Mme Catherine Troendle. Effectivement !

M. Éric Doligé. Si je cite ainsi l’adaptabilité manquée, l’accessibilité occultée et les ordonnances imposées, ce n’est pas pour être désagréable. Je pense toutefois que l’on aime bien tout politiser, au détriment parfois de l’efficacité et de l’intérêt général.

M. Éric Doligé. Quand arrêterons-nous de nous diviser systématiquement sur tout ?

Pour en revenir au texte, qui est examiné pour la troisième fois par le Sénat – la première avait conduit à un renvoi à la commission, et il faut chaque fois réussir à inscrire le texte à l’ordre du jour d’une niche parlementaire, ce qui ne simplifie pas les choses –, je pense qu’il ne pose pas de réels problèmes. L’Assemblée nationale y a apporté quelques ajustements – ils ont été rappelés par Mme Jacqueline Gourault – que nous examinerons ; la commission a également fait quelques corrections.

Je pense que nous aurons de nouveau un mini-débat sur les CCAS à l’article 18. Les lobbies ont la vie dure. (Sourires.) Ils vont à nouveau se réveiller mais, cette fois-ci, je ne suis pas le seul coupable – je partage la responsabilité avec vous, madame la rapporteur !

Bien sûr, j’approuve votre proposition de réintroduction de cet article – il ne retirera rien au système actuel, permettra de revenir à la légalité et n’enlèvera pas une seule adhésion à l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, l’UNCCAS, qui ne subira donc aucune réduction de ses ressources.

Je constate avec regret que le titre Ier est définitivement vidé de son contenu. La partie concernant les règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs a été escamotée. (M. André Reichardt opine.) Les maires, très préoccupés par ce sujet, apprécieront. Un seul article a été complété de façon significative : l’article 13, figurant dans le chapitre III, qui traite de la simplification du fonctionnement des assemblées locales. Cet article complété a trait à la délégation de signature, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.

Pour moi, ce texte, que nous allons probablement voter ensemble, et qui devra franchir une dernière niche à l’Assemblée nationale, est un signal ou un texte d’appel qui doit ouvrir la vraie piste de la simplification des normes.

Je me permets, pour terminer, de faire une proposition.

Chacun sait que notre pays souffre économiquement et socialement. Le chômage est à des niveaux jamais atteints…

Mme Catherine Troendle. C’est vrai !

M. Éric Doligé. … et nous avons la confirmation que l’on n’est pas au bout de nos peines. L’inversion de la courbe du chômage, ce n’est pas pour 2013. Qui y croit encore dans le contexte actuel ?

Je vous fais une proposition honnête et équilibrée, afin d’y arriver avec certitude : établissez un moratoire pour les collectivités tant que le PIB n’aura pas atteint 1,5 % de progression annuelle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Fauconnier s’exclame.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Éric Doligé. Le moratoire doit concerner la suspension de toutes les contraintes superflues imposées par les DRAC, les DREAL et les ABF,…

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Bravo !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Éric Doligé. … avec un contrôle par une commission ad hoc qui saura avoir une vision réaliste et détachée du poids administratif.

M. Éric Doligé. Il faut, parallèlement, imposer à l’administration la réduction d’un mois et demi de tous les délais concernant les collectivités et les particuliers.

M. Alain Fauconnier. Il fallait le faire en 2010 !

M. Éric Doligé. Comme vous le voyez, cela ne concerne que des normes et des pratiques à desserrer, et ne coûte strictement rien à personne.

Mme Éliane Assassi. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?

M. Éric Doligé. J’ai déposé mon texte en 2011, mais il a fallu trouver des niches parlementaires pour en débattre, et vous avez tout fait pour le bloquer !

M. Alain Fauconnier. En dix ans, vous n’avez pas trouvé le temps ?

M. Éric Doligé. Quoi qu’il en soit, je suis ravi de voir ce texte évoluer progressivement et ouvrir un certain nombre de pistes.

Le résultat de ces mesures, ce sera peut-être 10 % de bâtiments construits en plus et des usines qui n’iront pas s’installer ailleurs, fuyant devant les contraintes franco-françaises.

Mme Catherine Troendle. Très bonne proposition !

M. Éric Doligé. Selon moi, si vous décrétez ce moratoire et si vous réduisez tous les délais d’un mois et demi, vous êtes presque sûrs de réussir aux prochaines élections locales, dont la perspective semble effrayer nombre d’entre vous ! Voilà le « tuyau » que je vous donne aujourd’hui ; faites-en ce que bon vous semble… (Sourires.)

Un mois et demi, sur une année comprenant douze mois, équivaut à réduire d’environ 10 % tous les délais.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Éric Doligé. Ce temps gagné permet de raccourcir les mises en chantier d’un certain nombre de bâtiments et d’augmenter de 10 % la production. C’est une mesure simple, qui ne coûte rien. Mais, bien entendu, elle est éminemment politique.

Si l’on est pour le redressement productif, il faut impérativement prendre des mesures d’urgence. Je peux vous démontrer à nouveau que l’application très stricte des normes nous conduit en période de crise à « l’effondrement productif ».

Je souhaite que le « choc de simplification » annoncé se traduise très vite dans les actes et ne reste pas au niveau des mots.

Sauf le respect que je dois au Président de la République, j’aimerais lui dire : « Chiche » pour le choc, et reprenez ma proposition de moratoire. (Mme Catherine Troendle sourit.)

Le présent texte n’est pas une révolution dans son contenu, mais il est une base de départ qui a réveillé très rapidement les responsables des collectivités, lesquels se sont enfin exprimés sur le poids des normes.

Ce texte a fait prendre conscience à l’État qu’il devait revoir sérieusement sa vision de la normalisation.

Je vous remercie de votre attention et compte sur vous, madame le ministre, afin que nous entrions enfin dans une ère de sérieux normatif et de normalisation acceptable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Nathalie Goulet et M. Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pensais que ce texte sur la simplification des normes serait une sorte de long fleuve tranquille, qui allait tranquillement suivre son cours. Après les propos de notre collègue Éric Doligé, j’en doute.

M. Jean-Pierre Michel. Il s’agirait en effet de revenir sur les décisions du Conseil constitutionnel, qui ont très clairement indiqué qu’une loi pouvait être adoptée, mais pas n’importe laquelle. C’est pourquoi un article de la proposition de loi a été supprimé.

Proposer une sorte de moratoire, comme vous le faites, monsieur Doligé, est purement démagogique.

Le gouvernement Fillon en avait déjà décrété un, et je vous incite vivement à lire le rapport de Mme Gourault (L’orateur brandit un exemplaire dudit rapport.), qui en fait le bilan.

Si votre but est de parvenir au même résultat, ce n’est pas la peine de faire une telle proposition.

Restons sérieux ! (Mme Catherine Troendle s’exclame.) Et ce n’est pas faire preuve de sérieux que de tenir de tels propos, dont les relents électoralistes sont évidents. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle. Quelle tristesse d’entendre ça !

M. Jean-Pierre Michel. Ne faites pas les naïfs ou les angelots, vous ne serez pas crus.

Mme Catherine Troendle. Ce texte est au-delà de tout clivage politique !

M. Jean-Pierre Michel. Il est vrai que, le 15 février 2012, nous avons proposé et voté le renvoi du texte à la commission. Mais il s’agissait d’un vrai renvoi à la commission : contrairement à d’autres fois – je pourrais citer de nombreux exemples, y compris sous votre majorité –, la commission des lois, à la demande de son président, a véritablement travaillé.

Peu de temps après, le 10 octobre 2012, Mme Gourault a soumis un nouveau rapport : un texte a été adopté à la suite de nos débats et je me souviens d’ailleurs que notre collègue Éric Doligé, auteur de la première proposition de loi, avait déposé un certain nombre d’amendements.

Le 26 février 2013, l’Assemblée nationale a examiné ce texte et approuvé un certain nombre d’articles ; elle nous l’a renvoyé avec vingt-deux articles restant en navette.

En commission des lois, notre rapporteur a simplement proposé de revenir sur quatre articles qui avaient été supprimés ou très largement modifiés par l’Assemblée nationale.

La commission des lois a également adopté un certain nombre d’amendements, dont deux ont été déposés par M. Vandierendonck, un par Virginie Klès et un autre par MM. Doligé et Dupont. Cela explique que le texte ne puisse pas être définitivement adopté aujourd’hui par le Sénat, puisqu’il diffère de celui qu’a adopté l’Assemblée nationale.

Il est vrai que lorsque nous effectuons des permanences ou des visites dans les communes de France, mes chers collègues, nous entendons les maires se plaindre de telle ou telle norme, et relever tel ou tel exemple.

Il nous faut faire la part des choses et tenir aux maires un discours responsable. Nous ne devons pas toujours aller dans le sens du vent.

Certaines normes sont indispensables.

M. Jean-Pierre Michel. Je pense notamment à celles qui concernent l’accessibilité des personnes handicapées ou qui protègent l’environnement et la santé publique.

Ces normes ne sauraient être remises en cause, en dépit des demandes formulées par tel ou tel élu local.

En revanche, il est vrai qu’il y a beaucoup de prescripteurs, et pas seulement l’État. Les collectivités territoriales aussi possèdent aujourd’hui un pouvoir normatif et édictent un certain nombre de normes applicables sur leur territoire.

M. Philippe Dallier. S’il n’y avait que cela !

M. Jean-Pierre Michel. La situation mérite d’être examinée en détail.

Il est vrai que le Président de la République veut un « choc de simplification ». Mais c’est avant tout une expression…

M. Jean-Pierre Michel. … pour conférence de presse. (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Il appréciera !

M. Jean-Pierre Michel. Je dis les choses comme je les pense !

Il est vrai aussi que le Gouvernement vient de prendre une circulaire pour demander aux préfets d’agir, et qu’il se penche sur la question à travers différents textes.

Aujourd’hui, il me semble que nous allons sans doute tous approuver le texte tel qu’il a été modifié, et je souhaite enfin que le long fleuve arrive à destination.

J’espère que lorsqu’elle examinera ce texte – je le souhaite, dans les meilleurs délais –, l’Assemblée nationale pourra l’adopter conforme. Il me semble en effet que, en la matière, nous devrions avoir le dernier mot « théorique », même si nous n’avons pas le dernier mot « constitutionnel ». N’oublions pas que cette proposition de loi trouve sa source au Sénat, que nous l’avons retravaillée par deux fois et renvoyée une fois à la commission.

J’invite donc à présent l’Assemblée nationale à adopter le texte tel qu’il ressortira aujourd’hui de nos travaux.

Comme l’a souligné Éric Doligé, dans un propos moins polémique que le reste de son intervention, nous devons faire en sorte que ce texte constitue une sorte d’appel, de signal. D’autres devront suivre, une fois que nous aurons identifié l’origine de ces normes, afin que nous parvenions progressivement à une simplification conforme à l’intérêt général et permettant aux élus locaux de mieux exercer leur mandat.

Le groupe socialiste votera le texte tel qu’il ressort des débats de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, ainsi que MM. Michel Le Scouarnec et Christophe Béchu applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la version du texte que nous examinons cet après-midi en deuxième lecture est relativement allégée par rapport à la proposition de loi initiale.

En effet, l’article 1er, qui consacrait le principe de proportionnalité et d’adaptation des normes à la taille des collectivités, a été supprimé.

Le même sort a été réservé à des dispositions dont la portée était jugée trop incertaine juridiquement au regard des principes d’égalité ou de liberté contractuelle. Cela a été le cas de plusieurs mesures en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, relatives à l’institution de « secteurs de projet » – article 20 –, à la modernisation de la procédure de création d’une zone d’aménagement concerté – article 21 –, aux modalités d’opposabilité des clauses des cahiers des charges dans les lotissements – article 23 –, à l’autorisation de la conclusion d’une promesse de vente en lotissement avant la délivrance d’un permis d’aménager – article 24 –, aux dérogations à la réalisation d’aires de stationnement dans certaines zones géographiques – article 26 –, ou encore à l’encadrement de la signature de conventions d’archéologie préventive – article 27.

D’autres articles ont également été supprimés, car ils étaient redondants avec des dispositions figurant dans la proposition de loi de Jacqueline Gourault et de Jean-Pierre Sueur, adoptée voilà quelques semaines par le Sénat.

Il reste dans la présente proposition des dispositions que nous pensons consensuelles, à l’exception de deux d’entre elles sur lesquelles je serai particulièrement attentive car nous prendrons notre décision sur l’ensemble du texte en fonction de la teneur de la discussion.

Lors de la première lecture, nous avons tous dénoncé dans cette enceinte les conséquences de la prolifération normative et l’insécurité juridique qui en résulte.

En effet, mes chers collègues, nous ne pouvons que partager ce constat tant les difficultés rencontrées quotidiennement par les élus locaux, qu’ils soient, je le répète, de gauche, de droite ou du centre, sont réelles.

En tant que représentants des collectivités locales, nous nous devons de tirer le bilan de l’inflation législative sur l’action des politiques locales et d’apporter des solutions à ce problème. D’ailleurs, cela nous a été fortement rappelé par les élus locaux, notamment lors des états généraux de la démocratie territoriale.

Si nous sommes d’accord sur le constat, nous sommes en revanche divisés quant aux moyens préconisés en première lecture par la présente proposition de loi.

Pour notre part, nous avions voté dans un premier temps pour la motion tendant au renvoi à la commission et, ensuite, contre le texte, pour deux raisons principales.

La première d’entre elles n’a plus lieu d’être aujourd’hui eu égard au texte qui nous revient en deuxième lecture : effectivement, l’article 1er instaurant le principe de proportionnalité des normes a été supprimé. Nous nous réjouissons de cette suppression, même si cette disposition a été reprise en filigrane dans la proposition de loi précitée portant création d’un conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales de nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur.

Le principe de proportionnalité des normes est évidemment inacceptable, car son application ne reviendrait qu’à contourner le problème et à créer de nouvelles sources d’inégalité en fonction des richesses disponibles sur les territoires. Permettez-moi de rappeler une nouvelle fois que nous devrons veiller à ce que les recommandations du futur conseil national n’aboutissent pas à mettre en place une forme de déréglementation ou de dérégularisation dans laquelle les objectifs en matière d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement seraient relégués.

La seconde raison qui nous avait incités à voter contre la présente proposition de loi tient à l’article 18, supprimé puis finalement réintroduit par notre commission. Cet article permet aux communes de moins de 1 500 habitants de se passer des centres communaux d’action sociale, les CCAS. Or, compte tenu de l’extension de la précarité dans notre pays, cette mesure est pour le moins dangereuse. Nous examinerons ultérieurement ce point, puisque nous avons déposé un amendement visant à supprimer de nouveau cet article. Je me permets d’y insister du haut de cette tribune : pour mon groupe, cette question est essentielle.

Pour en revenir à l’esprit du texte, je rappellerai la position de mon groupe sur la problématique des normes applicables aux collectivités locales : tout en notant la nécessité de clarifier l’arsenal normatif pesant sur les collectivités territoriales, mon groupe a toujours pris soin de souligner que derrière le rejet des normes par les élus se cache en réalité la difficulté de mettre en œuvre ces dernières, faute d’accompagnement technique par les administrations et de soutien financier par l’État, et cela ne date pas d’aujourd'hui.

Gardons ce fait à l’esprit : l’édiction de règles répond le plus souvent à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique. La question qui doit être posée est donc celle des moyens financiers, car si les collectivités se retrouvent en difficulté, c’est en raison non pas tant de la prolifération législative, pourtant bien réelle, que du désengagement des gouvernements successifs, qui ont peu à peu restreint les soutiens de l’État, à savoir suppression des dotations et subventions, allégements fiscaux bénéficiant aux entreprises, transferts de compétences et nouvelles attributions aux collectivités sans les compensations financières exigées. Là se trouve, me semble-t-il, la principale source du problème.

Nous ne devons pas céder à la facilité et contourner la difficulté. Au contraire, nous devons l’envisager dans sa globalité, afin de répondre aux attentes non seulement des élus, essentiellement demandeurs d’expertise et de moyens, mais, plus largement, de l’ensemble de la population, puisque in fine c’est bien elle qui est concernée.

Cela étant dit, nous soutiendrons les quelques dispositions qui restent dans la présente proposition de loi et qui relèvent pour le coup de la simplification. Quant à notre vote sur l’ensemble du texte, nous le réservons pour l’instant, car il dépendra du sort donné à nos amendements, principalement à celui qui porte sur l’article 18. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la discussion des textes qui nous sont soumis, les membres de mon groupe ont toujours exprimé leur attachement à ce que soit enfin mise en œuvre une volonté politique de simplification du droit. Ce sujet n’est pas nouveau, comme en témoignent les réflexions que menait déjà le Conseil d’État en 1991. Mais notre organisation administrative est ainsi faite que sa force d’inertie n’a d’équivalent que la complexité des procédures qu’elle exige des administrés et des usagers.

Les collectivités locales sont en première ligne face à la jungle normative dont nous convenons tous de l’inutilité et de la lourdeur. Les rapports qui se succèdent depuis des années n’ont cessé de pointer du doigt cette problématique, sans que pour l’instant la tendance lourde ait pu être inversée.

La présente proposition de loi, que nous voterons, est naturellement la bienvenue, mais elle n’est, en somme, que l’arbre qui cache la forêt au cœur de laquelle se nichent des monstres de pointillisme administratif. Si le chiffre de 400 000 normes applicables aux collectivités a été évoqué, il n’en reste pas moins éloquent. Les collectivités sont en première ligne pour satisfaire les besoins de nos concitoyens et promouvoir l’intérêt général. Or à force d’empilement des normes, notamment en matière de sécurité, nous en sommes parvenus à encourager l’inertie des élus, paralysés à l’idée de voir leur responsabilité engagée, au lieu d’être incités à impulser des investissements nouveaux ou, tout simplement, à faire preuve d’audace.

Notons aussi qu’il n’est pas nécessaire de pousser des cris d’orfraie quand les collectivités se voient contraintes d’embaucher du personnel administratif, juridique ou financier pour faire face à des besoins d’expertise plus poussés face à des textes entremêlés. Il ne s’agit là que des effets de l’inconséquence des pouvoirs normatifs, inconséquence dont, il est vrai, nous devons, en tant que législateurs, assumer notre part de responsabilité.

Pour l’heure, le texte qui nous est soumis prend place, certes modestement, dans la chasse aux normes stratifiées que les pouvoirs publics veulent aujourd’hui lancer. Nous l’avons déjà dit, mais nous persistons : la simplification du droit doit s’accomplir au travers de textes courts, centrés sur des problématiques clairement identifiées, pour éviter les textes fourre-tout et l’accumulation des cavaliers législatifs comme nous en avons fait l’amère expérience avec les multiples propositions de loi Warsmann.

À cet égard, même si la présente proposition de loi est guidée par une volonté louable de simplification, nous notons qu’elle comporte néanmoins de vraies réformes de fond, en particulier en matière d’urbanisme, réformes qui auraient certainement justifié un texte ad hoc.

La question des conventions de mandat d’aménagement ou celle de la faculté de création des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants méritent encore une fois d’être approfondies.

Au terme d’une lecture dans chaque assemblée, le texte que nous examinons n’a plus grand-chose à voir avec celui qu’avait imaginé notre collègue Éric Doligé, dont le remarquable rapport comprenait près de 268 propositions. Nous remarquons ainsi que les dispositions relatives à la réforme de la Commission consultative d’évaluation des normes ont été supprimées par les députés, pour la bonne et simple raison qu’elles figuraient également, quoique dans une version différente, dans la proposition de loi portant création d’une haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales. Ajoutons que de telles mesures figurent encore dans un troisième texte, le projet de loi qui vise à créer le Haut Conseil des territoires. Avouez, mes chers collègues, que nous aurons réussi à introduire de la complexité supplémentaire dans l’objectif initial de faciliter la simplification !

Une telle mise en abyme, poussée à l’absurde, illustre surtout la propension que nous gardons à faire preuve d’un regrettable pointillisme, comme le dénonçaient à juste titre Jean-Claude Boulard et Alain Lambert dans leur excellent rapport consacré à la lutte contre l’inflation normative. À ce propos, il nous serait agréable, madame la ministre, que vous puissiez aujourd’hui nous indiquer les suites que le Gouvernement entend donner à ces travaux, notamment pour ce qui concerne, d’une part, le devenir des normes dont l’abrogation est proposée et, d’autre part, l’application d’un principe de proportionnalité en matière de création de normes.

Certes, la proposition de loi que nous examinons va dans le bon sens, mais elle ne constitue qu’un rouage de portée limitée au regard de la nécessité de simplifier le droit. Nous savons que vous avez engagé cette politique au travers de la modernisation de l’action publique, la MAP, qui prend la suite de la RGPP, mais qui combine cette fois rationalisation budgétaire et préservation de la qualité du service public. Les effets de ce processus seront longs, mais nous comptons sur votre détermination.

Pour l’heure, nous voterons cette proposition de loi, car entre les normes et l’initiative, nous choisirons toujours l’initiative ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions. – MM. Éric Doligé, Bernard Fournier, François Trucy et Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la rapporteur, madame la ministre, mes chers collègues, il convient de le souligner, la première simplification que comporte le présent texte relatif à la simplification est celle de son nom, et c’est mérité. En effet, nous sommes passés de « proposition de loi relative au contrôle des normes applicables aux collectivités territoriales et à la simplification de leur fonctionnement » à « proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales ». Au concours de la proposition de loi la plus mal nommée, celle-ci pouvait prétendre à une place de choix !

En réalité, c’est non seulement son nom, mais également son contenu qui ont été simplifiés. Ainsi, le texte initialement déposé par notre collègue Doligé, il y a près de deux ans, au mois d’août 2011, comportait trente-trois articles ; après passage à la bien nommée moulinette et sans doute aussi au chinois, ce tamis de cuisine extrêmement fin, il a été élagué, sauf erreur de ma part, de dix-neuf articles par le Sénat en première lecture et réduit encore de cinq articles par l’Assemblée nationale : telle est la version dont nous débattons aujourd’hui.

Parfois, les coupures n’ont pas été des moindres. Je pense notamment à l’article sur la simplification des normes des équipements sportifs, pourtant source de tant de complexité et de dépenses pour les communes.

Plus généralement, nous sommes en présence de petites modifications, sans aucun rapport les unes avec les autres et dont on ne sait pourquoi elles ont trouvé preneur !

Il est vrai que le Sénat enchaîne l’examen de propositions de lois relatives aux collectivités territoriales – nous discuterons d’ailleurs de l’une d’entre elles demain – dont on a de plus en plus de mal à voir la logique et dont le manque de cohérence est de plus en plus visible, de plus en plus criant.

Notre travail s’assimile à un puzzle qui donnerait l’espoir d’obtenir un tableau à la fin du travail, mais dont les pièces ne s’emboîtent jamais ! Espérons de surcroît qu’une pièce n’ait pas servi à caler la table...

Or ce dont ont besoin les citoyens, c’est d’une loi générale de simplification administrative, qui les concerne eux aussi, et pas seulement les collectivités. Je pense, par exemple, à la difficulté d’apporter la preuve que l’on est toujours en vie, que l’on est toujours Français, ou que l’on a toujours droit aux allocations chômage même après avoir accepté un petit boulot d’intérim.

Si les écologistes voteront le présent texte, c’est parce qu’il prévoit justement une mesure de simplification de la vie des citoyens, et non des collectivités, ce qui est un paradoxe... Car la seule avancée réelle de ce texte, si j’exclus l’élagage des routes départementales ou les modalités de liquidations d’établissements publics, c’est qu’enfin les citoyens auront accès aux délibérations des assemblées de manière plurielle et simple, sous forme papier et informatique. La mise en place de données ouvertes – open data – à travers la délibération sous format numérique et la dématérialisation de la publication des actes et recueils administratifs constitue une véritable avancée démocratique, qui donne accès au plus grand nombre à des informations concernant tout un chacun.

C’est une facilité de participation à la vie de la cité. C’est une ouverture qui permet, pour une fois, à la technologie d’être un outil non pas de pouvoir pour ceux qui possèdent la connaissance, mais de partage mettant à disposition de tous des données qui appartiennent à tous.

Les écologistes formulent donc le souhait que, à l’avenir, chaque projet, chaque proposition de loi mentionne la publication en ligne du maximum d’informations, dans le respect des données personnelles et individuelles, bien entendu. (Mmes Gisèle Printz, Michelle Meunier ainsi que MM. Jean-Pierre Michel et Jean-Claude Requier applaudissent.)