Mme Odette Herviaux. Il y a parfois de belles surprises !

M. Jean-Jacques Hyest. En tout état de cause, nous ne souhaitons pas le retour au scrutin proportionnel pour les départements comptant trois sièges.

Le motif de la parité est, à bien des égards, une fiction. Dans la durée, cette raison peut être pertinente, mais il n’en reste pas moins que certains sénateurs, qui estiment avoir bien fait leur travail, ne pourront plus se représenter d’une élection à l’autre. Dans certains territoires, cela va être très douloureux ! Et même sanglant ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, pour éviter que de telles situations ne se produisent, nous vous invitons à adopter l’amendement de suppression du présent article.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 37.

M. Yves Détraigne. Au cours de la discussion générale, nous avons largement exposé les raisons pour lesquelles nous étions contre l’abaissement à trois sénateurs du seuil d’application du scrutin à la proportionnelle. Je n’y reviens pas : nous restons résolument opposés à cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, pour d’évidentes raisons que M. Hyest a d’ailleurs évoquées : l’extension du scrutin proportionnel constitue l’objet principal de ce projet de loi.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Sans le présent article, l’ensemble du texte perd beaucoup de son intérêt.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. Bien entendu, je voterai ces amendements de suppression.

Nous sommes là véritablement au cœur du sujet. Une fois de plus, on avance l’argument de la parité. Mais qui pourrait ne pas y être favorable ? Nous avons presque tous voté, voilà quelques instants, en faveur de la parité dans un scrutin uninominal en imposant un suppléant de sexe différent. Voilà au moins une disposition susceptible de la faire avancer !

Le scrutin proportionnel pour élire quatre sénateurs a eu des effets très favorables en matière de parité, on l’a vu dans certains départements, puisqu’il y a souvent eu deux élus de chaque sexe. En revanche, dès lors qu’il s’agit d’élire trois sénateurs, nous savons très bien que ce sont les têtes de liste qui seront élues, et non les candidats en deuxième et troisième positions.

Mme Christiane Demontès. Il peut y avoir deux femmes et un homme !

M. Gérard Cornu. Quand des sénateurs sortants, hommes ou femmes, se représentent, ils sont souvent têtes de liste, et ce sont eux qui sont élus !

La parité est ici véritablement un prétexte sournois puisque tout le monde est d’accord sur son principe.

En réalité, vous tripatouillez encore le mode de scrutin pour essayer de conforter votre majorité et de gagner les élections par un bidouillage électoral ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Bertrand. N’est pas Pasqua qui veut !

M. Gérard Cornu. C’est la réalité, et vous le savez bien !

Mais les électeurs ne sont pas dupes et, de toute façon, nous expliquerons bien dans nos campagnes que vous êtes contre la ruralité, que vous la méprisez. Croyez-moi, les grands électeurs, qui sont très attentifs à ce débat, sauront s’en souvenir !

M. Gérard Cornu. Alors, n’essayez pas, sous couvert de parité, de nous imposer un scrutin proportionnel pour trois sénateurs, qui ne réglera en rien les problèmes qui se posent en la matière. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Deux arguments sont donc évoqués en faveur de cette disposition. Le premier est la parité, répété à l’envi. Or nous savons très bien que, avec la multiplication des listes, le scrutin proportionnel dans les départements à trois sénateurs ne la garantit en rien. Les têtes de liste sont en général élues et cela ne donne évidemment lieu à aucun progrès en matière de parité.

Le second argument avancé est le pluralisme. Je crois qu’à ce sujet le rapport est très éclairant. Le rapporteur cite très justement, à la page 27, des chiffres précis. Il nous rappelle que, sur vingt-cinq départements pourvus de trois sièges de sénateurs, neuf comptent parmi leurs élus un sénateur appartenant au camp opposé aux deux autres. Ainsi, dans neuf départements sur vingt-cinq, le scrutin majoritaire n’empêche en rien le pluralisme. Le président de la commission des lois en est d’ailleurs la meilleure illustration !

Je ne vois donc pas en quoi votre proposition est susceptible de faire progresser la parité – nous savons très bien que c’est une fiction – et le pluralisme.

Nous connaissons évidemment l’intérêt de cette modification du mode de scrutin : elle est de pure opportunité électorale.

En outre, je suis un peu étonné qu’au mois de juin, presque en juillet, nous en arrivions à évoquer une telle question. Cela rompt avec la tradition républicaine qui consiste à ne pas modifier le mode de scrutin dans l’année précédant l’élection. J’ai observé l’ordre du jour particulièrement copieux de la session extraordinaire, qui présente une liste de quatre pages entières de textes à examiner. Dans la mesure où il y aura deux lectures de ce texte, nous n’en achèverons pas l’examen avant la fin de la session extraordinaire de juillet, peut-être même pas de celle de septembre. Or, en octobre, nous serons à moins d’un an des prochaines élections sénatoriales. Cela apparaîtra alors comme une magouille électorale, et les grands électeurs ne l’oublieront pas au moment de voter !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je voterai naturellement ces amendements de suppression.

Nous sommes très attachés au scrutin majoritaire pour l’élection des sénateurs dans les départements qui en élisent trois, tout simplement parce que c’est un scrutin de liberté. Il permet à des candidats de se présenter seuls, en liste complète ou incomplète, et il permet aux grands électeurs de se déterminer de manière tout à fait libre, avec la possibilité de panacher, comme on le fait aux élections municipales dans les petites communes.

Il suffit d’assister à un dépouillement pour constater que les grands électeurs usent pleinement de cette faculté. Ils votent très souvent à la fois pour une liste portée par une famille politique dans laquelle ils se reconnaissent et pour un candidat, homme ou femme, envers lequel ils éprouvent de l’estime ou de l’attachement ou, tout simplement, auquel ils témoignent ainsi leur reconnaissance pour le travail qu’il a accompli.

Il nous paraît donc important de préserver ce mode de scrutin auquel les élus locaux sont très attachés. J’insiste sur ce point, monsieur le ministre, car j’ai le sentiment que vous n’en avez pas conscience. Je suis d’un département où l’on élit de la sorte les sénateurs et je peux vous dire que les grands électeurs que je rencontre, maires, adjoints ou autres élus, sont très mécontents d’apprendre que l’on s’apprête à les priver de cette liberté et de cette souplesse dans le choix de leurs sénateurs.

On nous explique qu’il s’agit de parité. Une fois encore, la parité a bon dos ! Je n’ai pas besoin de rappeler que cela n’aura des effets sur la parité qu’à la marge dès lors que le scrutin proportionnel s’appliquera pour élire un nombre très limité de sénateurs. Une fois encore, l’exemple de 2001 est très éclairant à ce sujet.

On nous explique que cela favorisera le pluralisme, mais comme cela vient d’être dit, le pluralisme existe déjà. Un certain nombre de départements à trois sénateurs désignent des parlementaires de familles politiques différentes avec le scrutin majoritaire, précisément parce que c’est un mode de scrutin qui favorise la liberté.

Tout à l'heure, monsieur le ministre, je crois bien vous avoir entendu dire, à propos du conseiller départemental, que le Président de la République et le Gouvernement s’étaient engagés à revenir sur le conseiller territorial. En revanche, le changement de mode de scrutin aux élections sénatoriales, lui, n’a fait l’objet d’aucun engagement : il n’a jamais été question de cela durant la campagne électorale, et le Premier ministre n’en a pas non plus parlé quand il a engagé la responsabilité de son gouvernement. À aucun moment, il n’a été dit aux Français que l’on changerait le mode de scrutin des élections sénatoriales.

En fait, cette mesure est sortie du chapeau au terme de petits calculs ! Vous avez sans doute fait tourner vos logiciels, et vous estimez que cela permettra d’éviter que le Sénat ne bascule de l’autre côté et que votre majorité, déjà très courte, ne disparaisse.

Voilà, à mon sens, la réalité de vos intentions. Il ne s’agit pas de parité ! En prétendant vouloir changer le mode de scrutin pour cette raison, vous cherchez à nous leurrer !

M. Hervé Maurey. En outre, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, selon les modes de scrutin que vous nous proposez, vos arguments varient.

Quand vous nous avez proposé le scrutin binominal, avec la création du conseiller départemental, vous avez fait l’apologie du scrutin majoritaire.

M. Hervé Maurey. Je m’en étais d’ailleurs réjoui sur-le-champ et vous en avais félicité.

Mais pourquoi voulez-vous maintenant faire reculer ce mode de scrutin ici, dans l’assemblée parlementaire où siègent déjà une moitié d’élus à la proportionnelle ? Demain, si votre texte est adopté, cette proportion atteindra à peu près 75 %, soit plus que dans toute autre assemblée, même locale, car, dans les assemblées élues avec des scrutins mixtes, cette proportion ne fait qu’approcher 75 %.

M. Gérard Cornu. Exactement !

M. Hervé Maurey. Pourquoi donc vouloir absolument plus de proportionnelle au Sénat ?

Pourquoi, surtout, vous faites-vous, selon les élections concernées, tantôt l’apôtre du scrutin majoritaire, tantôt celui du scrutin proportionnel ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Notre groupe sera fidèle à la position de fond que nous avons toujours défendue : la proportionnelle toujours et partout !

C’est avant tout une question de démocratie : il s’agit d’obtenir la représentation la plus juste possible des différentes sensibilités politiques existant dans la population.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je rappelle que ce sont, par définition, de petits départements qui élisent trois sénateurs. Ce sont donc des départements plus ruraux que ceux qui désignent quatre, cinq ou six sénateurs.

Au demeurant, le président de la commission des lois, dont je connais fort bien la situation, est l’exemple vivant de la pluralité que préserve le scrutin majoritaire, un exemple auquel tout le monde se réfère.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est rare que je sois ainsi un exemple pour l’opposition ! (Sourires.)

M. Éric Doligé. Dans notre département rural, en effet, les électeurs n’ont pas voulu mettre tous leurs œufs dans le même panier.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci de me considérer comme un œuf ! (Nouveaux sourires.)

M. Éric Doligé. Ils ont voulu, peut-être, envoyer un signal politique, ou souligner la qualité de telle ou telle personnalité.

Ce mode de scrutin permet donc effectivement d’offrir un choix et de favoriser la parité. Avec un autre système, une autre vision aurait probablement prévalu, offrant moins de liberté dans le choix des électeurs.

Aujourd’hui, dans les départements ruraux, l’électeur choisit, parmi tous les candidats, ceux qu’il souhaite voir siéger au Sénat.

Dans les départements plus urbanisés, la situation est un peu différente : les électeurs sont très nombreux, le scrutin est plus politisé, les grands centres urbains ont un plus grand poids, etc.

À mes yeux, la situation actuelle ouvre toutes les possibilités et permet au candidat de se faire élire sur sa personnalité, et non pas sur son étiquette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je suis également élu d’un département concerné par cette mesure et qui a déjà connu le vote au scrutin proportionnel, il y a quelques années, puis au scrutin majoritaire, il y a deux ans.

Quel que soit le mode de scrutin, on parvient à convaincre les électeurs de la nécessité de la parité. En revanche, il va être difficile, après leur avoir expliqué comment voter à la proportionnelle, puis au scrutin majoritaire, de leur demander de revenir à la proportionnelle. Car il y a des grands électeurs qui auront connu cette succession de modes de scrutin !

Pendant ce temps-là, on ne parlera pas de leurs préoccupations, qui sont vives, notamment dans le milieu rural. Ils vont être touchés par la baisse des dotations, par la diminution des subventions des départements, qui n’ont plus les moyens de faire face à leurs responsabilités. C’est cela, leurs préoccupations ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. René-Paul Savary. En mettant en place un mode de scrutin qui éloigne encore les élus et les décisions du territoire, vous vous enfoncez dans le refus de prendre en compte les besoins de ces territoires.

J’en suis convaincu, il faut conserver le mode de scrutin que nous connaissons aujourd’hui dans ces départements de taille moyenne. Car il ne s’agit pas de « petits départements » : leur population est supérieure à 200 000 habitants, sans pour autant atteindre un million. Ce sont simplement des départements témoins de la réalité de tous les jours.

Je suis donc farouchement opposé à cet article.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 37.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 266 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 170
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Après l’article L. 294 du code électoral, il est inséré un article L. 294-… ainsi rédigé :

« Art. L. 294-... - Dans les départements où sont élus deux sénateurs, l’élection a lieu au scrutin majoritaire binominal à deux tours, sans panachage. 

« Nul candidat d’un binôme n’est élu sénateur au premier tour de scrutin si son binôme n’a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.

« Au second tour de scrutin, la majorité relative suffit. Si plusieurs binômes de candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l’élection est acquise au binôme qui comporte le candidat le plus âgé. »

II. - Après l’article L. 299 du code électoral, il est inséré un article L. 299-… ainsi rédigé :

« Art. L. 299-... - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin binominal, les candidats se présentent en binôme de sexe différent. Ils doivent mentionner dans leur déclaration de candidature, pour chaque candidat, les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à les remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319. Ils doivent y joindre l'acceptation écrite des remplaçants, lesquels doivent remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats.

« Le candidat et la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l’article L. O. 319 sont de même sexe.

« Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant des deux candidats du binôme. Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat. Nul ne peut désigner pour le second tour de scrutin une personne autre que celle qui figurait sur sa déclaration de candidature lors du premier tour. »

III. - Au premier alinéa de l’article L. 294 du code électoral, les mots : « sont élus trois sénateurs ou moins » sont remplacés par les mots : « est élu un sénateur ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Au premier alinéa de l’article L. 294 du code électoral, les mots : « sont élus trois sénateurs ou moins » sont remplacés par les mots : « est élu un sénateur ».

II. - Après l’article L. 294 du même code, il est inséré un article L. 294-… ainsi rédigé :

« Art. L. 294-... - Dans les départements où sont élus deux sénateurs, l’élection a lieu au scrutin majoritaire binominal à deux tours. 

« Nul candidat d’un binôme n’est élu sénateur au premier tour de scrutin si son binôme n’a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.

« Au second tour de scrutin, la majorité relative suffit. Si plusieurs binômes de candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l’élection est acquise au binôme qui comporte le candidat le plus jeune. »

III. - Après l’article L. 299 du même code, il est inséré un article L. 299-… ainsi rédigé :

« Art. L. 299-... - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin binominal, les candidats se présentent en binôme de sexe différent. Ils doivent mentionner dans leur déclaration de candidature, pour chaque candidat, les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à les remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319. Ils doivent y joindre l'acceptation écrite des remplaçants, lesquels doivent remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats.

« Le candidat et la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l’article L. O. 319 sont de même sexe.

« Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat. Nul ne peut désigner pour le second tour de scrutin une personne autre que celle qui figurait sur sa déclaration de candidature lors du premier tour. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Puisqu’il s’agit de faire avancer la parité, je propose, comme je l'avais annoncé lors de la discussion générale, d’instituer un scrutin paritaire.

On nous a seriné que le meilleur scrutin pour la parité était le scrutin binominal. Nous proposons donc de déplacer le curseur et d’introduire ce scrutin dans les départements élisant deux sénateurs.

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier, Billard et Pointereau, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

deux sénateurs

par les mots :

quatre sénateurs

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Je souhaite revenir sur un point qu’a évoqué M. Maurey et qui me paraît essentiel : le fait que certains sénateurs soient élus à la proportionnelle et d’autres au scrutin majoritaire uninominal.

Puisque vous n’avez pas accepté les amendements de suppression de l’article 3, que vous le vouliez ou non, vous allez complètement changer la nature du Sénat puisque, dorénavant, 75 % des sénateurs seront élus à la proportionnelle et 25 % seulement le seront au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Je trouve que c'est dommage parce que la force de notre assemblée tient aussi au fait que les sénateurs ne sont pas uniquement élus sur leur appartenance politique.

La force du Sénat, c'est d'avoir en son sein des hommes et des femmes reconnus et élus directement par leurs pairs. Avec l’abaissement du seuil d’application de la proportionnelle, c’en sera fini : il suffira d'être bien placé sur la liste pour être élu. L’élection ne consacrera donc plus la reconnaissance d’un travail mené sur le terrain, elle reviendra à désigner des apparatchiks.

Il est bien dommage que le Sénat en soit réduit à cela pour une sombre histoire de calcul électoral !

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - À la seconde phrase du dernier alinéa du même article L. 294, les mots : « le plus âgé des candidats » sont remplacés par les mots : « le candidat le plus jeune ».

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 50 rectifié et 46 rectifié ?

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 50 rectifié, qui tend à introduire un scrutin binominal dans les départements élisant deux sénateurs.

Il est certain que ce mode de scrutin favoriserait grandement la parité, et je m'étonne que MM. Maurey et Béchu ne se soient pas empressés d’appuyer cet amendement ! Ils avaient beaucoup plus d'allant lorsqu’il s’agissait de défendre la parité pour les seuls suppléants… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Cet amendement n’est pas conforme à la tradition qui privilégie le scrutin uninominal pour les départements élisant un ou deux sénateurs, une tradition à laquelle la commission est attachée.

Avec l’amendement n° 46 rectifié, M. Cornu nous propose de retenir le scrutin uninominal pour les départements élisant quatre sénateurs. Il va ainsi plus loin que ce qu'avait défendu l'UMP en 2004… Je rappelle que, en 2000, la gauche avait institué la proportionnelle pour les départements élisant trois sénateurs ; la droite a ensuite remonté ce seuil à quatre sénateurs. Aujourd'hui, sans doute un peu par provocation, M. Cornu nous suggère de le relever à cinq sénateurs.

Sa proposition ne me semble pas très sérieuse ; peut-être s’agit-il pour lui de simplement dénoncer le scrutin proportionnel. Je le renvoie aux arguments qui ont été précédemment avancés et qui démontrent ses avantages au regard de la parité et de la représentation des différentes familles politiques.

J'ajoute que, dans un petit département rural élisant trois sénateurs, rien n'empêchera des candidats disposant d’une forte légitimité de déposer une liste et de se faire élire, pour peu que 33 % des électeurs les soutiennent. Je ne doute d’ailleurs pas que, dans ces mêmes départements, des candidats seront élus sans être membres d'un parti politique. En effet, le facteur personnel joue aussi, comme cela a été dit tout à l'heure au sujet de l’excellent président de la commission des lois, qui, notamment grâce à ses qualités, a été élu malgré des conditions difficiles.

Rien n'empêchera des candidats de se déclarer : dans notre pays, la moindre élection suscite toujours beaucoup de candidatures ! Certains de ces candidats seront élus.

M. François Patriat. Il faudra ramer…

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. N'anticipons pas sur ce que donnera ce mode de scrutin et contentons-nous de mettre en place des règles justes, auxquelles la gauche est attachée…

M. Éric Doligé. Ce n'est pas juste parce que c'est la gauche !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. … comme nous l’avions déjà fait en 2000.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le rapporteur, vous sembliez déçu que je n'aie pas pris la parole pour dire tout le bien que je pensais de l'amendement de Mme Lipietz. Sachez que cet amendement, à mes yeux, a un mérite : celui de la cohérence.

Monsieur le ministre, je regrette que vous n’ayez pas daigné répondre à la question que je vous ai précédemment posée : pourquoi vous faites-vous l'apôtre, selon les élections, de modes de scrutin extrêmement différents ?

Vous souteniez le scrutin binominal pour l'élection des conseillers départementaux. S'il est aussi formidable, pourquoi ne pas le mettre en place pour les élections sénatoriales, comme le propose Mme Lipietz. Et pourquoi ne pas l’instituer aussi pour les élections législatives ?

Pourquoi voulez-vous un mode de scrutin différent pour chaque élection ? Pourquoi avancer chaque fois des arguments différents ? Là, il faut un scrutin majoritaire ; d’où le scrutin binominal. Ici, il faut 75 % de sénateurs élus à la proportionnelle. Est-ce ce que vous envisagez aussi pour l'Assemblée nationale ? Personnellement, je n'ai entendu parler, au mieux – ou au pire, je ne sais pas ! –, que de 10 % de députés élus à la proportionnelle. Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures ?

M. Hervé Maurey. Je le redis, l'amendement de notre collègue présente un grand avantage, que je ne retrouve malheureusement pas dans les projets électoraux du Gouvernement : la cohérence.

La seule cohérence que l’on peut y voir, c'est que vous essayez de sauver des sièges. Il y a le feu au lac, comme on peut le constater, dimanche après dimanche, avec des élections législatives partielles qui sont calamiteuses pour le Gouvernement et la majorité ! Vous essayez de sauver des sièges : voilà la cohérence du Gouvernement, et elle n'est pas glorieuse !

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. J’entends depuis un certain temps dans ce débat des propos parfois surréalistes et souvent contradictoires.

Je n’ai pas pour habitude de mettre mon propre cas en avant, mais je veux néanmoins rappeler que j’ai été élue en 2001 à la proportionnelle et que j'étais la seule femme tête de liste.

Mme Odette Herviaux. C'est déjà une bonne leçon pour un certain nombre de nos collègues qui prônent la parité, mais qui feraient bien de la prôner de la même manière au sein de leur propre parti pour les têtes de liste…

Si j'ai été élue en 2001, ce n'est pas parce que j'étais une apparatchik, monsieur Cornu, mais parce que mes pairs ont estimé que j’étais capable de mener une liste. Ce mode de scrutin a été supprimé quatre ans plus tard pour mon département. Avec deux autres collègues, nous avons présenté une liste en 2011, alors que le mode de scrutin était redevenu majoritaire.

On nous dit que nous serions uniquement soucieux de petits calculs, voire de magouilles, mais je peux vous assurer que notre élection en a surpris plusieurs ici… Si nous avons gagné, ce n’était donc pas après avoir fait tourner les logiciels !

Comme le disait Mme Didier, la seule solution qui vaille en démocratie, c'est de recourir le plus souvent possible au mode de scrutin proportionnel.