M. Alain Gournac. Très bien !

M. David Assouline. Ils dépassent tous leur temps de parole de quarante secondes !

M. Jean-Marc Todeschini. D’une minute, oui !

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des foules immenses se sont déplacées de toute la France, le 13 janvier et le 24 mars 2013, pour manifester à Paris contre ce projet de loi. Le Gouvernement a cru bon de ne pas en tenir compte, de balayer d’un revers de main méprisant les inquiétudes, le malaise de ces familles, de ces jeunes, de tous ceux qui se sont exprimés.

Il aurait pourtant dû écouter l’angoisse et mesurer la détermination de ces femmes et de ces hommes venus manifester : angoisse devant ce qui est non pas une évolution, mais une révolution, dont ils ne comprennent pas – ou comprennent trop bien ! – le sens ; détermination à se faire entendre et à empêcher la réalisation du plus ahurissant des projets que notre République ait jamais porté en son sein.

M. Jean-Jacques Mirassou. N’exagérons rien, tout de même !

M. Bruno Sido. Et tout cela au nom de l’égalité ! Quel cheval de Troie, quel détournement de cette valeur essentielle de notre République.

Oui, le genre humain est divisé non pas entre hétérosexuels et homosexuels, mais entre femmes et hommes. Aucune société, même celles de Grèce ou de Rome, dans lesquelles l’homosexualité était relativement courante et acceptée, aucune société, jusqu’à la fin du XIXe siècle, n’a autorisé le mariage homosexuel.

Si nous abandonnons la définition actuelle du mariage, selon laquelle il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme, nous courons le risque, à terme, de ne plus définir du tout ce qu’est le mariage. N’en doutons pas, tout ce qui contribue à affaiblir l’institution du mariage nous entraînera inévitablement vers une fragilisation de notre société. En effet, le mariage n’est pas seulement l’expression d’un choix libre entre deux personnes. Dans ses conséquences pratiques, il concerne bien évidemment la société tout entière et son avenir. Oui, je veux parler des enfants, notre bien le plus précieux et le plus cher !

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, l’a dit à l’envi, et fort justement : ce projet de loi ne modifie en rien l’article 343 du code civil, donc le mariage continue à emporter l’adoption, sous certaines conditions peu restrictives – être marié depuis plus de deux ans et avoir plus de vingt-huit ans.

Or, nous le voyons bien, ce projet de loi introduit une dérive très claire du droit de l’enfant vers le droit à l’enfant. Disons-le clairement : le droit à l’enfant reste très subsidiaire par rapport au droit de l’enfant. Examinons ensemble ce qui se passera demain, si ce projet de loi est adopté.

Actuellement, l’adoption plénière est très difficile à réaliser, car le nombre d’enfants adoptables est très faible en France – en effet, ils ne sont considérés comme tels que si la famille biologique ne s’intéresse plus à eux, et la jurisprudence veut que l’envoi d’une seule carte postale par an prouve que la famille biologique entretient toujours des liens avec son enfant. L’adoption « en interne », si je puis m’exprimer ainsi, est donc pratiquement fermée.

La famille se tournera donc vers l’adoption internationale. Ainsi que l’a dit fort justement, Mme Bertinotti, ministre de la famille, les pays d’origine traditionnels des enfants adoptables encouragent de plus en plus l’adoption nationale, tournant donc le dos à l’adoption internationale. De plus, ce qui est particulièrement cruel pour l’actuel gouvernement, ces pays sont de plus en plus réticents, pour ne pas dire hostiles, aux adoptions par des couples homosexuels : ils ont gardé les pieds sur terre, eux !

En résumé, si les futurs mariés homosexuels de demain veulent exercer leur prétendu droit à l’enfant, ils n’auront pas accès à l’adoption nationale ni internationale.

Il leur restera donc trois solutions, sans plus : soit l’adoption par le conjoint, homme ou femme, de l’enfant de l’autre conjoint ; soit la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes ; soit, enfin, la gestation pour autrui pour les couples d’hommes ou les couples de femmes qui n’ont pas la possibilité d’avoir des enfants. La vérité nue, sans faux-semblant, est celle que je viens de décrire.

Je note que M. le Président de la République n’a jamais promis, dans son programme de gouvernement, ni la PMA ni la GPA.

M. Jean Bizet. Il a menti !

M. Bruno Sido. Toutefois, si l’on veut bien y réfléchir, on y vient tout naturellement, comme l’ont dit avant moi certains de mes collègues.

M. Jospin a bien promis, en 1998, à l’occasion du débat sur le PACS, que celui-ci n’ouvrirait pas la porte vers le mariage homosexuel, disant que « le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme ».

Mme Guigou a bien pu dire, toujours à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif au PACS : « Pourquoi l’adoption par un couple d’homosexuels serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles […], ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes ».

Pour l’enfant adopté, il y a un arrachement à ses origines, à son histoire, qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, ces recherches ne peuvent aboutir.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bruno Sido. Je conclus en soulignant que je ne voterai pas cet article 1er ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, sur l’article.

M. Yann Gaillard. Pour ma part, je m’étonne de la timidité de cet article 1er. Je comprends, à la rigueur, qu’on interdise le mariage entre frères et sœurs, mais je ne vois vraiment pas pourquoi, puisqu’il est question d’une libération de cette institution, on se préoccupe encore des relations de l’oncle et de son neveu, de la tante et de sa nièce ! Cet article me paraît donc ridiculement timide. (Sourires sur les travées de l'UMP.) C’est pourquoi je ne le voterai pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, sur l’article.

M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le refus, par la majorité sénatoriale, du contrat d’union civile, qui aurait pourtant pu réduire la fracture que nous sentons, jour après jour, s’élargir dans la société française, le vote de l’article 1er est bien le cœur de ce projet de loi.

Nous sommes pour la liberté et contre toute discrimination – il me semble nécessaire de le rappeler après avoir entendu certains propos en fin d’après-midi. Nous défendons la liberté pour chacun de vivre comme il l’entend. Nous voulons cependant réaffirmer pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi.

Le mariage, c’est la destinée de la famille, au travers de l’enfant. Nous sommes bien ici au cœur du sujet.

M. Gérard Larcher. Ce projet de loi engendrera de profonds changements sociétaux s’il est adopté, parce qu’il va révolutionner la famille et la filiation. Le terme « révolution » est bien celui qui convient.

Au fond, nos références les plus essentielles sont bouleversées. C’est pourquoi, avec Bruno Retailleau, nous avons souhaité que l’ensemble des Français soient consultés face à un tel bouleversement.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Gérard Larcher. Approuver ce texte tel quel ne reviendrait pas simplement à accorder aux couples de personnes de même sexe un droit au mariage, au nom de l’égalité devant les lois de la République. Cela aboutirait nécessairement, logiquement, juridiquement, au nom même de cette égalité, à accorder un droit à tous les attributs de la parentalité, notamment un droit à la transmission du nom, du patrimoine et, surtout, à la reconnaissance du lien de filiation et de l’exercice de l’autorité parentale.

Cette tendance simplificatrice reviendrait, ni plus ni moins, à renier le code civil, sur lequel repose l’organisation de notre société tout entière. Peu importe ce que nous pensons du code civil et du code de la famille en leur état actuel, ceux-ci devraient être profondément modifiés si ce projet de loi était adopté.

La question du mariage est intrinsèquement et originellement liée à la question de la filiation. Sur les bancs des ministres, dans cet hémicycle ou à l’Assemblée nationale, lors des questions d’actualité ou en commission, beaucoup ont appelé à la fin des postures hypocrites ; très bien !

Dans ce cas, reconnaissons d’abord que, de l’institution du mariage, résulte l’établissement de la présomption de paternité. Reconnaissons que, avec ce projet de loi, nous aboutirons, qu’on le veuille ou non, à l’ouverture de l’adoption plénière aux couples mariés de même sexe.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Gérard Larcher. Soyons logiques et allons jusqu’au bout de cet égalitarisme à tous crins. Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe revient à leur ouvrir le droit de filiation.

Cette filiation « artificielle » sera indispensable, en même temps, puisque ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes. Ces personnes, une fois mariées, n’auront pas les mêmes droits que les hétérosexuels mariés, puisqu’elles seront privées d’enfant, et la réalité fera que l’adoption ne pourra pas, à elle seule, répondre à l’ensemble des demandes.

Je veux insister sur un point : à l’esprit du don, qui sied à notre éthique – don d’organe, gratuit ; don du sang, gratuit ! –, succédera un marché de la procréation, qui bouleversera profondément notre éthique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Cela, nous ne pouvons pas le faire par petites étapes successives de non-dits additionnés. Ce point me semble essentiel.

Samedi dernier – si vous en doutez, chers collègues, vous le vérifierez –, j’ai marié un jeune couple et, en relisant les articles 212, 213 et suivants du code civil, je me suis demandé quel sens pouvait avoir cet engagement.

Ce couple présentait une particularité : il était composé d’un jeune garçon d’origine cambodgienne, dont la famille était rescapée des drames du Cambodge, et d’une jeune fille d’origine bien bretonne, puisqu’elle le revendiquait – de Bénodet, très exactement. Ce jeune couple avait inscrit ce proverbe cambodgien en exergue de son faire-part de mariage : « Un enfant sans père, c’est comme une maison sans toit. Un enfant sans mère, c’est comme une maison sans âtre. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C’est bien ce à quoi nous devons réfléchir, avant de voter cet article 1er. Pour ma part, je le rejetterai avec conviction ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. David Assouline. Raffarin-Larcher : un-un !

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela fait un total de deux !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, certains propos ne peuvent rester sans réponse.

Mme Françoise Héritier a déclaré, lors des auditions de la commission des lois : « Rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l’évidence n’est naturel : tout procède de créations de l’esprit […]. »

Tout à l’heure, M. Dominique de Legge a répondu – je ne pense pas déformer ses propos, qui figurent d'ailleurs au compte rendu de la séance –, « quand on nie le naturel pour privilégier les constructions de l’esprit, on ouvre la porte à toutes les dictatures. » Cette phrase est terrible, parce qu’elle exprime la négation de nos traditions humanistes, et même spiritualistes. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Il faut tenir compte de la nature. Elle est parfois dure avec les constructions de l’esprit, elle se venge. Il faut chercher l’harmonie avec la nature. Toutefois, quand l’esprit abdique, c’est la porte ouverte à toutes les dictatures.

M. Bruno Sido. Pas quand c’est un mensonge !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle je tenais à relever ce cheminement intellectuel.

Je veux également rapporter les propos de Mme Cayeux, qui est intervenue sur l’article 1er. « Quand rien n’arrête plus le désir, […] les dégâts commencent. La loi du désir tout-puissant conduit à insulter la nature. » (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous avez, madame, tout à fait le droit d’avoir une telle conception du désir, mais vous vous êtes exprimée à propos de ce texte, ce qui, pour moi, n’est pas anodin. En effet, ce que vous avez voulu dire, c’est que certaines formes de plaisir sont un bienfait et que d’autres, celles qui émanent d’homosexuels, deviennent des malédictions ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Madame Cayeux, c’est ce que vous avez dit !

M. Alain Gournac. Pas du tout !

M. Philippe Bas. Vous détournez nos propos !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est exactement ce qui a été dit. (M. Charles Revet s’exclame.) Or nous devons être très attentifs, monsieur Revet, aux présupposés de nos propos !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Lorsque l’on nous parle de la polygamie, dont tout le monde voit bien qu’elle n’est pas l’objet du projet de loi, lorsque l’on nous redit, pour la cent cinquantième fois au moins, que nous avançons masqués et que ce texte dissimule la PMA et la GPA,…

M. Charles Revet. C’est la vérité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … où veut-on en venir ? Mes chers collègues, nous sommes nombreux ici – quelques-uns, en tout cas, dont je suis – qui ignorons totalement, dans l’hypothèse où viendrait en discussion un texte sur la PMA et la GPA, ce que nous voterions.

M. Alain Gournac. Nous, si !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ma part, je ne sais pas ce que je voterais.

Aujourd’hui, nous débattons d’un texte qui a un objet. Et il n’est pas correct, sur le plan intellectuel, de nous ressasser qu’il serait invalidé en raison d’un objet qui n’est pas le sien et par rapport auquel on fait constamment des procès d’intention à ceux qui voteraient ce texte !

M. Charles Revet. Nous nous répétons parce que l’on refuse de nous écouter !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On a le droit d’être pour ce texte et de n’être favorable ni à la PMA ni à la GPA, dont nous discuterons le cas échéant.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vous qui tenez toujours le même discours !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ensuite, monsieur Raffarin, je tiens à revenir sur cette question du langage. Vous nous dites que le français est la langue de la République en vertu de la Constitution, et nous sommes ici bien d’accord. Il existe une Académie française, qui prévoit que tel mot, par exemple « mariage », a un sens et n’en changera pas.

Néanmoins, je le répète, toutes les institutions scientifiques humaines et sociales montrent le contraire, bien entendu, y compris l’Académie française elle-même. En effet, si le mot n’avait qu’un sens et que ce sens était immuable, ce serait contraire à l’histoire des langues et à l’histoire tout court. Vous savez, monsieur le Premier ministre, que le dernier dictionnaire de l’Académie française à être paru est le neuvième du genre. La première édition date de 1694. Si l’Académie française a publié neuf dictionnaires, c’est que le sens de nombreux mots a changé.

M. Jean-Pierre Raffarin. Jusqu’à maintenant, le sens du mot « mariage » n’avait pas changé !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les mots sont des êtres vivants, et ce n’est pas la peine de faire comme si tous les mots gardaient toujours le même sens, puisque c’est rigoureusement faux, tout le monde le sait d’ailleurs.

Enfin, je termine en rappelant que nous sommes très attachés à l’esprit du don, monsieur Larcher. C’est quelque chose qui est beau, qui est fort. Nous y tenons, comme nous sommes sensibles aux mots « reconnaissance » et « respect ». Et c’est avec respect que nous voterons cet article 1er, notamment à l’égard de toutes les personnes qui ont été si longtemps vilipendées, qui ont vécu dans la honte, qui veulent être reconnues et qui, ainsi, le seront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Étant très attentive et respectueuse des autres, je me réjouis d’entendre que personne, sur aucune travée, n’est homophobe. Je m’en félicite !

Néanmoins, après vous avoir écoutés avec beaucoup d’attention les uns et les autres, je voudrais vous poser un certain nombre de questions, notamment pour savoir le lien que vous établissez entre les homosexuels et, par exemple, le droit à l’enfant. À supposer qu’il existe, ce dernier s’adresse indifféremment aux hétérosexuels comme aux homosexuels. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. C’est absurde !

M. Alain Gournac. Le droit à l’enfant, cela n’existe pas !

Mme Cécile Cukierman. Laissez-la parler !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous ai écoutés avec beaucoup d’attention. Je vous demande donc de me rendre la pareille !

M. Bruno Sido. Pas quand vous dites des choses absurdes !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous donnez, monsieur Sido, une très belle définition de l’adoption par les couples hétérosexuels quand vous dites que c’est « donner une famille à un enfant ».

Néanmoins, pensez-vous vraiment que la seule motivation de l’ensemble des couples hétérosexuels lancés dans des démarches d’adoption soit de donner une famille à un enfant ? Eh bien, je vous réponds que tel n’est pas le cas ! Sans porter ici de jugement, la réalité est qu’il existe un désir d’enfant qui peut se satisfaire de façon « naturelle », comme vous le dites si bien, mais qui, lorsqu’il ne peut pas être satisfait de façon « naturelle », cherche à s’exprimer dans l’adoption. Cela n’a donc rien à voir avec notre débat.

Je dirai la même chose pour les couples hétérosexuels qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation. N’est-ce pas, là aussi, une forme du droit à l’enfant ou du désir d’enfant qui n’a rien à voir avec l’homosexualité et qui peut s’appliquer indifféremment aux homosexuels comme aux hétérosexuels ?

J’ai également entendu dire que, pour les enfants adoptés par des couples homosexuels, il y aurait une perte des origines. Toutefois, pendant combien de décennies les couples hétérosexuels ont-ils caché à l’enfant qu’ils avaient adopté d’où il venait ? À l’époque, je n’ai pas entendu de voix, ou bien peu, s’élever contre la perte des origines !

Enfin, pensez-vous que les homosexuels seraient assez sots pour laisser croire aux enfants qu’ils élèvent et éduquent qu’ils sont nés de deux pères ou de deux mères ?

M. Bruno Sido. Il n’y a pas de danger !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour ma part, je ne leur ferai pas cette insulte !

J’ai entendu l’opposition parler d’« enfants adoptables », de « la fiction d’une filiation », de « l’enfant qu’on peut s’offrir » ou du « marché de la procréation. » Toutefois, pensez-vous que l’adoption, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui à l'échelle internationale, n’est pas, elle aussi, une forme de marché ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Et alors ?

M. Bruno Sido. C’est scandaleux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Croyez-vous que l’adoption soit actuellement un processus gratuit ? Certes, on peut très bien combattre tout le processus d’adoption qui implique de l’argent, mais pourquoi aller stigmatiser les homosexuels ? Pourquoi les rendre responsables d’une brusque marchandisation ? Pourquoi les stigmatiser avec cette expression si affreuse selon laquelle « on peut s’offrir un enfant » ?

M. Bruno Sido. On s’expliquera à l’article 2 !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je suis assez étonnée que vous n’appliquiez ce vocabulaire qu’aux homosexuels, sans pousser votre réflexion jusqu’au bout et l’étendre aux couples hétérosexuels.

Vous nous faites aussi brosser un tableau qui camperait, d’un côté, les « rétrogrades », et, de l’autre, les « progressistes ». Nous n’avons pas employé de tels mots, pas plus Christiane Taubira que moi-même.

Il n’en demeure pas moins indispensable de le reconnaître, ce sont bien deux visions de la famille qui s’opposent.

M. Charles Revet. C’est une certitude !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les uns défendent l’idée d’une famille idéale, composée d’un père, d’une mère et de deux enfants. Pour eux, elle est éternelle et doit constituer le seul modèle. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais non, madame !

M. Jean-Claude Lenoir. Et dire que vous êtes ministre de la famille !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Laissez-moi m’exprimer, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée et à elle seule, mes chers collègues.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cette famille idéale a-t-elle existé une seule fois dans l’histoire ? Et même si elle existe, que cela plaise ou non à vous ou à moi, aujourd'hui, les formes de la famille dans la société sont diverses. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas une raison pour détruire !

M. Bruno Retailleau. Mais qui l’a nié ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. De toute façon, il ne s’agit pas de porter un jugement décrétant que tel type de famille serait positif et que tel autre ne serait pas défendable. Ce n’est pas ce que demandent nos concitoyens. C’est là que vous faites erreur !

Ce que demandent l’ensemble de nos concitoyens, c’est que soit reconnue, à droits et à devoirs égaux, la diversité de ces modèles de familles, que vous pouvez, en effet, opposer à une famille idéale. Pour ma part, j’ai envie de vous opposer la diversité des familles réelles qui existent aujourd'hui.

M. Yann Gaillard. Rendez-nous Mme Taubira ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il ne s’agit pas de la destruction de la famille, au contraire ! Je veux répondre à M. Raffarin. Celui-ci a affirmé que le Gouvernement allait autoriser toutes les libertés. Ce grand libéral nous a annoncé la loi du marché.

M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne suis pas un « grand libéral ». Je suis un libéral tempéré ! Et vous y viendrez !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous donne acte du « libéral tempéré ».

Contrairement à ce que vous pensez, la demande de mariage est très normative. Elle exprime la volonté d’entrer dans un cadre qui est, effectivement – vous avez raison et nous vous rejoignons sur ce point – très traditionnel. Ceux qui demandent le mariage réclament, non la liberté débridée, mais, au contraire, une protection et une sécurisation juridiques.

M. Bruno Sido. Cela vous ennuie ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Non, cela ne nous ennuie pas ! Ce que nous proposons, c’est de prendre en considération la réalité de la demande de nos concitoyens homosexuels, qui souhaitent bénéficier de la même protection et de la même sécurité juridique que n’importe quelle autre famille.

M. Jean-Pierre Raffarin. Le marché commence ainsi, par une demande, qui est suivie d’une offre !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’ai entendu réclamer une grande loi sur la famille. Ce texte, qui ne relèverait pas de la logique du tout ou rien, aurait pour objet de reconnaître la diversité des modèles familiaux. Vous avez évoqué des questions de fond, qui sont très justes : le statut du beau-parent, la réforme de l’adoption, la levée de l’anonymat, par exemple. Cependant, pour pouvoir élaborer un tel texte, encore faudrait-il que toutes les familles soient sur un pied d’égalité.

Or, aujourd'hui, s’il est des familles qui ne sont pas sur un pied d’égalité avec les autres, qui n’ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, ce sont bien les familles homoparentales. Elles existent déjà. Et il y a déjà des enfants – nombreux ! – qui vivent en leur sein. La loi sur la famille viendra dans un second temps, une fois que l’égalité sera réalisée.

M. Alain Gournac. Cela promet !

Mme Sophie Primas. Cette loi viendra trop tard !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. S'agissant de la gestation pour autrui, je ne vois pas comment il faut le dire ! Le Président de la République n’a cessé de répéter sa ferme détermination et son hostilité à la légalisation de la gestation pour autrui, et même à l’ouverture d’un débat sur cette question.

M. Alain Gournac. Quel président de la République ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous renvoie sur ce point à l’article 16-1 du code civil qui, justement, protège contre toutes les formes de marchandisation du corps.

Enfin, je veux remercier Mme Fabienne Keller. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Mme Jouanno, aussi, j’imagine !

M. Jean-Marc Todeschini. Un peu de respect, les machos !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Celle-ci a déclaré avec beaucoup d’humanité qu’elle ne se verrait pas, en tant que parent, expliquer à un enfant ou à un adolescent, futur adulte homosexuel, qu’il ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits, des mêmes devoirs et des mêmes potentialités que n’importe quelle autre personne vivant en couple, et qu’il devrait renoncer à la parentalité.

M. Bruno Sido. C’est facile !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Au fond, les homosexuels ne réclament pas autre chose qu’une certaine banalisation. En leur proposant une autre forme de mariage, en leur refusant l’adoption plénière, vous leur dites : on vous tolère, mais on ne vous accepte pas ; on veut bien que vous viviez à côté de nous, mais pas avec nous. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard César. Vous déformez tout !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les homosexuels ne demandent qu’à être des citoyens à part entière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.

L’amendement n° 170 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.