M. Jean-Louis Carrère. Nous ne les imaginons pas !

M. Alain Bertrand. Ils existent !

M. Jean Bizet. Avez-vous pensé à ce que deviendront ces enfants, à la manière dont ils se comporteront, une fois adultes, pour perpétuer notre civilisation ?

Il y a aussi le mensonge qui porte sur la PMA et la GPA. Nous savons bien que la Cour européenne des droits de l’homme attend avec attention la décision de la France. Je dois reconnaître l’honnêteté intellectuelle du rapporteur sur ce point précis ; lui, ne nous a pas trompés.

Mensonge encore en ce qui concerne le nombre de Françaises et de Français qui, à deux reprises, ont défilé dans les rues de Paris. Vous ne les avez ni vus ni entendus, et vous n’avez même pas su les dénombrer !

Toutefois, le mensonge le plus grave est celui du Président de la République lui-même. Le temps d’une journée – pas n’importe laquelle, il est vrai, puisque c’était le jour du congrès des maires –, il a, devant le trouble de nombreux maires de France, invoqué la liberté de conscience.

M. Jean Bizet. Pendant cette journée, le Président de la République lui-même a accepté de considérer que les maires pourraient faire jouer leur liberté de conscience.

M. Philippe Marini. Il y en a qui l’ont cru !

M. Jean Bizet. Aujourd’hui, deux mille cinq cents d’entre eux, dont je fais partie, ont décidé d’entrer dans une désobéissance républicaine.

Mme Éliane Assassi. C’est mal !

M. Jean Bizet. Près de vingt mille élus locaux ont suivi cette voie. Madame la garde des sceaux, permettez-moi, avec un peu d’humour, de vous poser cette question essentielle : qu’adviendra-t-il de nous ? Serons-nous pendus ou suspendus ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Votre réponse est importante, car il y a une solution que je préfère !

M. David Assouline. Vous appliquerez la loi !

Mme Éliane Assassi. Vous êtes un élu républicain, vous appliquerez donc la loi !

M. Jean Bizet. Non, je n’appliquerai pas la loi. Monsieur Assouline, moi qui, en tant que maire, suis officier d’état civil depuis trente ans, j’ai clairement décidé d’entrer en dissidence vis-à-vis de la loi républicaine parce que je ne me reconnais pas dans la société que vous voulez construire !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de la dissidence ! C’est trop facile de dire cela !

M. Jean-Louis Carrère. Vous ne serez peut-être pas réélu !

M. Jean Bizet. Tous ces mensonges préparent la mutation de civilisation à laquelle vous nous conviez.

Mesdames les ministres, cette République des droits et des devoirs, je la préfère à la République des désirs et des dérives, que je refuse.

Mme Éliane Assassi. C’est fini !

M. Jean Bizet. Au cours de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la presse, dans une envolée médiatique, a considéré que vous entreriez sans doute dans l’histoire, madame la garde des sceaux.

Mme Éliane Assassi. C’est terminé !

M. François Rebsamen. Il faut respecter le règlement !

M. Jean Bizet. L’histoire, justement, le dira, mais si tel devait être le cas, je crains, madame la garde des sceaux, que, pour vous, l’histoire ne soit particulièrement cruelle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.

M. Alain Gournac. Je voudrais bien sûr dire à l’ensemble de mes collègues que je ne voterai en aucun cas l’article 1er. Mais, avant de vous expliquer pourquoi, je veux m’élever, devant vous tous, contre les propos tenus hier par le rapporteur, qui nous a expliqué à quel point la famille était affreuse, la famille des bâtards, la famille des femmes enceintes que l’on cachait à la maison,…

M. François Rebsamen. Très moderne !

M. Alain Gournac. … faisant uniquement référence au xixe siècle.

Je proteste contre une telle image de la famille, tout à fait contraire à celle que je tire de mon expérience personnelle.

Je suis le sixième d’une famille de neuf enfants, …

M. Jean-Louis Carrère. Il l’a déjà dit !

M. Alain Gournac. … je suis un pur produit de la famille et du travail, et pas des 35 heures ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Oui, je suis un pur produit de la famille, parce que mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs m’ont aimé. Alors, aujourd’hui, je ne peux accepter que l’on montre du doigt, comme on l’a fait hier soir, la famille.

Pourquoi ne voterai-je pas ce texte ? Comme mon collègue l’a dit il y a un instant, nous sommes victimes d’un mensonge, alors même que nous venons d’être victimes d’un mensonge d’État, qui fera beaucoup de mal à l’ensemble du personnel politique, c'est-à-dire à vous comme à nous.

Après ce mensonge d’État qui a bouleversé l’ensemble de nos concitoyens, aujourd’hui, par un nouveau mensonge, on veut nous faire croire que l’on ne prend aucun risque en votant un texte qui, somme toute, ne concernerait que l’adoption par les couples homosexuels, et c’est tout !

Mme Éliane Assassi. Absolument !

M. Alain Gournac. Pourtant, chacun a pu facilement démontrer qu’il suffira de porter le problème au niveau européen pour que le reste suive. Et l’on aura beau jeu de venir nous dire ensuite : c’est pas nous, c’est l’Europe !

Mme Cécile Cukierman. Parlez-nous de l’Europe que vous construisez !

M. Alain Gournac. Je ne veux pas cautionner la destruction de ce qui fait l’équilibre particulier de la société française, une société qui repose sur la famille, chers collègues.

Mme Éliane Assassi. C’est votre équilibre à vous !

M. Alain Gournac. C’est un équilibre précaire, qui subsiste encore aujourd’hui, fort heureusement, alors que chacun doute.

J’entendais parler tout à l’heure de « domination masculine » !

Mme Cécile Cukierman. Des siècles et des siècles de domination masculine !

M. Alain Gournac. Je ne sais pas où vous vivez, mais il va falloir vous réveiller ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Non, non, non, je ne voterai pas ce mensonge !

M. Alain Gournac. Non, non et archi-non, je ne voterai pas ce texte, qui signifie la destruction totale de la famille française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, pour explication de vote.

M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en autorisant le mariage entre personnes de même sexe, l’article 1er de ce projet de loi vise à assurer aux couples de personnes de même sexe les mêmes conditions de reconnaissance sociale et de protection juridique qu’aux couples hétérosexuels.

L’exposé des motifs du projet de loi précise que « nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. » Mais la situation des couples homosexuels n’est pas analogue à celle des couples hétérosexuels. Seule l’union de l’homme et de la femme permet la procréation. La signification du mariage n’est pas d’officialiser une vie de couple, mais d’instituer un cadre juridique protecteur pour la famille.

Le mariage ne saurait être limité à un contrat comme les autres qui n’engagerait que ses signataires. C’est une institution, la fondation même de notre société.

Le mariage désigne le père des enfants mis au monde par la femme mariée. C’est la présomption de paternité, définie par l’article 312 de notre code civil. En accordant le mariage aux homosexuels, vous allez bouleverser toutes les règles du mariage, du vrai mariage, de la filiation, de l’état civil, de la procréation médicalement assistée et de la parenté !

Vous créez des catégories de droit fictives. En effet, les hétérosexuels n’ont pas de droits spécifiques dont les homosexuels seraient exclus.

Tout le monde n’est pas épousable et il ne suffit pas de s’aimer pour pouvoir se marier. L’idée d’égalité ne doit pas être dévoyée en changeant l’idée du mariage.

Au nom de quoi allez-vous autoriser qu’on prive d’un père ou d’une mère un enfant adopté ou issu de la PMA, voire, un jour peut-être, de la GPA ? L’État va ainsi décider que certains enfants n’auront jamais de père ou de mère, ce qui n’a rien à voir avec les aléas de la vie. Elle est ici, la vraie discrimination : c’est celle que vous ferez subir délibérément à ces enfants.

Il n’y a pas de droit à avoir un enfant, mais il y a un droit des enfants à avoir un père et une mère. Après, les aléas de la vie font que les parents peuvent se séparer ou mourir, ce qui n’est pas du tout la même chose que de priver un enfant, en vertu de la loi, de mère ou de père, qu’il s’agisse des parents biologiques ou adoptifs.

Ce que vous projetez de faire au nom d’une inégalité qui n’existe pas est extrêmement grave. Le droit doit non pas servir le désir des gens, mais protéger les plus faibles, les plus vulnérables. Il aurait été plus respectueux de proposer une union civile pour les couples homosexuels, car celle-ci ne crée par de filiation. Or la filiation, pour les couples homosexuels, est une construction juridique reposant sur une fiction : deux homosexuels ne peuvent pas procréer.

La dimension familiale du mariage inclut la procréation. C’est pourquoi nous proposons l’union civile pour les couples homosexuels. Cette union aurait le mérite de préserver la filiation. Respectons chacun en ne modifiant pas le sens du mariage. Le désir d’enfant des couples homosexuels ne nous donne pas le droit de priver un enfant de l’affection d’une mère ou d’un père.

C’est pourquoi je ne voterai pas cet article 1er, pas plus d’ailleurs que l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. Mme Françoise Férat applaudit également)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de l’article 1er de ce projet de loi. Nous sommes bien entendu au cœur du débat. De nombreuses questions ont été posées par mes collègues, en particulier sur la PMA et la GPA. Nous n’avons pas obtenu de réponses sérieuses sur ces questions non moins sérieuses.

Je vous ai bien écoutée, madame la garde des sceaux, et j’estime que le Gouvernement et la majorité campent sur leur position. On a l’impression assez désagréable qu’il n’y a ni écoute ni sensibilité aux arguments aussi pertinents les uns que les autres que l’opposition a tenté de développer.

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes écoutés, en tout cas !

M. Bruno Sido. De mon point de vue, il y a une question que nous n’avons pas suffisamment approfondie, en analysant trop vite l’article 1er. Je veux parler de l’article 343 du code civil, lequel, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, n’a pas été modifié et autorise de fait l’adoption par les couples homosexuels. Je souhaite ainsi évoquer un peu plus longuement cette possibilité, qui me semble d’importance. L’adoption me tient en effet particulièrement à cœur, vous imaginez pourquoi.

Beaucoup de mes collègues parlent de l’adoption d’une façon très intelligente, mais surtout très intellectuelle et très froide, sans y mettre de cœur ! L’adoption, ce sont des enfants que l’on accueille dans sa famille. En la matière, les propos ont sans doute manqué d’entregent. J’ai entendu beaucoup de choses, souvent censées, parfois fausses.

Il est éminemment faux – je suis désolé, madame la ministre de la famille – de dire qu’il n’y a pas plus de problèmes avec les enfants adoptés qu’avec les autres, même s’il existe, fort heureusement, des exceptions ! Soit il faut être aveuglé par l’évidence, soit il faut vraiment ne pas vouloir se pencher sur la question.

L’enfant adopté – je parle de l’adoption par des couples hétérosexuels – est arraché à ses origines, à son histoire, ce qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, les recherches ne peuvent aboutir et sont vaines. Des difficultés psychologiques s’ensuivent très souvent. L’adoption par des couples homosexuels posera à l’enfant une difficulté supplémentaire. Après avoir constaté qu’il n’est pas l’enfant naturel de l’un de ses deux parents ou des deux parents à la fois, ce qui le différencie déjà des autres enfants, il constatera qu’il a été adopté par un couple de même sexe, ce qui le différenciera une deuxième fois. Ce nouveau choc compliquera encore un peu plus une situation déjà compliquée et perturbante.

Ma question est claire, madame la ministre : de quel droit peut-on infliger un tel traitement à l’enfant ? (Mme la garde des sceaux consulte des documents.) J’aimerais bien être écouté, madame la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous écoute, monsieur le sénateur ! Je vous écoute et je lis en même temps !

M. Bruno Sido. Il est vrai que vous êtes une femme, vous pouvez donc faire deux choses à la fois. Nous, les hommes, nous ne savons pas ! (Sourires.)

Ce n’est certainement pas en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant ni du droit qu’a tout enfant en devenir de vivre dans une famille harmonieuse, lui permettant d’avoir toutes les chances de réussir sa vie.

Votre projet de loi, madame la ministre, est intrinsèquement mauvais, porteur de graves difficultés pour la cohésion de notre société et l’avenir des enfants adoptés. Il soulève également de graves questions éthiques, auxquelles nous ne pourrons pas échapper, alors même que le Comité consultatif national d’éthique n’a pas été entendu ! Craignez-vous ses conclusions et les éclairages qu’elles pourraient donner à nos débats ?

En tout état de cause, parce que je respecte notre société, son histoire et ses racines, parce que je respecte par-dessus tout l’enfant et ses droits et parce que, enfin, j’entends les clameurs de nos citoyens bouleversés et révoltés par ce projet de loi inqualifiable, je ne voterai pas, vous l’avez compris, cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je voudrais remercier M. Rebsamen de son appel au calme. Franchement, c’était utile et nous y avons été très sensibles. Pour être franc, la réaction d’un certain nombre d’entre vous, chers collègues socialistes, pendant que Mme Marie-Hélène Des Esgaulx parlait, n’était pas particulièrement brillante. (M. David Assouline proteste.)

Mais vous allez encore être repris par votre président de groupe, monsieur Assouline ! Je vous en prie, cessez de vous en prendre à vos collègues ! Laissez-nous parler !

M. David Assouline. C’est de la comédie !

M. Jean-Pierre Raffarin. Vous nous reprochez de parler trop. Pour ma part, je suis profondément déçu par ce débat, qui n’a donné lieu à aucun échange réel entre nous.

Pourtant, peu de débats auront suscité une présence aussi nombreuse et des interventions si préparées, réfléchies, inspirées par le vécu. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Ne sous-estimez pas la réflexion des autres, elle est aussi importante que la vôtre !

Au fond, on ne se parle pas ! C’est la raison de cette violence latente qui, de temps en temps, s’échappe sous forme d’interjections malheureuses.

Vous avez décidé, avant même de pénétrer dans l’hémicycle, de ce que serait votre vote final. Vous avez décidé que tout le monde devait voter de la même façon, les uns et les autres alignés comme des petits pois. Vous avez décidé que la liberté de s’interroger n’avait pas lieu d’être et que personne ne pouvait s’associer à nos questionnements.

Mais au fond, vous n’êtes pas responsables : le Gouvernement a choisi dès l’amont une mauvaise méthode, qui nous empêche de travailler ensemble. Je discerne en effet trois grands sujets sur lesquels nous pouvions, me semble-t-il avancer.

Tout d’abord, la très grande majorité d’entre nous n’a aucun problème avec la reconnaissance, par la société, du couple homosexuel. Cela n’a pas toujours été le cas, il y a eu des torts, mais tout cela appartient au passé.

Aujourd'hui, il n’y a plus aucune raison de nous diviser sur ce sujet, d’autant que ce n’est pas dans l’intérêt du pays.

L’adoption est le deuxième thème sur lequel nous pourrions trouver un accord. Nous le reconnaissons tous, dans notre pays, elle a souvent été un échec. Je le sais pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet, lorsque j’ai créé l’Agence française de l’adoption. Je me suis alors heurté à beaucoup d’obstacles, en matière de procédure, de négociations internationales. Que de drames familiaux liés à l’adoption ! D’un côté, des enfants sont seuls, tandis que, de l’autre, des couples attendent en vain de pouvoir leur donner de l’amour. Il faut repenser l’adoption, et non pas nous diviser sur le sujet.

Enfin, la PMA et la gestation pour autrui sont de vraies questions, mais il suffirait, pour éviter la division, que le Gouvernement s’engage clairement à ne pas prendre d’initiative législative sur ces sujets pendant le quinquennat. Alors, nous pourrons discuter.

Sous la présidence de M. Chirac, lorsque nous avons abordé la question du port du voile à l’école, autre sujet extrêmement sensible, nous avons créé la commission Stasi, au sein de laquelle vous étiez représentés.

M. Jean-Louis Carrère. Oui, nous y avons participé.

M. Jean-Pierre Raffarin. Nous avons discuté tous ensemble et, finalement, cela a débouché sur l’adoption d’un texte à l’unanimité. Si la loi est aujourd’hui respectée et s’applique dans un climat apaisé, c’est parce que l’ensemble du pays la soutenait. Lorsqu’il y a un consensus national sur un sujet de société, cela donne de la force politique et de la crédibilité aux textes que nous votons.

Tout à l’heure, M. Marini n’a pas remis en cause votre légitimité démocratique ; on peut simplement s’interroger sur le point de savoir si, les uns et les autres, nous avons la légitimité nécessaire pour toucher ainsi à un fondement de notre civilisation : notre mandat va-t-il jusque-là ? Vous répondez par l’affirmative, nous par la négative. Nous pourrions y réfléchir ensemble, car c’est là une question très importante.

Madame le garde des sceaux, avec votre projet, vous êtes en train de briser l’unité nationale, de créer une fracture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.) Vous le savez bien, il y aura d’autres manifestations, d’autres oppositions, d’autres brutalités, alors que, sur un tel sujet, nous aurions sans doute pu emprunter un autre chemin, afin d’élaborer une solution consensuelle, à la française. Sur cette question qui intéresse toutes les sociétés, la France, pays des Lumières, aurait alors donné d’elle la meilleure image. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais je voudrais m’arrêter quelques instants sur la finalité de ce projet de loi.

À en croire M. Daudigny, il serait inutile de légiférer, puisque tout est déjà dans le Petit Robert(M. Alain Gournac rit.) Je ne partage bien évidemment pas ce point de vue.

Selon vous, madame le garde des sceaux, il s’agit d’engager un changement de civilisation. On peut se demander si la loi est le bon vecteur pour amorcer un changement de civilisation, mais, au moins, la ligne est claire. Même si votre réponse à nos interrogations sur la PMA ne l’est pas tout à fait, du moins a-t-on bien compris dans quelle direction vous souhaitez aller.

Pour ma part, je ne me serais pas aventuré dans une métaphore du gruyère. Je vous rappelle que ce fromage est suisse et, par les temps qui courent, je ne suis pas certain que votre comparaison soit très heureuse… (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le gruyère est français, c’est l’emmental qui est suisse !

M. Dominique de Legge. Dans la fable Le Corbeau et le Renard, au final, ce n’est pas celui qui tient le fromage qui s’en sort le mieux !

Par ailleurs, Mme la ministre chargée de la famille nous a exposé une conception du texte que je qualifierais – n’y voyez rien de péjoratif – de « greffière » : la famille n’étant plus tout à fait aujourd'hui ce qu’elle était hier, puisqu’elle peut désormais être monoparentale, homoparentale ou recomposée, il convient d’adapter la loi à l’évolution des mœurs.

Cette position ne m’étonne pas de la part de Mme la ministre chargée de la famille, car, lors du débat que nous avons eu voilà une dizaine de jours sur l’évolution des prestations familiales, elle avait suivi la même logique, concernant notamment la fonction éducative des parents. Il y a donc une continuité…

En regard de ces deux thèses, une synthèse était nécessaire. On nous a alors dit qu’il était inutile de débattre de ce sujet, puisqu’il s’agissait d’une promesse de campagne de M. Hollande !

Là où les choses se compliquent, c’est qu’un jour on nous affirme que le texte porte uniquement sur le mariage et pas sur la PMA, un autre jour on nous apprend que la PMA pourrait être incluse dans le champ du dispositif, un autre jour encore on ouvre la possibilité, pour les maires, de faire jouer une clause de conscience, avant enfin de revenir sur cette annonce… Je comprends, chers collègues de la majorité, que, devant tant d’imprécisions, il vous soit nécessaire de recourir à la discipline de vote !

Pour ma part, je préfère appartenir à un groupe où la liberté de vote existe, même si, quelquefois, cela aurait pu nous arranger qu’elle n’existât point ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Je pense qu’un certain nombre d’entre vous ont des doutes sur ce texte, mais le recours à des scrutins publics les a empêchés de les exprimer.

Je terminerai par là où j’ai commencé. À quoi sert la loi ? Je considère qu’elle sert à protéger le plus faible. Or, j’ai l’intime conviction que le présent texte ne protégera pas le plus faible d’entre nous, à savoir l’enfant. C'est la raison pour laquelle je ne voterai ni l’article 1er ni le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. C’est avec fierté que les écologistes voteront l’article 1er.

Ne croyez pas, chers collègues, que nous ne vous ayons pas écoutés. Nous entendons et partageons votre attention aux enfants. Nous savons ce qu’est un enfant livré à la télévision, un enfant battu, un enfant maltraité. Tous les cas révélés par la presse concernent des couples hétérosexuels. Nous n’en tirons aucune conclusion : il y a des délinquants et des personnes honorables de tous les côtés. Nous considérons que personne n’a le droit de suspecter a priori de mauvaise parentalité une catégorie de la population du fait de son orientation sexuelle.

Jamais je n’avais autant entendu parler de nature dans cet hémicycle. Même M. Bizet, grand défenseur des OGM, s’y réfère aujourd’hui !

M. Jean Bizet. Ne mélangez pas tout !

Mme Marie-Christine Blandin. Le bien commun de la civilisation, c’est la nature, mais c’est aussi la culture, qui depuis des milliers d’années tend à la réduction des injustices : fini le roi de droit divin ! Fini l’esclavage, tout au moins chez nous ! Finie l’oppression des femmes, du moins en partie ; elles ont maintenant le droit de voter, c’est merveilleux ! Continuons sur ce chemin de conquêtes successives, en mettant un terme à la discrimination en matière de droit au mariage. Nous pouvons être fiers de gravir aujourd’hui cette nouvelle marche ; je regrette, chers collègues, que vous ne soyez pas à nos côtés ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Je ne comptais pas prendre à nouveau la parole, mais je ne peux laisser M. Raffarin faire la leçon à la Haute Assemblée.

M. Jean-Claude Lenoir. Elle est pourtant méritée !

M. François Rebsamen. Sur la forme, je souhaite moi aussi un débat apaisé. Je voudrais que l’on prenne acte de la présence continue des ministres dans notre hémicycle et de la qualité de leurs réponses. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Si je le souligne, c’est parce que vous-mêmes, mes chers collègues, vous étiez plaints à plusieurs reprises du manque de disponibilité des membres du gouvernement sous la mandature du président Sarkozy. Nous avons la chance, dans ce débat, d’avoir deux ministres présentes en permanence et qui s’attachent à répondre de façon argumentée à nos questions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur ce plan.

Sur le fond, selon vous, la gauche diviserait la société. (Oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. François Rebsamen. Bien sûr, vous avez forcément raison et nous avons forcément tort !

En réalité, c’est votre volonté de vous opposer à tout prix à ce texte, votre acharnement à le combattre qui met en cause l’unité nationale ! (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

Vous qui aimez tant les sondages, sachez qu’une majorité de Françaises et de Français sont favorables à l’adoption de ce projet de loi.

Nous avons des convictions différentes : défendons-les dans le respect mutuel. Ne nous faites pas porter la responsabilité de la division. Je considère, moi, que c’est votre position qui crée la division ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.

M. Alain Bertrand. J’ai été moi aussi très surpris par les propos de M. Raffarin. Tout se passe comme si nous ne comprenions pas le français de la même façon…

M. Raffarin dit que nous aurions pu nous entendre sur le mariage des couples de personnes de même sexe et sur l’adoption. Pourtant, cet après-midi, vous et vos amis n’avez cessé d’affirmer que la gauche voulait casser la famille, faire souffrir les enfants, les maltraiter, remettre en cause notre civilisation ! Si j’avais entendu parler de droits nouveaux, d’égalité, de progrès, d’amour, j’aurais compris votre appel, monsieur Raffarin, mais pour que le dialogue que vous souhaitez puisse s’instaurer, il faudrait que l’on fasse preuve de davantage de mesure sur vos travées. En tout cas, vous ne pouvez pas nous faire porter le chapeau de la division. Nous sommes au-delà d’un simple antagonisme : c’est la posture politique que vous avez décidé d’adopter qui empêche le dialogue ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

M. Christophe Béchu. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais les propos tenus à l’instant par M. Rebsamen m’incitent à le faire.

J’ai du mal à comprendre ! On nous accuse d’adopter une posture. Mes chers collègues, souffrez que nous ayons des convictions qui nous conduisent à nous opposer à ce texte ! Au nom de quoi seriez-vous les seuls à vous exprimer dans cet hémicycle avec sincérité ?