M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans le cadre du plan de résolution bancaire, les dispositions du projet de loi de séparation et de régulation apportent bien la garantie des actionnaires et des créanciers des banques : ceux-ci seront mis à contribution. En revanche, l'hypothèse d'une garantie des principaux dirigeants, notamment des traders, n'est pas évoquée, en cas de résolution.

Cet amendement vise donc à impliquer personnellement les dirigeants des banques et les traders dans le coût financier du sauvetage de leur établissement en cas de crise. Il a également pour objet de faire figurer dans les contrats de travail les conditions dans lesquelles les preneurs de risques renoncent à tout ou partie de leur rémunération variable, y compris les retraites chapeau.

Actuellement, rien n'oblige ces preneurs de risques à supporter le coût des décisions qu'ils ont prises. Leur rémunération est acquise quoi qu'il arrive. Ils ne sont donc pas incités à la prudence.

L’amendement que je propose introduit en quelque sorte une forme de franchise d’assurance dans la rémunération des dirigeants et des traders. En cas de sinistre bancaire, ils devront payer la franchise.

J'ajoute que l’ACPR vérifiera si cette franchise est fixée à un niveau significatif.

Monsieur le président, avec votre autorisation, je donnerai d'emblée mon point de vue sur le sous-amendement n° 280 du Gouvernement. Il est précisé dans l'amendement que les contrats en cours devront être modifiés dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Cette disposition pose à l'évidence un problème juridique et administratif. J’accepte donc sa suppression. Je souhaite cependant que le Gouvernement s'engage à introduire ladite disposition, si l'expertise approfondie proposée par M. le ministre est positive.

M. le président. Le sous-amendement n° 280, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rect.

Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. L’amendement n° 1 rectifié est conforme aux intentions du Gouvernement.

Toutefois, l'application de la mesure aux contrats en cours soulève de possibles difficultés, puisqu'il s'agit d'intervenir dans des contrats de travail de salariés. Il me semble plus raisonnable de ne pas accepter cette disposition sans qu'une expertise préalable de son impact ait été menée.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement qu’il présente et qui vise à supprimer la dernière phrase du II relative aux contrats en cours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Nous avons déjà abordé la question des rémunérations, de la partie fixe et de la partie variable, et j’avais alors indiqué que nous serait soumis un amendement visant à supprimer totalement ou partiellement le versement de ces compléments de rémunération pour les entreprises en situation de résolution.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, modifié par le sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 280.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 30

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 31

Supprimer les mots :

au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 178 rectifié que nous avons déposé à l’article 6.

Les sénateurs du groupe UDI-UC ont des doutes quant au rôle du Fonds de garantie des dépôts et de résolution dans ce nouveau dispositif. Nous avons déjà pu exposer nos interrogations à ce sujet, notamment sur la protection des épargnants et des déposants. Il s’agit donc de dissocier le Fonds des dispositions relatives à l’ACPR.

Nous l’avons souligné : ce Fonds agit comme une assurance. Or toutes les banques n’y souscrivent pas. Quelle en est la conséquence ? Ce sera aux banques prudentes de financer la prise de risque des banques les moins prudentes. Ce phénomène porte un nom, l’aléa moral, ce même aléa moral que le texte entend combattre.

Nous nous interrogeons donc sur l’opportunité de faire courir aux déposants un risque majeur causé par une résolution qui se passerait mal en attribuant au Fonds deux missions différentes. N’aurait-il pas été plus opportun de créer un fonds alternatif pour appuyer les procédures de résolution ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. La commission avait demandé le retrait de l'amendement n° 178 rectifié, ce que M. de Montesquiou a accepté de faire. Aussi, par coordination, elle demande le retrait de l’amendement n° 179 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 179 rectifié est-il maintenu ?

M. Aymeri de Montesquiou. Je tiens à manifester mon étonnement devant le fait que certaines banques souscrivent alors que d'autres ne souscrivent pas.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président. Mais j'aurais souhaité avoir une réponse du Gouvernement !

M. le président. L'amendement n° 179 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

« c) En troisième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances émis, l’application de cette disposition concernant les obligations autres que celles dont le contrat d’émission prévoit qu’en cas de liquidation de l’émetteur, elles ne seront remboursées qu’après le désintéressement des créanciers privilégiés et chirographaires pouvant être reportées jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation équivalente au niveau de l’Union européenne.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’article 7 du projet de loi prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ».

Les dettes dites « seniors » sont en revanche exclues de la liste, et cet oubli est lourd de conséquences, car la possibilité pour les créanciers d’absorber les pertes constitue le seul moyen d’éviter que ces dernières ne soient supportées par le contribuable.

Or les seuls actionnaires et détenteurs de dette « subordonnée » et « junior » s’avéreront vite insuffisants en cas de défaillance d’un établissement financier.

Ne pas inclure les dettes « seniors » des banques dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution revient donc à renoncer à casser l’aléa moral.

Il est ici important de noter que les mécanismes de résolution bancaire envisagés aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou au niveau de l’Union européenne prévoient tous de donner le pouvoir à l’autorité de résolution d’imputer des pertes aux créanciers seniors.

Le texte du présent projet de loi est donc le seul, pour le moment, à faire exception à ce niveau.

Dans un but d’articulation de la loi française avec la réglementation en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne sur ce sujet, il est possible de prévoir une entrée en vigueur de cette disposition concomitamment avec la réglementation européenne, mais il est indispensable que la règle soit posée par la loi française, car l’impossibilité de faire supporter le poids de pertes éventuelles à l’ensemble des créanciers aurait comme conséquence de faire porter ces pertes par le contribuable.

Avouez tout de même qu’il serait paradoxal que le renforcement des pouvoirs et compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel aille de pair avec une sollicitation probablement aussi significative qu’auparavant des deniers publics.

Il serait dommage de donner des prérogatives à l’ACPR pour avoir le bonheur de rejouer le psychodrame du Crédit Lyonnais à la première faillite bancaire venue...

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Après le mot :

imputées

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La rédaction actuelle du projet de loi permet de faire supporter les pertes de la banque aux créanciers juniors et subordonnés, mais non aux créanciers seniors. Cette disposition, qui doit être prise au niveau français et européen, est pourtant essentielle pour assurer à nos concitoyens que ceux qui bénéficient aujourd’hui des possibilités offertes par la spéculation seront aussi ceux qui en assumeront les risques en cas de nouvelle crise.

Il peut paraître choquant que tous ceux qui ont profité des investissements risqués en période faste soient à l’abri des conséquences des risques pris.

En n’intégrant pas la possibilité de faire supporter les pertes éventuelles aux créanciers dits « seniors », le projet de loi français est très en retrait sur divers dispositifs ou projets de dispositifs de résolution ayant le même objet : projet de directive européenne ou dispositifs de rétablissement et de résolution bancaire aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Danemark.

Ce souci des intérêts des créanciers privés des établissements financiers à finalité spéculative est touchant, mais moins que ne pourrait l’être celui des finances publiques et du contribuable français.

M. le président. L’amendement n° 191 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) En quatrième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les autres valeurs mobilières représentatives de créances. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Ces mesures s’appliquent de manière égale entre créanciers de même rang, en réduisant le montant en principal de ces créances ou l’encours exigible à leur titre dans une égale mesure proportionnellement à leur valeur ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à inclure la dette senior dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution.

Avouez, mes chers collègues, que cette disposition prend un peu de relief dans la période actuelle.

Le projet de loi, dans sa rédaction présente, prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ». Les dettes dites « seniors », qui bénéficient d’un privilège de remboursement, sont pour l’instant exclues de la liste des outils financiers mobilisables.

Notre amendement vise à permettre à l’autorité de résolution, à l’instar de ce qui a été fait en Grande-Bretagne et aux États-Unis, d’intégrer les créances de dette senior parmi celles que les banques peuvent appeler.

Ce ne serait pas, pour l’autorité de résolution, une obligation, mais une simple possibilité. Nous considérons donc que cet amendement ne fragilise pas l’équilibre du projet de loi, puisqu’il ne crée pas une sanction automatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Ce débat sur la participation de tous les créanciers au comblement de passif, ou bail-in, est important.

La commission a émis un avis de sagesse négative sur ces amendements, considérant qu’ils permettaient d’engager un débat important mais que les réponses qu’ils apportaient n’étaient pas pleinement satisfaisantes.

L’article 7 du projet de loi prévoit que les pertes d’un établissement en résolution sont imputées, dans l’ordre, sur les actionnaires, les détenteurs de titres hybrides, puis certains créanciers dits subordonnés.

Je vous rappelle que, dans la hiérarchie des titres, on trouve au sommet les obligations sécurisées, puis les créances garanties par des sûretés – mobilières et immobilières –, les créances ordinaires ou chirographaires, au sein desquelles on trouve les dépôts, les titres subordonnés – ce que l’on appelle la dette « junior » –, les prêts et titres participatifs, les titres super-subordonnés et, enfin, les actions. Le terme de dette senior est imprécis, car il renvoie non seulement aux créances ordinaires, mais aussi aux créances garanties et privilégiées.

Le présent amendement vise à inclure l’ensemble des créanciers dans le dispositif, y compris les créanciers ordinaires et les créanciers privilégiés.

Il s’agit d’une évolution à laquelle je suis, sur le principe, plutôt favorable.

À ma connaissance, les négociations qui se déroulent au niveau européen s’orientent plutôt dans ce sens. À terme, cette solution me semble d’ailleurs la seule capable de nous prémunir contre un appel de fonds publics d’importance, la dette senior représentant une part considérable de l’ensemble des titres.

Cependant, il ne me semble pas opportun de la prévoir dans le texte français à ce stade pour deux raisons.

D’une part, il conviendrait d’en préciser les contours techniques. Quels créanciers privilégiés veut-on inclure ? Veut-on inclure les dettes de court terme, nécessaire au refinancement des banques ? Veut-on, surtout, inclure les déposants, qui ne sont rien d’autre que des créanciers de la banque ?

D’autre part, cette discussion est déjà bien engagée à Bruxelles, même si elle n’est pas finalisée, et il me semble prudent d’attendre d’avoir le texte européen définitif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Je soutiens moi aussi la philosophie de ces amendements, mais il me semble que l’inscription de ces mesures dans la loi n’est pas souhaitable à ce stade.

Premièrement, l’implication des créanciers seniors, c’est-à-dire les créanciers obligataires ne bénéficiant d’aucune garantie particulière, mais aussi des dépôts, est en cours de discussion au niveau européen dans le cadre de la directive « résolution ». Il me paraît donc plus sage d’attendre que les choses se consolident à Bruxelles.

Deuxièmement, si j’ai eu l’occasion d’affirmer publiquement, lors des débats à l’Assemblée nationale, en commission des finances comme en séance, que la France soutenait l’implication des créanciers seniors dans le processus de résolution, il ne me semble pas pour autant souhaitable d’inclure dès à présent cette disposition dans la loi, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, attendons le consensus européen sur le périmètre du bail-in, sans aller au-delà de ce qui figure à ce stade dans le projet de loi. Ces débats européens, auxquels je participe, sont loin d’être stabilisés et il me paraît donc plus prudent d’attendre l’adoption de la directive.

Ensuite, le projet de directive lui-même prévoit des exceptions à l’endroit des dépôts couverts par des garanties afin de protéger les déposants et d’éviter les risques de panique ou de run, encore illustrés par les événements survenus récemment.

Ces exceptions sont nécessaires pour la stabilité financière et la protection des déposants et nous devons les prendre en compte.

Enfin, cette disposition peut avoir un effet important sur l’accès des banques au financement et sur son coût. Il faut prendre en compte l’impact d’une telle mesure sur le financement des banques, et donc sur le financement de l’économie.

À cet égard, mon souci est toujours le même : oui, réformer, contrôler, réguler, maîtriser, mais ne pas pénaliser unilatéralement le financement de l’économie française.

Le dispositif de directive lui-même prévoit un dispositif spécifique pour l’entrée en vigueur du bail-in. Le report à 2018 doit permettre de prendre en compte ses effets possibles sur le financement bancaire, car nous ne sommes pas en mesure de le prévoir immédiatement.

Dans le cadre des négociations en cours sur le projet de directive, nous participons activement aux travaux pour trouver rapidement un consensus sur ce sujet sensible. Je souhaite que la directive retienne un périmètre large, tout en reconnaissant des exceptions nécessaires pour la stabilité financière, notamment en excluant les dépôts des particuliers.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à retirer ces trois amendements. À défaut, et même si le Sénat est une assemblée sage, par définition, je dirais que ma sagesse est peut-être encore plus négative que la vôtre, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 92 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Sur ces trois amendements en discussion commune, je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Madame Rossignol, l'amendement n° 191 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Je me satisfais des explications que vient de donner M. le ministre. Elles témoignent d’une convergence d’intentions et apportent un certain nombre d’éléments complémentaires et sérieux, qui justifient en eux-mêmes le dépôt de cet amendement.

Pour ce qui me concerne, je n’ai nul besoin d’une demande de scrutin public pour m’inciter à retirer un amendement, ce que j’ai déjà su faire à plusieurs étapes du débat, lorsque le Gouvernement m’a convaincu.

Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 191 rectifié bis est retiré.

Monsieur Caffet, la demande de scrutin public du groupe socialiste est-elle maintenue sur les amendements nos 92 et 49 rectifié ?

M. Jean-Pierre Caffet. Je n’en suis pas à l’origine, mais il ne me semble pas nécessaire de procéder par scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

Dans l’examen des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 7, à deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

II. – Après l’alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... – Durant la procédure de résolution, il est interdit à la société de distribuer tout dividende aux actionnaires ou de rémunérer des parts sociales aux sociétaires de ces établissements.

La parole est à M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Le projet de loi donne à l’Autorité de contrôle le pouvoir d’apprécier si l’interdiction de distribution de dividendes ou de rémunération des sociétaires d’un établissement durant la procédure de résolution est justifiée.

Cet amendement tend à interdire ces distributions de manière automatique tant que la procédure de résolution n’est pas arrivée à son terme.

Mme la présidente. L'amendement n° 259, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

II. - Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... - Lorsqu'un établissement est soumis à la procédure de résolution, il ne peut pas être procédé à la distribution de dividende aux actionnaires ni à la rémunération de parts sociales aux sociétaires. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je comprends bien l’esprit de ces deux amendements. Au fond, il s’agit d’une mesure de bon sens.

La commission estime cependant qu’il vaut mieux laisser à l’ACPR la possibilité d’apprécier au cas par cas. Il peut en effet arriver que la possibilité de distribuer un dividende attire de nouveaux actionnaires, qui seront intégrés au mécanisme de résolution et qui reprendront, par exemple, une filiale ou une partie d’un groupe sous le coup d’une procédure de résolution.

Il ne s’agira sans doute pas du cas le plus fréquent, mais cela pourrait arriver. Dans ces conditions, la distribution d’un dividende peut s’avérer utile. La commission demande donc le retrait de ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.

Monsieur Desessard, l’amendement n° 259 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 259 est retiré.

L'amendement n° 273, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 46

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV bis. – Les mesures prévues au 4° et 5° du I du présent article, lorsqu'elles ont pour effet de transférer une partie mais pas la totalité des actifs, droits et obligations d'une personne soumise à une procédure de résolution à une autre personne, ne peuvent affecter le fonctionnement des systèmes visés à l'article L. 330–1 ni les règles de ces systèmes.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur. C’est un amendement technique qui vise, en cas de transfert ou de cession de certains actifs d’une banque vers un autre établissement, à assurer la continuité des systèmes de paiement afférents aux actifs concernés. Il s’agit là de simple bon sens technique.

M. François Marc. C’est une bonne idée !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 613-31-17. - I. - Les mesures mentionnées à l'article L. 613–31–16 sont prises dans le cadre d’une procédure contradictoire dont les modalités sont fixées par un décret en Conseil d’État. En cas d'urgence, les mesures mentionnées à l'article L. 613–31–16 peuvent être prises à titre provisoire après avis du Conseil d’État. »

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. L’un des défauts majeurs de la rédaction de ce projet de loi réside dans l’absence d’une définition du risque systémique.

Le Gouvernement a cherché à pallier ce manque en laissant à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, au moyen de pouvoirs exorbitants du droit commun, la charge d’évaluer le risque systémique au cas par cas.

L’ACPR pourra interdire à un groupe de mener certaines activités ; elle pourra également conduire l’équipe dirigeante à partir, voire mettre en œuvre la procédure de résolution – le « testament bancaire », en quelque sorte – des banques soumises à son contrôle. Un tel pouvoir est totalement sidérant !

On n’a jamais vu une décision administrative mettre en jeu des milliards d’euros ni le sort de milliers de nos concitoyens. On n’a jamais vu non plus une telle décision être prise en l’absence de procédure contradictoire !

Le texte de l’article 7 nous explique en effet que l’urgence joue contre le succès d’une procédure de résolution, et que l’on ne saurait donc retarder la mise en œuvre de certaines dispositions sans nuire à l’ensemble de la procédure.

Nous ne partageons pas ce constat. Une procédure aussi lourde que la résolution, manifestement comparable, dans ses conséquences, à une sanction administrative, nous semble entrer dans le champ des stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment de son article 6, dont l’application a prospéré jusque dans la jurisprudence du Conseil d’État.

Dès lors, en l’absence d’aménagement visant à la rendre plus contradictoire, cette procédure, dans sa rédaction actuelle, s’avérera contre-productive : elle suscitera un contentieux particulièrement important devant le juge administratif, contentieux qui ne pourra que nuire aux dispositions d’urgence.

Nous proposons donc un léger aménagement de l’article 7, de manière à renforcer les garanties de respect du principe du contradictoire et des droits de la défense face aux décisions de l’ACPR.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement.

Le caractère contradictoire de la procédure est déjà prévu à l’article 7, alinéa 48. Les mesures de résolution doivent faire l’objet d’une procédure contradictoire, sauf urgence.

S’il peut arriver que l’ACPR doive agir en urgence au début de la procédure de résolution pour les raisons que nous avons déjà évoquées, une fois cette période terminée, le droit normal, celui de la procédure contradictoire, reprend pleinement effet. La commission estime donc que votre amendement est satisfait, monsieur Delahaye.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l’amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 9

Article 8

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 517-5, la référence : « L. 612-34 » est remplacée par la référence : « L. 612-35 » ;

2° Le II de l’article L. 612-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle a soumis à son contrôle l’une des personnes mentionnées aux 1° à 3° du présent II, la section 2 du chapitre III du présent titre est applicable. » ;

3° Le III de l’article L. 612-16 est abrogé ;

4° L’article L. 612-34 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La rémunération de l’administrateur provisoire est fixée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elle est prise en charge, ainsi que les frais engagés par l’administrateur provisoire, par la personne auprès de laquelle il est désigné.

« En cas de désignation d’un administrateur provisoire, les engagements pris au bénéfice d’un dirigeant suspendu par l’établissement lui-même ou par toute entreprise contrôlée ou qui la contrôle, au sens des II et III de l’article L. 233-16 du code de commerce, et correspondant à des éléments de rémunération, à des indemnités ou à des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de ses fonctions, ou postérieurement à celles-ci, ne peuvent donner lieu à aucun versement pendant la durée de l’accomplissement de sa mission. » ;

b) (Suppression maintenue)

c) Le II est ainsi modifié :

– après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : « ainsi que les frais engagés par celui-ci » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les fonds disponibles de la personne auprès de laquelle un administrateur provisoire a été désigné par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n’y peuvent suffire immédiatement, le Trésor public, à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fait l’avance de la rémunération et de l’ensemble des frais engagés par l’administrateur provisoire. » ;

5° Le second alinéa de l’article L. 613-24 est ainsi rédigé :

« Lorsque la situation laisse craindre à terme une incapacité de l’établissement de crédit ou d’une des personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à assurer la rémunération du liquidateur ainsi que les frais engagés par celui-ci, le fonds de garantie des dépôts et de résolution ou le Trésor public peuvent, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 612-34, décider d’en garantir le paiement. » ;

6° Aux deux premiers alinéas de l’article L. 613-27, après le mot : « avis », il est inséré le mot : « conforme ».