M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je demande à M. Carrère de se calmer un peu et de m’écouter ! Cela me ferait un plaisir aquitain… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Madame la garde des sceaux, je vous remercie de nous avoir rejoints en cet instant ; j’aurai donc le plaisir de m’exprimer en votre présence. Je vais parler de ceux qui sont oubliés dans ce projet de loi, les enfants ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Ce sont les grands oubliés de votre texte, notamment de son article 1er !

Voyez-vous, la difficulté soulevée par l’équivalence que vous avez décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants.

On dirait que vous avez oublié – je me dois donc de vous le rappeler ! – qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfant. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Quelle science !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis bien obligée de commencer par là !

Certes, on peut déplorer ce fait, mais il en est ainsi : deux hommes ensemble ne feront pas d’enfant,...

M. Jean Bizet. C’est difficile, en effet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … pas plus que deux femmes ensemble ne pourront procréer.

Pour qu’il y ait procréation, l’homme a besoin de la femme et la femme, de l’homme.

M. Jean-Louis Carrère. Ah, si nous étions des huîtres…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous affirmez que les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant, se fondant, pour cela, sur le droit accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Mais ils oublient – ou ils font semblant d’oublier ! – que c’est la nature et non le droit qui les empêche d’avoir un enfant !

La rationalité de la société – c’est un point très important – repose sur la notion de limite et, avec elle, sur l’idée que tout ne se décrète pas,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … que tout ne se fabrique pas, monsieur Carrère. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préserve de la dictature du droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préserve de la dictature de la science.

Avec votre texte et l’ouverture à la possibilité pour les couples homosexuels de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour, enterrant la notion de limite. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la science et de l’idée que tout peut se fabriquer. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)

On obéissait à la nature qui, comme le disait Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la science et au droit !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La nature évitait que l’homme n’obéisse à l’homme ; désormais, l’homme va obéir à l’homme sans que l’homme obéisse à quoi que ce soit !

M. Alain Néri. Vous pourriez répéter ? Nous n’avons pas compris ! (On le confirme sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dommage que vous ne compreniez pas ! Il vous faudra en tirer les conséquences ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous en arrivons à devoir examiner un texte de ce type ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Démêlez l’écheveau !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Écoutez-moi, juste une seconde !

Et l’enfant de couples homosexuels (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.), vous vous en moquez ? Il aura droit non pas à une origine réelle, mais à une origine absente : les cases « père » et « mère » resteront vides. Qu’on le veuille ou non, cette absence d’origine ne sera pas si simple à porter. L’enfant ne pourra pas se sentir comme les autres, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.

Oui, les partisans de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et de l’adoption avec procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels rêvent – je le pense vraiment – quand ils voient dans ce projet de loi un progrès démocratique sans précédent. Ils croient – et vous le croyez aussi ! – que tout va bien se passer, mais ce ne sera pas le cas !

M. David Assouline. Pourquoi cela se passe-t-il bien en Europe ? En Espagne ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne peut pas bien se passer ! N’imaginons pas que les enfants fabriqués, auxquels on aura volé leur origine, resteront sans réagir ! On prétend résoudre des problèmes, mais on va, au contraire, en créer ! Ne pensez pas un seul instant que tout va bien se passer ! Ne touchons pas aux données naturelles de la famille ! Ne jouons pas avec le feu ! Ne jouons pas aux apprentis sorciers !

Nous avons tous des amis homosexuels, que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons, même.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’un de mes adjoints du conseil municipal est homosexuel.

M. Bertrand Auban. Ce n’est pas possible !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous le voyez, je n’ai aucun problème avec l’homosexualité !

Que les homosexuels soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux au sein d’un couple homosexuel qu’au sein de certains couples hétérosexuels, cela peut arriver. (Des sénateurs socialistes décomptent le temps de parole de Mme Des Esgaulx.)

Écoutez-moi !

M. Jean-Marc Todeschini. Cinq secondes ! Quatre ! Trois ! Deux ! Une…

M. Philippe Marini. Un peu de respect !

M. le président. Mes chers collègues, seule Mme Des Esgaulx a la parole !

M. Jean-Marc Todeschini. Son temps de parole est écoulé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’ai été interrompue en permanence !

M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue !

M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé !

M. Philippe Marini. Mme Des Esgaulx a été sans cesse interrompue ! (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Évelyne Didier. Laissez-la finir son intervention !

M. le président. Je vous en prie, madame Des Esgaulx, poursuivez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je prendrai la parole sur un autre article ou sur un amendement si vous ne me laissez pas terminer ! Cela ne me gêne pas ! Il est vraiment dommage que vous ne vouliez pas nous écouter !

Au travers du texte que vous allez adopter, vous allez fabriquer des enfants qui n’auront pas droit à leur origine. Pour ma part, j’ai eu personnellement à connaître de cas d’enfants dans cette situation. C’est catastrophique !

Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous êtes en train de faire !

Je veux aborder un autre point…

M. François Rebsamen. Non, ça suffit !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je ne peux pas parler !

Mme Esther Benbassa. Cela fait quatre jours que l’on vous écoute !

M. le président. Ma chère collègue, votre temps est écoulé, mais vous aurez l’occasion de reprendre la parole.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vraiment regrettable, monsieur le président ! Comment ne pas s’étonner que le débat ait lieu ailleurs s’il ne peut pas avoir lieu ici ?

M. le président. Madame la sénatrice, votre temps de parole est limité !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne peut pas s’exprimer ici dans de bonnes conditions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. On a gardé le meilleur pour la fin ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas fini !

M. Philippe Marini. Mes chers collègues, je sollicite votre attention !

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 1er est le cœur de ce texte, il en est même le nœud…

M. Philippe Marini. Monsieur Carrère, si vous voulez vous exprimer, demandez la parole pour explication de vote ! Peut-être entendra-t-on alors vos arguments ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis tout à l'heure, vous ne cessez de nous interrompre les uns et les autres ! Souffrez que je m’exprime !

M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues ! Laissez M. Marini s’exprimer.

M. Charles Revet. Monsieur le président, ce n’est pas possible !

M. Philippe Marini. L’article 1er étant au cœur du texte, disais-je, il est bien légitime que nous résumions, les uns et les autres, notre position.

Notre collègue Charles Revet a rappelé que Mme le garde des sceaux avait présenté ce texte comme marquant un changement de civilisation. Je crois que c’est là le point essentiel.

Ce gouvernement, celui que vous représentez en effet, madame le garde des sceaux, avait le choix entre deux démarches.

Il pouvait chercher à régler tranquillement, expérimentalement, les problèmes qui peuvent se poser, en comblant les lacunes du droit, avec le souci d’engager une large concertation avec toutes les composantes de l’opinion, notamment, permettez-moi de le souligner, avec les représentants légitimes des communautés religieuses de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), tout spécialement des trois monothéismes qui structurent les religions de la France.

Mais vous avez choisi une autre voie, celle de l’affrontement, celle des symboles et du prétendu « changement de civilisation ». Aussi sommes-nous fondés à vous demander des comptes, madame le garde des sceaux ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)

Quel gouvernement êtes-vous pour envisager un tel changement de civilisation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Êtes-vous mandatés pour engager un changement de civilisation ?

M. Bruno Sido. Absolument pas !

M. Philippe Marini. Ne serait-il pas préférable d’écouter l’opinion publique et ses composantes diverses, qui, au demeurant, ont bien évolué, me semble-t-il, au cours des mois qui viennent de s’écouler ? Référez-vous aux sondages. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. On sait ce que valent les sondages !

M. Philippe Marini. Peut-être y a-t-il un lien, comme une évolution parallèle, entre la chute de la cote de popularité du Gouvernement et les interrogations qui secouent de plus en plus l’opinion publique pour ce qui concerne le prétendu « mariage pour tous » !

Madame la garde des sceaux, sincèrement, est-ce ce gouvernement dont le ministre du budget, devenu ministre du mensonge, a explosé en vol (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.- M. François Rebsamen invite de la main ses collègues à la modération.),…

M. Alain Bertrand. On n’est pas là pour parler de cela !

M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement dont le ministre du prétendu redressement productif contredit dans la presse le ministre de l’économie et des finances alors qu’il en dépend (M. Bertrand Auban s’exclame.), en voulant remettre en cause nos engagements et les décisions qui ont été solennellement proclamées par votre Président de la République, par votre Premier ministre,…

M. Alain Bertrand. Hors sujet !

M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement, caractérisé par tant de contradictions, un gouvernement dont la porte-parole annonce la PMA et dont le garde des sceaux la nie, et ce malgré toute évidence, est-ce un tel gouvernement qui est qualifié pour présenter ce texte et, surtout, pour en faire le symbole d’un « changement de civilisation » ?

M. Philippe Marini. Mes chers collègues, ce débat est révélateur : il montre bien – et c’est à l’honneur de notre démocratie et de notre assemblée (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) – la profondeur du clivage existant entre nous, la profondeur du fossé qui nous sépare.

Nous sommes en démocratie, et il est important que nos concitoyens sachent où nous nous situons les uns et les autres, quelles sont nos convictions, à quelle civilisation nous appartenons et quelle civilisation nous avons l’intention de promouvoir. Je vous remercie de votre attention ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Mes chers collègues, je vous invite à garder votre calme.

J’appelle mes collègues du groupe socialiste à ne pas céder à la provocation. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui nous empêchez de parler !

M. François Rebsamen. Certains propos dépassent sincèrement les limites de l’acceptable, car ils remettent en cause le suffrage universel, les résultats des élections, le Gouvernement. Mais je vous demande, mes chers collègues de la majorité, de ne pas céder à la provocation ! Laissons cela à la droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote sur l’article 1er.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’instar de nombre de mes collègues, je veux me faire l’interprète de beaucoup de nos concitoyens élus que nous avons reçus les uns et les autres ou qui nous ont écrit : ils ne comprennent pas pourquoi un tel débat est organisé aujourd'hui.

En effet, était-il urgent d’engager ce débat en cette période de crise économique, alors que nous sommes au bord du gouffre et que tant de sujets plus importants devraient être traités, à l’heure où la crise de confiance se fait de plus en plus forte et où le bateau France est devenu un bateau ivre ?

M. Roland Courteau. Hors sujet !

M. Rémy Pointereau. Ce sujet divise les Français, alors même que le président Hollande avait promis de ne pas les diviser lorsqu’il était candidat ! Souvenez-vous : « Moi Président de la République, je serai à l’écoute des Français. »

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a vu le résultat !

M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’engagerai de grands débats citoyens. »

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a aussi vu le résultat !

M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vues,…

M. Bruno Sido. Ouh là là !

M. David Assouline. C’est quoi, le sujet ?

M. Rémy Pointereau. … pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps […] j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français. »

M. Rémy Pointereau. Pour ma part, je suis aujourd'hui choqué par les propos de certains collègues de la majorité concernant le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il y aurait, d’un côté, les modernes, ceux qui y sont favorables, et, de l’autre, les conservateurs,…

M. David Assouline. C’est cela ! Vous avez tout compris !

M. Rémy Pointereau. … qui y seraient opposés et seraient, qui plus est, homophobes.

Je m’inscris en faux contre cette assertion, car je suis – nous sommes ! – contre l’homophobie, contre la stigmatisation des homosexuels. L’homosexualité n’est plus un sujet tabou dans une société comme la nôtre. Des homosexuels, nous en connaissons tous parmi nos proches, nos amis, dans nos familles.

M. Rémy Pointereau. Je respecte à la fois les personnes et leur choix de vie. D’ailleurs, on pouvait croire que le PACS aurait permis aux couples homosexuels de trouver leur place dans la société.

M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez combattu !

M. Rémy Pointereau. On pouvait penser, alors que prime la parité, qu’il était naturel que le mariage soit réservé à l’union d’un homme et d’une femme.

C’est pourquoi nous avions souhaité mettre en place cette union civile qui aurait comporté les mêmes droits et les mêmes devoirs que le mariage. Chers collègues de la majorité, vous l’avez refusée !

Devant ce choix de société, ce « changement de civilisation », selon la formule qu’ont rappelée certains de mes collègues, nous voulions un grand débat populaire suivi d’un référendum, qui aurait tranché. Chers collègues de la majorité, vous les avez refusés !

Le mariage civil est une institution républicaine qui définit un cadre pour la procréation et la filiation. Nous devons donc promouvoir le droit de l’enfant et non le droit à l’enfant. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler, chers collègues de la majorité, les propos tenus par l’une des vôtres.

« Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, mais bien plus que cela : c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. […] La non-discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l’humanité, de sa survie, est celui de la filiation. […] Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut […] ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. […] Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels […] est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. » Pourquoi ce que disait Mme Élisabeth Guigou en 1998, lors des débats sur le PACS à l’Assemblée nationale, ne serait-il plus valable en 2013 ?

Mesdames les ministres, la PMA et la GPA ne figurent pas dans votre projet de loi, mais, contrairement à ce que vous affirmez, une brèche est bien ouverte pour l’avenir. Étant donné le nombre extrêmement restreint d’enfants à adopter et la fermeture d’environ quatre-vingt-dix pays pour l’adoption d’enfants étrangers, le projet de loi, s’il est adopté, ouvrira la porte aux PMA et aux GPA réalisées à l’étranger.

M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Rémy Pointereau. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré que, pour vous, une civilisation avait des fondements, des principes, et que parmi eux figurait l’égalité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. François Rebsamen. Le règlement, c’est le respect du règlement !

M. David Assouline. C’est fini !

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Rémy Pointereau. Estimez-vous que ce principe d’égalité s’appliquera aux enfants que l’on aura délibérément privés de leur père ou de leur mère et aux enfants qui ne pourront établir leur filiation ? (Nouveaux murmures sur les mêmes travées où l’on commence à frapper sur les pupitres.)

Mme Éliane Assassi. C’est fini !

M. le président. Mon cher collègue, vous n’avez plus la parole.

M. Rémy Pointereau. Non, nous ne voterons pas cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, dans quelques instants, le vote de l’article 1er du projet de loi ouvrira le mariage de manière pleine et entière aux couples de personnes de même sexe.

M. Jean Bizet. Attendez !

M. Charles Revet. L’article n’est pas encore voté !

M. Yves Daudigny. Oui, nous pouvons l’affirmer : le vote de cet article 1er, qui constitue le cœur du projet de loi, est un moment historique ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP s’esclaffent.)

Après que l’homosexualité eut été dépénalisée et que la protection assurée par le code pénal eut été étendue aux victimes de discriminations fondées sur les mœurs, il a fallu attendre la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité pour que les couples homosexuels se voient reconnaître droit de cité, tant au titre de la définition générale du concubinage visant deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple que par l’ouverture à leur profit du PACS.

Aujourd’hui, il n’est pas question d’accorder des droits spécifiques aux couples de personnes de même sexe, mais il s’agit de leur ouvrir l’accès à une institution républicaine dont, jusqu’à ce jour, ils étaient exclus.

Ainsi, le mariage poursuit son évolution vers l’égalité : après la suppression du devoir d’obéissance de la femme à son mari, la suppression du chef de famille et le rétablissement du divorce par consentement mutuel, son ouverture aux couples de personnes de même sexe marque un tournant décisif.

Nous nous réjouissons de cette avancée permettant à la France de rejoindre les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal et la Norvège, qui ont déjà franchi ce pas vers l’abolition des hiérarchies entre les sexualités, ainsi que la Grande-Bretagne, qui le franchira bientôt.

Cette ouverture du mariage civil et républicain aux couples de personnes de même sexe se fait à droit constant, sans aucun préjudice pour l’institution elle-même ni pour les couples hétérosexuels. Avec la force de la conviction, avec la force du mouvement porteur du progrès, le groupe socialiste votera l’article 1er du projet de loi !

M. Alain Gournac. C’est une bonne nouvelle !

M. Yves Daudigny. Pour conclure, je souhaite répondre à ceux de nos collègues qui, à plusieurs reprises, ont convoqué les dictionnaires dans nos débats. Qu’ils sachent que Le Petit Robert, depuis une dizaine d’années, ne décrit plus le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Il en donne déjà une définition ouverte et universelle en ces termes : « union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ».

Quant au Petit Larousse, son édition 2014, qui sera publiée en juin prochain et dont la rédaction est déjà terminée, définira le mariage comme un « acte solennel par lequel deux personnes de sexe différent ou de même sexe établissent entre elles une union ». La définition est même déjà actualisée dans le Larousse en ligne.

M. Alain Gournac. Si c’est déjà dans le dictionnaire, alors c’est réglé !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais à quoi servons-nous ?

M. Yves Daudigny. Mes chers collègues, la force des mots et les symboles qu’ils portent n’ont jamais été et ne sont pas figés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les interrogations et les inquiétudes qui sont les miennes et qui expliquent ma position sur ce texte portent sur les conséquences du projet de loi sur la filiation, que mon histoire et mon expérience au sein du conseil général de mon département me permettent d’appréhender. Pour tout vous dire, les débats de ces dernières heures n’ont vraiment pas été de nature à me rassurer !

Je comprends l’envie et le besoin légitimes des couples homosexuels de voir reconnaître leur union dans un cadre plus solennel, avec une sécurité juridique renforcée, mais je suis opposée aux conséquences que ce projet de loi, s’il était adopté, aurait sur la filiation.

Je pense en premier lieu à l’adoption qui, à n’en pas douter, aboutirait à l’ouverture à la procréation médicalement assistée, aujourd’hui un palliatif à l’infertilité, et demain à la gestation pour autrui, actuellement interdite en France et à laquelle je suis profondément opposée. La marchandisation des corps n’est pas acceptable !

Si les couples homosexuels et hétérosexuels peuvent se marier dans les mêmes conditions, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits, la PMA et la GPA seront inévitablement possibles. C’est pourquoi je suis contre ce projet de loi.

En revanche, je suis favorable à une union civile, dont la création a été proposée par mon groupe, l’UDI-UC. Cette union aurait été déclarée en mairie, devant l’officier d’état civil, ce qui aurait donné une solennité à l’engagement des deux partenaires du couple. La conclusion de cette union civile aurait déclenché l’application d’un statut patrimonial protecteur et apporté aux conjoints davantage de sécurité juridique en cas de dissolution.

L’objectif de notre proposition était d’apporter à l’union des couples de personnes de même sexe une reconnaissance sociale et de l’entourer d’un cadre juridique plus protecteur, tout en excluant la filiation. Chers collègues de la majorité, vous l’avez, hier, balayée d’un revers de main !

Il ne s’agit pas d’affirmer que les homosexuels seraient de moins bons parents que les hétérosexuels. Seulement, nous ne voulons pas que des enfants soient privés d’un père ou d’une mère.

Si ce projet de loi est adopté, les règles du mariage et de la filiation, qui sont liées, seront profondément bouleversées. Pour justifier ce bouleversement, on invoque le principe d’égalité ; les discriminations sont intolérables, dit-on, et il faut les combattre. Je suis bien évidemment hostile à toute forme de discrimination, mais, au-delà de l’adoption, qu’en sera-t-il des enfants issus de la PMA et, plus particulièrement, de la GPA ?

Mesdames les ministres, d’où vous viennent vos certitudes ? Vous qui avez une grande expérience de la vie, n’avez-vous jamais éprouvé le moindre doute au sujet d’un seul des aspects du projet de loi ? Un doute, même infime, ne devrait-il pas profiter à l’enfant ?

Ce projet de loi ne prend pas en compte l’intérêt de l’enfant, alors que le seul objectif qui vaille est d’aider celui-ci à se construire. Pour cela, nous devons lui apporter tout ce dont il a besoin. Or il a besoin d’un père et d’une mère.

Mesdames les ministres, force est de constater que vous n’entendez pas nos concitoyens, faute de les écouter, non plus que certains d’entre nous. Vous avez prévu la conclusion avant même le débat parlementaire (M. Charles Revet acquiesce.), vous abritant derrière les promesses de campagne. Vous n’avez pas mesuré les conséquences de ce texte !

Ne pouvant cautionner vos positions, je ne voterai pas cet article 1er, ni l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme mon collègue Charles Revet, je ne voterai pas cet article 1er, ni d’ailleurs l’ensemble du projet de loi. Vous n’en serez pas surpris, mais permettez-moi de vous en résumer brièvement les raisons.

Ce projet de loi est fondé sur un certain nombre d’ambiguïtés et de mensonges.

Je vois un premier mensonge concernant l’égalité, qui pousse à imaginer qu’un couple constitué de deux hommes ou de deux femmes serait égal à un couple constitué d’un homme et d’une femme. Comme notre collègue Bruno Retailleau l’a excellemment rappelé au début de cette discussion, le Conseil constitutionnel a donné son avis sur cette question en janvier 2011. Ce souci permanent d’égalitarisme vous conduit à des dispositions contre-nature !

Il y a, ensuite, le mensonge sur le bien-être et le développement psychologique de l’enfant. Ce développement, je conçois mal qu’il puisse être assuré au sein de ces couples que vous voulez imaginer.