Mme Marisol Touraine, ministre. Elle est à l’origine de décès, qui, pour n’être pas massifs, n’en sont pas moins effectifs. Les causes de cette augmentation sont clairement identifiées ; l’une d’entre elles est liée à une trop faible couverture vaccinale. Le sentiment que la maladie a disparu est tel qu’il ne paraît plus nécessaire de se vacciner contre elle. On oublie que, si l’on arrête de se vacciner, la maladie ressurgit parce qu’elle n’a pas disparu par magie !

Dans le même temps, la suspension de l’obligation vaccinale par le BCG, qui a peut-être été mal appréhendée par certains, a pu entraîner des cas graves de tuberculose chez des personnes pour qui la vaccination aurait dû être maintenue et qui n’ont pas été correctement protégées. Il faut noter néanmoins que l’InVS, qui suit cette évolution de près, n’a noté aucune augmentation de méningites tuberculeuses chez les enfants de moins de deux ans. Il n’empêche que des cas ont été identifiés, qui tiennent au fait que les préconisations apportées au moment du changement de la politique vaccinale en juillet 2007 n’ont pas été correctement respectées.

Par ailleurs, rappelons que onze millions d’enfants meurent chaque année de pathologies infectieuses à travers le monde. Plusieurs d’entre elles pourraient être combattues grâce à la vaccination.

Nous avons donc une responsabilité immense, celle de ne pas baisser la garde. Cela ne pourra pas se faire sans l’appui et la mobilisation des professionnels de santé, dont l’action est, évidemment, décisive en matière de politique vaccinale.

Nous devons en outre affronter des défis nouveaux dans le champ des politiques vaccinales.

Il nous faut d’abord faire face aux maladies émergentes, aggravées par la circulation rapide des personnes et des biens, par l’urbanisation, la dynamique démographique et le réchauffement climatique.

Nous sommes aussi confrontés à des cancers qui sont causés par des virus : c’est le cas des lymphomes, des cancers colorectaux, des leucémies ou des cancers du col de l’utérus.

Il nous faut également affronter certaines maladies infectieuses latentes, telles que la varicelle, où le virus survit dans l’organisme, mais menace de se réactiver à chaque instant. Des vaccins ont la capacité de prévenir ces réveils chez les sujets les plus fragiles.

Pour toutes ces raisons, la politique vaccinale est et doit rester une priorité de santé publique pour le Gouvernement.

Notre pays dispose, je le disais, d’une couverture vaccinale de qualité. Néanmoins, il existe de grandes disparités selon le type de vaccin.

La vaccination des nourrissons reste excellente, puisqu’elle dépasse le seuil des 97 % pour la primo-vaccination. Les vaccins les plus anciens sont également bien prescrits. Cependant, la couverture vaccinale tend à diminuer pour les vaccins introduits plus récemment et perçus comme « simplement recommandés », si j’ose dire. C’est le cas, par exemple, du HPV et du méningocoque C. On observe également de grandes différences de taux de couverture entre les jeunes et les adultes : on se vaccine moins au fur et à mesure qu’on avance dans la vie.

En outre, de grandes inégalités sévissent entre nos territoires. Le taux de vaccination pour le ROR – rougeole, oreillons, rubéole – est, par exemple, beaucoup plus élevé dans le nord que dans le sud de la France. De fait, on a vu réapparaître des cas de rougeole dans le sud de notre pays.

Comment expliquer ces dysfonctionnements ?

D’abord, il est indéniable que la réticence aux vaccinations s’amplifie. Elle se fonde sur des raisonnements non scientifiques, voire irrationnels, ou sur l’expérience personnelle. Dans le même temps, les débats qui ont pu accompagner la mise en place de nouvelles vaccinations ont été parfois à l’origine de désinformation. Nous devons donc garantir à nos concitoyens une information de qualité, transparente et objective sur les vaccins et les risques éventuels qui peuvent être liés à la vaccination, tout en rappelant les avantages individuels et collectifs de ces vaccinations.

Ensuite, les recommandations à suivre ne sont pas toujours lisibles. Leur lecture est difficile, autant pour les Français que pour les professionnels de santé, qui sont, au quotidien, confrontés à la nécessité de vacciner ou à la demande de vaccination. Pourquoi une vaccination, qui était jusque-là obligatoire, devient-elle subitement recommandée ? Comment suivre avec certitude et sur le long terme le nombre d’injections à réaliser, avec les phénomènes de rattrapage ? Je ne suis d’ailleurs pas certaine, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous seriez tous capables de dire, si nous procédions à un rapide test, où vous en êtes dans vos rappels de vaccinations, obligatoires ou simplement recommandées. (Sourires.)

Je veux donc améliorer la couverture vaccinale des Français. Une stratégie nationale de santé se met en place, qui repose sur une notion essentielle, celle du parcours. En matière de vaccination aussi, il s’agit de rendre plus simple, plus accessible, plus lisible le parcours vaccinal des Français.

Cette politique doit s’articuler autour de plusieurs mesures.

La première, c’est la simplification et la clarification du calendrier vaccinal. C’est chose faite, puisqu’un nouveau calendrier vaccinal a été annoncé voilà quelques jours, qui doit permettre de diminuer le nombre d’injections pour une efficacité équivalente.

S’agissant des nourrissons, la primo-vaccination comportera une injection en moins : elle sera composée de deux doses de vaccin, espacées de deux mois, et d’un rappel, au lieu de trois doses de vaccin et d’un rappel. Pour les enfants et les adolescents, le rappel de vaccination entre seize et dix-huit ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite est supprimé. Enfin, les rendez-vous vaccinaux seront fixés pour les adultes à âge fixe et non plus à intervalles fixes, c’est-à-dire à vingt-cinq, à quarante-cinq et à soixante-cinq ans, puis tous les dix ans au-delà de soixante-cinq ans : à soixante-quinze, à quatre-vingt-cinq, à quatre-vingt-quinze ans et, pourquoi pas, à cent cinq ans…

Cette simplification concourra à une meilleure adhésion aux schémas vaccinaux. Ce travail ne s’est pas fait sans les professionnels de santé : ils ont été informés, en amont, des évolutions du calendrier vaccinal et disposent des informations leur permettant de répondre aux questions concrètes de leurs patients, notamment en termes de rattrapage. Si je suis entre deux âges de rappel, dois-je me revacciner tout de suite ou attendre la prochaine échéance ?

Pour sensibiliser nos concitoyens à ces nouveaux changements, la semaine européenne de la vaccination, qui est actuellement en cours, est l’occasion d’informer les Français, dans chaque région, sur les évolutions du calendrier.

La deuxième mesure, c’est d’autoriser les centres d’examens de santé de l’assurance maladie, dans lesquels l’accès aux soins est gratuit, à réaliser des vaccinations. C’est d’ailleurs le sens de l’une de vos propositions, monsieur le rapporteur, à laquelle je suis très favorable. Cependant, dans son avis du 15 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 64 de la loi de financement de la sécurité sociale, considérant que cet article constituait un cavalier législatif.

Ce dispositif n’ayant pas pu entrer en vigueur, nous avons besoin d’un vecteur législatif. Je suis ouverte quant à la démarche législative qu’il convient d’adopter, monsieur le rapporteur : il peut s’agir d’une initiative parlementaire ou d’une disposition dans le projet de loi de santé publique annoncé par le Président de la République. Nous pouvons engager des discussions sur ce point. Cette mesure doit en tout cas permettre d’enrichir encore l’accès à la vaccination, en particulier pour les personnes en situation de précarité.

La troisième mesure à prendre pour améliorer la couverture vaccinale concerne le carnet de vaccination électronique.

Nous devons travailler au suivi des vaccinations et faire en sorte que ce suivi puisse se faire par le biais d’un carnet de vaccination électronique. Nous savons bien que toute la population ne sera pas concernée d’emblée de la même façon ; les parents des tout jeunes enfants sont sans doute aujourd’hui davantage sensibles à cette démarche que les personnes d’âge mûr qui ont déjà réalisé toute une série de vaccinations.

Cette démarche s’inscrit dans la perspective de la mise en place d’un l’outil interprofessionnel constitué par le dossier médical personnel de deuxième génération, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer.

Une piste à expertiser concerne la possibilité d’utiliser, pour le suivi de la vaccination, le dossier pharmaceutique, au moins dans un premier temps. Cet outil, qui permet de suivre les délivrances de médicaments, a été développé, vous le savez, par l’ordre des pharmaciens. Mobiliser cet outil permettrait d’anticiper, sachant qu’il existe d’ores et déjà 23 millions de dossiers pharmaceutiques qui, réglementairement, ont vocation à alimenter le dossier médical personnel.

Enfin, la quatrième mesure vise à élargir le nombre de professionnels pouvant prescrire et réaliser des vaccinations.

Depuis 2008, les infirmières sont autorisées à prescrire la vaccination des personnes âgées contre la grippe saisonnière, à l’exception de la première injection. Il s’agit d’une première avancée.

Par ailleurs, le regroupement des professionnels au sein des maisons de santé pluridisciplinaires permet indiscutablement de fluidifier le parcours vaccinal.

Nous pouvons aller plus loin encore et renforcer les actions de proximité permettant d’augmenter significativement la couverture vaccinale. Plusieurs pistes sont aujourd’hui en cours d’expertise : il s’agirait, par exemple, de permettre aux sages-femmes de prendre en charge la vaccination de l’entourage d’une femme enceinte ou encore d’autoriser une vaccination par un infirmier au sein d’une pharmacie.

Il serait aussi envisageable, comme cela a été préconisé dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de juin 2011 sur les pharmacies d’officine, de permettre aux pharmaciens d’effectuer, sur leur propre initiative, des rappels de vaccination chez les patients adultes, comme cela est déjà possible au Portugal depuis plus de cinq ans. Dans ce pays, plus d’une vaccination contre la grippe sur cinq a été réalisée dans les pharmacies et 13 % des patients ainsi vaccinés ne l’avaient pas été par le passé. Naturellement, ces perspectives doivent être étudiées de manière concertée avec l’ensemble des professionnels de santé, médecins et non médecins.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons à garantir la qualité de la vaccination et à réaffirmer la nécessité, en matière de santé publique, de toujours améliorer la couverture vaccinale de notre pays. Raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, je vous renouvelle mes remerciements et mes félicitations tant pour la qualité de votre rapport que pour votre initiative d’engager un débat sur ce sujet crucial.

Bien évidemment, je me tiens prête à répondre à l’ensemble des questions qui me seront posées au cours de ce débat. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a souligné notre collègue Georges Labazée, notre débat fait suite à l’enquête de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France, demandée par Annie David.

À mon tour, je tiens à saluer notre rapporteur pour le travail effectué. Il s’agit d’un rapport de qualité, renfermant un certain nombre de recommandations telles que, par exemple, l’instauration d’un carnet de santé électronique permettant un meilleur suivi, et je me réjouis, madame la ministre, que vous en repreniez certaines.

La tenue de ce débat est tout à fait pertinente. En effet, même si l’objectif premier de santé publique peut être largement partagé, il n’en reste pas moins que des questions se posent.

Cela a été dit, la vaccination en France remonte à un peu plus de deux siècles. L’obligation vaccinale, quant à elle, est beaucoup plus récente et, finalement, très restreinte puisqu’elle ne concerne que trois vaccins – diphtérie, tétanos, poliomyélite – essentiellement destinés aux enfants. Elle a été un outil essentiel pour faire disparaître les grandes pandémies du passé. Toutefois, nous assistons aujourd’hui à une recrudescence de certaines maladies que l’on croyait révolues. Je pense moi aussi à la rougeole, dont le taux d’incidence a été très élevé en 2011.

Il s’agit donc de se donner les moyens d’assurer, collectivement et nationalement, une politique constante dans le temps et destinée à tous. L’équation est simple : il faut faire en sorte que chacun participe à la préservation de la santé de tous. Cela suppose la mise en œuvre d’un principe fondamental : l’adhésion de la population. Cette vaccination doit être consentie.

Nos concitoyennes et concitoyens doivent clairement percevoir l’avantage de la vaccination au regard du risque encouru. L’une des questions qui se pose aujourd’hui est celle de savoir comment développer un meilleur dispositif d’information pour faire – ou refaire – prendre conscience de l’intérêt d’une vaccination à tous les âges de la vie, alors même que des politiques de désinformation, clairement anti-vaccins, sont menées.

Bien entendu, dans un monde où le pouvoir de circuler est plus grand que jamais, notre politique ne peut se penser et se mener dans un cadre qui se limiterait à nos frontières. Nous devons prendre en considération les pays en voie de développement qui n’ont pas, eux, les moyens financiers de protéger leur population. Nous ne pouvons apparaître comme ceux qui choisissent la non-vaccination alors que des populations, des enfants, meurent faute de vaccins.

Pour mener une politique de prévention vaccinale ambitieuse et efficace, il faut donc tenir compte des polémiques, du rapport des Français à la vaccination, qui font que la France est aujourd’hui en retard sur ses voisins européens.

Il est évident que le scandale lié à la grippe A H1N1 et à la mauvaise gestion des vaccins, pour ne pas dire au gâchis occasionné, a eu un effet très négatif sur la confiance des Français. Pour mémoire, la France, via la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot, a commandé 94 millions de vaccins – plus 34 millions optionnels – pour 2010 auprès de trois laboratoires : Sanofi Pasteur, GlaxoSmithKline et Novartis.

À l’époque, une véritable campagne médiatique et politique s’est mise en mouvement pour créer et entretenir un climat de peur, voire une menace de pandémie mondiale. La catastrophe sanitaire d’ampleur attendue ne s’est finalement pas produite – c’est heureux ! –, tandis que des mesures disproportionnées étaient prises prétendument au nom du principe de précaution. Au final, moins de 8 % des Français se sont fait vacciner, et nous nous sommes retrouvés avec un nombre élevé de doses de vaccins en surplus. Le coût global de cette campagne de vaccination en France – vaccins et antivirus, communication renforcée, charges des salles réquisitionnées, coût du personnel,... – a été estimé à 2,2 milliards d’euros.

Si nos concitoyens ont sans doute eu peur du danger potentiel de ces vaccins mis rapidement sur le marché, je crois surtout qu’ils n’ont pas été dupes de l’intérêt de certains laboratoires à jouer sur les peurs afin de créer un effet de panique, dans lequel la course au vaccin l’emporte sur l’efficacité réelle. Les profits générés ont été colossaux, tant les prix des vaccins, imposés par les laboratoires, ont été exorbitants.

Tout cela a été complètement décrédibilisant. Plus encore en sachant que trois « experts » du comité de lutte contre la grippe, chargé de conseiller le gouvernement, étaient eux-mêmes impliqués dans la fabrication de ces vaccins. Les intérêts financiers ont été clairement privilégiés, soit l’exact contraire de ce qu’il faut faire, comme cela a été très bien rappelé et démontré dans le rapport de la commission d’enquête du Sénat, présidée par notre ancien collègue François Autain.

Ce rapport a mis en lumière le poids des lobbies ainsi que l’acceptation, par les décideurs politiques et administratifs, de contrats commerciaux trop contraignants. II faut donc dénoncer avec la plus grande fermeté ces fameux conflits d’intérêts dans un domaine si sensible de santé publique.

La conclusion que nous pouvons tirer de cette histoire est qu’il est absolument indispensable de lever tous les doutes, aussi bien sur la façon dont est décidée une politique de vaccination, que sur le contenu et l’innocuité des vaccins. Je pense notamment aux actions menées depuis plusieurs années par l’association Réseau vaccin hépatite B, ou REVAHB, qui regroupe les victimes du vaccin de l’hépatite B.

Nous sommes plusieurs parlementaires, notre rapporteur l’a rappelé, à avoir été interpellés par l’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages, sur les dangers des sels d’aluminium utilisés comme adjuvants dans les vaccins. Les membres de cette association ont alerté l’opinion publique trois mois durant, l’hiver dernier, en entamant notamment des grèves de la faim, en vue de dénoncer des dangers réels désormais connus et reconnus.

L’Académie de médecine elle-même admet depuis juin 2012 que l’aluminium utilisé dans les vaccins atteint le cerveau, ce qu’elle réfutait jusqu’alors. Le Conseil d’État, dans son arrêt du 21 novembre 2012, a reconnu l’imputabilité de la myofasciite à macrophages à l’injection d’un vaccin contre l’hépatite B contenant des adjuvants aluminiques. Le groupe d’études sur la vaccination mis en place par l’Assemblée nationale a recommandé qu’un moratoire soit institué sur l’utilisation des sels d’aluminium dans les vaccins.

Vous-même, madame la ministre, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, reconnaissiez que les familles devaient « également avoir le choix de faire procéder aux vaccinations obligatoires par des vaccins sans sel d’aluminium, d’autant plus que cela était le cas jusqu’en 2008 ». Vous vous êtes depuis engagée, d’une part, à ce que la recherche menée par l’unité INSERM U 955 de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil, bénéficie en 2013 d’un financement spécifique sur les crédits de l’Agence nationale de sécurité du médicament et, d’autre part, à ce qu’un comité de pilotage se constitue très rapidement.

Pouvez-vous nous préciser le calendrier de mise en place de ce comité de pilotage et du comité scientifique qui s’impose ? Cela semble d’autant plus primordial que les agences sanitaires que vous avez interrogées reconnaissent que les vaccins à base d’aluminium sont à l’origine d’une lésion focale au niveau du point d’injection qui constitue la myofasciite à macrophages, mais que, selon ces mêmes autorités sanitaires, l’expertise scientifique disponible à ce jour n’apporte pas d’arguments pour une atteinte systémique secondaire responsable d’un syndrome clinique identifié. Les travaux attestant du contraire ne manquent pas, et il est donc nécessaire de réunir au plus vite ce comité scientifique.

De même, quelle action comptez-vous prendre vis-à-vis de Sanofi afin que le DT-Polio sans aluminium soit remis en circulation ?

Nous aurions également souhaité que vous nous précisiez – bien que vous ayez déjà quelque peu abordé cette question – quelles mesures faisant partie du programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 ont déjà été mises en œuvre et quels objectifs chiffrés en matière de santé publique vous en attendez ?

Vous l’aurez compris, pour le groupe CRC, il ne s’agit ni de diaboliser les vaccins ni d’en sous-estimer les potentiels effets nocifs, mais de prendre conscience qu’une politique vaccinale est une politique de santé publique pour laquelle toutes les précautions doivent être prises, de la surveillance épidémiologique à la pharmacovigilance.

Permettez-moi de vous soumettre une proposition : afin d’empêcher les conflits d’intérêts, pourquoi ne pas créer un comité public de la vaccination composé d’élus, d’associations d’usagers, de scientifiques médicaux et non médicaux, bref, une instance indépendante et impartiale ? C’est ainsi que nous redonnerons entièrement confiance à la population. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat intervient en pleine semaine européenne de la vaccination à l’occasion de laquelle l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, a lancé une campagne de sensibilisation à destination des Français. Cette campagne est bienvenue au regard du bilan de la politique vaccinale récemment dressé par la Cour des comptes, qui révèle des résultats plutôt contrastés en matière de couverture vaccinale, comme cela a été évoqué par notre rapporteur.

S’ils sont satisfaisants pour les maladies traditionnelles à vaccination obligatoire, ces résultats sont en revanche alarmants pour la rougeole, comme en témoigne la résurgence de cette maladie entre 2008 et 2011, et très insuffisants en ce qui concerne l’hépatite B et le cancer du col de l’utérus, pour lesquels les objectifs fixés ne sont pas atteints. À cet égard, la comparaison avec les autres pays d’Europe reste peu flatteuse, notamment pour trois groupes dont les taux de couverture n’atteignent pas les minima requis : les catégories défavorisées, les adolescents et les jeunes adultes.

Certaines régions, Mme la ministre l’a évoqué, disposent d’une couverture vaccinale plus faible que d’autres. Cette situation doit d’autant plus nous interpeller que le regard porté par l’opinion publique sur le vaccin a évolué en Europe et en France.

Des réticences idéologiques à la vaccination se sont toujours exprimées, qu’il s’agisse de doctrines naturalistes, hygiénistes ou libertaires, mais il s’agit aujourd’hui d’un mouvement plus large. Au temps des ravages de la tuberculose, on parlait de « défense sanitaire ». Aujourd’hui, le souvenir de ces grandes épidémies s’efface et l’intérêt de la vaccination est moins perceptible. La balance bénéfice-risque est souvent remise en cause, entraînant un manque de confiance croissant.

Les atermoiements lors de la pandémie de grippe A H1NI de 2009 y ont été sans doute pour quelque chose, il faut le reconnaître. Qu’en est-il aujourd’hui de l’arrêt de la vaccination contre l’hépatite B dans les écoles, décision qui jeta la suspicion sur le vaccin ? Que dire enfin du recul insuffisant pris lors du lancement du vaccin contre les papillomavirus, qui ne couvre que quatre génotypes alors qu’il en existe plus d’une centaine ? Voilà qui est propre à nourrir tous les scepticismes, d’autant que le vaccin est recommandé aux très jeunes filles pour prévenir le cancer du col de l’utérus, lequel ne se révélera généralement que vers l’âge de quarante ans. Les niveaux de couverture vaccinale sont beaucoup plus élevés dans les pays qui vaccinent à l’école.

Internet n’est pas non plus étranger à ce phénomène de désaffection, car de nombreuses contrevérités y circulent sans contrôle. La commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée sur l’initiative du groupe du RDSE, a révélé que les sites les mieux référencés en matière de vaccination sont ceux de groupes anti-vaccinaux.

Jacques Mézard, le rapporteur de cette commission, s’est étonné à juste titre de l’impunité dont bénéficient ceux qui appellent publiquement à contourner les règles et donnent des adresses de médecins délivrant des certificats de complaisance. Il a surtout regretté l’insuffisante accessibilité de l’information officielle, susceptible d’éclairer les citoyens avec des données objectives. Manifestement, les sectes et les charlatans ont compris, mieux que les pouvoirs publics, tous les enjeux d’un bon référencement sur la toile.

Il faut un discours politique de conviction, des messages d’alerte sur les dérives thérapeutiques et un meilleur contrôle des informations sur les sites certifiés HONcode. Aujourd’hui, la communication publique reste trop intermittente ; l’INPES, a très peu de moyens et laisse, du coup, le champ libre aux campagnes publicitaires privées qui jouissent d’une moindre crédibilité et ne reflètent pas toujours, loin s’en faut, les impératifs de santé publique.

La loi de 2011 encadre et limite la publicité non institutionnelle, mais le Haut Conseil de la santé publique s’y oppose fermement. Quelle est votre position sur ce point, madame la ministre ? Dans le rapport du HCSP sur les maladies émergentes, des anthropologues analysent les résistances des populations à la prévention vaccinale et le chemin qu’elles parcourent jusqu’à l’acceptabilité sociale.

On ne saurait se contenter d’asséner des affirmations sur la nécessité de se faire vacciner. Il faut comprendre les mécanismes du refus, grâce à des recherches menées notamment dans le champ de la sociologie. La France, il faut le reconnaître, est très en retard dans ce domaine.

Notre collègue Georges Labazée a fait un très bon rapport sur la politique vaccinale, dont je partage tout à fait les conclusions. Je l’en félicite !

Il propose, d’abord, de simplifier le paysage institutionnel. La dispersion des acteurs et le manque de coordination sont les principaux défauts de la politique de prévention, comme d’ailleurs, plus généralement, de la politique de santé. Je l’ai souvent dénoncé dans cet hémicycle.

Il propose, ensuite, de renforcer la recherche publique sur les vaccins. L’élu du pays de Pasteur que je suis ne peut oublier l’immense pas en avant que ce personnage à fait faire à la médecine. Aujourd’hui, rien qu’en ce qui concerne les trois principaux fléaux infectieux mondiaux – le paludisme, le sida et la tuberculose –, nous sommes toujours en situation d’échec pour les deux premiers. Pour le dernier, l’efficacité du BCG a été atténuée par la mutation du bacille.

C’est dire le défi qui nous attend, surtout à l’heure des maladies infectieuses émergentes et réémergentes, des cancers et des maladies qui ne sont ni infectieuses ni tumorales, comme la maladie d’Alzheimer.

La France a des atouts. Elle dispose de centres de recherche importants, cela a été souligné par M. le rapporteur, tels l’Institut Pasteur, le biopôle de Lyon et plusieurs universités cotées. Mais, de l’aveu même de ces acteurs, cette recherche souffre d’une trop grande fragmentation, d’un manque de visibilité, d’un financement peu satisfaisant. Il faut sans doute commencer par améliorer les vaccins existants pour les rendre plus efficaces et sûrs, et travailler, je l’ai déjà dit, sur leur acceptabilité.

S’agissant de la sécurité, une meilleure évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation d’adjuvants aluminiques dans les vaccins, ce sujet vient d’être évoqué, mérite d’être mise en place. Existe-t-il des preuves d’une possibilité de toxicité neurologique de l’aluminium vaccinal ? Les nouveaux adjuvants réclament aussi quelques éclaircissements.

Enfin, un programme national d’amélioration de la politique vaccinale a été défini pour la période 2012-2017. Les orientations générales retenues dans le cadre de ce programme consistent le plus souvent en la formulation de vœux, certes louables, en l’énumération de problématiques, du reste très pertinentes, plutôt qu’elles ne forment un véritable programme opérationnel.

Vous avez présenté une réforme du calendrier de vaccination ; elle est une première réponse à la nécessité de sensibiliser aux enjeux, mais elle ne saurait suffire. La Cour des comptes a fait des recommandations, notamment pour rendre plus efficace la communication sur la vaccination et en améliorer la prise en charge. Quelles suites comptez-vous y donner ?

Nous attendons une action vigoureuse témoignant de l’engagement sans faille des pouvoirs publics et des autorités scientifiques en faveur de la vaccination, qui a fait ses preuves pour certaines maladies et qui doit permettre, par l’innovation, de protéger les populations de celles à venir. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais avant tout à saluer l’excellent rapport de notre collègue Georges Labazée, qui porte sur cette très importante question de santé publique : la politique de vaccination française.

Depuis un peu plus de deux siècles, la vaccination a permis de combattre ou d’éradiquer des maladies très graves et meurtrières.

Comme tout médicament, le vaccin a un effet thérapeutique et permet aux individus de développer une protection immunitaire contre une maladie infectieuse, ce qui comporte, pour eux, un moindre risque que de la contracter. Certaines maladies peuvent ainsi être prévenues et finir par disparaître à l’échelle mondiale.

Dans un monde où les frontières tendent à disparaître, il serait cependant illusoire de penser qu’il est possible d’éradiquer une maladie du territoire français. La vaccination reste donc un outil majeur de prévention. Cela implique le renforcement de notre solidarité avec les pays en voie de développement, afin de les aider à améliorer leur situation sanitaire.

Par ailleurs, la vaccination, notre collègue Georges Labazée le souligne bien dans son rapport, n’est pas toujours la méthode la plus efficace pour lutter contre une maladie infectieuse. En effet, on peut parfois privilégier d’autres stratégies. En outre, les indications de vaccination varient en fonction des situations épidémiologiques et des populations les plus à risque. À ce titre, le bilan critique que la Cour des comptes dresse de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 est significatif.

Il est impératif d’être très vigilant à chaque étape de la mise sur le marché d’un vaccin : l’autorisation de mise sur le marché en fonction du rapport bénéfice-risque, la détermination des recommandations d’utilisation et des populations cibles, l’admission au remboursement en fonction de l’amélioration du service médical rendu et la fixation du prix du médicament.

Je ne peux qu’insister sur l’importance des études indépendantes et sur l’attention à porter sur les possibles conflits d’intérêts, notamment au sein du comité technique des vaccinations. À ce sujet, le rapport de la Cour des comptes indique que « […] l’article L. 1421-3-1 du code de la santé publique […] proscrit toute participation aux délibérations et aux votes, aussi bien en cas d’intérêt direct qu’indirect, et sans distinguer selon l’intensité du conflit. L’importance des intérêts en jeu en matière de vaccin exige à cet égard qu’une vigilance toute particulière soit accordée à cette question par le Haut Conseil de santé publique et le CTV ».

La vaccination n’est pas sans risque. En tant que médicament préventif, il s’adresse principalement à une population jeune et en bonne santé, à laquelle il peut faire courir, pour un bénéfice éventuel et différé, un risque immédiat. Les cas de scléroses en plaques contractées à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B l’ont bien montré.

Je souhaiterais ici aborder un cas, certes particulier, mais qui a le mérite de nous éclairer sur la nécessité d’être vigilants sur les dangers des adjuvants, notamment ceux induits par les sels d’aluminium.

L’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages réalise un important travail, qui s’appuie sur l’expérience des malades et sur des études publiées en France et aux États-Unis. Cette pathologie très invalidante est déclenchée par l’hydroxyde d’aluminium. Dans la mesure où une prédisposition génétique est suspectée, il paraît indispensable que toute personne atteinte ainsi que les membres de sa famille utilisent des vaccins sans aluminium.

Selon des chercheurs du MIT, les vaccins adjuvantés sur aluminium pourraient également être impliqués dans la survenue de nombreuses autres pathologies.

L’obligation vaccinale ne concerne désormais plus, en France, que trois vaccins : diphtérie, tétanos, polio. Un enfant n’est pas admis à l’école s’il n’est pas vacciné.

Jusqu’en juin 2008, le vaccin DT-Polio de Sanofi Pasteur MSD ne contenait pas d’adjuvant aluminique. Il correspondait ainsi au besoin des enfants présentant un risque familial de pathologies induites par les sels d’aluminium. Le 12 juin 2008, le laboratoire a décidé de suspendre « temporairement » la distribution de ce vaccin, à la suite d’« une augmentation du nombre de signalements de manifestations allergiques observées jusqu’à 24 heures suivant la vaccination depuis le début de l’année 2008 ».

La suspension fut suivie d’un « arrêt de commercialisation », bien que l’autorisation de mise sur le marché reste encore valide. Néanmoins, les informations lacunaires obtenues par l’association ne permettent pas de comprendre cette décision. Il semble en effet que seuls un à trois cas graves supplémentaires aient été constatés cette année-là, sur un seul lot de vaccins.

On observe, plus largement, que le fabricant a choisi de faire disparaître tous ses vaccins sans sels d’aluminium et de ne plus utiliser que cet adjuvant, sans doute dans le but de rationaliser et de simplifier sa production, en ayant une ligne unique. Les médecins sont donc obligés de pratiquer des vaccinations obligatoires avec des vaccins comportant des sels aluminiques, qui, plus chers, engendrent un surcoût pour la sécurité sociale d’au moins 3 millions d’euros par an. Il nous paraît donc urgent de remettre sur le marché un vaccin alternatif qui ne contienne pas cet adjuvant, dans le cadre, par exemple, d’une commande publique, afin de garantir à chacun l’accès à un vaccin sans adjuvant de sels métalliques. Les produits existent déjà.

Madame la ministre, envisagez-vous une action du Gouvernement sur ce point ? L’équipe qui avait commencé à approfondir la recherche en la matière pourra-t-elle avoir les moyens de poursuivre ses travaux ?

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.