Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Après avoir longuement débattu – de nombreux exemples ont été évoqués à cette occasion –, la commission a considéré que le dispositif proposé serait inefficace dans la lutte contre le racolage, tant sur internet que sur la voie publique.

Prenons le cas de prostituées faisant du racolage à proximité d’un internat pour jeunes adolescents. Si ces jeunes sont tentés d’aller voir les prostituées, il y a effectivement un souci, mais qui renvoie avant tout – plusieurs intervenants l’ont souligné – à un problème d’éducation. Le respect entre les hommes et les femmes, le respect entre les sexes, cela doit s’apprendre très tôt. Ce n’est tout de même pas la faute des prostituées s’il y a eu des carences dans l’éducation des adolescents !

D’autres ont également évoqué le cas des jeunes filles qui se font aborder dans la rue sur le thème : « C’est combien ? ». Mais ce ne sont pas les prostituées qui les abordent, ce sont des « clients » potentiels. Faut-il contraventionnaliser les prostituées parce que des hommes se croient autorisés à aborder et à mettre mal à l’aise n’importe quelle jeune fille dans la rue ?

L’adoption d’un tel amendement rétablirait, me semble-t-il, la confusion que nous cherchons à combattre. Alors que la prostituée est une victime, nous créerions un dispositif tendant à en faire l’auteur d’une infraction et à la « punir ». Je rappelle que l’exercice de la prostitution n’est pas illégal aujourd'hui.

En revanche, je persiste et signe : l’acte sexuel sur la voie publique n’est pas autorisé ; c’est donc sur cette base que peuvent intervenir les forces de sécurité et la justice.

Toutefois, l’instauration d’une contravention relevant du pouvoir réglementaire, la commission n’a pas souhaité se prononcer sur cet amendement, même si j’y suis défavorable à titre personnel. Elle souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement. Dans notre esprit, cela signifie en l’occurrence lui demander solennellement de prendre un engagement pour aller plus loin et avancer réellement sur le texte que nous attendons tous contre le proxénétisme et la traite des êtres humains.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur, l’amendement que vous avez déposé nous met tous un peu mal à l’aise. Je comprends votre inquiétude et, pour être franche, je la partage – c’est précisément pourquoi je prendrai tout à l’heure un engagement –, mais votre disposition n’est pas cohérente avec notre souci de considérer les prostituées non plus comme des coupables, mais comme des victimes.

M. Jean Desessard. Exactement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dans le cadre de cette conception philosophique, il n’est pas souhaitable d’instaurer une amende, à l’instar de ce qui prévalait jusqu’en 2003, pour remplacer la mesure qui vient d’être supprimée.

Même si le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur votre amendement, il soutient l’abrogation du délit de racolage passif, comme il s’y était engagé. Cette position nous oblige donc à présenter le plus rapidement possible un projet de loi global que tous les membres de la Haute Assemblée appellent de leurs vœux et auquel je suis extrêmement attachée.

Je sais que vous-même et Mme Jouanno êtes chargés de préparer un rapport sur la situation sociale des personnes prostituées dans le cadre d’une mission d’information sénatoriale. Aujourd'hui, vous comprendrez qu’il me semble prématuré d’avancer sur des sujets autres que l’abrogation du délit de racolage passif. En tout cas, sachez que nous serons extrêmement ouverts, attentifs, à l’écoute et que nous espérons aboutir à un texte global sur la lutte contre la prostitution d’ici à l’automne prochain.

Mme la présidente. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Je constate que Mme la ministre partage mon inquiétude. Mon objectif n’était évidemment pas de faire des personnes prostituées des coupables. Simplement, la verbalisation du racolage n’ayant jamais été mise en cause depuis 1939, il risque d’y avoir un vide juridique.

Par ailleurs, je n’ai pas encore exprimé ma position sur la pénalisation ou la verbalisation du client, mais je considère que toutes ces mesures doivent former un tout.

Cela étant, compte tenu des assurances qui viennent de m’être données – je n’ai aucune raison de ne pas vous faire confiance, mesdames les ministres –, je retire mon amendement, tout en réitérant le souhait que la présente proposition de loi ne soit pas adoptée avant le vote de la grande loi en préparation.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'abrogation du délit de racolage public
Articles additionnels après l’article 2

Article 2 (nouveau)

I. – A l’article 225-25 du code pénal, les mots : « , à l’exception de celle prévue par l’article 225-10-1, » sont supprimés.

II. – Au 5° de l’article 398-1 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…– Au 2° du I de l’article 225-20 du code pénal, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Mme Virginie Klès, rapporteur. J’en reprends le texte.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 11, présenté par Mme Virginie Klès, au nom de la commission des lois, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 10.

Vous avez la parole pour le défendre, madame la rapporteur.

Mme Virginie Klès, rapporteur. Cet amendement, très technique, vise à réparer un oubli de la commission des lois.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je salue la réactivité de Mme la rapporteur. Il est effectivement souhaitable que cet amendement de coordination soit adopté.

Lorsque nous élaborons des textes législatifs, nous devons souvent tirer les conséquences des décisions que nous prenons sur d’autres dispositions de notre droit. En l’espèce, grâce à la vigilance de M. Courteau, la Haute Assemblée va pouvoir se prononcer sur un article relatif aux peines complémentaires dans lequel figure une référence au racolage passif, au moment où elle semble sur le point d’abroger une telle incrimination.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

M. Michel Savin. Nous ne participons pas au vote.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'abrogation du délit de racolage public
Article 3 (nouveau) (début)

Articles additionnels après l’article 2

Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Du recours à la prostitution » ;

2° L’article 225-12-1 est ainsi rédigé :

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’un avantage ou d’une promesse de rémunération, de la part d’autrui des contacts physiques ou des relations de nature sexuelle, de quelque nature qu’ils soient, est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende lorsque les contacts physiques ou les relations sexuelles, de quelque nature qu’ils soient, sont sollicitées, acceptées ou obtenues de la part d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. » ;

3° À l’article 225-12-3, les mots : « par les articles 225-12-1 et » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et à l’article ».

II. – Au sixième alinéa de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les mots : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».

III. - Les dispositions du I et II entrent en vigueur six mois après promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Je ne vais pas vous mentir, c’est un plagiat revendiqué de la proposition de loi Geoffroy-Bousquet, qui est elle-même la transcription fidèle des recommandations contenues dans le rapport de nos deux collègues députés sur l’abolition de la prostitution et la reprise de la proposition de résolution votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en ce sens.

Il s’agit de mettre en place un système de pénalisation du client, avec une peine pouvant aller jusqu’à deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Bien évidemment, il y a une disposition aggravante en cas de recours à la prostitution d’un mineur.

Nous proposons que ce dispositif n’entre en vigueur que six mois après la promulgation de la loi, afin de permettre une sensibilisation et une information des clients potentiels. L’objectif est bien de rappeler le principe de non-patrimonialité du corps.

Nous parlons d’une mesure de pénalisation avec peine d’emprisonnement. Nous pourrons discuter d’autres types de dispositions, comme celles qui ont été adoptées au Royaume-Uni ; nous avons le choix entre la Suède et le Royaume-Uni.

Je ne doute pas du grand succès de cet amendement au sein de cet hémicycle… Pourtant, la proposition de résolution avait été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, je reviens à la question que j’ai déjà posée : ira-t-on jusqu’au bout sur le sujet ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission a examiné cet amendement avec beaucoup d’attention et elle l’a trouvé extrêmement intéressant sur le fond. Néanmoins, la réflexion est toujours la même : de telles dispositions doivent-elles être insérées dans la présente proposition de loi ? Je rappelle que la commission n’a procédé à aucune audition sur le sujet.

Soyez assurée que nous partageons votre volonté d’aller jusqu’au bout. Reste que ces propositions seraient plus à leur place, me semble-t-il, dans le texte à venir, qui abordera l’ensemble des problématiques – la répression, la réinsertion, la prévention, etc. – en matière de proxénétisme et de prostitution.

Pour des raisons à la fois de calendrier et de nécessité d’appréhender le sujet dans sa globalité, la commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, un certain nombre de dispositions existent déjà, même si elles sont méconnues : le client tombe sous le coup de la loi pénale lorsqu’il a recours à une prostituée mineure ou à une prostituée vulnérable. Au demeurant, il serait intéressant que la Haute Assemblée, dans le cadre de ses travaux, mène une réflexion sur la définition exacte de la notion de « vulnérabilité ». C’est une discussion que nous avons déjà eue ici lors de l’examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. Je pense que le Sénat serait bien placé pour s’y atteler.

En tout état de cause, je partage votre avis, madame la sénatrice, sur le fait que nous devons à tout le moins sensibiliser et responsabiliser les clients. Leur ignorance ou leur indifférence face aux réalités de la prostitution et des violences qui l’accompagnent souvent constituent un problème en soi. C’est encore plus inacceptable lorsqu’il s’agit de la traite et des réseaux que nous décrivions précédemment.

Je vous renvoie de nouveau au rapport de l’IGAS, qui a mis en lumière un certain nombre de pratiques locales intéressantes de ce point de vue. Un premier pas a été réalisé en matière de prévention du VIH ou de sensibilisation au port du préservatif. Comment aller vers une responsabilisation plus large ? Devons-nous passer par le code pénal ? Le travail qu’est en train d’accomplir la mission d’information sénatoriale, tout comme celui que réalisent en ce moment même les députés doivent s’inscrire dans une future loi plus globale.

Dans la mesure où il me paraît quelque peu prématuré de nous prononcer aujourd'hui, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Jouanno, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

Mme Chantal Jouanno. Je comprends votre gêne, madame la ministre, mais je maintiens cet amendement, quitte à être la seule à le voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Il n’est pas toujours facile de voter contre un amendement, surtout lorsqu’on n’y est pas opposé sur le fond.

Un texte de loi sur la prostitution viendra en discussion à l’automne, ce qui nous permettra d’aborder ce sujet sous tous ses aspects. S’il n’y a plus de délit de racolage, il nous faudra peut-être envisager une pénalisation du client. C’est ce que prévoit de mettre en place l’amendement n° 3 rectifié. Beaucoup de socialistes ne sont pas défavorables à cette proposition.

En attendant l’utile débat que nous aurons à l’automne, et compte tenu du délai qui nous est imparti pour l’examen de cette proposition de loi, qui ne vise qu’à supprimer le délit de racolage, nous voterons contre l’amendement, tout en souhaitant que la discussion rebondisse dans les prochains mois. Nous pourrons alors examiner cette mesure dans de meilleures conditions, grâce au travail accompli au sein des différentes missions, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Comme je l’ai dit dans la discussion générale, il est important que nous avancions vers l’abolition de la prostitution en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. En pénalisant les victimes, nous l’avons dit tout au long du débat, on marcherait sur la tête. C’est pourquoi tous les groupes du Sénat se sont interrogés sur la pénalisation des clients. En 2010, je l’ai rappelé, le groupe communiste républicain et citoyen avait d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à sensibiliser les clients.

Cela étant, nous ne voterons pas cet amendement pour deux raisons.

Premièrement, nos discussions de cet après-midi l’ont montré, le problème doit être considéré dans sa globalité. Or le Gouvernement a pris l’engagement qu’un texte serait présenté.

Deuxièmement, je ne suis absolument pas convaincue par l’échelle des peines que vous proposez, madame Jouanno. Il est important de sensibiliser le client, mais le groupe CRC ne pense pas qu’il faille recourir à l’emprisonnement pour ce genre d’infraction.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le débat que nous abordons à l’occasion de la présentation de cet amendement n’a pas encore eu lieu au sein du groupe de travail. Il sera certainement souhaitable que nous en discutions.

Mme Jouanno a évoqué la Suède, que nous citons toujours en exemple, et le Royaume-Uni, vers lequel nous devrions davantage nous tourner. Dans ce pays, le client est pénalisé, mais uniquement si une contrainte est exercée par un tiers sur la personne qui se prostitue. Plutôt que de statuer dans l’urgence, pourquoi ne pas regarder ce qui se pratique ailleurs ?

Il me semble que notre collègue a transcrit directement pour le client les peines qui étaient encourues par la prostituée puisque l’échelle des peines – deux mois de prison et 3 750 euros d’amende – est la même. Le délit de racolage passif pour les prostituées, délit dont nous venons de voter la suppression, serait donc aussitôt transféré sur le client.

Dans la mesure où le client risque une peine de prison, il pourra être mis en garde à vue. Or je me pose la question de l’utilité de cette garde à vue. Permettra-t-elle aux services de police d’obtenir des renseignements sur les réseaux de proxénétisme ? Je ne le crois pas. En revanche, le client devra s’expliquer une fois rentré chez lui et dire où il était passé, mais c’est une autre histoire… (Sourires.)

Au-delà de cette petite plaisanterie, mes chers collègues, il me paraît prématuré de délibérer aujourd’hui sur la pénalisation ou sur la verbalisation du client. Pourquoi ne pas imaginer un système qui mixerait les deux solutions et qui ne serait pas obligatoirement assorti d’une condamnation pénale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Les rapports consacrés à la pénalisation du client montrent que cette solution aboutit à des résultats assez négatifs.

Je me suis rendue à Stockholm avec Mme la ministre où nous avons entendu des satisfecit sur la disparition de la prostitution de rue à la suite de la pénalisation du client. La réalité est tout autre !

En lisant quelques travaux scientifiques traduits du suédois à l’anglais qu’une personne m’a transmis, je me suis aperçue que la pénalisation des clients a conduit à la création de « bordels flottants » afin de transgresser la réglementation interdisant le recours à des actes sexués tarifés. Sur ces bateaux où la prostitution fleurit, on achète également de l’alcool sans payer de taxes…

En Suède, la pénalisation des clients a également fait basculer la prostitution de la rue vers internet où les méfaits liés au délit de racolage sont toujours les mêmes. Il n’y a pas de raison que les choses soient différentes en France.

En Norvège, le gouvernement a remis un rapport négatif sur la pénalisation des clients : cette mesure n’a pas empêché la prostitution et elle a donné naissance à une haine de la femme, comme en atteste la presse.

Pourquoi discourir longuement de toutes ces questions alors que la pénalisation des clients n’est pas l’objet du texte que j’ai présenté ? Ce dernier concerne simplement l’abrogation du délit de racolage public.

Je ne suis pas tout à fait en phase avec Mme Jouanno, même si je partage nombre de ses idées, et je ne suis pas favorable à la pénalisation du client. Mais ne pourrions-nous pas plutôt réfléchir à cette question dans le cadre de la future grande loi sur la prostitution ?

Pour vous donner un dernier exemple, chers collègues, j’ai trouvé une histoire amusante dans un article sur la pénalisation des clients en Suède. Une radio locale a proposé de mettre en rapport ses auditeurs avec des prostituées : il suffisait de téléphoner au standard. D’autres radios locales ont repris cette idée. Malgré la pénalisation, plus de mille personnes ont appelé !

Comment se fait-il que les jeunes aient encore recours à la prostitution alors que le gouvernement met en place une éducation spécifique, leur a-t-on demandé ? La réponse a été simple : ce n’est pas parce que c’est interdit qu’on va se priver d’aller voir des prostituées. C’est comme pour la limitation de vitesse : on n’a pas le droit de rouler à 180 kilomètres à l’heure, mais on le fait quand même !

Soyons donc très prudents sur cette question et réfléchissons bien avant de prendre une décision. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Auriez-vous des regrets, chère collègue ?

Mme Chantal Jouanno. Absolument aucun, madame la présidente, je souhaite uniquement rappeler quelques réalités.

Deux positions de fond radicalement divergentes s’opposent. Nous les assumons, parce que nous sommes des personnes de conviction.

Je suis clairement abolitionniste. Je souhaite non seulement abolir le délit de racolage, mais également inverser la charge de la preuve et la culpabilité.

L’expérience menée en Suède montre très clairement que la prostitution a fortement baissé au départ, même si les chiffres sont repartis à la hausse ensuite. Quoi qu’il en soit, ils restent à des niveaux très inférieurs à ceux des pays voisins, notamment des pays réglementaristes.

Quant au recours de la prostitution sur internet, les offices centraux nous ont clairement indiqué hier qu’ils n’avaient aucune idée des chiffres, qu’il s’agisse de la France, de la Suède ou de la plupart des autres pays. Tout ce que l’on sait, c’est qu’a priori ils sont en augmentation, y compris en France où les clients peuvent surfer en toute tranquillité.

Dernier élément, en inversant la charge de la preuve, et donc celle de la responsabilité, on permet à la personne prostituée d’inverser également le rapport de force dans l’intimité. Car la violence ne se situe généralement pas dans la rue ; elle s’exprime plutôt à l’occasion du rapport, dans l’intimité de la chambre. Or si c’est le client et non plus la prostituée qui est coupable, la donne change, même entre les quatre murs d’une chambre bien fermée ! C’est aussi cette réalité qu’il faut prendre en compte aujourd’hui.

Voilà pourquoi je n’ai aucun regret. Nous visons le même objectif, qui est d’éviter que les personnes prostituées ne soient des victimes d’une manière ou d’une autre. Seules nos convictions sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à cette fin divergent.

Je ne suis pas du tout réglementariste. Même le maire-adjoint d’Amsterdam a reconnu que cela avait été une erreur nationale : le résultat est que des femmes issues de réseaux de prostitution européens ou nigérians se retrouvent dans ces maisons closes.

Je le redis, même si je suis la seule, je voterai mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

M. Michel Savin. Nous ne participons pas au vote.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Dini, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « , un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution » ;

2° Après l’article 225-20, il est inséré un article 225-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 225-20-1. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues à la section 2 bis du présent chapitre encourent également l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, selon les modalités prévues à l’article 131-35-1. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : « , d’un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution ».

2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution. »

3° Après le premier alinéa du II de l’article 495, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :

« 1° A Le délit de recours à la prostitution prévu au premier alinéa de l’article 225-12-1 du code pénal ; ».

III. - les dispositions du I et II entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Il s’agit, une fois de plus, d’un « copier-coller » de la proposition de loi de Mme Bousquet et de M. Geoffroy. Ce n’est pas une disposition recopiée de la pénalisation des prostituées.

Cet amendement vise à créer une peine complémentaire pour que les clients aient l’obligation de suivre des stages de sensibilisation, sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière.

Il est proposé que cette peine complémentaire soit une mesure susceptible de constituer une alternative aux poursuites et d’être prononcée dans le cadre d’une composition pénale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Sur le fond, l’idée est extrêmement intéressante. J’invite les associations, si elles en ont les moyens, à s’en inspirer. Néanmoins, dans la mesure où cette disposition est totalement tributaire de la création du délit de recours à la prostitution, la commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s’agit effectivement d’une très bonne idée. Je ne peux que vous inviter, madame Jouanno, à creuser davantage le sillon dans l’optique du futur texte de loi que nous examinerons prochainement.

Des questions de méthode restent encore à trancher puisque les approches sociales ou psychologiques du sujet divergent. Plusieurs propositions sont faites.

Néanmoins, comme Mme Klès, dans la mesure où le sujet est lié au précédent, sur lequel nous avons émis un avis défavorable, je persiste à penser qu’une telle disposition est prématurée.

Mme la présidente. Madame Jouanno, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?

Mme Chantal Jouanno. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;

2° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « définitive » est supprimé ;

b) Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” peut être délivrée, après avis d’une commission départementale, à l’étranger pour qui il existe des motifs raisonnables de croire qu’il pourrait avoir été victime de traite des êtres humains ou de proxénétisme. La condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

« Sauf si leur présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” peut également être délivrée aux membres de la famille des personnes mentionnées au premier alinéa, lorsque leur plainte ou leur témoignage est susceptible d’entraîner des menaces graves pour leur sécurité. »

II. – À la dernière phrase de l’article L. 316-2 du même code, le mot : « alinéa » est remplacé par les mots : « , troisième et quatrième alinéas ».

La parole est à Mme Chantal Jouanno.