M. Patrice Gélard. Par le biais de cet amendement, j’aborde un problème essentiel qui n’a été traité ni dans le projet de loi ni a fortiori dans l’étude d’impact, à savoir celui des relations de ce texte avec les accords internationaux que nous avons conclus dans le domaine du droit de la famille. En effet, une multitude de conventions qui nous lient à des pays étrangers ont pour objet de régler les problèmes de mariage, d’adoption, de filiation, etc.

Or, en droit français, il existe une règle simple, qui énonce la valeur supérieure des traités par rapport à la loi. En d’autres termes, nous sommes en train d’examiner un projet de loi dont les dispositions, s’il est adopté, seront en contradiction avec une multitude de traités qui nous lient.

M. Patrice Gélard. Par conséquent, il s’agit d’une irrégularité constitutionnelle.

M. David Assouline. Vous êtes un spécialiste des irrégularités !

M. Patrice Gélard. Préalablement à toute transformation des règles du droit de la famille, nous aurions dû modifier nos accords conclus avec les États en question.

Nous sommes face à une situation difficile à résoudre et qui soulève des interrogations.

Certes, le Conseil constitutionnel a toujours estimé qu’il n’était pas juge de la conventionalité, mais nous sommes confrontés à un véritable problème de fond, qui constitue une négation de notre État de droit. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons une solution, qui, sans instaurer d’injonctions à l’encontre du Gouvernement, a pour finalité de rétablir la normalité de la situation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je souhaite tout d’abord aborder un point de pure forme. En commission des lois, monsieur Gélard, je vous ai entendu dénoncer, comme sous la précédente majorité dont vous étiez membre, la multiplication des rapports remis au Parlement. En l’espèce, en présentant un seul amendement, vous demandez la remise de deux rapports pour le même prix. C’est tout de même beaucoup !

Par ailleurs, vous le savez très bien, le Conseil constitutionnel, fort heureusement, se refuse à juger de la conventionnalité des lois.

Dans les faits, que se passe-t-il ? Après avoir préparé un texte, quel qu’il soit, et une fois celui-ci voté, il appartient au Gouvernement de lister toutes les conventions internationales qui pourraient être en opposition partielle ou totale avec ledit texte et de les renégocier. C’est bien évidemment ce qu’il fera.

L’intéressante question que vous soulevez trouvera sa place au sein des séances qui se déroulent au Sénat lors des semaines mensuelles réservées au contrôle de l’action du Gouvernement, en vertu de l’article 48 de la Constitution.

En l’état, mes chers collègues, la commission des lois vous propose de rejeter l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gélard, vous avez eu raison de rappeler que, dans la hiérarchie des normes, les traités internationaux s’imposent et ont une portée supérieure à celle de notre droit interne. Votre souci est tout à fait légitime. Néanmoins, je vous prie de faire crédit au Gouvernement : il s’est préoccupé de cette question dès l’élaboration du projet de loi. Faites également confiance au Conseil d’État, qui s’en est aussi soucié. À ce propos, M. Hyest a manifestement eu connaissance du rapport de celui-ci puisque, lorsqu’il a présenté la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, il nous a donné lecture d’une partie de ce document.

Le Conseil d’État indique très précisément que « ni les obligations internationales de la France ni le droit constitutionnel ne s’opposent à un tel choix », à savoir celui du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

Au moment de l’élaboration du projet de loi, nous avons eu le souci de vérifier les contradictions éventuelles qui pourraient résulter de l’évolution de notre droit civil que nous proposons avec les conventions multilatérales et bilatérales par lesquelles la France est liée.

Ainsi, dans chaque texte que nous avons examiné, nous avons étudié les dispositions relatives au mariage puisque, monsieur Gélard, à travers aussi bien cet amendement que diverses interventions que vous avez faites, vous avez soulevé la question de savoir si une quelconque convention définissait le mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme, définition qui entrerait en contradiction avec l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe que nous voulons mettre en œuvre.

Nous avons tout d’abord étudié la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée en 1950 et modifiée, comme vous le savez, par les protocoles nos 11 et 14. Son article 12 dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. » En l’occurrence, nous sommes bien en train de faire évoluer la loi nationale.

De surcroît, en 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, ayant été amenée à se prononcer, a estimé que, en cas de désaccord entre des États, il leur revient de s’entendre et que c’est bien la loi nationale qui détermine le régime matrimonial.

Quant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui date de 1966, son article 23 dispose :

« 1. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État.

« 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. » Je le rappelle, ce droit est considéré comme une liberté individuelle de l’homme et de la femme. Il n’existe donc pas de contradiction avec la liberté individuelle de deux hommes ou de deux femmes de s’unir.

Ce même article poursuit : « 3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. »

Vous le constatez, aucune contradiction n’apparaît entre le projet de loi et ce pacte.

La Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, elle, aurait pu contenir des dispositions particulièrement contraignantes. En fait, elle a pour objet la lutte contre des coutumes, des usages, des règles qui ne seraient pas conformes aux dispositions contenues, notamment, dans la Charte des Nations unies et dans la Convention européenne des droits de l’homme. En l’espèce, aucune incompatibilité n’est mentionnée.

Nous avons bien évidemment examiné la compatibilité du présent texte avec la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à laquelle la France a pris une part significative, nous le savons tous, grâce au leadership de René Cassin. Son article 16 dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. » De ce point de vue, il n’existe pas non plus d’incompatibilité.

Enfin, j’en viens à la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Elle est très claire. Elle ne définit pas les critères d’éligibilité à l’adoption, car cette compétence est reconnue aux États. Ce sont eux qui, dans leur droit, précisent les conditions d’adoption. En France, celles-ci sont inscrites dans le code civil.

Je rappelle à ceux qui parlent de « droit à l’enfant » que, dans le code civil, il n’en existe pas aujourd'hui pour les couples hétérosexuels qui accèdent au mariage et au droit à l’adoption, en termes ni de pratiques ni de procédures. À l’avenir, il n’y en aura pas davantage pour les couples homosexuels, puisque nous voulons leur ouvrir le mariage à droit constant. Nous prévoyons une possibilité d’adoption. En la matière, siégeant dans la chambre des représentants des collectivités locales, vous êtes nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à être présidents de conseil général et vous savez bien que la procédure est rigoureuse, sérieuse et conduite avec sévérité et rigueur. C’est dans ces mêmes conditions que l’adoption par des couples homosexuels aura lieu.

Je le répète, il n’existe pas de « droit à l’enfant ». En revanche, les procédures d’adoption se déroulent dans le respect du droit. Et, aux termes de l’article 353 du code civil, le juge qui prononce l’adoption vérifie si celle-ci est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.

La Convention de La Haye renvoie la fixation des critères d’adoption aux États. Elle indique les dispositions, notamment procédurales, pour y accéder.

Néanmoins, se pose, bien évidemment, la question des conventions bilatérales. Vous avez pu le constater, le projet de loi initial introduisait une dérogation à la loi personnelle de l’un des futurs époux dans le cas où son pays d’origine ne reconnaît pas le mariage des couples de personnes de même sexe. Pour cela, il devait s’unir à un Français qui réside en France et lui-même devait posséder sa résidence en France. Par ailleurs, il était fait référence au cas particulier de conventions bilatérales qui excluraient explicitement cette dérogation à la loi personnelle.

Confortée par le vote de l’Assemblée nationale, la commission des lois a choisi de supprimer toute référence à celles-ci.

Nous sommes liés par une telle convention bilatérale avec douze différents pays, lesquels se situent tant en Europe de l’Est qu’au Maghreb ou en Asie du Sud-Est. Pour revenir à vos observations, monsieur le doyen Gélard, ou bien il n’y a pas de possibilité de déroger à la loi personnelle, ou bien les personnes intéressées peuvent saisir la justice et obtenir, sur la base de la jurisprudence, une dérogation. En tout état de cause, ce n’est pas l’officier d’état civil qui peut en décider. L’affaire serait donc traitée au sein de nos institutions judiciaires.

Par conséquent, il n’existe de difficulté ni dans les conventions multilatérales ni dans la plupart des conventions bilatérales, les douze auxquelles j’ai fait référence constituant les seules exceptions. En outre, vous le savez sans doute, la convention de Vienne relative à la délivrance d’extraits plurilingues d’actes de l’état civil est en cours de révision. Dans ce cadre, il est prévu d’introduire dans les annexes de nouveaux formulaires permettant de tenir compte, du fait de la possibilité pour des personnes de même sexe de se marier dans plusieurs pays, que ceux-ci puissent aussi être parents.

Monsieur le doyen Gélard, j’ai pris le temps de développer ma réponse. Au risque d’être inutilement longue, mais par respect pour la préoccupation que vous avez exprimée, je tenais à vous donner tous ces éléments d’information afin de vous montrer que nous avons étudié avec rigueur le contenu des conventions qui lient la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je n’ai pas la même interprétation des conventions internationales. Quand il est écrit « l’homme et la femme », cela ne signifie pas « l’homme ou la femme » ! Il me semble que tant la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Déclaration universelle des droits de l’homme visent le mariage d’un homme et d’une femme. On peut faire dire ce qu’on veut aux conventions, mais les rédacteurs de ces deux textes n’envisageaient absolument pas le mariage – je ne parle pas de l’union – de personnes de même sexe.

Je prétends que le projet de loi pose un véritable problème de conventionalité. Vous me demanderez peut-être comment ont fait les quelques pays qui ont autorisé le mariage des personnes de même sexe. Ce n’est pas forcément le mariage au sens où notre droit l’entend qui a été autorisé. Il faut donc être prudent et vérifier la conformité du présent projet de loi aux conventions internationales.

Par ailleurs, le problème de l’application de la loi personnelle se posera inévitablement. Je vais vous donner un exemple concret, car c’est ce qu’il y a de mieux.

L’Allemagne n’autorise pas le mariage des personnes de même sexe ; elle prévoit seulement un partenariat de vie – Lebenspartnerschaft –, un peu sur le modèle de ce qu’a proposé Charles Revet. Dès lors, que ferai-je si un Allemand et un Français viennent dans ma mairie pour m’annoncer qu’ils veulent se marier ? Si je les marie, comment cet acte s’appliquera-t-il au citoyen allemand, comment sera-t-il transcrit ? Je me pose vraiment un certain nombre de questions.

Madame le garde des sceaux, vous me dites que les problèmes seront résolus par la révision de la convention de Vienne relative à la délivrance d’extraits plurilingues d’actes de l’état civil. Peut-être, mais ce projet de loi, dont les conséquences pour l’état civil français suscitent déjà des interrogations – nous en reparlerons tout à l'heure –, créera des problèmes avec de nombreux pays. L’officier d’état civil va devoir se poser des questions sur l’application de la loi personnelle. Certes, on peut régler le problème à la manière des Belges, en disant, justement, qu’il n’y en a pas… Pour ma part, je reste persuadé qu’on rencontrera de grosses difficultés pour certains mariages entre personnes de même sexe célébrés en France, mais impliquant un ressortissant d’un pays dans lequel ce type de mariage n’est pas reconnu.

Il me paraît important d’éclaircir cette situation. Même si nous n’avons pas le droit d’adresser des injonctions au Gouvernement, nous demandons que celui-ci rédige un rapport compte tenu de l’importance de la question. Je remercie Mme le garde des sceaux de son effort d’explication, mais elle ne m’a pas complètement convaincu. C'est pourquoi je souhaiterais obtenir de plus amples éclaircissements. Je voterai donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je m’efforcerai d’appuyer les démonstrations du doyen Gélard et de Jean-Jacques Hyest.

Madame le garde des sceaux, on ne peut pas balayer, comme vous l’avez fait, l’argumentation du doyen Gélard. En réalité, il existe bien deux règles : la règle prévue à l’article 55 de la Constitution, selon laquelle l’autorité des traités et conventions est supérieure à celle d’une loi simple, et la règle pacta sunt servanda mentionnée au quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, selon laquelle les traités nous lient. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises que les accords tant multilatéraux que bilatéraux devaient être interprétés et exécutés de bonne foi par les parties cosignataires.

J’ajoute que la jurisprudence de la Cour internationale de justice et la convention de Vienne sur le droit des traités indiquent que l’on ne peut pas donner aux mots n’importe quelle signification et que, lorsqu’il existe une ambiguïté, il faut se référer au sens commun à l’époque où le texte a été signé.

Au vu de ces dispositions de droit international, qui s’ajoutent à celles de notre droit interne, je ne vois pas comment vous ne rencontreriez pas de difficultés pour justifier votre projet.

Par ailleurs, j’aimerais savoir de quelle manière, selon vous, la Cour internationale de justice pourrait interpréter la définition qu’a donnée l’ONU du mariage en 1962 et, plus encore, la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, dont l’article 7 dispose que l’enfant a le droit non seulement d’être nourri et élevé, mais aussi, dans la mesure du possible, de connaître ses parents. Je pense que la difficulté est extrêmement sérieuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entendons-nous : la hiérarchie des normes n’est pas mise en cause. Nous sommes d'accord pour reconnaître que les traités internationaux s’imposent en droit interne. La question est de savoir si un ou plusieurs traités comportent une définition du mariage qui heurterait la nouvelle définition, ou plutôt, car il ne s’agit pas de créer une nouvelle définition, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Il ne s’agit pas d’interpréter abusivement les mots. Monsieur Hyest, vous avez le droit de considérer que, quand il est écrit « l’homme et la femme », cela signifie « l’homme avec la femme », mais cela peut également vouloir dire « l’homme en tant que citoyen et la femme en tant que citoyenne ». En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de faire des exégèses, parce que la décision de 2010 que j’ai évoquée portait précisément sur l’autorisation et l’interdiction du mariage de personnes de même sexe. C’est sur la base de la définition de l’expression « l’homme et la femme » dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé qu’il appartenait au législateur national de décider et que, en cas de désaccord entre deux pays, c’était le droit interne qui prévalait.

Quant à l’Allemagne, monsieur Hyest, elle ne fait pas partie des douze pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle. Le doyen Gélard a cité la Pologne, qui en fait effectivement partie. Voici la liste des onze autres : le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la Slovénie, le Vietnam, Madagascar, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l’Algérie. L’Allemagne n’est donc pas concernée. Cela signifie que, indépendamment du régime matrimonial et du droit du mariage allemands, il peut y avoir dérogation à la loi personnelle. Par conséquent, un Allemand ou une Allemande qui souhaite épouser un Français ou une Française en France peut le faire. Sous réserve du respect des dispositions du code civil relatives au mariage, il n’y aura aucune difficulté de transcription : l’acte sera simplement transcrit dans le registre de l’état civil. Je le répète, il ne peut y avoir de difficultés que pour les ressortissants des pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle.

Ma réponse est extrêmement claire. Aucune convention ne comporte de définition du mariage incompatible avec le mariage des personnes de même sexe. Du reste, si nous apprenions qu’une convention bilatérale ou multilatérale signée par la France comportait une telle définition, nous en tirerions les conséquences. Mais, parmi toutes les conventions que j’ai mentionnées – ce sont les principales –, aucune ne soulève la moindre difficulté.

Même si le débat était indispensable, le Gouvernement maintient donc son avis défavorable sur cet amendement, parce qu’il n’y a pas lieu de prendre la précaution de demander un rapport gouvernemental.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 135 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l’adoption 169
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini. Ça monte, ça monte !

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 1er

(Non modifié)

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° Il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :

« Art. 143. – Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » ;

2° L’article 144 est ainsi rédigé :

« Art. 144. – Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » ;

3° L’article 162 est complété par les mots : « , entre frères et entre sœurs » ;

4° L’article 163 est ainsi rédigé :

« Art. 163. – Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. » ;

5° Le 3° de l’article 164 est ainsi rédigé :

« 3° Par l’article 163. »

II. – Après le chapitre IV du titre V du livre Ier du code civil, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV BIS

« DES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS

« Art. 202-1. – Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.

« Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.

« Art. 202-2. – Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en mon âme et conscience, je voterai le texte qui nous est présenté, à commencer, bien évidemment, par son article 1er.

Oui, le temps est enfin venu que le mariage, institution à forte charge plus que symbolique, soit ouvert à tous. C’est une question d’égalité !

M. Charles Revet. Mais non !

M. Roland Courteau. En effet, cette mesure est non seulement légitime ou souhaitable, mais elle est devenue nécessaire, parce qu’il fallait garantir aux familles homoparentales la même protection et la même reconnaissance sociale que celles dont bénéficient les familles constituées d’un père et d’une mère.

En réalité, le temps est tout simplement venu d’adapter notre droit aux évolutions de notre société. L’opposition en est restée à proposer une union civile, sorte d’intermédiaire entre le mariage et le PACS, qu’elle avait pourtant combattu vivement en son temps. Or, aujourd’hui, quatorze ans après, elle l’accepte et le salue.

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de faire remarquer que l’exemple du PACS nous enseigne que le temps est l’allié le plus précieux des réformes de société. Gageons que ceux qui s’opposent aujourd’hui à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels salueront, dans une dizaine d’années, cette avancée. Ils ont juste besoin de davantage de temps pour s’adapter aux évolutions de notre société. C’est tout !

Le consensus se fera jour dans dix ou quinze ans et chacun comprendra alors que le fait de cantonner les homosexuels dans une place à part au sein de notre corps social ne correspondait pas aux fondements de l’universalisme républicain, car la République travaille dans l’intérêt de la société, dans le but de protéger ses citoyens, tous ses citoyens. Elle n’a pas vocation à défendre uniquement une conception religieuse de la famille.

Certes, il s’agit de faire tomber un bastion de stigmatisation, mais l’esprit de ce texte est aussi de réparer une inégalité.

Nous devons à ces couples et à leurs enfants la même stabilité et la même protection qu’aux couples hétérosexuels. Or, dans notre droit, ce qui apporte à un couple et à une famille un tel environnement et la reconnaissance sociale, c’est bien le mariage républicain.

La démonstration a été faite qu’aucune norme constitutionnelle, aucune norme supérieure, pas plus la Déclaration universelle des droits de l’homme que le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, ne s’oppose à ce que la loi ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Il est par ailleurs des réalités qui doivent être prises en compte : je pense aux enfants ! Combien sont-ils aujourd’hui à vivre dans des familles homoparentales ? Sont-ils 20 000, 30 000, 40 000 ou plus ? L’homoparentalité est une réalité. Ces enfants sont-ils en danger aujourd’hui ? Non, puisque les personnes qualifiées s’accordent à dire que tel n’est pas le cas. En revanche, l’intérêt de ces enfants n’est-il pas de bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi ?

Cette avancée sociétale apparaît donc, plus que jamais, nécessaire pour eux. Ils ne se sentiront plus particuliers parce que leurs parents seront légitimes et reconnus.

Non, il n’y a aucune raison de refuser des transformations dans l’ordre social, au seul motif que nos ancêtres, voilà quelques centaines d’années, ne vivaient pas ainsi.

Mes chers collègues, la société avance et il vous faut en tenir compte.

L’article 1er, je le répète, est une avancée sociétale, un bond en avant de nos libertés publiques. Ce texte faisant progresser l’égalité et reculer les différenciations ou les discriminations, il représente un progrès dont nous pouvons nous réjouir.

Madame la ministre de la justice, je tiens à vous témoigner ici mon admiration pour votre détermination à défendre ce projet de loi et ses enjeux.

Notre société évolue et c’est à nous, législateurs, de traduire cela dans la loi, comme l’occasion en fut donnée à nos prédécesseurs lors du vote de la loi Veil sur l’avortement ou de la loi Badinter sur l’abolition de la peine de mort.

Souvenons-nous de ces débats et, parfois, de leur violence, mais souvenons-nous surtout de ce que ces lois nous ont apporté. Plus tard, nous serons fiers de pouvoir dire : oui, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l'article.

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux ici vous faire part à la fois de mon profond malaise, de ma gêne, mais aussi de ma colère, après avoir entendu, cet après-midi, en début de séance, les propos de M. Assouline, qui semble nous rendre responsables des exactions commises ce week-end.

C’est bien évidemment faux et insultant ; nous condamnons formellement ces comportements. Je veux rendre hommage à Jean-Pierre Raffarin et à Mme le garde des sceaux pour leurs propos d’apaisement.

En nous présentant ce projet de loi, sous le prétexte bien sûr très louable de liberté, d’égalité et de progrès social, vous avez, involontairement, fait de la communauté homosexuelle un « objet » politique, sur lequel vous attendez désormais une victoire politique.

Pourquoi cette loi portant sur la famille, finalement, cette loi d’avancée sociétale, se restreint-elle au seul champ des homosexuels ? En isolant les familles homoparentales des autres types de familles, vous les exposez ainsi à la vindicte populaire, à ce que nous avons parfois de pire dans notre République. Elles sont devenues des cibles pour des propos injurieux, insupportables ; elles sont en proie à des comportements outranciers : ceux des homophobes, que nous condamnons, ceux des extrémistes religieux et politiques, dans l’idéologie desquels si peu de Français se retrouvent, et, enfin, ceux des individus qui nous menacent ouvertement, portant atteinte à la liberté du Parlement de façon inacceptable.

Pour renforcer la normalité, la banalisation des couples homosexuels, pourquoi ne pas avoir attendu cette grande loi que vous nous annoncez dans les prochaines semaines, et qui traitera, je l’espère, de toutes les nouvelles formes de familles, y compris des familles homoparentales ?

Ainsi, leur exception aurait été gommée et leur intégration aurait été une réalité, au moins dans nos débats.

Madame le garde des sceaux, madame la ministre, je ressens malaise et gêne, car j’approuve avec responsabilité, respect et enthousiasme, mais surtout avec la même flamme que la vôtre, ce désir d’égalité ; j’approuve la reconnaissance par l’État de l’union homosexuelle, son droit à la pérennité et à la sécurité, son accès aux mêmes droits et aux mêmes devoirs que les couples hétérosexuels, sa banalisation dans notre vie sociale. Car, vous avez raison, qui se souciera dans trois mois, dans six mois, dans un an de cette union ?

Oui, madame le garde des sceaux, oui, madame la ministre, j’approuve cette reconnaissance par l’État de la réalité de l’amour homosexuel. Je revendique également aux côtés d’eux leur capacité à désirer, à aimer, à élever des enfants dans le bonheur et dans l’équilibre.

J’aurais tellement aimé vous accompagner sur ce chemin, madame le garde des sceaux, madame la ministre, très au delà de nos différences politiques.

Aussi, ma colère est d’autant plus vive que ce projet de loi est aussi un mensonge par omission. Vous voulez nous faire croire que nous parlerons plus tard des sujets sensibles de filiation et de procréation artificielle, dont vous avez repoussé la discussion. Mais plus tard sera trop tard !

En vérité, en adoptant cet article 1er, nous acterons un statut unique du mariage. Ainsi, les couples mariés homosexuels disposeront, grâce à la Cour européenne des droits de l’homme, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à tout l’arsenal juridique européen, de l’accès à la PMA.