ressources, des aménités positives qui doivent être valorisées à la hauteur des services rendus à l’ensemble du pays au travers, par exemple, d’une taxe spécifique comme la taxe carbone.

Je suis certaine que le dynamisme et le volontarisme qui s’expriment chaque jour, dans nos territoires, permettront de relever ces défis, à condition de bénéficier d’un accompagnement adapté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Ma chère collègue, vous disposiez de cinq minutes, vous vous êtes exprimée pendant neuf minutes ! Je considère que majorité et opposition sont désormais à égalité. À partir de maintenant, en cas de non-respect du temps de parole, je couperai le micro.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les nouveaux défis du monde rural », tel est l’intitulé de ce débat sollicité après la remise du rapport de la délégation à la prospective par les sénateurs Renée Nicoux et Gérard Bailly. Je tiens ici à saluer la qualité de leurs travaux.

Cependant, et de prime abord, permettez-moi de constater que ce n’est malheureusement pas la première fois que nous échangeons sur ce thème. Le constat est connu et même partagé, sans que cela ait permis d’évolutions pour les territoires ruraux. Cette situation n’est plus acceptable.

Alors que les majorités gouvernementale et parlementaire ont changé le 16 juin dernier, nous attendons, au-delà de la création du ministère de l’égalité des territoires, un véritable changement, qui soit réellement profitable aux territoires ruraux et à leurs habitants.

En effet, durant les précédentes années où la droite était au pouvoir, les maîtres mots ont été ceux de l’affaiblissement de l’action publique et de la libéralisation du marché. (M. Jean-François Husson s’exclame.) Les territoires ruraux ont été les premières victimes de cette politique, qui a accentué la fracture sociale et territoriale, plaçant les territoires en concurrence les uns avec les autres, mesurant les politiques publiques à l’aune de la seule rentabilité.

C’est donc bien les conditions d’une nouvelle politique pour la ruralité et même, plus largement, pour les territoires qu’il nous faut envisager maintenant, et en urgence. Il nous faut, pour ainsi dire, passer du constat à l’action.

Je voudrais ainsi revenir sur les quatre leviers identifiés par le rapport, que je regrouperai en deux thématiques : celle de la démocratie au sein des territoires et celle des services publics.

En termes de démocratie, au sein du groupe CRC, nous avons soutenu, lors de la réforme des collectivités de 2010, et nous continuons de soutenir le rôle prépondérant des communes. Les 36 000 communes de notre pays ne sont pas un poids, mais une richesse, qui témoigne de la diversité des territoires. Ainsi, la marche forcée des intercommunalités, sous l’égide des préfets, nous semble être incompatible avec les développements des territoires ruraux, puisque cela conduit à une absorption par les villes-centres de communes plus petites. Personnellement, je défends l’idée qu’il n’y a pas d’intercommunalités fortes sans communes fortes. (Oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Gérard Le Cam. Parallèlement, les politiques de pôles ont conduit à une spécialisation des territoires et à une concentration spatiale des richesses et des investissements, laissant sur le banc des pans entiers du territoire.

Loin de remettre en cause ces logiques, la préparation de l’acte III de la décentralisation conforte cette démarche. D’ailleurs, le rapport remis, tout en reconnaissant « le rôle pivot de la commune », préconise « l’élargissement de certaines structures intercommunales à des ensembles économiquement cohérents ». Pourtant, une telle démarche contribue à éloigner toujours plus les lieux de décisions des citoyens. Je ferai également remarquer à mes collègues que ce qui doit fonder une intercommunalité de projet, ce n’est pas un périmètre économique pertinent, mais le projet politique partagé par les communes et leurs élus. Nous demandons que les communes et leurs représentants élus soient respectés. Nous déplorons ainsi que le débat sur le projet de loi relatif aux modes de scrutin n’ait pas permis une juste représentation des territoires, notamment ruraux, garantissant à la fois le respect de la parité et du pluralisme.

En ce qui concerne les dotations faites à ces mêmes collectivités, le processus engagé organise l’asphyxie des communes, au grand dam de tous les élus locaux. D’ici à 2015, ces dotations devraient baisser de 3 milliards d’euros, et ce alors même que ce sont les collectivités qui supportent majoritairement les dépenses d’investissement.