M. le président. La parole est à M. François Pillet.

M. François Pillet. Mes chers collègues, mon intervention se situe dans la droite ligne de la précédente.

Dans leur esprit comme dans leur lettre, les institutions républicaines qui organisent la représentation du peuple ne prévoient jamais la délégation définitive de toute sa souveraineté, comme en témoigne l’article 3 de la Constitution.

En tant que parlementaires, nous avons le droit et le devoir de voter la loi, qu’elle soit ordinaire ou fondamentale. Mais, dès lors que nous touchons à la Constitution, notre mandat, du fait de la majorité spécifique qui est exigée, est forcément limité.

Madame la garde des sceaux, dans tous les débats, vous avez expressément confirmé que vous engagiez, à travers ce texte et tout ce qu’il induit, un changement de civilisation. En introduisant cette notion dans les débats, voire dans l’exposé des motifs du texte lui-même, vous l’avez ainsi, de fait, placé sous l’empire de l’article 11 de la Constitution.

Au-delà, qui peut aujourd’hui affirmer dans cet hémicycle, en conscience, qu’il a reçu mandat de changer de civilisation, alors que notre action s’inscrit nécessairement dans un moment éphémère de l’Histoire ? Pour ma part, cela ne fait aucun doute, je n’ai pas reçu un tel mandat.

Si l’un d’entre vous me dit que je me trompe et que j’ai juridiquement reçu un tel mandat, je lui répondrai que, moralement, il est des hypothèses où un mandataire doit revenir vérifier auprès de son mandant l’étendue de son mandat. Tel est bien le cas aujourd’hui : nous devons réécouter la voix du peuple ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’objet de mon intervention est de soutenir la motion référendaire qui doit conduire à soumettre au référendum le projet en discussion, particulièrement parce qu’il prévoit d’ouvrir l’adoption aux couples de même sexe.

L’outil du référendum est un outil qu’il faut savoir utiliser avec parcimonie, et c’est justement parce que cet outil est utilisé avec mesure qu’il devient un juge de paix.

Oui, le référendum est un juge de paix. Le référendum n’est pas un outil de division ; il permet, lorsque la passion l’emporte sur les facultés de discernement de chacun d’entre nous, de poser avec calme et méthode les enjeux profonds d’une décision ou d’une politique publique.

Face à la gravité que revêt cette décision d’avoir recours directement à la sagesse populaire, les anathèmes, les insultes, les jugements de valeur s’effacent pour laisser la place à la solitude de chacun. En effet, une fois dans l’isoloir, face à sa propre vérité, ses opinions, ses croyances, ses doutes, avec les capacités réflexives qui lui sont propres, chacun de nos concitoyens, au regard de la gravité de la mission qui lui est confiée, engage un dialogue avec lui-même.

Parfois des certitudes se dégagent, parfois ce sont des incertitudes qui jaillissent. Mais, quoi qu’il advienne, l’utilisation du référendum permet à chacun d’envisager la question d’une manière profondément nouvelle.

Dans cet instant démocratique, où il est demandé à chacun d’utiliser son libre arbitre, chacun envisage la question sous un angle nouveau, débarrassé du jugement de valeur de ses contemporains, et parfois aussi de la pression sociale familiale, amicale ou professionnelle qu’il peut subir. Chacun est alors débarrassé des pressions politiques, dégagé des intérêts particuliers. Dans l’isoloir, il n’y a plus de postures qui tiennent et je ne suis pas sûr que, dans ces conditions, mes chers collègues, nous votions tous de la même manière que dans l’hémicycle. (MM. Jackie Pierre et François Pillet applaudissent.)

L’isoloir, ce n’est pas le Parlement, ce n’est pas un plateau de télévision, ce n’est pas un café du commerce ! Bien évidemment, en entrant dans l’isoloir, de nouvelles interrogations jaillissent, des interrogations plus personnelles. On se demande alors si les points de vue que l’on considérait comme rétrogrades n’étaient pas l’expression d’une inquiétude légitime. À l’inverse, on se demande avec la même force si le vote défavorable qu’on était sur le point d’exprimer à l’égard du mariage pour tous n’est pas une atteinte aux droits de ses voisins, un couple de même sexe.

Le référendum est donc un outil profondément singulier, un outil qu’il nous faut savoir utiliser, comme d’ailleurs le général de Gaulle a su l’utiliser à cinq reprises – et je ne crois pas que cela lui ait été reproché.

Alors, je le répète, le référendum sera le juge de paix de ce débat : la vérité qui sortira des urnes aura permis à chacun de pouvoir s’exprimer, de se sentir écouté, d’être un élément du débat démocratique.

On dirait, chers collègues de gauche, que vous en redoutez le résultat.

Chacun, quelle que soit son opinion, quel que soit son vote, sera amené à rencontrer ses contemporains ; chacun pourra alors discuter de sa position ; chacun pourra alors se confronter à l’autre.

Ce référendum permettra de réconcilier les Français avec la politique, de réconcilier les Français avec le débat public, de réconcilier les Français avec leurs contemporains qui ont un point de vue opposé.

Avec le référendum, nous mettrons fin aux agitations que connaît notre pays, nous mettrons fin aux prêches de ces sociologues officiels qui nous disent que le débat n’a pas lieu d’être. Nous mettrons fin aux batailles de chiffres et de pourcentages de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre, aux querelles sur le nombre de manifestants – 300 000 ? 1,4 million ? Nous mettrons fin aux tirades de ces leaders d’opinion sur la réalité politique de la France, qui estiment savoir mieux que quiconque ce que pensent les Français.

Mes chers collègues, sur un sujet si important, revenons aux fondements de la Ve République, revenons au référendum ! Voilà pourquoi je voterai cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout au long des débats, la majorité et le Gouvernement ont tenté de faire croire que le clivage pertinent dans ce débat consistait à dire qui était moderne et qui ne l’était pas, qui était progressiste et qui ne l’était pas, qui était homophobe et qui ne l’était pas ! Or il suffit à chacun de lire les comptes rendus des séances à l’Assemblée nationale et au Sénat pour comprendre que les oppositions sont beaucoup plus subtiles, qu’elles existent au sein même des différentes institutions, des différentes options philosophiques ou religieuses.

J’ai, moi aussi, bien sûr, mon opinion sur cette question, mais je regrette la manière dont est conçu le débat sur un sujet si important. Alors que le Gouvernement se fait un devoir de relayer l’opinion d’une minorité, il s’obstine à ne pas vouloir écouter nos nombreux concitoyens qui défilent au cœur de Paris !

C’est pour cette raison que je crois qu’il faut, sur ce point, rendre la parole aux Français ! C’est l’objet de cette motion référendaire.

Il est important de redonner la parole à nos concitoyens pour que, à la lumière des discussions que nous avons eues ici et au Palais-Bourbon, ils puissent enfin s’exprimer sur cette réforme.

Je comprends bien que vous craigniez cette confrontation, car vous n’avez eu de cesse, dès le départ, d’en dissimuler les conséquences, en termes de filiation, de fragilisation de la présomption de paternité, d’élargissement de la PMA ou de recours à la GPA, autant de conséquences directes du droit à l’enfant, au nom de l’égalité !

Vous avez également tenté de leur faire croire que ce texte ne concernait que les couples de personnes de même sexe ! Mais ils ne sont pas dupes et ils demandent déjà des comptes par milliers ! Quels arguments oserez-vous leur opposer ?

Il est normal que le débat se joue désormais sur la place publique, comme nous l’avions souhaité dès le départ sur les recommandations de l’Académie des sciences morales et politiques. C’est tout à fait normal, alors que le texte soulève des questions morales, des questions politiques, des questions philosophiques et des questions de bioéthique !

C’est pourquoi, aujourd’hui, plus d’un million de Français vous montrent leur exaspération ! Mais à ces Français vous répondez malheureusement par le mépris et l’indifférence ! Vous qui dénoncez les remarques parfois très maladroites sur les homosexuels, je me demande comment vous avez reçu celle qui visait « les serre-tête et les jupes plissées » ?

Si nous demandons un référendum, c’est avant tout pour rouvrir le débat sur des bouleversements importants que vous avez dissimulés aux Français, afin de donner de la hauteur et de la solennité à un débat que vous avez voulu petit et court !

Ce référendum obligera le Gouvernement à la clarté ; il permettra de sortir des affrontements stériles et de dégager un consensus. C’est d’ailleurs le rôle d’un gouvernement que de rassembler les Français.

Je ne comprends d’ailleurs pas très bien pourquoi vous vous refusez la facilité du référendum, alors que tous les sondages que vous avez commandés afficheraient, semble-t-il, une acceptation majoritaire de cette réforme. Ce serait pourtant une aubaine pour vous que de pouvoir balayer toutes les oppositions en une seule procédure !

Certes, il faut du courage politique… Mais enfin, où est passé votre sens du dialogue social ?

Peut-être craignez-vous que la majorité de nos concitoyens ne pensent que ce texte marque un changement historique dans l’institution de la famille et du mariage, en mettant en place une société dégorgeant de droits : droit à l’amour, droit à l’enfant, droit à la parenté…

Quoi qu’il en soit, je crois qu’il est important que les Français puissent exprimer la souveraineté qu’ils détiennent en vertu de l’article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

Or, puisque les débats, tels qu’ils se déroulent, empêchent le consensus, je crois fermement qu’il est important que nous ayons recours au référendum sur ces questions qui engagent le destin de la Nation

Aussi, mes chers collègues, je vous demande de voter cette motion référendaire pour que les millions de Français qui ont montré leur opposition puissent s’exprimer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Philippe Darniche et Jean-François Husson applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme d’autres, j’ai le sentiment que ce débat arrive à un mauvais moment, et qu’il s’inscrit même à contretemps si l’on considère la situation de notre pays et du continent européen.

Certes, vous n’y êtes pour rien, chers collègues de la majorité, mais le fait est que nous travaillons aujourd’hui avec ce paysage en toile de fond.

Je ferai une première remarque sur la manière assez différente dont vous avez appréhendé le débat sur le mariage « pour tous » et le débat sur la fin de vie. J’aurais préféré que vous adoptiez la méthode qui a prévalu s’agissant de ce dernier sujet, sur lequel vous avez souhaité qu’une réflexion menée par différents experts permette d’éclairer les assemblées avant qu’elles se prononcent.

Puisqu’il s’agit, pour ma part, de défendre avec détermination et fermeté la motion référendaire, je voudrais, madame le garde des sceaux, vous faire part de mon étonnement lorsque je vous ai, ce matin, entendu utiliser le mot « ruse » à propos de ce que vous appelez un « projet de civilisation ».

Croyez-moi, croyez beaucoup de Françaises et de Français, il ne se trouve, derrière les positions que nous défendons, ni ruse ni malice, mais une simple volonté – volonté légitime – de participer au débat démocratique et d’exprimer, en responsabilité et en conscience, nos convictions quand bien même elles seraient différentes des vôtres.

De grâce, n’opposez pas, n’opposez plus les « modernes » à ceux qui seraient « archaïques », les forces de « progrès » à différents « conservatismes », voire, comme vous l’avez plusieurs fois dit dans le passé, l’« ombre » à la « lumière ». Le débat, comme l’ont démontré les interventions des uns et des autres hier et ce matin, vaut bien mieux.

Puisque vous défendez le mariage dit « pour tous », autorisez aussi, autorisez d’abord l’expression de chacune et chacun d’entre nous.

Je vous pose la question : qu’avez-vous à craindre si vous acceptez cette motion référendaire ? Par définition, les uns et les autres l’ont rappelé, le peuple de France, lorsqu’il s’exprime démocratiquement, a toujours raison : c’est même la base de la démocratie.

Certains d’entre vous sont d’ailleurs allés beaucoup plus loin dans cette démarche. Je m’étonne de ne plus beaucoup entendre parler de démocratie dite « participative ». (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Caffet. Parce que vous y croyiez, vous ? (Sourires.)

M. Jean-Michel Baylet. Un peu de sérieux ! Vous l’avez assez brocardée !

M. Jean-François Husson. Que dire du peu de considération du Gouvernement et du chef de l’État à l’égard de celles et ceux de nos concitoyens, militants du monde associatif, qui ont exprimé leur différence ? Ils ont trouvé bien peu de temps pour recevoir ces personnes qui représentent une part du peuple de France. Ne croyez-vous pas qu’ils méritaient davantage qu’une petite demi-heure alors qu’ils ont su organiser à Paris des manifestations pacifiques, sereines, dignes ?

En ce qui concerne la deuxième d’entre elles, permettez-moi de dire que je goûte peu la manière dont vous avez parqué, avenue de la Grande-Armée, des Français qui, simplement, voulaient exprimer une différence. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-François Husson. Quand on ne peut défiler, on fait du surplace. C’est comme ça !

Je vous demande simplement et sereinement, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, de faire confiance aux Françaises et aux Français, à leur sagesse. Croyez-moi, l’expression du peuple vaut mieux que tous les sondages. Et, à mon tour, je me permets de vous dire : n’ayez pas peur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Darniche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.

M. Jackie Pierre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous le savons tous, notre Constitution dispose, en son article 3, que « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

Le général de Gaulle, dont vous conviendrez avec moi qu’il n’est pas vraiment étranger à l’instauration de cette procédure, disait d’ailleurs ceci : « Le référendum, enfin, institué comme le premier et le dernier acte de l’œuvre constitutionnelle m’offrirait la possibilité de saisir le peuple français et procurerait à celui-ci la faculté de me donner raison, ou tort, sur un sujet dont son destin allait dépendre pendant des générations. »

Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, je crois justement que le destin des Français est engagé de génération en génération. Voilà pourquoi nous présentons cette motion, dont l’objet vise à redonner la parole à nos concitoyens alors qu’ils en ont été privés depuis le début de ces discussions.

Si vous avez choisi de faire taire les Français, de les empêcher d’exprimer leur opinion, c’est pour deux raisons, également illégitimes.

Vous avez tout d’abord tenté de nous faire croire que la majorité des Français n’était pas intéressée par la présente réforme. Je relève d’ailleurs une singulière contradiction de votre part puisque, d’un côté, vous considériez que ce texte était d’intérêt général, qu’il faisait progresser la France sur le chemin de l’égalité totale des droits et que, d’un autre côté, vous ne jugiez pas utile de dialoguer avec toutes les familles de France... C’est assez étrange, vous en conviendrez.

Ensuite, alors que les débats révélaient l’envergure des bouleversements induits par cette réforme dans l’institution de la famille et du mariage, dans notre droit de la filiation et dans les orientations prises jusque-là en matière de bioéthique, vous coupez court à vos tergiversations en vous radicalisant.

Le Président de la République a décidé de s’enfermer à l’Élysée sans écouter les Français ; le Gouvernement monopolise le débat à l’Assemblée ; certains parlementaires méprisent les opposants au projet. Mais que va devenir la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier.

M. Pierre Bordier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec l’adoption du mariage pour tous, nous entrerions dans une nouvelle phase de l’organisation humaine et sociale des Français. Par cette réforme, le Gouvernement et la majorité engagent donc l’avenir de chacun de nos concitoyens.

C’est parce que les générations futures sont ainsi concernées sur le long terme que nous estimons important que le peuple français soit consulté. Comment apaiser les craintes de chacun, faire taire les dissensions, consacrer ce changement avec force, si ce n’est par la voie du référendum ?

Sur toutes les travées de cet hémicycle, se trouvent des soutiens et des opposants à ce projet. Depuis plusieurs mois, on s’assomme à grands coups d’arguments, mais personne n’écoute vraiment personne. Nous assistons à une guerre de tranchées !

Dans ce contexte, il reviendrait normalement au Gouvernement et à la majorité de prendre une initiative forte. Ce sont eux, alors qu’ils détiennent tous les pouvoirs, qui devraient assumer les responsabilités d’une réforme qu’ils veulent ambitieuse ! Visiblement, les uns et les autres ne semblent pas décidés. Nous prenons donc l’initiative de vous proposer cette motion référendaire, afin que les Français puissent s’exprimer sur le sujet.

Cette solution est la seule qui, aujourd’hui, permettrait de sortir de cette crise politique par le haut. Plus que de l’humilité, c’est du courage qu’il faut au Gouvernement pour affronter le suffrage populaire !

Vous nous dites que cette réforme traduit un engagement électoral de François Hollande. Mais devant qui s’est-il engagé ? Devant les Français ! Il est donc temps, en vérité, qu’il ait le courage de se porter devant eux pour leur donner la parole ! Qu’a-t-il à craindre ? Un désaveu vaudrait mieux qu’une faute morale !

C’est beaucoup que de réorganiser nos structures sociales conçues autour de la famille, que de vouloir remettre en cause la présomption de paternité qui a jusque-là permis qu’une généalogie lisible puisse s’établir entre les membres d’une même famille.

C’est beaucoup que de consacrer aux parents un droit à l’enfant, ou un droit à la parenté, c’est-à-dire faire en sorte qu’un enfant trouve comme réponse à un questionnement existentiel une existence fictive et naturellement impossible.

C’est beaucoup, enfin, que de considérer que les êtres humains seront régulés selon les règles classiques qui organisent les marchés de matériels et de capitaux. Je n’invente rien, puisque certains comparent désormais le ventre des femmes au bras des ouvriers !

M. Christian Cambon. Pierre Bergé !

Mme Catherine Procaccia et M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Pierre Bordier. Il existe une alternative à ce projet auquel nous nous opposons.

Soucieux que les pouvoirs publics prennent en considération les évolutions humaines et sociales dont ils doivent organiser les rapports, nous proposions qu’une union civile vienne accorder aux uns et aux autres les mêmes droits patrimoniaux. Un tel dispositif venant s’ajouter à ceux qui existent déjà – je pense à l’adoption testamentaire et à la possession d’état –, nous pensons que cette évolution, nécessaire, serait suffisante.

Si nous voulons accorder une place importante au progrès, nous ne voulons pas pour autant céder à la pagaille ! Sur ces questions sociales majeures, qui concernent l’ensemble des Français, et sur lesquelles chacun peut avoir un avis très tranché, nous ne pouvons pas faire n’importe quoi !

Il faut que chacun puisse, en responsabilité, s’élever au-dessus de son intérêt particulier pour prendre clairement conscience de l’intérêt général de la France.

Le mariage n’est pas un contrat comme les autres. Il a occupé et occupe toujours une place particulière dans notre société. On peut le regretter, mais c’est une réalité. Croit-on vraiment pouvoir se passer des réalités ? Plus qu’une institution pluriséculaire, c’est la nature même qu’il faudrait remettre en cause !

Le mariage doit être préservé parce qu’il a tout son sens dans notre société. Il permet à un homme et une femme de s’engager auprès de leurs enfants. Il permet de créer, entre un père et son enfant, un lien de filiation qui est bien plus difficile à établir que celui, organique, existant entre une mère et son bébé. Il permet de faire reposer sur ce père les responsabilités qui doivent vraisemblablement lui incomber, car il est vraisemblablement le père de son enfant !

Quant aux filiations fictives ou à la procréation assistée, elles ont pour vocation de pallier un accident de la vie : il s’agit soit de donner une famille à un enfant qui s’en trouve privé, soit de permettre à une femme de donner la vie alors qu’elle en est médicalement empêchée. Il ne s’agit pas de permettre une procréation ou une adoption de confort !

Toutefois, malgré cette apparence fictive, toujours nous en revenons à la vraisemblance biologique et à la réunion des éléments naturels : l’homme, la femme, l’enfant.

Je comprends le désarroi des couples de personnes de même sexe que la nature empêche de procréer, mais je refuse d’assumer en mon âme et conscience la tragédie des centaines de milliers d’enfants que l’on privera de leurs origines. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Darniche applaudit également.)

M. Yves Daudigny. Tout cela n’est-il pas un peu exagéré ?

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je suis profondément convaincu qu’en demandant aux électeurs de décider de l’ouverture ou non du mariage aux couples de même sexe le Parlement accomplirait un devoir démocratique à l’égard des Français.

Jusqu’ici, en effet, ce sont les enquêtes d’opinion qui font office de consultation populaire. Selon les chiffres les plus optimistes 55 % à 60 % des Français sondés sont favorables au mariage de couples de même sexe. Dans le même temps, ils sont toutefois 56 % à être défavorables à l’adoption par ces mêmes couples.

Or le mariage, madame la garde des sceaux, vous l’avez affirmé hier, emporte ipso facto l’adoption.

M. Charles Revet. Et au-delà !

M. Michel Magras. Ces enquêtes montrent la contradiction qui existe dans l’opinion : bien que le mariage soit lié à l’adoption, les Français sondés veulent bien du premier, mais non de la seconde.

Ces deux chiffres soulèvent une question : le débat a-t-il été suffisant pour que le lien entre mariage et adoption soit parfaitement perçu ? II faut croire que non !

De même, la présence de ces 1 400 000 Français dans les rues de Paris, le 24 mars dernier, témoigne d’une demande d’expression.

Certes, l’article 11 de la Constitution ne prévoit pas expressément qu’un référendum puisse être organisé sur une question sociétale. Cependant, de par leur caractère systémique, les questions sociétales englobent plusieurs domaines, y compris la politique sociale visée par le même article 11.

Je vous ai tous écoutés, mes chers collègues. De manière unanime, vous reconnaissez qu’il s’agit d’un profond changement de société. J’irai personnellement plus loin : ce projet est une véritable révolution copernicienne, qui ne devrait pas être adoptée alors que subsiste, dans la société, le doute que révèlent les chiffres que je viens de citer.

Pour ces raisons, un référendum ne semble pas anticonstitutionnel et encore moins antidémocratique. Je ne doute pas que nous soyons tous, dans cet hémicycle, profondément respectueux de la Constitution et unanimement attachés à la démocratie, même si nos opinions divergent sur de nombreuses questions.

L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe était une des propositions du programme de celui qui a été élu Président de la République. Pour autant, la Constitution ne dit pas que l’élection présidentielle soit incompatible avec le référendum ni que cette dernière vaille référendum. Et surtout, on ne peut que se réjouir de la vivacité de la démocratie chaque fois que l’on donne la parole aux électeurs.

C’est d’ailleurs ce que réclament ceux qui, nombreux, ont manifesté le 24 mars dernier. Le débat a été diffus ces dernières années, depuis le PACS. Il serait exagéré de considérer que la campagne présidentielle a été l’occasion d’un véritable débat.

De plus, si les Français avaient approuvé le mariage des couples de même sexe à travers l’élection présidentielle, la tenue d’un référendum ne viendrait alors que confirmer l’adhésion d’une majorité d’entre eux à cette réforme.

L’organisation d’un référendum aurait également le mérite de permettre à ceux qui n’y sont pas favorables de s’exprimer autrement que dans la rue, autrement que par les centaines de courriels que nous recevons depuis plusieurs semaines, et d’ouvrir enfin un débat. La démocratie doit permettre à tous de s’exprimer. Pouvons-nous transiger sur ce principe ?

La suspicion d’homophobie a largement occulté le sujet de fond et a cristallisé les récents débats. Ainsi, ceux qui n’étaient pas favorables à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ou défavorables à l’adoption, ont été autant, voire davantage contraints de se défendre de toute forme d’homophobie que d’expliquer en quoi ils étaient attachés à la famille, à un repère culturel fort.

En réalité, c’est là que se situe l’enjeu du mariage. C’est bien pour cela que la Cour européenne des droits de l’homme, renvoyant à la souveraineté des États le sujet de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, rappelle que le mariage est profondément enraciné dans la culture de chaque pays.

L’ouverture du mariage aux couples de même sexe n’est pas qu’un changement de « périmètre » ; c’est un projet qui touche à un repère culturel profond et qui nous renvoie, nous, législateurs, à une dimension essentielle de notre fonction.

En effet, si l’on considère que l’ouverture du mariage est inéluctable parce qu’elle correspond à une évolution de la société, cela signifie-t-il que Parlement devient une chambre d’enregistrement des mœurs ? Pourtant, l’une des missions essentielles des législateurs que nous sommes est de définir des limites à la société.

En résumé, ce texte repousse les limites souhaitées par la société car, si les Français sont favorables à l’union des couples de même sexe, ils ne le sont majoritairement que si elle ne s’accompagne pas de l’adoption : seuls 44 % d’entre eux expriment une opinion totalement favorable. Or le projet de loi n’entend pas cette nuance.

Pour cette raison, à titre personnel, je voterai en faveur de la motion référendaire. Je pense, mes chers collègues, que nous ne devrions pas rater l’occasion qui nous est offerte de consulter le peuple français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)