M. Ronan Dantec. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. … ce qui est acquis à Lyon ne peut pas être appliqué tel quel à Marseille. Je pourrais multiplier les exemples.

Dès lors, pragmatisme et souplesse sont les maîtres mots de notre délégation : il ne faut pas enfermer les collectivités dans des schémas susceptibles de rester lettre morte en raison de la diversité des réalités locales, il faut « faire confiance à l’intelligence territoriale ». En d’autres termes, il est nécessaire de mettre des outils à la disposition des collectivités et leur laisser le soin de se saisir de ceux qui correspondent à leurs besoins.

Le troisième point est, bien sûr, la légitimité de l’ensemble des collectivités territoriales.

Tous les niveaux de collectivités possèdent, à l’heure actuelle, une incontournable légitimité. Chacune, dans son champ d’action privilégié, bénéficie d’une pertinence qu’il serait vain de mettre en cause en fonction de modèles étrangers non transposables ou de concepts technocratiques impraticables.

On ne peut pas faire progresser la décentralisation et résoudre les problèmes du moment sans respecter toutes les collectivités, à commencer par les communes, échelon de base de la démocratie française. (Mlle Sophie Joissains et M. Roland Povinelli applaudissent.)

Pour autant, il appartient au législateur de préparer les évolutions à long terme de l’organisation territoriale, notamment en consolidant les intercommunalités et en permettant la création de collectivités territoriales nouvelles là où le besoin s’en manifeste ; nous voyons d’ailleurs apparaître des communes nouvelles. C’est pourquoi la création de la métropole lyonnaise en tant que collectivité territoriale constitue une initiative emblématique, d’autant qu’elle simplifie le paysage.

Le quatrième point, qui a été cité fréquemment par les orateurs précédents, est l’évolution profonde des dynamiques territoriales.

L’économie de notre pays, qui traverse une phase très difficile, est de surcroît en pleine recomposition territoriale. Le fait urbain est une réalité et il apparaît comme la figure centrale de l’économie. L’organisation administrative doit en tenir compte, mais sans que cela aboutisse à complexifier les compétences, et sans dénier aux instances existantes leur légitimité et leur pertinence. Cette quadrature du cercle appelle une certaine différenciation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales, et justifie l’approche pragmatique et diversifiée du projet de loi en ce qui concerne les métropoles.

Le cinquième point est la permanence d’un développement territorial équilibré.

La pérennité des différentes composantes de la ruralité – je dis bien « des différentes composantes de la ruralité », car on ne fera plus croire à personne qu’il y a une ruralité et une urbanité (Très bien ! au banc des commissions.) ; ceux qui ne cessent de vouloir opposer la ruralité et l’urbanité sont, passez-moi l’expression, « à côté de la plaque » ! (Très bien ! et applaudissements au même banc.) – reste un enjeu crucial.

Comme il a été dit à plusieurs reprises, toute démarche législative qui ne prendrait pas à un moment ou à un autre du débat le soin de veiller à ce que les ruralités soient respectées, considérées comme des territoires à part entière, complémentaires des zones plus urbaines – ne sont-elles pas des chances pour l’urbanité ? Évidemment la réciproque est aussi vraie puisque les ruralités ne peuvent pas vivre sans l’urbanité – serait un échec. Je sais que les prochains textes que nous examinerons traiteront de tous ces aspects. Il est néanmoins important de rappeler ici cette vérité première.

Les propositions adoptées par notre délégation, depuis sa création, sont largement présentes dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

J’insisterai simplement sur quelques principes : la non-tutelle d’une collectivité sur une autre ; la mise en œuvre dynamique de la notion de chef de file ; la mise en place d’une procédure de constat de carence en cas d’inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence obligatoire ; la gestion coordonnée des compétences partagées au sein de conférences territoriales regroupant les représentants de l’ensemble des catégories de collectivités ou des catégories de groupements de collectivités concernées.

S’agissant de l’intercommunalité et de l’organisation territoriale, la délégation s’est prononcée en faveur d’incitations tendant à faire de l’intercommunalité l’échelle privilégiée pour l’aménagement opérationnel et pour l’administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services d’instruction mutualisée des autorisations d’urbanisme pour le compte des communes.

Elle s’est également prononcée en faveur d’incitations tendant à encourager la vision de l’urbanisme à l’échelle intercommunale, le maire conservant dans tous les cas la signature des permis de construire.

Par ailleurs, la délégation s’est prononcée en faveur d’un réexamen des critères de création des métropoles en fonction de l’objectif d’organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles, et pas seulement démographiques.

Qu’il me soit permis, à ce point du débat, de souligner que l’on n’a pas assez mesuré les effets importants de la sémantique. On a peut-être trop parlé de « métropoles » pour des réalités différentes (M. Ronan Dantec opine.), car il n’y a que quelques grandes métropoles en France. Nous les connaissons tous : ce sont les métropoles qui structurent notre territoire et qui sont à l’échelle européenne, voire internationale.

Par souci de différenciation, j’ai proposé d’appeler « communautés métropolitaines » les métropoles d’équilibre à l’intérieur du territoire. (M. Ronan Dantec opine de nouveau.) Cela éviterait de véhiculer l’idée fausse que ce texte aurait pour ambition de créer des grosses villes partout, au détriment de la campagne. Selon moi, la sémantique et la pédagogie, en politique, revêtent une importance considérable.

Avant de conclure, je veux dire que nous ne devons pas oublier les filières de la fonction publique territoriale.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Sans elle, l’action n’est pas possible. Nous devrons donc veiller, à un moment où à un autre des textes, à une meilleure fluidité entre les filières.

La délégation est également favorable, sur le principe, à l’intensification de la portée des dispositifs de péréquation. Mon collègue sénateur de l’Indre-et-Loire et maire de Tours a bien exposé tout à l’heure les problèmes financiers.

En tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il me reste à préciser que l’immense travail accompli par cette délégation, ainsi que celui qui est réalisé par la commission des lois, me donne l’espoir que le texte résultant de cette première lecture au Sénat sera « construit » et aura, tout en respectant les grandes lignes fixées par le Gouvernement, sa propre originalité, voire sa propre nature, sa propre essence, sa propre « couleur ».

Je le rappelle à un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, ce projet de loi se situe aussi dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui initiait déjà les métropoles et les intercommunalités, aspect du texte qui avait rencontré une quasi-unanimité ; c’est l’autre versant, dont je ne parle plus, bien sûr, qui posait problème.

Il importe donc que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, produise un texte à la fin de la première lecture de ce projet de loi – c'est ce qu’attendent les élus locaux –, car le bicamérisme doit toujours être une réalité tangible. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Christian Favier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons commencer l’examen de ce texte sans regretter les conditions de sa rédaction et les modalités de son étude par la Haute Assemblée. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen de la motion de renvoi en commission que nous avons déposée et qui sera défendue par la présidente de notre groupe, Éliane Assassi.

Cependant, force est de constater que les ambitions et la méthode employée par le Gouvernement se situent bien loin de la nouvelle étape de décentralisation qu’attendent nos concitoyens et les centaines de milliers d’élus locaux.

Et pourtant l’expérience de la réforme de 2010, qui traduisait la volonté du Président de la République de l’époque et de la majorité de droite de mettre au pas les collectivités locales, aurait dû vous alerter. Car chacun se souvient ici combien cette mauvaise réforme a pesé dans le basculement à gauche du Sénat.

M. Roger Karoutchi. Remerciez-nous !

M. Christian Favier. Mes chers collègues, qu’il semble loin le temps où notre assemblée décidait il y a presque deux ans d’engager les états généraux de la démocratie territoriale !

L’ensemble des groupes avait alors décidé de soutenir la proposition du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, de préparer une réforme en se tournant résolument vers les élus locaux pour qu’ils expriment leurs besoins et leurs attentes. En confiance, 20 000 d’entre eux répondirent ainsi à notre questionnaire et des dizaines d’associations et de syndicats nous firent parvenir des contributions.

Puis, après l’élection présidentielle et le changement de majorité qui s’ensuivit, chacun d’entre nous se souvient des rencontres départementales que nous avions organisées et pendant lesquelles les prises de parole furent libres et exigeantes.

Enfin, plusieurs centaines d’élus locaux participèrent aux ateliers et à la séance plénière à Paris.

Tous ont exprimé leur désarroi devant les réformes entreprises, les contraintes réglementaires de toutes sortes, le manque de moyens freinant leurs initiatives.

Tous ont demandé le respect de chaque niveau de collectivité, un statut de l’élu local, un cadre rénové précisant les missions de chacun pour améliorer les coopérations nécessaires aux développements de leurs actions, pour que les intercommunalités restent des outils entre les mains des communes, et ne soient donc pas des instruments d’intégration visant à leur disparition.

Ouverts à l’éventualité de nouveaux transferts de compétences, tous ont insisté sur la nécessité d’opérer une stabilisation globale.

Enfin, tous se sont mis d’accord pour affirmer le rôle primordial de nos communes dans la vie sociale et politique de la République et la nécessité d’une nouvelle étape de décentralisation centrée sur les droits et libertés locales, comme cela avait été le cas avec les premières lois de décentralisation en 1982, tout en attendant une présence forte de l’État à leurs côtés pour assurer la cohérence d’ensemble et l’égalité entre les territoires et les citoyens qui y vivent.

Tous ont manifesté le souci d’un développement équilibré de nos territoires.

Malheureusement, madame la ministre, force est de le constater, le texte que vous soumettez à notre examen est éloigné de ces préoccupations, de ces attentes clairement exprimées.

C'est non pas de décentralisation dont il est ici question, mais, au contraire, de déstabilisation de nos administrations locales, d’effacement des communes et des départements au profit des régions, des intercommunalités et des métropoles, comme l’avait suggéré la commission Balladur et comme avait commencé à le faire la réforme de décembre 2010.

Nous nous sommes toujours opposés à une telle perspective, nul ne sera étonné de notre désaccord aujourd’hui. Certes, le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, ne porte pas sur l’ensemble des mesures que vous comptez mettre en œuvre. En effet, devant l’ampleur des mécontentements, vous avez préféré scinder votre texte en trois plutôt que de revoir votre copie. Cependant, les deux autres projets de loi ont été déposés, et nul ne peut ignorer leur contenu.

Aujourd’hui, vous nous proposez donc un texte partiel, à la cohérence imparfaite, si ce n’est qu’il couvre finalement les aspects les plus centralisateurs de vos propositions, celles qui doivent sans doute répondre à des exigences venues d’ailleurs. Je pense aux fameuses réformes de structure que vous vous êtes engagée auprès de l’Europe à mettre en œuvre afin de réduire encore la dépense publique.

Plutôt que de partir logiquement de la commune pour éventuellement adapter l’architecture des structures locales et de leurs relations, de commencer en fait par les fondations, vous avez préféré partir d’en haut, du toit, pour imposer votre vision. De cette façon, même si vous n’arriviez pas à faire adopter les autres mesures contenues dans les deux textes suivants, l’essentiel serait assuré.

Ainsi, vous avez décidé d’instaurer une conférence territoriale de l’action publique, placée sous l’égide de la région et vous proposez qu’elle soit chargée de régenter l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre au niveau départemental et communal, par le biais des pactes de gouvernance et autres schémas sectoriels.

On le voit, c’est la porte ouverte aux transferts à la carte entre l’État et les régions, en prenant le risque de mettre à mal l’unicité de la République.

En concentrant ainsi tous les pouvoirs en un seul lieu, vous mettez fin aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales (Mlle Sophie Joissains applaudit.) et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Certes, le texte de la commission, et nous nous en félicitons, a remis en cause cette conférence territoriale, la libre coordination en son sein des politiques publiques avec l’État et le pacte de gouvernance.

Cependant, les conférences territoriales ont été maintenues alors qu’elles n’ont plus lieu d’être, si ce n’est pour pouvoir par la suite développer leurs missions. On le voit bien, ce sont les premiers pions avancés, anticipant des évolutions futures.

Il existe dans notre droit des conférences des exécutifs qu’il suffirait de démocratiser et de développer, y compris au niveau départemental, pour en faire des lieux de coopération et d’harmonisation des politiques locales. Mais, à vos yeux, leur tort est sans doute qu’elles respectent trop les collectivités territoriales qui les composent et, surtout, qu’elles ne peuvent rien imposer d’en haut.

Car c’est cette volonté de pilotage unique qui semble vous animer en permanence, à la différence d’une véritable visée décentralisatrice qui s’attacherait au contraire à rechercher le développement des coopérations.

En atteste la conception du chef de filat que le texte de la commission maintient et qui s’apparente davantage à une compétence exclusive attribuée à un niveau de collectivités. Cette compétence pourra être mise en œuvre avec d’autres, mais sera pilotée par une seule. Je ne suis pas sûr que cette conception du chef de filat soit la même que celle qui a été portée par M. le rapporteur. Voilà donc l’essentiel de l’ambition de ce texte : concentrer les pouvoir locaux et hélas ! les éloigner des citoyens.

C’est on ne peut plus clair avec l’affirmation des métropoles dans notre paysage institutionnel local.

Dans ces vastes territoires urbains, madame la ministre, votre projet prépare la fusion des communes et des départements par le transfert programmé de l’essentiel de leurs compétences à des structures administratives éloignées des citoyens et véritables monstres technocratiques.

Une telle concentration de pouvoirs ferait de ces territoires des lieux dérogatoires à plus d’un titre, risquant de mettre à mal l’unité nationale.

Si la commission n’était pas revenue sur le seuil de leur création, ces territoires métropolitains auraient pu absorber 5 000 communes et concerneraient près de 30 millions d’habitants. C’est dire l’enjeu de leur création, qui risque de modifier en profondeur notre paysage institutionnel.

Si l’urbanisation de nos territoires et la métropolisation de certains constituent des phénomènes incontestables, faut-il pour autant les accélérer et bouleverser l’ordonnancement des collectivités territoriales de la République ?

Il y aura alors, ne nous le cachons pas, contradiction entre ces phénomènes portés par la mondialisation financière de notre économie et notre action publique en faveur d’un développement équilibré du territoire national.

En effet, ces territoires métropolisés sont appelés, pour se développer, à agir comme de véritables trous noirs absorbant l’essentiel de l’énergie des capacités de développement autour d’eux. Doit-on encore accélérer ce mouvement ? (M. Ronan Dantec s’exclame.)

C’est prendre le risque d’une France des territoires à plusieurs vitesses, avec des territoires métropolitains où se concentreraient l’essentiel de la richesse et tous les autres, qui devraient se contenter des miettes.

Dans le même temps, au sein même de ces territoires métropolitains, nous craignons le développement d’inégalités sociales et territoriales dangereuses pour la cohésion sociale. Ce sont des phénomènes que nous pouvons observer partout dans le monde.

Dans le même esprit, doit-on accompagner les phénomènes de métropolisation en imposant une nouvelle carte administrative pour un pilotage central de ces nouveaux territoires ?

Doit-on favoriser, par la présidentialisation renforcée des exécutifs locaux, la constitution de ce qu’on pourrait appeler de nouvelles baronnies locales, détenues par des élus au quatrième niveau ? (M. Ronan Dantec s’exclame de nouveau.)

Nous ne le pensons pas. On ne construit pas l’avenir en niant son histoire ; on ne construit pas du collectif en niant l’individualité.

Or la France des territoires, celle de la décentralisation, repose sur la cohérence de l’action conjointe des communes, des départements et des régions, dans un équilibre qui, reconnaissons-le, a permis à la démocratie locale de progresser ces trente dernières années et aux services publics locaux d’apporter à nos concitoyens une écoute, une protection et une capacité d’innovation auxquelles ils sont aujourd’hui très attachés. Ce sont, à nos yeux, de véritables atouts. Pourquoi vouloir aujourd’hui fragiliser cela ?

Mme Éliane Assassi. À cause de l’Europe et de M. Barroso !

M. Christian Favier. Surtout en cette période de crise traversée par notre pays, alors que les collectivités territoriales jouent quotidiennement un rôle essentiel d’amortisseur social, comme tous le reconnaissent. (Mlle Sophie Joissains et M. Christian Cambon applaudissent.)

Pourquoi vouloir éloigner les citoyens des lieux de décision, alors que la demande sociale est à plus de proximité et de transparence ?

Pourquoi vouloir privilégier la technocratie au détriment des services publics locaux ? (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Notre conception du développement national, plaçant l’humain au centre de nos préoccupations, est fort éloignée de ce que vous nous proposez avec ce projet de loi et reste tout aussi distante du texte de la commission qui, s’agissant des métropoles, ne vise qu’à ralentir le processus, et non à le remettre en cause comme nous le souhaiterions.

Par ailleurs, comme votre propre texte, madame la ministre, celui de la commission n’apporte rien en termes de renforcement de la démocratie locale.

Finalement, votre réforme annoncée comme étant l’acte III de la décentralisation ne constitue aujourd’hui qu’un nouvel acte de concentration des pouvoirs ! Elle ne répond pas aux besoins pour un développement harmonieux de nos territoires, auxquels nous restons tous très attachés.

Et pourtant, il faut le dire, le statu quo ne peut être de mise : oui, nous avons besoin d’une nouvelle étape de décentralisation !

Ce nouvel âge de la décentralisation que nous appelons de nos vœux doit répondre à trois enjeux majeurs.

D’abord, celui de développer la démocratie locale en donnant plus de place aux citoyens dans la délibération collective de proximité.

Pour y parvenir, il faut d’urgence un statut de l’élu qui permette au plus grand nombre d’exercer des responsabilités électives – et je pense tout particulièrement aux salariées.

Il faut donc inscrire de nouveaux droits dans le code du travail et créer les conditions d’un véritable retour à l’emploi, il faut, dans le même temps, limiter le cumul des mandats, y compris local, en nombre et en durée. Il faut aussi donner davantage de place aux élus en déprésidentialisant les exécutifs locaux et en renforçant le rôle des élus, de la majorité comme de l’opposition, au sein des assemblées délibérantes.

Dans le même mouvement, il faut créer et institutionnaliser la concertation et la consultation régulière des habitants eux-mêmes.

En outre, et c'est un engagement qu’il aurait fallu tenir, il faut donner le droit de vote à tous les résidents. (Exclamations et sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Christian Favier. Il faut aussi augmenter le pouvoir d’intervention des assemblées délibérantes locales pour renforcer leur capacité à répondre aux besoins et aux attentes des habitants.

Pour y parvenir, chacune doit disposer de la compétence dite générale, lui permettant d’intervenir dans le cadre des intérêts du territoire et des habitants qu’elle représente. Aussi, nous entendons privilégier le développement de coopérations volontaires de projets, dans le cadre d’une confiance renforcée dans l’intelligence locale, sous contrôle d’une démocratie locale revivifiée.

Il faut ainsi respecter chaque niveau de collectivités, sans en ajouter de nouveau, en créant les conditions de leur coopération régulière, en institutionnalisant leurs relations, mais en les fondant toujours sur le volontariat. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Enfin, pour que toutes ces mesures ne soient pas un jeu de dupes, il faut évidemment doter les collectivités territoriales des capacités financières leur permettant d’intervenir pour répondre aux besoins et assurer la sauvegarde de leur territoire.

Cette autonomie financière est intimement liée à une réelle autonomie fiscale, pour permettre, aux élus, de lever les impôts au regard des besoins et, aux citoyens, de mesurer l’impôt qu’ils versent au regard des services que la communauté leur rend. C’est un véritable enjeu démocratique.

Ces perspectives de réforme que nous portons, profondément décentralisatrices, citoyennes et sociales, permettent de mesurer ce qui nous sépare encore de votre texte et de ceux qui suivent.

Alors que notre monde se développe de plus en plus sous la forme de réseaux collaboratifs et que notre société recherche les coopérations multiples, la construction qui nous est proposée, hiérarchisée, fondée sur un pouvoir concentré entre quelques mains, est finalement profondément archaïque. Nous portons une tout autre vision.

Nous regrettons que les conditions de mise en place de cette réforme ne nous aient pas permis de travailler plus sérieusement avec le Gouvernement pour parvenir à une vision partagée, décentralisatrice et progressiste, plus conforme aux combats menés par la gauche depuis des décennies.

Au cours de nos débats – si débats il devait y avoir –, nous défendrons des amendements constructifs offrant une alternative à vos propositions et une série d’amendements de repli pour essayer de corriger quelques oublis ou anomalies.

Il va de soi que l’adoption de nos amendements de contre-proposition serait, seule, de nature à nous faire adopter ce texte.

Nous comptons sur la sagesse des membres de la Haute Assemblée, représentant les collectivités locales de la République, pour modifier profondément ce texte qui, malgré les avancées réalisées par la commission des lois, est, en l’état actuel, encore bien trop éloigné des intérêts de nos collectivités.

Nous voulons promouvoir un tout autre acte décentralisateur, et c’est dans cet esprit que nous abordons ce débat essentiel pour la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d’abord souhaiter bon courage à Mmes les ministres (Sourires.), car le chantier dans lequel elles se sont engagées n’est pas facile, et ne l’a jamais été.

En effet, dans notre pays, la rénovation de nos institutions locales et leur adaptation aux réalités présentes est un chantier permanent, toujours extrêmement difficile à conduire, et ce non pas pour une question d’égoïsme ou d’attachement à des mandats ou à des positions, comme on le dit trop souvent, mais pour des raisons bien plus profondes : les Français et les Françaises sont viscéralement attachés à leurs institutions locales et à leurs communautés locales ; leurs existences sont, pour ainsi dire, consubstantielles. Changer ces institutions, c'est en quelque sorte changer ses tripes !

Lorsque l’on veut toucher à l’organisation des collectivités locales, le problème n’est donc pas celui du refus du changement, mais celui de l’adaptation nécessaire de sa propre identité.

Il faut donc beaucoup de courage, et de ténacité, aussi. Il faut encore savoir que l’on n’arrive jamais là où on le voulait. Mais il convient aussi, toujours, de restituer la nécessaire rénovation de nos institutions locales dans le temps et de regarder ainsi les quelques pas qui peuvent être faits. Ce texte, avec les deux suivants, vous conduira à un port que personne ne connaît encore.

Je comprends que tout faire figurer dans le même texte serait revenu à le tuer. Vous avez fait le partage que vous avez pu et c'est à nous de replacer ce projet de loi dans la perspective des trois épisodes que nous vivrons.

J’ai moi-même eu l’occasion de défendre un texte – ce n’était pas très facile – et l’on est parvenu à un résultat qui était très mauvais pour les uns, pas si mauvais que cela pour d’autres. Je vois aujourd'hui qu’il en reste quelque chose. Ce texte-là a donc permis de progresser d’un pas. Nous allons essayer d’en faire de nouveaux.

Je voudrais dire quelques mots du cadre général, puis vous parler – vous le comprendrez – de ce que nous proposons, le maire de Lyon, Gérard Collomb, et moi-même et peut-être avec votre soutien, pour Lyon.

Je remercie le président et le rapporteur la commission des lois du Sénat d’avoir su faire en sorte que nous nous sentions à l’aise pour travailler, donner nos avis et, ce faisant, avancer. Mais je leur sais surtout gré d’avoir affirmé des idées simples, permanentes, pratiques et concrètes dont, en premier lieu, celle de liberté.

Et la liberté ne va jamais sans la responsabilité. Quand on est élu local, on se sent libre de prendre telle ou telle position, mais on la prend en responsabilité, c’est-à-dire avec la responsabilité de tous ceux qui nous ont élus et qui attendent des résultats de notre part.

Je me félicite de la position que la commission des lois a adoptée sur le titre Ier du texte ; en effet, c'est la liberté qui en sort gagnante, avec son corollaire, la responsabilité des élus locaux. C'est à eux de faire et, selon les cas, ils feront, ou ne feront pas ! Nous n’avons pas d’autre maître que le suffrage universel qui, à un moment donné, nous dit si nous avons eu raison, ou si nous n’avons pas fait ce qu’il fallait…

Vous avez également affirmé la prééminence de la méthode conventionnelle, c'est-à-dire celle de l’accord local. Nous n’allons pas vous dire le contraire ! C'est parce que nous avons passé un accord local que, pour notre part, nous pourrons essayer d’avancer.

Vous avez dit des choses toutes simples, par exemple, qu’il n’y a pas de collectivité supérieure à une autre. C'est vrai, et il faut toujours rappeler que chacune de ces collectivités a son utilité et que la commune a un rôle particulier à jouer.

Il est impératif de sortir de l’opposition, à la fois stérile et infondée, entre le rural et l’urbain. Dans un pays comme le nôtre, selon le jour ou la semaine, on passe de l’un à l’autre – ou l’on est l’un et l’autre – si bien que l’on ne peut opposer ces deux mondes, qui ont besoin l’un de l’autre ! La ruralité se développe si les villes vont bien. Et les villes ont besoin d’un espace rural qui soit capable de leur apporter, à tout le moins, des territoires de développement.

Bien entendu, vous avez choisi, pour ce premier texte, d’affirmer le fait métropolitain et d’essayer de l’organiser. Nous en sommes d’accord, mais veillons tout de même à ne pas galvauder le terme de métropole.

On ne peut pas tout appeler métropole, sauf à s’exposer au même problème que celui des chefs-lieux de canton avec leurs bureaux de poste ! Si toute ville veut demain être une métropole, honnêtement, cela peut faire plaisir, mais cela n’a aucun sens. Quelques métropoles jouent des rôles particuliers, exercent des fonctions particulières – il s’en trouve peut-être cinq ou six en France –, mais on ne saurait les multiplier à l’envi.

Comment ce texte peut-il s’appliquer à Lyon ? Lorsque Gérard Collomb et moi vous avons proposé, mesdames les ministres, d’aller vers l’instauration d’une métropole à Lyon – la Métropole de Lyon –, cela correspondait, pour moi, à une volonté déjà ancienne, que j’avais manifestée à plusieurs reprises. Nous pouvions donc nous rejoindre sur ce point.

Nous sommes assez différents pour nous entendre. D’ailleurs, pour s’entendre, pour dialoguer, il faut être différent : si l’on est pareil, on peut monologuer, mais cela ne revient pas au même…

Sur ce point, nous avons donc fait les efforts nécessaires pour nous entendre. C'est une bonne chose, et nos concitoyens n’attendent rien d’autre de nous. Que l’on ait des différences, oui ! Mais que l’on soit prévoyant et capable d’organiser l’avenir.

C'est ainsi qu’aujourd'hui nous vous demandons, certes, de nous laisser faire, mais en nous guidant, en nous orientant, en veillant à éviter les chausse-trapes ou les oublis.

Alors oui, c'est un projet formidable que de construire cette métropole. D'abord, elle existe déjà ! Ce n’est pas nous qui allons la construire… Lyon, depuis longtemps, est une très grande ville, une ville autonome. Peut-être a-t-elle toujours secrètement regretté que la capitale soit Paris – il fait tellement meilleur chez nous que l’on voit bien que la capitale pourrait être ailleurs ! (Sourires.) –, mais elle ne l’est pas devenue, pour toutes sortes de raisons historiques.

Nous avons aussi une habitude : nous ne demandons rien à la capitale.