M. Gérard Le Cam. Porter atteinte au volume des dotations constitue ainsi très clairement un frein à l’essor de tous les territoires, y compris des territoires ruraux. (Eh oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Par ailleurs, nous trouvons profondément anormal que les dotations puissent varier du simple au double entre les villes et les territoires ruraux. Celles-ci doivent être impérativement revalorisées. Nous proposons donc que la nécessaire taxation des actifs financiers contribue à revaloriser les dotations des communes rurales en particulier, mais aussi des zones urbaines en difficulté. Cela devrait être possible : la DGF étant accordée par habitant, cela ne toucherait qu’un cinquième de son volume global. On pourrait ainsi estimer de manière purement comptable que, avec un milliard d’euros, la situation pourrait se régler et l’écart être résorbé. Les collectivités assument de plein fouet les conséquences de la crise ; il n’est pas opportun de les priver de ressources.

Par ailleurs, alors que les transferts de charge n’ont jamais été compensés, la réforme des rythmes scolaires va peser une nouvelle fois lourdement sur les budgets des communes.

M. Jean-François Husson. Eh oui ! Le changement, c’est maintenant !

M. Gérard Le Cam. Cette démarche, qui alourdit les charges des communes sans jamais les compenser, contraint certaines communes à réfléchir à de nouveaux transferts de compétences aux intercommunalités, faute de pouvoir y répondre par leurs propres capacités financières.

Alors que les élus de la nouvelle majorité défendaient, voilà encore quelques mois, de nouveaux moyens pour les collectivités, et s’opposaient aux transferts de charge non compensés, nous appelons le Gouvernement à revoir sa copie afin que les élus des territoires disposent enfin des moyens financiers pour mettre en œuvre les politiques pour lesquelles ils ont été élus.

M. Gérard Le Cam. En ce qui concerne la seconde thématique, celle des services publics, je dois vous dire, mes chers collègues, que je trouve amusant que l’initiative de ce débat revienne à nos collègues du groupe UMP.

Mme Laurence Rossignol. C’est cocasse !

M. Gérard Le Cam. En effet, nous devons à l’ancienne majorité nombre de lois ayant entériné la « casse » des services publics, organisant même ce que certains ont pu qualifier de désert français. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

La politique d’aménagement du territoire et de présence des services publics s’est trop longtemps opérée à la calculette, sous l’angle de la contraction de l’action de l’État, notamment dans le cadre de la RGPP, tous domaines confondus.

Je voudrais pour commencer évoquer le plus emblématique d’entre eux, s’agissant des territoires ruraux : je veux bien entendu parler de La Poste. L’ancien gouvernement a privatisé cette entreprise publique, transformé des bureaux de poste de plein exercice en simple agence postale communale ou, pire encore, en point de contact. (Mme Sophie Primas s’exclame.) Cette politique a eu des conséquences dramatiques dans les territoires. Pourquoi, alors que la majorité de gauche était à nos côtés pour combattre cette loi, voilà quelques années, les critères de présence postale n’ont-ils pas été modifiés depuis le mois de mai dernier ? En effet, aujourd’hui encore, des points sont attribués aux bureaux de poste en fonction de l’importance de leur activité. Passé en deçà de la barre des 30 000 points, le bureau se transforme en agence postale communale et la descente infernale s’engage.

Nous demandons au Gouvernement que les critères définissant la présence postale soient adaptés aux réalités rurales, dans le cadre de la convention passée entre l’État, La Poste et l’Association des maires de France.

Il en est de même pour l’hôpital. La loi HPST, que nous avons combattue sur toutes les travées de la gauche, a soumis ce service public aux règles de la rentabilité et a engagé la fermeture d’hôpitaux, opérant sous couvert de rationalisation de l’offre. En Rhône-Alpes, territoire que ma collègue Annie David connaît bien, seul cinq territoires sur les huit départements ont été identifiés par l’Agence régionale de santé, l’ARS. L’hôpital de Saint-Agrève, en Ardèche, est menacé de fermeture parce que son taux d’activité est jugé insuffisant. Mes chers collègues, pourquoi prôner, dans le même temps, la création de maisons de naissance, qui n’offrent pas les mêmes conditions de sécurité qu’un hôpital de plein exercice ? Nous vous engageons à réviser, là encore, les critères de présence territoriale et à organiser la refonte de la loi.

Il en est également de même des seuils de fermeture de classe en zone rurale : au-delà de la création de 60 000 postes, que nous soutenons totalement, il faut, là encore, sortir des logiques comptables et permettre le maintien en zone rurale de structures scolaires de proximité. Le rapport traite la présence de services publics uniquement sous l’angle du temps d’accès. Ce n’est pas suffisant. Il faut aussi renforcer la qualité même des services publics et la formation de ses agents, garantir la nécessaire maîtrise publique pour répondre prioritairement à l’intérêt général et, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, adapter la législation et les critères aux réalités rurales si spécifiques.

Le rapport traite aussi des infrastructures de réseau que sont les transports et le numérique. Là encore, mes chers collègues, je crois qu’il faut être clair et affirmer la nécessité de ne pas laisser à la seule initiative privée le choix de la localisation des réseaux.

À défaut, ce sont des pans entiers du territoire qui resteront au banc de la révolution numérique. Pourtant, les financements existent. Je vous rappelle ici que la rente du cuivre permet à France Telecom, société aujourd’hui privatisée, d’afficher un taux de profitabilité maximum, de l’ordre de 28 milliards d’euros sur cinq années. Une telle somme aurait permis le fibrage de l’ensemble du territoire…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Le Cam. Je raccourcis mon propos, monsieur le président.

Pour finir, je voudrais souligner l’importance de la revitalisation des bourgs, qui permet de ne pas empiéter inutilement sur les terres agricoles. Par ailleurs, la diversification de l’agriculture de proximité doit être favorisée. Nous serons à ce titre très attentifs aux évolutions de la PAC.

Alors que 40 % des citadins d’agglomérations de plus de 100 000 habitants souhaitent s’installer à la campagne,…

M. le président. Concluez !

M. Gérard Le Cam. … soit 8 millions de personnes aspirant ainsi à une meilleure qualité de vie, davantage en prise avec la terre et la nature, il faut que les pouvoirs publics permettent concrètement d’accueillir ces nouveaux habitants. Il faut maintenant relever le défi et poser des actes pour le changement.

En conclusion, le monde rural français mérite de nouveaux moyens et de nouveaux critères d’attribution. Les élus ruraux sauront faire le reste ; faites-leur confiance !

Un sénateur du groupe UMP. C’est mal parti !

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fondamentaliste de la ruralité,…

M. Aymeri de Montesquiou. … je suis convaincu qu’elle est synonyme de modernité. La transformation spectaculaire du monde rural ces dernières années le confirme, mais les défis qui s’offrent à lui sont nombreux. J’en retiendrai trois.

L’accès au très haut débit sur tout le territoire dans les meilleurs délais doit être l’une des priorités du Gouvernement. Nous savons le coût considérable d’un tel objectif, mais il faudrait un plan similaire au plan téléphone qu’avait lancé et réalisé le président Giscard d’Estaing pour connecter tous les Français à moyen terme – à l’époque, le coût de ce plan était aussi très élevé.

Les zones blanches, encore trop nombreuses, handicapent les zones rurales. Aucun de leurs habitants ne peut aujourd’hui vivre sans Internet : ni les agriculteurs, ni les viticulteurs, qui remplissent des déclarations désormais dématérialisées, ni les entreprises qui s’implantent en milieu rural et qui en sont dépendantes pour leur implantation et leur développement.

Quel calendrier le Gouvernement a-t-il retenu pour un aménagement numérique des territoires ruraux qui permettrait, de surcroît, d’exploiter pleinement la taille de notre territoire ?

Le Sud-Ouest, souvent touché par la sécheresse, manque cruellement de retenues d’eau. Les agriculteurs sont dans l’incapacité de récupérer et de stocker les eaux pluviales, particulièrement abondantes cette année, faute de réservoirs. Les spécialistes de l’eau estiment que la collecte de 1 % des précipitations du mois de janvier aurait assuré plus que le volume d’eau nécessaire pour l’arrosage de l’année ! La création de retenues est donc nécessaire,…

Un sénateur du groupe UMP. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. … à grande comme à petite échelle, pour augmenter la productivité à l’hectare.

Les agriculteurs sont favorables à la création de réserves d’eau et prêts à y investir. Or plusieurs freins réglementaires existent et devraient être levés :…

M. Aymeri de Montesquiou. … relèvement des seuils d’autorisation, suppression des délais de recours…

M. Aymeri de Montesquiou. … et prise en compte de mesures de compensation en cas de création de réserves sur cours d’eau ou zones humides. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

À l’échelle locale, le Gers, par exemple, a toujours favorisé la création de retenues collinaires pour l’irrigation, souvent de volume modeste. À quand la concrétisation du projet de décret prévoyant une simplification administrative pour les petits ouvrages retenant moins de 50 000 mètres cubes en les retirant de la classe D ?

À plus grande échelle, le barrage de Charlas irriguerait six départements dans deux régions ;…

M. Aymeri de Montesquiou. … projet intelligent et bien pensé, il fait la quasi-unanimité des responsables politiques de la région. Quelle est votre position sur ce dossier, monsieur le ministre ?

Un autre défi : les exportations. La France, quatrième exportateur mondial, traditionnellement grand exportateur agroalimentaire, est surclassée dans certains secteurs et talonnée dans tous les autres par l’Allemagne où, pourtant, les terres sont de moins bonne qualité, le climat moins favorable et la tradition agricole moins marquée que dans notre pays. Ce paradoxe et, donc, cette anomalie traduisent certainement les faiblesses de l’organisation et du financement de l’agriculture française.

La stratégie industrielle allemande de concentration des industries agroalimentaires, d’aide à l’export, de réduction du coût du travail a permis d’accroître la compétitivité des produits de l’Allemagne. Il s’agit là d’un exemple édifiant en faveur de la baisse de nos charges.

En effet, notre difficulté à exporter vient, dans la quasi-totalité des cas, non pas de la qualité de nos produits, mais de leur coût. Dans le secteur céréalier, ces coûts risquent de nous couper du marché international et de nous faire supplanter par les Russes ou les Ukrainiens, voire par les Kazakhs, alors qu’il existe un potentiel de développement considérable au regard de l’augmentation attendue de la population mondiale dans les vingt années à venir. Cette projection devrait rassurer nos agriculteurs, pour peu qu’on leur donne les moyens d’en profiter en baissant leurs charges.

Monsieur le ministre, vous connaissez l’agriculture. Je souhaite que vous preniez en compte ses problématiques simples, qui mettent quasiment chaque fois en cause le coût de nos productions. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Court mais efficace, comme toujours !

M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre de la ruralité, de l’agriculture, de l’agroalimentaire et d’autre chose (Sourires.),…

M. Didier Guillaume. La forêt !

M. Christian Bourquin. … mes chers collègues, quels nouveaux défis pour le monde rural ? Voilà un débat qui tombe à point nommé, dans la foulée de la publication du rapport d’information, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, qui interroge l’avenir de nos campagnes, mais aussi à la veille de l’ouverture du nouveau volet 2014–2020 de la politique de cohésion européenne.

Sur ce point, je crois qu’il serait utile de s’interroger sur l’utilisation, à l’échelon national, des investissements territoriaux intégrés. Ces derniers sont encore, pour l’essentiel, concentrés vers les villes et profitent, le cas échéant, par ricochet, à leurs alentours, ce qu’on appelle leur hinterland.

Rien pourtant ne nous empêche de recourir à cet instrument, destiné à promouvoir une approche locale de développement, pour appuyer des projets communaux ou régionaux en faveur de la ruralité. D’ailleurs, tout laisse accroire – j’en reparlerai tout à l’heure – que les habitants des villes sont loin de se désintéresser des possibilités de vie offertes loin de leurs murs, à la condition que les riantes campagnes dans lesquelles ils aimeraient désormais pouvoir s’installer soient aménagées.

Tel est, monsieur le ministre de la ruralité, le changement de paradigme que j’appelle de mes vœux. Car il est bien là, ce nouveau cadre général dans lequel on gagnerait à resituer les nouveaux enjeux d’aménagement du territoire : créer une véritable solidarité républicaine entre le monde urbain et le monde rural. Une solidarité qui serait conçue non pas comme une démarche de sauvetage d’un monde rural considéré, depuis la capitale, comme un lieu trop particulier car pas assez peuplé, mais comme une démarche visant à organiser des échanges fructueux entre nos villes et nos campagnes, à déployer de véritables projets structurants pourvoyeurs d’avenir, qui pourraient relever de l’initiative même des territoires ruraux.

Le monde rural, cela a été rappelé au cours de ce débat, représente 80 % du territoire et 20 % de la population. Cela étant posé, je pense que nous sommes tous d’accord – c’est en effet le cœur de la proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires, déposée par mon groupe et votée à l’unanimité par le Sénat – pour dire, mes chers collègues, que l’angle démographique et comptable ne doit pas structurer à lui seul une politique publique digne de ce nom pour le monde rural. Je renvoie notamment au binôme…

En outre, cette réalité territoriale rurale n’est pas homogène. Il faut distinguer ce qui relève de la ruralité – il est sur ce point très significatif d’observer que l’INSEE la caractérise par défaut, puisque l’institut considère qu’elle englobe tout ce qui n’est pas une unité urbaine ; c’est tout de même un peu fort ! – de ce qui relève de l’hyper-ruralité, laquelle se caractérise par un éloignement généralisé des services publics, de la culture, des cabinets médicaux, des universités, des pharmacies, et même des commerces de bouche tels qu’épiceries ou boulangeries.

Enfin, les territoires ruraux ne constituent pas des zones figées dans le temps. Là aussi, la donne change. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, on constate que de nouvelles populations s’y installent. Elles sont en quête d’un mode de vie plus harmonieux, plus proche de la nature, tout en exprimant le souhait de ne pas renoncer à ce que trop longtemps les pouvoirs publics ont procuré en priorité aux urbains.

Certains font ainsi le choix d’y passer leur temps libre, d’autres d’y acquérir une résidence secondaire ; d’autres encore aimeraient s’y installer à la condition de pouvoir y trouver de nouveaux équipements, un accès aux services publics, une connexion permanente avec l’extérieur, la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies de communication...

Je souhaiterais écarter d’emblée la question de l’accessibilité à ces nouvelles technologies. Non pas que l’enjeu soit ténu. Au contraire, il est l’une des conditions sine qua non de la réussite des territoires ruraux, notamment en termes d’accès au service public. Toutefois, selon moi, il n’entre pas dans le sujet du débat qui nous occupe. En effet, en matière d’accès au haut débit, les décisions ont déjà été prises : il s’agit de rattraper le retard pris dans leur mise en œuvre et non de travestir un ancien dossier pour le présenter comme un nouveau projet !

S’agissant des nouveaux défis à relever pour les territoires ruraux, deux axes de réflexion se dégagent : le premier concerne la gouvernance, le second la mise en valeur du potentiel de nos territoires.

La pertinence du choix de gouvernance pour le monde rural constitue en elle-même un enjeu important. La ruralité s’appuie encore aujourd’hui sur un découpage très traditionnel de la représentation démocratique : les communes et les cantons. Or, dans bien des cas, on constate que la commune n’est plus en capacité de répondre seule aux besoins d’aménagement. Elle n’en demeure pas moins le lieu de vie par excellence, l’espace incontournable de la proximité sociale, de l’expression républicaine et des échanges.

Toutefois, c’est bien souvent à la communauté de communes de prendre le relais en matière d’investissements et de gestion, par exemple pour acquérir et faire fonctionner des équipements lourds et coûteux, ce qui nécessite la mobilisation de capacités financières mutualisées.

De manière générale, la réflexion sur le développement gagnerait à être appréhendée au moyen d’échelles plus pertinentes, suivant la logique des bassins de vie. Tel fut le principe, par exemple, qui présida à la création des parcs naturels régionaux. Je constate d’ailleurs que ces derniers tendent à être désormais perçus par certains observateurs comme des outils de protection au sens strict. Il s’agit d’une bien étrange vision, étriquée, appauvrie, réductrice... Voilà qui est bien dommage !

En ce qui concerne les bassins de vie, nous pourrions également, avec profit, veiller à leur intégration dans un ensemble plus large, irrigué par les réseaux de transports, les flux et les échanges économiques avec les agglomérations et accueillant des espaces de loisirs... Telle est la vision développée dans la révision du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, le SRADDT, que j’ai conduite dans ma région, en Languedoc Roussillon,…

M. Christian Bourquin. … comprenant – je le précise en particulier pour vous qui appréciez – notamment la définition des avant-pays.

M. Christian Bourquin. À titre d’exemple, et avant que vous disiez « Bravo ! » (Sourires.), je citerai la Lozère et les cinq aéroports du Languedoc-Roussillon. Ces derniers, qui ne sont pas en Lozère – l’aéroport le plus proche se trouve à 180 kilomètres –, lui procurent pourtant un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros par an. C’est cela, l’unité régionale.

M. Christian Bourquin. Je vous remercie d’apprécier. (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Vous êtes bon !

M. Christian Bourquin. J’aimerais évoquer – rapidement, car le temps me manque et vous me faites dévier de mon propos (Nouveaux sourires.) – les atouts du monde rural.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Christian Bourquin. Ils sont nombreux, monsieur le ministre.

M. Christian Bourquin. Vous les connaissez, je le sais.

Le monde rural et son mode de vie…

M. le président. Je vais être obligé de couper votre micro, mon cher collègue !

M. Christian Bourquin. Je vous demande juste quelques instants, monsieur le président.

Le monde rural et son mode de vie sont attrayants. Je l’ai déjà évoqué : certains souhaitent s’y installer, d’autres y passer leurs loisirs. Les besoins que les uns et les autres expriment vont toujours dans le sens de la qualité de vie, et donc du maintien des services et du maillage territorial.

Le maintien des activités agricoles constitue également un enjeu fort, non seulement en termes d’emplois dans le secteur même de la production et dans celui de l’agroalimentaire afférent, mais aussi en termes d’entretien des paysages. Avec une exploitation agricole qui disparaît, c’est tout un espace qui se referme. Toujours dans ma région, en Languedoc-Roussillon, nous savons ainsi très bien que l’arrachage de la vigne constitue un désastre pour l’emploi, pour l’économie vinicole,…

M. Didier Guillaume. Tout à fait !

M. Christian Bourquin. … mais aussi un repoussoir pour tous ceux qui viennent s’inspirer et s’imprégner de la culture méditerranéenne.

M. Christian Bourquin. Mais je pourrais aussi parler de la Bretagne (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Dans cet hémicycle, nous sommes les représentants de toute la France ! Quand un marais se referme, les inondations et la pollution surviennent rapidement !

En outre, le monde rural est riche d’avenir et de la promesse d’une transition énergétique aboutie et de la création d’emplois pérennes. Je pense à l’eau, au bois, à la pêche, à la chasse,…

M. Gérard Larcher. Tout à fait !

M. Christian Bourquin. … toutes ces activités qui font vivre le territoire.

Pour conclure – M. le président va vouloir que j’achève là –,...

M. le président. Effectivement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Déjà ? (Sourires.)

M. Christian Bourquin. … je souhaite à notre ruralité des projets ambitieux, valorisants, résolument modernes. Je souhaite que le prochain rapport de prospective du Sénat qui les concernera, contrairement à celui qui vient d’être rendu, tout aussi excellent et lucide soit-il, n’aborde plus la question du moins pire des scenarii à envisager, mais celle du meilleur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, voilà tracées quelques pistes pour l’avenir de la ruralité en France ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Jacques Blanc est de retour ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la succession va être difficile à assurer… Mon prédécesseur ayant cité, au titre des territoires français, des espaces ruraux, la Bretagne, je songe aux espaces maritimes, lesquels, bien que n’entrant pas dans le cadre du présent débat, font partie de la ruralité au sens large.

M. Christian Bourquin. Il faut penser à la Méditerranée !

M. Joël Labbé. La France demeure un espace essentiellement rural, maillé par près de 30 000 communes rurales. Elles en font la richesse et représentent 78 % du territoire métropolitain et 22 % de la population.

Comme le dit la prospectiviste Édith Heurgon dans le récent rapport d’information sur l’avenir des campagnes : « On ne peut dissocier l’avenir des campagnes de l’avenir des villes. L’un des défis du monde contemporain est justement de réinventer nos territoires vers des devenirs souhaitables – des devenirs plutôt que des avenirs, d’ailleurs. Et si l’avenir est ce que nous prévoyons, le devenir est ce que nous construisons ensemble. »

Construire ensemble implique de partager certains constats. Je partage celui qui est établi dans le rapport, au demeurant fort complet – je salue à cette occasion le remarquable travail réalisé –, selon lequel les profils économiques de l’espace rural et de l’espace urbain ne sont pas si différents.

Il apparaît que les services, suivis par l’industrie, sont les premiers pourvoyeurs d’emploi dans ces deux catégories d’espaces. Sans surprise, l’agriculture tient une place particulière à la croisée de ces espaces. Sans surprise une fois de plus, l’emploi agricole subit, hélas ! une érosion continue, qui doit être rapprochée de l’augmentation de la taille des exploitations. Pour ce qui concerne l’industrie, en dépit de la tendance générale, les implantations rurales résistent à la désindustrialisation, notamment en raison de délocalisations d’établissements en provenance des villes. C’est une chance. Mais ce sont les activités tertiaires qui progressent le plus, avec une croissance annuelle de 2 % dans l’espace à dominante rurale. Or, à la différence de l’espace urbain, les services y sont presque exclusivement tournés vers la population locale : petit commerce, santé, administration...

La nécessaire redynamisation des espaces ruraux doit pouvoir s’appuyer sur le réseau des petites et moyennes villes et des bourgs dotés d’équipements structurants et de l’ensemble des services rendus à la population. De ce point de vue, la généralisation du haut débit est attendue avec impatience. Les territoires ruraux doivent rester, comme actuellement, une chance pour la France.

Ce sont des espaces où l’expérimentation de terrain, l’innovation, le besoin d’interactivité et d’une logique de recherche, qui ne soit pas que descendante, sont très importants. Et ce constat vaut pour toutes les activités économiques. Mais j’aborderai plus particulièrement le développement agricole de ces territoires.

Tout d’abord, les attentes environnementales sont au cœur des demandes de la société. Elles pourraient et devraient de ce fait constituer un moteur économique fondamental, les activités agricoles devant être réorientées afin d’y répondre.

Un nouveau modèle agricole est nécessaire. Il devrait s’appuyer, notamment, sur une agriculture nouvelle – que vous appelez, monsieur le ministre, agro-écologie –, qui doit prendre en compte l’environnement et reposer sur une protection des espaces multifonctionnels, en premier lieu de ceux qui remplissent une fonction dans le maintien durable des ressources naturelles que sont, en particulier, la reproduction de la fertilité et la lutte contre les ravageurs. Les espaces agricoles gagneraient ainsi en fonctionnalité écologique et permettraient une restauration des espèces communes et remarquables qui en dépendent. Il s’agit de rendre possible le développement d’une agriculture qui ne subit pas les nécessaires normes environnementales comme autant de contraintes mais qui, au contraire, tout en produisant, devient une activité essentielle pour la préservation des équilibres et de la biodiversité. Il s’agit également de favoriser une agriculture de proximité qui répond à la demande de produits alimentaires locaux, sains et de qualité.

Or l’un des freins au développement de ce type d’agriculture est constitué par la pression urbaine, qui entraîne notamment une surévaluation du prix du foncier. Aujourd’hui, il devient urgent d’adopter une stratégie d’aménagement du territoire dans laquelle mondes urbain, rural et agricole se rencontrent davantage afin, en particulier, de favoriser le développement d’une agriculture de proximité par la mise en œuvre de projets viables, cohérents et concertés.

Réformer la politique foncière agricole est certes un défi lourd, mais c’est aussi un formidable levier pour faire évoluer notre modèle agricole et de production afin qu’il soit plus acceptable socialement, économiquement viable et durable.

Le productivisme agricole qui s’appuie sur l’agrochimie, la financiarisation des matières premières et la transformation nous mène droit dans le mur. Aujourd'hui, les éleveurs sont acculés. Les abattoirs de proximité ferment. Tel est le cas en Bretagne.

Les écologistes le réaffirment : la sécurité alimentaire et la traçabilité des produits sont une priorité de santé publique. Et notre législation doit être améliorée sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste – MM. Jean Boyer et Henri Tandonnet applaudissent également.)